2.1.1.2. Les différentes conceptions
2.1.1.2.1. Klein (1921), Lorenz (1931), Harlow (1940),
Winnicott (1944), Spitz (1957), Bowlby (1969),
La Théorie de l'attachement est formulée par Bowlby
après les travaux de plusieurs auteurs.
Selon Klein (1921), c'est l'existence d'un
dualisme pulsion de vie/pulsion de mort dès la naissance qui organise
les premiers stades du psychisme de l'enfant.
0-10,12mois : Position schizo-paranoïde ;
Dès la naissance, le Moi partiellement constitué du
bébé est capable :
- d'éprouver de l'angoisse suscitée par le conflit
pulsion de vie/pulsion de mort,
- d'employer des mécanismes de défense,
- d'établir des relations primitives d'objets aussi bien
dans les fantasmes que dans la réalité.
10-18mois : Position dépressive ; Fusion
des bon et mauvais objets partiels, objet total : la mère.
Angoisse dépressive et culpabilité
(manifestation d'un Surmoi naissant) car l'enfant prend conscience de ses
propres aspects bons et mauvais ce qui provoque une angoisse, celle
d'endommager la personne dont il a le plus besoin (la mère).
Intervention de la fonction paternelle pour réparer l'objet interne
maternel fantasmatiquement endommagé par l'agressivité.
La théorie du comportement instinctif a
été formulée à partir des travaux de
Lorenz (1931) - en éthologie - par le
phénomène
d'empreinte. Il y a empreinte à un individu, pas
à une espèce. << Le phénomène de l'empreinte
(qui n'est pas vérifiable chez l'enfant humain pour des raisons
d'éthique), démontre qu'au moins chez certaines espèces
des liens peuvent se développer et persister entre individus sans que
soient nécessairement satisfaites les tendances physiologiques
habituellement prises en considération et malgré
d'éventuelles punitions ». Le terme d'empreinte, utilisé
dans le sens générique, implique toujours :
> le développement d'une préférence
clairement définie qui s'instaure précocement, au cours d'une
phase limitée du cycle de vie ou période critique ;
> une préférence qui, une fois établie,
reste comparativement fixe. Exemple : Aussitôt après sa
naissance, le caneton suit la première << Gestalt >> en
mouvement qu'il aperçoit, va l'adopter comme objet d'amour et comme
représentant de son espèce.
Harlow, éthologiste américain
dans les années 1930-1940 présentait à des jeunes macaques
rhésus deux mères substitutives : l'une faite de fil de fer mais
pourvue d'un biberon de lait, l'autre sans biberon mais recouverte de fourrure.
Les bébés singes se précipitaient vers cette
dernière, préférant le contact et la chaleur du pelage au
lait. Harlow parle de l'indépendance du besoin
alimentaire et du besoin de contact physique. Il a démontré que
le besoin de contact, la recherche de proximité avec la mère
prime la faim, et ce contact avec la mère est le facteur essentiel du
développement ultérieur. Harlow
énumère des
variables favorisant l'attachement : le réconfort du
contact, la température de la mère, l'allaitement et le
mouvement.
Winnicott (1944) a développé le
holding : manière dont l'enfant est porté par la mère,
mais également soutenu, maintenu et contenu et le handling :
manière dont il est traité, manipulé physiquement mais
aussi psychiquement, manière dont il est pensé dans la tête
de sa mère. Il a aussi parlé du rôle de pare-excitation de
la << mère suffisamment bonne >> : en faisant en sorte
<< d'inclure en elle les pulsions instinctuelles puissantes >>, la
mère apprend à son bébé que les expériences
instinctuelles ne sont pas nécessairement destructrices. << Dans
le fantasme du bébé, le corps de la mère est
déchiré afin de pouvoir arriver aux bonnes choses et à
leur incorporation>>. L'amour brut, l'attaque agressive, le souci, la
tristesse, le désir de réparer, de construire et de donner,
forment une séquence naturelle qui constitue une expérience
essentielle de la petite enfance et de l'enfance. Cette séquence ne
peut, pourtant, devenir réalité que si la mère, ou la
personne qui la remplace, est capable de vivre ces phases avec le
bébé, rendant possible l'intégration des divers
éléments. C'est la mère qui << sépare, pour
le bébé, la réalité du fantasme enrichissant
>>.
Selon Spitz (1957), les organisateurs de la vie
psychique sont :
- sourire (à 3 mois), les parents saisissent ce que le
bébé vit
subjectivement et ce dernier ressent l'affection que ceux-ci
voudraient lui attribuer.
- Angoisse de l'étranger (8 mois), exprime le processus
actif de séparation avec la mere dont l'image est
intériorisée.
- Non (18 mois), signifie l'accession à la totale
distinction d'avec la mère, réelle rentrée dans le monde
des interactions sociales avec interlocuteur capable de s'opposer à
l'autre.
L'établissement de la relation objectale selon Spitz se
déroule en trois stades :
· Stade préobjectal (méconnaissance du
monde extérieur, renforcement de la barrière protectrice contre
les stimuli externes, seule nécessité étant la
satisfaction des besoins instinctuels internes)
· Stade précurseur de l'objet (prise de conscience
de la réalité externe, priorité à la perception de
cette réalité)
· Stade de l'objet libidinal (objet externe reconnu comme
différent et investi)
La théorie de l'attachement de Bowlby (1969)
s'est progressivement enrichie ; actuellement, elle dépasse la
dyade mère-enfant pour englober les relations avec les autres membres de
son entourage. A mesure que l'enfant grandit, la gamme de son comportement
s'enrichit : sourire, appel, tentative de contact, locomotion, qui ont pour but
la recherche de proximité avec la figure d'attachement. Les
manifestations de l'attachement s'observent non seulement chez les jeunes
enfants mais aussi chez les adolescents autant que chez les adultes.
2.1.1.2.2. Etat actuel des connaissances
2.1.1.2.2.1. Séparations
brèves
Avant 6 mois, la séparation breve n'entraîne
aucune réaction visible. Mais cela ne veut pas dire que le
bébé ne vit pas une détresse émotionnelle.
Après 4 ans non plus, on n'observe pas de réactions vives
à la séparation. En revanche, il y a une réponse
immédiate entre 6 mois et 4 ans. Cette réaction peut se
décomposer en 3 phases, qui ressemblent aux observations de
Spitz, en 1957 :
- protestation : au bout de quelques heures,
agitations, cris, pleurs de colère, protestation. Chez les plus
âgés, on peut observer un comportement hostile, à
l'égard des personnes qui s'approchent.
- désespoir : apathie, plus de relations avec
l'extérieur, ne pleure plus, immobilité, sans réactions,
ne s'alimente plus. Cet état reproduit la dépression de
l'adulte.
- détachement : si la durée de
séparation est trop importante, l'enfant se conduit avec la mère
comme avec une étrangère et peut s'attacher à un
étranger. Si au moment où l'enfant semble être
détaché de sa mère, elle revient, on note ensuite un
surcroît des comportements d'attachement : il anticipe les initiatives de
séparation de sa mère retrouvée.
2.1.1.2.2.2. Les hospitalisations
répétées et durables
Elles peuvent engendrer des difficultés d'adaptation
à long terme. Il existe des différences interindividuelles
marquées : certains supportent mieux que d'autres (en moyenne, les
garçons supportent mieux que les filles).
Les hospitalisations commençant durant l'année
préscolaire (avant 5-6 ans) sont susceptibles de constituer un facteur
de risque psychologique. Ces problèmes se retrouvent chez les enfants
issus de familles prédisposantes (familles déviantes,
discordantes, conflictuelles, attitudes éducatives
insécurisantes). Il faut également tenir compte des
problèmes de santé justifiant la maladie, qui sont aussi la cause
de la perturbation émotionnelle. On ne peut distinguer la
séparation des autres facteurs environnementaux.
Le tableau suivant présente les types d'attachement,
leur prévalence approximative et les réactions des enfants
à ces situations. On peut constater, en se référant aux
pourcentages du tableau, que la majorité des parents réussissent
à créer un lien d'attachement sécure avec leurs enfants.
Lorsque l'on parle d'attachement sécure, il ne faut pas oublier que ni
les parents, ni les enfants ne sont parfaits et que, par conséquent, le
lien d'attachement sécure ne peut l'être non plus. Mais si le
parent répond la plupart du temps de manière adéquate aux
besoins de son enfant, le lien d'attachement sécure pourra se
développer.
Tableau I : Types d'attachement selon la prévalence
à l'âge de 1 an
Type d'attachement
|
Prévalence à l'âge de un
an
|
Description
|
Attachement sécure
|
60-70 %
|
L'enfant est explorateur lorsque sa maman est dans la
pièce. Il proteste lors de la séparation avec elle et accueille
avec plaisir son retour, recherchant son contact physique et son
réconfort et peut reprendre son exploration. Ce type d'attachement est
associé à la disponibilité de la mère et à
sa sensibilité envers les besoins de son bébé.
|
Attachement insécure évitant
|
15-20 %
|
L'enfant ignore la mère lorsqu'elle est
présente et évite la proximité avec elle lors de son
retour. Ce type d'attachement est associé à des interactions
intrusives et rejetantes de la part de la mère, surtout lorsque l'enfant
présente une vulnérabilité émotionnelle.
|
Attachement insécure ambivalent
|
10-15 %
|
L'enfant explore peu lorsque la mère est dans la
pièce; il demeure proche d'elle et fait preuve de détresse lors
de la séparation. Au retour de la mère, on assiste à un
mélange de contacts physiques et de rejet de la part de l'enfant. Ce
type d'attachement est souvent associé à une incohérence
des réponses de la mère qui alternent entre disponibilité
et rejet.
|
Attachement insécure désorganisé
|
5-10 %
|
Confusion quant à approcher ou à éviter
la mère lors du retour de celle-ci; l'enfant a un comportement
dépourvu de stratégie cohérente; il est
débordé par l'angoisse et n'arrive pas à obtenir de
soulagement à sa détresse. Ce type d'attachement est souvent
associé à de la maltraitance.
|
|
|