1.2.2.2. Voies de recours extraordinaires
Nous venons de voir comment on peut obtenir un jugement en
matière civile, tant au premier degré qu'au second degré,
c'est-à-dire après avoir épuisé les voies de
recours ordinaires : opposition et appel.
D'après NKONGOLO (2003 : 163), le jugement ainsi
obtenu doit être exécuté en faveur des parties qui l'ont
gagné en tout ou en partie, contre celles que l'on a perdues en tout ou
en partie. Nous avons pris soin d'énumérer ces parties tant au
pénal qu'au civil, c'est-à-dire les personnes qui y
étaient présentes, représentées ou qui
étaient dûment appelées : le prévenu, le MP, la
partie civile, la partie civilement responsable, le demandeur, le
défendeur, leurs héritiers, ayant cause et même les
créanciers chirographaires.
Nous avons également dit que les juges, même
ceux du degré d'appel qui réexaminent pour la seconde fois la
cause, ne sont pas à l'abri de l'erreur ; c'est pour cette raison
que le législateur a prévu des voies de recours extraordinaires,
soumises à des conditions très strictes en vue d'éviter de
remettre indéfiniment en cause la solution définitive du litige
si peu équitable qu'elle soit.
Ces voies de recours extraordinaires s'exercent, les unes
devant la juridiction qui a rendu la décision attaquée, et les
autres devant une juridiction supérieure comme nous le verrons. Les uns
ont un effet suspensif de la décision attaquée, les autres ne
suspendent pas l'exécution mais aux risques et périls de la
partie qui exécute, et d'autres enfin ne suspendent qu'à
certaines conditions et dans certaines circonstances tel le pourvoi en
cassation en matière de droit privé qui suspend
l'exécution de la décision entreprise, au cas où celle-ci
modifie l'état des personnes (art. 41 de l'Ordonnance-Loi n° 82-017
du 31 mars 1982 relative à la procédure devant le CSJ, JO,
n° 7 du 1er avril 1982, p. 11 ou 14 CSJ).
a) Tierce opposition
Toute personne justifiant d'un intérêt peut
intervenir dans un procès. Les parties au procès peuvent appeler
en intervention un tiers dont elles estiment la présence
nécessaire. L'intervention d'un tiers peut être provoquée
d'office par le tribunal. Cette intervention volontaire ou forcée a pour
effet de rendre le jugement opposable à ce tiers.
Mais il peut arriver qu'un jugement cause préjudice
à un tiers lors d'un procès auquel ni lui, ni ceux qui le
représentent n'étaient appelés. Un recours a
été ouvert à ce tiers pour obtenir la rétractation
ou la reformation du jugement qui lui cause préjudice et éviter
ainsi les effets d'un litige qui ne le concerne pas.
La tierce opposition est donc une voie de recours
extraordinaire de rétractation ou de réformation ouverte à
une personne à qui un jugement lors duquel ni elle, ni ceux qui la
représentent n'étaient appelés.
Selon NKONGOLO TSHILENGU (2003 : 164), il existe deux
sortes de tierce opposition :
- La tierce opposition qualifiée de
principale, c'est-à-dire celle qui est
formée contre un jugement qui cause un préjudice au
tiers ;
- La tierce opposition incidente,
c'est-à-dire celle qui est formée contre une contestation dont un
tribunal est saisi et pour prouver cette contestation un jugement est produit
par une partie au procès et ce jugement cause grief à la partie
adverse qui n'était pas appelée au procès qui conduit
à ce jugement ni personne pour elle.
La tierce opposition est formée :
1°. Par l'action principale devant le tribunal qui a
rendu le jugement attaqué, elle se fait par assignation dans les formes
et délais prescrits en matière de droit privé ou
matière civile ;
2°. La tierce opposition incidente est
formée :
· Par voie de conclusion si la contestation est
examinée par un tribunal égal ou supérieur à celui
qui a rendu la décision attaquée.
· Par action principale, si le tribunal qui a rendu le
jugement attaqué en cours d'instance n'est ni égal ni
supérieur à celui qui statue sur la contestation, le tribunal
devant lequel le jugement attaqué est produit, peut suivant les
circonstances, passer outre ou surseoir (art. 83 CPC).
Aucun délai n'est prévu pour
formé la tierce opposition. On peut ainsi déduire que la tierce
opposition est une action qui existe aussi longtemps que le préjudice
dure. Et la prescription en matière civile et de trente ans. La tierce
opposition n'est pas suspensive de l'exécution du jugement à
moins que à la requête d'une partie, le tribunal saisi n'en
décide autrement. Si la tierce opposition est
reçue, le jugement attaqué est reformé uniquement dans la
partie ou elle cause préjudice au tiers et non pour le surplus qui
valable entre les parties.
2. Requête civile
La requête civile est une de recours extraordinaire
ouverte aux parties au progrès ou aux personnes qui y étaient
dûment appelées et leurs permettant de demander au tribunal qui a
rendu la décision de mettre à néant, pour des causes
limitativement énumérées, les jugements contradictoires et
par défaut non susceptibles d'opposition rendus en dernier ressort par
les Tribunaux de Grande Instance et les Cours d'Appel art.85.C.PC.
Les jugements contradictoires et par défaut non
susceptible d'opposition rendus en dernier ressort peuvent être mis
à néant pour les causes suivantes :
· S'il y a eu dol personnel, c'est-à-dire les
manoeuvres frauduleuses utilisées par la partie qui a gagné le
procès ou son avocat et qui ont été déterminantes
pour entraîner l'intime conviction des juges ;
· Si l'on a jugé sur pièces reconnues ou
déclarées fausses depuis le jugement, par exemple un faux
certificat d'enregistrement ;
· S'il y a contrariété de jugement en
dernier ressort entre les mêmes parties, sur les mêmes moyens, dans
les mêmes cours et tribunaux ;
· Si, depuis le jugement, il a été
recouvré des pièces décisives et qui avaient
été reconnues par le fait de la partie.
Le délai pour former la requête civile est de 3
mois à dater du jour où le fait qui donne ouverture à ce
recours a été découvert. Ce délai ne court pas
contre les mineurs et les interdits pendant la durée de leur
minorité ou de leur interdiction.
Ce délai est prorogé de six mois en faveur des
héritiers d'une partie qui avait droit avant l'expiration du
délai de 3 mois.
Les conditions pour former la requête civile
sont d'abord, consulter 3 avocats exerçant depuis 5 ans au moins
près un ou des tribunaux du ressort de la CA dans lequel le jugement
entrepris a été rendu, ensuite, cette consultation devra contenir
une déclaration dans laquelle les 3 avocats sont d'avis que la
requête civile est fondée et enfin la consultation devra contenir
le libellé des moyens.
En termes d'effets, si la requête civile est admise, le
jugement est mis à néant et le tribunal saisi statue sur le fond
(art. 94 du CPP). La requête civile n'est pas suspensive de
l'exécution du jugement attaqué, et nulle défense à
exécuter ne peut être exécutée, ne peut être
accordée (art. 90 du CPC). L'exécution se fait cependant aux
risques et périls de la partie qui a exécuté au cas
où le jugement exécuté viendrait à être mis
à néant. S'il n'y a ouverture que contre un seul chef de
jugement, ce seul chef sera rétracté ; à moins que
les autres chefs n'en soient dépendants (art. 86 du CPC).
3. Prise à partie
La prise à partie n'est pas à confondre avec la
récusation d'un magistrat du siège ou du parquet pour l'une des
causes limitativement énumérées à l'article 71 du
COCJ et qui refuse de se déporter.
La prise à partie est une voie de recours
extraordinaire permettant à une partie au procès d'attaquer,
devant la CSJ, un magistrat pour dol ou concussion commis soit dans le cours de
l'instruction, soit lors de la décision rendue ou pour déni de
justice, et ce, en vue d'obtenir la mise à néant de toute la
procédure à laquelle ce magistrat a participé et
éventuellement les DI prononcés à sa charge.
L'ouverture de ce recours extraordinaire est soumise aux deux
conditions suivantes :
· L'existence de dol ou concussion dans le chef du
magistrat mis en cause au cours de l'instruction ou lors de la décision
rendue (art. 146 du CPC L II).
· L'existence de déni de justice, et il y a
déni de justice lorsque les magistrats refusent de procéder aux
devoirs de leur charge ou lorsqu'ils négligent de juger les affaires en
état d'être jugées (art. 59 al. 1 du CPCSJ). Le déni
de justice est constaté par 2 sommations faites par l'huissier et
adressées au magistrat mis en cause à 8 jours d'intervalle au
moins.
Pour prendre à partie un magistrat, il faut une
autorisation du président de la CSJ. Le président est saisi par
une requête, cette requête doit être signée par un
avocat à la CSJ, elle doit être datée et mentionne le
nom, prénom, qualité, demeure ou siège du
requérant, le nom, prénom, qualité, demeure ou
siège de la partie adverse, l'objet de la demande (art. 1 et 2 u CPCSJ),
les prétentions aux DI, l'annulation éventuelle des arrêts,
jugements, ordonnances, PV et autres actes attaqués (art. 61 du
CPCSJ).
Le président statue sur la requête après
avis du Procureur Général de la République, le
président statue par ordonnance (art. 62 CPCSJ). L'ordonnance autorisant
ou rejetant la prise à partie est signifiée au magistrat et au
requérant. En cas de rejet, le requérant peut
réitérer sa requête en évoquant des carences ou des
faits nouveaux, mais si sa requête est rejetée, il est
condamné aux frais, mais si la requête est acceptée,
à dater de la signification de l'ordonnance autorisant à
poursuivre le magistrat jusqu'à l'expiration du délai utile pour
exercer les poursuites, le magistrat pris à partie s'abstient de
connaître toute cause concernant le requérant, son conjoint ou ses
parents en ligne directe, sous peine de nullité de tout acte,
arrêt ou jugement auquel il aura pris part. L'intervention du
président dans la procédure préalable à la prise
à partie n'est pas une cause de récusation dans la
procédure ultérieure de la prise à partie.
Si la requête est admise, elle est
signifiée au magistrat pris à partie. Ce magistrat dispose d'un
délai de 15 jours à dater de la signification pour
présenter ses moyens de défense. Il peut saisir
l'opportunité pour introduire une action reconventionnelle en
dommages-intérêts pour une prise à partie
téméraire et vexatoire. L'Etat est civilement responsable des DI.
L'Etat est civilement responsable des DI auxquels le magistrat pourra
être condamné (art. 66 du CPC SJ).
La CSJ statue si la prise à partie est fondée,
elle annule tous les actes de procédure : ordonnance, jugements,
arrêts auxquels ce magistrat a pris part, et le condamne, s'il
échet, aux DI solidairement avec l'Etat, son civilement responsable. Si
la prise à partie n'est pas fondée, la Cour Suprême de
Justice pourra condamner le requérant à une amende qui
n'excède pas (100 FC) et s'il y a lieu, aux DI en faveur du magistrat
pour une action téméraire et vexatoire (art. 67 CPC SJ).
4. Révision
La révision est une voie de recours extraordinaire
introduit à la CSJ et tendant à faire redresser une erreur
judiciaire entachant une décision judiciaire répressive,
passée en faveur de quelque chose jugée, et partant, sur une
infraction punissable d'une SP supérieure à deux mois quelle que
soit la juridiction qui a statué et la peine qui a été
prononcée.
Ainsi, pour demander la révision, il faut que deux
conditions soient réunies : il faut un jugement rendu au
pénal et passé en force de chose jugée et que les faits
qui ont donné lieu à la condamnation soient punissables d'une SP
supérieure à 2 mois.
NKONGOLO TSHILENGU (2003 : 172) ajoute en ce terme que
si les faits qui ont donné lieu à la condamnation sont
punissables d'une SP égale ou inférieure à 2 mois, et
à plus forte raison à une peine d'amende, la révision
n'est pas possible.
La révision est demandée lorsque :
· Après une condamnation, un nouvel arrêt
ou jugement aura condamné pour les mêmes faits un autre
prévenu, et que les deux condamnations ne pouvant se concilier, leur
contradiction sera la preuve de l'innocence de l'un ou de l'autre
condamné,
· Après une condamnation, un des témoins
entendus aura été poursuivi et condamné pour faux
témoignage ;
· Après une condamnation pour homicide, il existe
des incidents suffisants de nature à faire croire à l'existence
de la prétendue victime de l'homicide ;
· Après une condamnation, un fait viendra
à se révéler ou des pièces inconnues lors des
débats viendront à être présentées et que ce
fait ou ces pièces sont de nature à établir l'innocence du
condamné.
Le droit de demander la révision appartient :
- Pour les hypothèses prévues sub 1) et 2),
c'est-à-dire un nouveau jugement condamnant pour les mêmes
faits un autre prévenu et la condamnation d'un témoin pour faux
témoignage au ministre ayant en charge la justice, au
condamné ou à son représentant en cas d'incapacité,
de mort ou d'absence déclarée, à son conjoint, à
ses descendants, à ses ascendants, à ses ayants-droit coutumiers
et à ses légataires universels ;
- Pour les hypothèses prévues sub 3) et 4),
c'est-à-dire l'existence de la prétendue victime de l'homicide
et l'existence d'un fait ou des pièces susceptibles d'établir
l'innocence du condamné : au seul ministre ayant en charge la
justice, soit d'office soit à la requête des personnes
citées sub 1°. Le ministre ayant en charge la justice devra prendre
avis d'une commission composée de :
· 2 conseillers de la CSJ,
· 2 conseillers de la CA de Kinshasa,
· 3 avocats ayant une ancienneté d'au moins 10
ans aux barreaux.
4. SAISINE DE LA CSJ (art. 72 CPCSJ)
La CSJ est saisie :
a°. Par le procureur général de la
République sur injonction du ministre ayant la justice en
charge ;
b°. Par requête des parties dans l'hypothèse
sub 1° et 2°, c'est-à-dire un nouveau jugement qui condamne un
autre prévenu pour les mêmes faits et la condamnation d'un
témoin pour faux témoignage.
5. Pourvoi en cassation
Eu égard à l'importance de ce recours
extraordinaire, considéré à tort par les justiciables de
notre pays comme un troisième degré de juridiction, et compte
tenu de sa particularité qui sera consacré autour de notre
thème de recherche « Perception de la population sur
le pourvoi en cassation : cas de la Cité de Bunia »,
nous allons y réserver tout un chapitre.
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