CHAPITRE 2 : INSUFFISANCE DE LA REGLE DE TAYLOR A
TRADUIRE LA POLITIQUE MONETAIRE DE LA BEAC
La règle de Taylor a fait l'objet de plusieurs
études et analyses de politiques monétaires. Elle est aujourd'hui
présentée comme la meilleure règle monétaire
disponible dans la littérature économique. En raison de sa
simplicité et de son caractère systématique, elle a pu
retenir l'attention de plusieurs chercheurs. Cependant, son application
à différentes économies a suscité beaucoup de
critiques. Ces critiques font partie des nombreuses raisons qui nous ont
poussées à tester la robustesse de cette règle pour la
BEAC. Ceci étant, nous nous intéressons dans une première
section à la règle de Taylor elle-même. Sa formulation
théorique ainsi que quelques résultats de son estimation pour
différentes banques centrales. Et dans une seconde section, nous
appliquons cette règle au cas de la BEAC afin de conclure sur sa
capacité à reproduire le comportement de la BEAC en
matière de politique monétaire.
Section 1 : LA REGLE DE TAYLOR : CADRE THEORIQUE ET
RESULTAT
EMPIRIQUE
Taylor (1993) s'est proposé de formuler une
règle pour la FED. Il considère comme instrument le taux
d'intérêt et prend en compte dans sa règle
simultanément le niveau d'inflation et l'output gap12. Ainsi,
Orphanides (2007) définit les règles de Taylor comme suit: «
Taylor rules are simple monetary policy rules that prescribe how a central bank
should adjust its interest rate policy instrument in a systematic manner in
response to developments in inflation and macroeconomic activity. ». Nous
présentons donc successivement le cadre théorique de cette
règle (A) et quelques résultats empiriques de l'estimation de
cette règle au niveau des autres banques centrales (B).
A. Cadre théorique de la règle de Taylor
La règle de Taylor a pour instrument le taux
d'intérêt et pour cibles l'inflation et l'output gap. Seule la
cible d'inflation retiendra notre attention ici dans la mesure où c'est
elle qui justifie l'utilisation du taux d'intérêt comme
instrument. Aussi, nous présenterons les valeurs des coefficients suite
aux différentes estimations.
1. Cible de la règle de Taylor
Ball (1997) définit la cible d'inflation comme la
politique minimisant la variation de l'inflation autour de son niveau moyen.
Ceci implique que la politique suppose égale à zéro la
déviation ou l'écart de l'inflation anticipée sur deux
périodes. Une cible d'inflation stricte est une politique efficiente par
définition ; elle minimise la somme pondérée des
variations de l'output et de l'inflation. D'après Mishkin (1999), les
cibles d'inflation impliquent plusieurs éléments :
12 Ecart de production dont nous donnons plus amples
détails dans la spécification de la fonction de Taylor. Il s'agit
simplement de l'écart entre la production réelle et la production
potentielle.
22
> L'annonce publique de cibles numériques à
moyen terme pour l'inflation ;
> Un engagement institutionnel pour la stabilité des
prix comme l'objectif
primaire de long terme et pour l'achèvement de cet
objectif d'inflation ;
> Une stratégie inclusive d'information, avec un
rôle réduit pour les cibles
intermédiaires comme la croissance monétaire ;
> Une transparence accrue de la stratégie de politique
monétaire à travers la communication avec le public et les
marchés ;
> Une responsabilité accrue de la banque centrale pour
atteindre ses propres objectifs d'inflation.
Les cibles d'inflation présentent plusieurs avantages dont
:
> En contraste avec les cibles de taux de change, mais
comme les cibles monétaires, les cibles d'inflation permettent à
la politique monétaire de se focaliser sur des considérations
domestiques et de répondre aux chocs sur l'économie domestique
;
> Elle permet aux autorités monétaires
d'utiliser toute l'information disponible, et pas seulement une variable, pour
déterminer les meilleures positions de la politique monétaire
;
> Elles sont aussi rapidement comprises par le public et sont
hautement transparentes ;
> Elle a le potentiel de réduire les pressions
politiques sur la banque centrale et par conséquent réduire la
vraisemblance d'avoir une politique conduite de manière inconstante dans
le temps
Nonobstant ces multiples avantages l'adoption des cibles
d'inflation a connu plusieurs critiques parmi lesquelles nous avons :
> L'imparfaite contrôlabilité de l'inflation par
les autorités monétaires ;
> Impossibilité d'atteinte d'une cible ponctuelle en
matière d'inflation à cause
des chocs d'origine non monétaire, des délais de
transmission des mesures de
politique monétaire et des erreurs inévitables de
prévisions de banque centrale ; > Interpréter une cible
d'inflation comme une règle est incorrecte et s'oppose à
une confusion créée par le débat
règle contre discrétion. Une cible d'inflation
actuellement pratiquée est loin d'être une
règle rigide.
Après cette présentation de la cible
d'inflation, nous pouvons donc dire que les cibles d'inflation valent la peine
d'être fixée mais seulement après un certain succès
de désinflation (exemple du Chili, septembre 1990). Ainsi, le Conseil
des Gouverneurs de la Banque Centrale Européenne (communiqué de
presse BCE, 1998) définit la stabilité des prix comme une
progression sur un an de l'indice des prix à la consommation
harmonisé (IPCH) inférieure à 2% dans la zone euro, J. C.
Bricongne et J. M. Fournier (2008). Ce qui n'est pas le cas de la Federal
Reserve (FED) qui elle réagit plutôt au niveau du chômage et
du dysfonctionnement des marchés financiers (exemple de la crise des
subprimes 2007).
Notons aussi que la stabilité des prix bien
qu'étant le principal objectif de la BCE n'est pas le seul. Raison pour
laquelle afin d'atteindre son objectif de stabilité des prix, la BCE
s'est fixée selon Bricongne et Fournier (2008) une stratégie
à « deux paliers » :
> Un premier pilier assignant un rôle de premier plan
à la monnaie (signalé par l'annonce de la valeur de
référence pour la croissance de l'agrégat monétaire
large M3) ;
> Un second pilier consistant en une analyse fondée sur
une large gamme d'autres indicateurs économiques et financiers.
Nous constatons donc que les cibles d'inflation sont celles qui
permettent une bonne conduite de la politique monétaire. En d'autres
termes c'est la pire cible en dehors des autres.
La stabilité des prix n'est pas le seul objectif des
banques centrales aujourd'hui car elles prennent aussi en compte le niveau
d'output gap. Ces différents éléments nous amènent
à formuler la règle de Taylor dont nous présentons
ci-dessous la spécification mathématique.
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