2. Manquements de la règle de Taylor pour la
BEAC
S'agissant des pays en développement, et
particulièrement des pays africains, les études portant
vérification de la règle de Taylor sont rares. Une tentative a
été faite par Abuka et al (1998) en vue de saisir la fonction de
réaction des autorités monétaires de la Banque Centrale
d'Ouganda. Mais les résultats ne sont pas significatifs. En effet, en
considérant comme variables explicatives les gaps mensuels de production
et d'inflation sur la période 1990 à 1998, en plus de la
constante, ils obtiennent un coefficient de 0,11 pour le gap d'inflation, soit
une valeur relativement faible. S'agissant du gap de production, son
coefficient est négatif (-1,16), ce qui est contraire à la
théorie. En réestimant l'équation avec la prise en compte
de variables du secteur extérieur (la variation des réserves
internationales, le taux de change réel), les résultats obtenus
apparaissent relativement meilleurs, mais ils ne permettent pas une bonne
description de l'historique des taux d'intérêt. Kamgna et al
(2009) en utilisant un modèle cointégré sur les
périodes 1986 :1 - 2006 :4 et 1994 :1 - 2006 :4, trouve des
résultats significatifs suite à l'estimation d'une règle
de Taylor simple de type « forward looking » pour la BEAC. Ces
résultats présentent des coefficients d'écart
d'inflation (1986 à 2006 f = 0,71 ; de
1994 à 2006 / = 1,345 ) et d'output gap (1986 à
2006 /3, = 0,18 ; de 1994 à 2006 /3, = 0,162 )
significatifs.
Tout comme les travaux d'Abuka et al (1998) et contrairement
aux résultats de Kamgna et al (2009), les résultats d'estimation
que nous avons obtenus sont non significatifs à l'exception de
l'écart d'inflation de l'équation de court terme de la
période 1993 :1 - 2008 :4 . L'estimation de long terme pour la
période 1993 :1 - 2008 :4 nous montre que l'explication de la fixation
du taux directeur par la BEAC se trouve dans le résidu. L'introduction
du résidu dans la fonction de court terme permet de décrire
correctement l'historique des taux de cette institution et révèle
un coefficient d'écart d'inflation significatif, celui de l'output gap
restant non significatif. Ces observations nous permettent de dire sans ambages
que la fixation du taux directeur de la BEAC est expliquée en grande
proportion par d'autres variables qui sont résumées dans le
résidu. La place de l'écart d'inflation étant très
petite tandis que celle de l'output gap est nulle. Ainsi, l'estimation d'une
fonction qui prend en compte des arguments additionnels s'impose.
Cette section nous a permis de comprendre que la fixation du
taux directeur de la BEAC ne suit pas une règle traditionnelle de
Taylor. A l'aide d'une estimation par la Méthode Vectoriel à
Correction d'Erreur, nous avons pu retenir la non significativité du
coefficient d'output gap et un coefficient d'écart d'inflation
statistiquement significatif et négatif avec un poids très
faible. Cependant, sur la période 1993 :1 - 2008 :4, l'observation des
courbes des résidus sur le long et le court terme nous permet de
conclure que le taux directeur de la BEAC est expliqué en grande
proportion par le résidu de l'équation de long terme. Etant
donné que le résidu est composé d'un ensemble de variables
qu'il faut encore expliciter, nous devons donc le décomposer afin de
ressortir les variables qui permettent de comprendre la conduite de la
politique monétaire par la BEAC.
Règle activiste de politique monétaire en raison
de sa prise en compte de l'inflation et du niveau de l'activité, la
règle de Taylor est une règle qui a fait l'objet de nombreuses
études tant dans les pays développés que sous
développés. Considérant comme instrument le taux
d'intérêt directeur de la Banque Centrale, cette règle a
connu un nombre important de critiques qui ont conduit à une
reformulation de cette règle par Goldman Sachs en 1996. Malgré
tout, elle est restée la règle la plus usitée dans les
analyses de comportement des Banques Centrales en termes de conduite de
politique monétaire. Ceci à cause de son caractère
systématique et simple. Son estimation a donné des
résultats satisfaisants dans plusieurs pays tant
développés que sous développés. Cependant, son
estimation pour la BEAC a donné des résultats se rapprochant de
ceux d'Abuka et al (1998) pour la Banque Centrale d'Ouganda et
différents de ceux de Kamgna et al (2009) pour la BEAC. Ainsi, les
résultats obtenus sont tous non significatifs excepté le
coefficient d'écart d'inflation, qui, est significatif sur l'estimation
de court terme de 1993 :1 - 2008 :4 ainsi que sur le long terme de 1999 :1 -
2008 :4. Aussi, ces estimations nous informent de ce que les variables qui
permettent d'expliquer la fixation du TIAO par la BEAC se trouvent en grande
proportion dans le résidu. Raison pour laquelle il est urgent de prendre
en compte les spécificités de la CEMAC pour mieux construire une
règle pour la BEAC. Ceci suppose donc une prise en compte des
paramètres additionnels afin d'obtenir la meilleure règle pour la
BEAC.
Cette partie dont l'objectif était de montrer que la
règle est au coeur de la conduite de la politique monétaire des
Banques Centrales et particulièrement de celle de la BEAC, a retenu
notre attention pour plusieurs raisons. La discrétion monétaire,
de part le coût positif qu'elle entraine, entame la réputation de
la Banque Centrale auprès des agents économiques (perte de
transparence et de crédibilité). Ce coût de la politique
discrétionnaire va conduire à un abandon de la discrétion
au profit de la règle monétaire. Cependant, le débat sur
le type de règle qui doit être retenu pour expliquer le politique
monétaire conclut sur la primauté des règles activistes
sur les règles automatiques. En conclusion au débat règle
d'instrument contre règle de ciblage, il a été
arrêté que les règles d'objectif font appel à des
règles d'instrument et ceci de façon implicite. D'où
l'adoption des règles d'instrument surtout que celle de ciblage posent
un problème de transparence et de responsabilité de la part des
autorités monétaires. Ainsi, les règles activistes
d'instrument s'obtiennent par un programme d'optimisation d'une fonction de
perte de la Banque Centrale. Parmi les règles activistes d'instruments
qui existent, celle de Taylor a retenu notre attention et a fait l'objet d'une
estimation pour la BEAC. L'estimation de cette règle s'est
révélée satisfaisante dans de nombreux pays qu'ils soient
du Nord ou du Sud. Cependant, les résultats que nous avons obtenus pour
la BEAC montrent une nécessité de prendre en compte d'autres
éléments pour pouvoir définir une règle pour la
BEAC. Surtout que les coefficients d'output gap et d'écart d'inflation
ont été estimés respectivement non significatif et
significatif avec des valeurs très faibles. En conclusion, la
règle traditionnelle de Taylor est insuffisante pour expliquer le
comportement de la BEAC en termes de conduite de sa politique monétaire.
Ceci étant, nous consacrons la deuxième partie de ce travail
à la recherche de la meilleure règle monétaire de la
BEAC.
Cette partie est essentiellement consacrée à la
recherche de la meilleure fonction de réaction de la BEAC. Cette
fonction, qui sera érigée, dans la mesure du possible, en
règle monétaire de l'institution. Après que la
règle de Taylor nous ait montré ses insuffisances pour ce qui est
de la BEAC, nous intégrons d'autres éléments qui nous
permettent d'obtenir la règle la mieux adaptée. En raison de
l'existence des réserves obligatoires dans la conduite de la politique
monétaire de la BEAC, nous testons la robustesse de la règle de
McCallum et concluons sur sa capacité à traduire le comportement
de la BEAC en termes de conduite de la politique monétaire (chapitre 3).
Cette règle ne présentant pas un objectif d'inflation
affiché, nous formulons dans un quatrième chapitre la
règle que nous estimons être la meilleure pour la BEAC.
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