2. Implications économiques des coefficients
estimés
L'ensemble des estimations faites nous montrent l'apparition
des coefficients significatifs dès l'introduction de la masse
monétaire de base (M1) dans le modèle. Une analyse minutieuse des
résultats des estimations doit donc se faire de manière
progressive en vue de déterminer le meilleur modèle. Ainsi, nous
analysons successivement les différents modèles. Notons que nous
analysons uniquement les résultats de la période 1993 :1 - 2008
:4. Ce d'autant plus que la demi-période 1999 :1 - 2008 :4 ne permet pas
une représentation MVCE ; sauf pour le modèle avec taux
d'intérêt retardé qui n'admet que pour seule valeur
significative la valeur passé du taux directeur.
Le modèle de base forward looking de Taylor a
donné des résultats tous non significatifs. Cependant le
coefficient attaché au terme de l'erreur est significatif. Ce qui nous
permet de conclure que les variables qui permettent d'expliquer la politique
des taux de la BEAC restent à être déterminées.
Cependant Kamgna et al (2009) ayant estimé le même modèle
forward de base de Taylor ont trouvé des résultats significatifs
pour le coefficient d'écart d'inflation et non significatif pour le
coefficient d'output gap. Ces résultats nous montrent que cette
règle définie de cette manière, ne permet pas un bon
ajustement entre les taux simulés par elle et les taux effectifs de la
BEAC. C'est ce que nous confirme le graphique ci-après.
6
5
94 96 98 00 02 04 06 08
taux forward looking estimé taux de la BEAC
Figure n°10 : Taux historiques et
taux forward simple estimé
Le modèle forward prenant en compte la masse
monétaire de base M1 améliore la qualité des
résultats obtenus. Tout d'abord, ce modèle nous permet de noter
un élément significatif dans l'explication de la fixation de son
taux directeur par la BEAC. Ainsi, malgré que les coefficients d'output
gap et d'écart d'inflation demeurent non significatifs, leurs poids dans
le modèle s'améliorent par rapport au modèle
précédent. La significativité de M1 dans ce modèle
(unique paramètre significatif du modèle) montre un coefficient
négatif égal à -2,75. Ce signe ne nous parait pas conforme
au signe attendu. Jusqu'à présent, les résultats montre
que la BEAC ne réagit pas à une déviation de l'inflation
comme le prévoient ses statuts ; mais plutôt à une
déviation de la masse monétaire. Le schéma suivant donne
la représentation graphique des taux simulés à partir de
ce modèle et du taux effectif.
94 96 98 00 02 04 06 08
taux de taylor estimé avec M2 taux effectif de la
BEAC
Figure n°11 : Taux historiques et
taux forward estimés avec M2
L'ajout du différentiel d'inflation avec la France ne
change pas toujours le sort des coefficients d'output gap et d'écart
d'inflation qui sont restés non significatifs. Cependant, le coefficient
relié à la masse monétaire reste significatif mais
à diminuer de poids dans le modèle au profit du
différentiel d'inflation qui est aussi significatif mais avec un poids
très léger (-0,24). Ce qui signifie que l'ajustement du taux
directeur de la BEAC par rapport au différentiel d'inflation avec la
France est très faible. Le signe du différentiel d'inflation est
contraire à celui attendu et sa valeur n'est pas loin de celle
trouvée par Tenou (2002) qui l'a estimée à 0,31.
L'ajustement des taux estimés par ce modèle et les taux effectifs
est apprécié par le graphe ci-après.
94 96 98 00 02 04 06 08
taux estimé avec M2 et diffinf taux de la BEAC
Figure n°12 : Taux historiques et
taux forward estimés avec M2 et différentiel
d'inflation avec la France
L'ajout du différentiel de taux avec la France (ou la
BCE) ne vient que confirmer le fait que cette variable est aussi significative
dans l'explication du taux directeur la BEAC. En fait, elle aussi ne change
rien au sort de l'écart d'inflation et de l'output gap. Cependant le
signe de son coefficient est contraire à celui trouvé par Kamgna
et al (2009). L'introduction de ce différentiel de taux dans le
modèle confirme que la masse monétaire M1, le différentiel
d'inflation et ce différentiel de taux lui-même sont significatifs
à l'explication de la fixation du taux directeur de la BEAC. Son
entrée dans le modèle améliore encore plus l'ajustement
des taux estimés au taux effectifs. D'où la figure ci-dessous.
94 96 98 00 02 04 06 08
taux estimé avec difftaux taux de la BEAC
Figure n°13 : Taux historiques et
taux forward estimés avec M2, différentiel d'inflation et de taux
d'intérêt avec la France
Enfin, l'introduction du taux d'intérêt
retardé d'une période dans le modèle apporte des
résultats notables. Premièrement, ce qui nous marque est
l'apparition de la significativité de l'écart d'inflation avec un
signe positif et la non significativité de la masse monétaire,
l'output gap restant toujours non significatif. Cependant, les trois autres
variables (DIFFINF, DIFFTAUX et TIAO retardé d'une période) sont
significatives. L'analyse de leurs poids respectifs montre que la BEAC pour
fixer son taux d'intérêt tient d'abord compte de son taux à
la période précédente (0,99). Ensuite elle réagit
au différentiel de taux avec la France ou la BCE (0,38) suivi de
l'inflation dans la sous région (0,35) et enfin, elle tient compte du
différentiel d'inflation avec la France (-0,22). Ce modèle
à l'aide des valeurs des critères d'Aikake et de Schwartz (qui
sont les plus petites sur l'ensemble des modèles estimés)
ainsi
que de R2 (qui est le plus élevé), est
arrêté comme la meilleure règle de la BEAC. Raison pour
laquelle nous devons marquer un temps d'arrêt pour apporter plus amples
explications.
Les équations issues de l'estimation de ce modèle
sont les suivantes : + Equation de long terme :
TJAOt = 0,1591 0,0301) - 0,0056 _0,7482)
OPG~_i + 0,2918 G,00Gs)EICEMACt_i + 0,0364 o,ii2s)lnM1t -
0,2876 _7,3394)DIFFINF + 0,0792 i,322i)DIFFTAUXt + 0,9642
io,423)TIAUt_i + /1t
+ Equation de court terme :
?TIAOt = 0,0006 o,o476)?OPGt_l + 0,3248
4,og82)?EICEMACt_l - 0,2203 _o,364l)?lnM1t - 0,2173
_6,g483)?DIFFINFt + 0,3871 6,3444)?DIFFTAUXt + 0,9913
4,326l)ÄTIAOt_l -
1,066 _4,6S4S)e~_l
Notons que les valeurs entre parenthèses
représentent les valeurs calculées de t-student à comparer
aux valeurs tabulées au seuil de 5%. Aussi, les analyses que nous
jugeons importantes sont celles de l'équation de court terme.
L'estimation sur le court terme montre une valeur
négative du coefficient rattaché à l'erreur. Ce qui nous
confirme la spécification MVCE du taux directeur de la BEAC. Le
coefficient attaché à l'output gap est quasiment nul et
statistiquement non significatif. Seuls les coefficients attachés
à l'écart d'inflation, aux différentiels de taux et
d'inflation avec la France ou la BCE et celui de la valeur passée du
taux d'intérêt sont statistiquement significatifs.
Le coefficient d'ajustement partiel du taux
d'intérêt est de 0,9913, ce qui tend à montrer une forte
tendance à fixer le niveau du taux d'intérêt en fonction de
sa valeur passée. Cette valeur du coefficient de lissage du taux
d'intérêt n'est pas éloignée de celles
trouvées par d'autres auteurs. En effet, sur des données
américaines trimestrielles, Williams (1999) trouve un coefficient
d'ajustement partiel de 0,83 (période 1980-1997), Levin et al (1999)
observent une valeur de 0,80 (période 1980-1996). Kozicki (1999) obtient
également une valeur de 0,80 (période 1983-1997). Ces
résultats contredisent la règle simple de Taylor (1993) qui fait
l'hypothèse implicite que la fixation du taux d'intérêt de
court terme est indépendante de la valeur passée de celui-ci.
Concernant le différentiel du taux directeur de la
BEAC, son coefficient de pondération (0,3871) est inférieur
à celui du taux d'intérêt retardé et
supérieur à celui de l'écart d'inflation. Ceci
étant, il ne saurait donc être négligé dans la
prévision du taux de la BEAC.
L'écart d'inflation (0,3248) porte le coefficient le
plus bas parmi les variables significatives en dehors du différentiel
d'inflation. Ce qui est contraire à l'objectif principal de la BEAC
à savoir la stabilité des prix. Selon la théorie
quantitative de la monnaie, MV=PY. Ce qui montre une relation positive entre la
masse monétaire et le niveau général des prix.
Cependant notre modèle présente un coefficient
sur la masse monétaire non significatif. Nous expliquons donc cette non
significativité par le fait que l'action de la masse monétaire
sur le taux directeur est déjà comprise dans l'écart
d'inflation comme le précise la théorie quantitative de la
monnaie.
Pour ce qui est de l'effet du différentiel d'inflation,
il a été présenté plus haut.
Ainsi, ces quatre variables significatives
(EICEMACt_1,DIFFINFt,DIFFTAUXt et
TIA0t_1 permettent de retracer de manière
satisfaisante l'évolution historique de taux directeur de la BEAC. Ce
que nous confirme le graphe ci-dessous :
94 96 98 00 02 04 06 08
taux estimé par TIAO passé taux de la
BEAC
Figure n°14 : Taux historiques et
taux forward estimés avec M2, différentiel d'inflation et de taux
d'intérêt avec la France et valeur passé du TIAO
La non significativité de l'output gap et de la masse
monétaire peut être expliquée par le fait que la BEAC
utilise la croissance de la masse monétaire comme objectif
intermédiaire de sa politique monétaire. Aussi, nous avons vu que
la BEAC de part ses statuts est tenu d'accompagner les politiques
économiques générales élaborées dans
l'union. Cet accompagnement se fait donc à travers le contrôle de
la quantité de monnaie en circulation et non à travers le taux.
L'estimation de la fonction de McCallum au chapitre 3 nous a permis de
comprendre cela. Car à travers cette estimation nous avons vu que la
masse monétaire de la BEAC réagit à l'écart de
production avec un coefficient de réaction égale à 0.12 et
0.18 respectivement pour les périodes 1993 :1-2008 :4 et 1999 :1-2008
:4.
En conclusion la règle monétaire de la BEAC ne
suit pas une règle monétaire simple du type McCallum ou Taylor.
Elle est en fait le combiné de certains éléments de ces
deux règles. Ainsi la règle de la BEAC est obtenue par ajustement
du taux directeur qui prend en compte l'écart d'inflation, les
différentiels d'inflation et de taux avec la France ou la zone Euro
selon l'époque et le niveau passé de ce taux directeur ;
complétée par une réponse de la masse monétaire
à l'écart de production en vue de tenir compte du niveau de
l'activité dans la sous région. Ceci se justifie par le fait que,
les réserves obligatoires qui sont l'instrument par lequel la BEAC
régule la masse monétaire en circulation, jouent un rôle de
soutien et non primordial dans la conduite de la politique monétaire de
cette institution. Il nous reste donc maintenant de présenter les
limites ainsi que les perspectives de notre étude.
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