2. Limites de la règle de Taylor
Selon Verdelhan (1998), La limite fondamentale de
l'équation de Taylor doit être recherchée dans sa
genèse : cette équation est construite pour retracer
l'évolution passée du taux d'intérêt de court terme
en supposant que la banque centrale est sensible à l'écart de
production et aux anticipations d'inflation, sans qu'il soit d' ailleurs
clairement précisé si la présence de l'output gap dans
l'équation signifie que la banque centrale s'assigne également un
objectif explicite de production ou si cette présence se justifie par le
fait que l'output gap a un contenu en information sur l'évolution des
tensions inflationnistes. Pour affirmer le caractère « optimal
» du taux de Taylor, il faudrait supposer, d'une part que le niveau des
taux d'intérêt a été optimal au cours de la
période précédente, d'autre part que les variables prises
en compte suffisent au diagnostic.
Pour Drumetz et Verdelhan (1997), l'équation de Taylor
est très sensible au choix de ses variables de référence.
L'incertitude qui affecte la détermination des niveaux du taux
d'intérêt neutre réel et de « l'output gap » peut
conduire, d'un point de vue rétrospectif, à des
appréciations divergentes quant à l'adéquation de la
politique monétaire aux données fondamentales de
l'économie. Remarquons, d'un point de vue prospectif, que cette
incertitude affaiblit également la portée opérationnelle
de l'équation de Taylor car elle est de nature à susciter des
recommandations divergentes s'agissant de l'orientation à donner
à la politique monétaire. D'après eux, l'équation
de Taylor doit s'analyser comme une fonction de réaction du
Système de réserve fédérale érigée en
règle de décision, à la valeur plus indicative que
normative, ce que reconnaît d'ailleurs implicitement Taylor
lui-même. Compte tenu de ces éléments, il apparaît
que l'application rigide des coefficients initiaux de la règle
à
l'ensemble des pays du G 7 est abusive et affaiblit la
portée indicative de cette règle, de même que la
difficulté à déterminer les valeurs de
référence de l'équation ; Goldman Sachs (1996) cité
par F. Drumetz et A. Verdelhan, 1997.
Pour certains auteurs et en l'occurrence Svensson (1997, 1999)
confèrent à la règle de Taylor un statut théorique.
En effet, ils démontrent à partir des modèles
macroéconomiques bien élaborés, que la règle de
Taylor peut être perçue comme un cas particulier d'une classe de
règles monétaires obtenues comme contrôle optimal d'un
processus de maximisation d'une fonction de perte de la banque centrale.
Selon Kamgna et al (2009), même si la règle de
Taylor décrit de manière assez fidèle le comportement du
taux directeur de la FED, celle-ci ne repose en revanche sur aucun fondement
théorique. Raison pour laquelle Drumetz et Verdelhan (1997) l'ont
qualifiée de fonction de réaction de la FED et remettent donc par
là en cause son caractère de règle monétaire.
Pour P. fève et S. Auray (2003), cette règle
peut être interprétée de deux manières
différentes. Premièrement, elle peut être vue comme ayant
un caractère descriptif dans la mesure où elle permet de
décrire la politique monétaire de la banque centrale. Il s'agit
donc de sa capacité de reproduction des Co-mouvements entre taux
d'intérêt, inflation et output gap. Ce caractère descriptif
lui est reconnu sans ambages. Cependant, le second caractère qui ne lui
est presque pas reconnu est sa normativité. Ces auteurs pensent que la
règle de Taylor ne saurait traduire le comportement de la banque
centrale. Ceci dans la mesure où les méthodes d'identification et
d'estimation de ses coefficients et paramètres sont remises en cause.
Cette règle a connu d'autres critiques comme celle de
McCallum (1997) qui, lui, pense que Taylor, puis les utilisateurs successifs de
sa règle retiennent, pour le calcul du taux neutre à la date
t, des données inconnues à cette date par la
banque centrale à cause de leur délai de calcul, ce qui limite le
caractère opérationnel des résultats obtenus.
La règle de Taylor est une règle activiste de
politique monétaire. Elle a pour instrument le taux
d'intérêt et pour objectif l'inflation et l'évolution de
l'output gap. Cette règle, en plus de sa formulation originelle, a
connue une reformulation générale à savoir celle de
Goldman Sachs (1996) cité par F. Drumetz et A. Verdelhan, 1997. Cette
règle a aussi connue beaucoup de critiques et malgré ces
nombreuses critiques, la règle de Taylor de part sa simplicité et
son caractère systématique reste la plus usitée dans les
analyses de comportement des banques centrales en termes de politique
monétaire. Cependant, la prise en compte des spécificités
des économies conduit dans la plupart des temps à des
résultats différents mais significatifs et donc proches de ceux
obtenus par Taylor. Raison pour laquelle, nous nous intéressons dans la
section suivante au cas de la BEAC afin de conclure sur la pertinence ou
l'impertinence de la règle de Taylor pour ce qui est de cet institut
d'émission monétaire.
3
|