3.2.3. CONSEQUENCES JURIDIQUES DE L'EXECUTION DES JUGEMENTS
1. JUGEMENT RC 1309/1333/1500 ET RC 1530.
En exécution du jugement RC 1309/1333/1500 et RC 1530,
les immeubles de B inscrit respectivement sous le numéro S.R 142 du plan
cadastral de DJUGU, le S.R 580 du plan cadastral de DJUGU et S.U 444 du plan
cadastral de Bunia furent saisis. après publicité faite par
affichage et radio CADIP en vertu de l'ordonnance prise par le président
du tribunal de Grande Instance de l'Ituri à Bunia en date du 14 mars et
du 7 juin 1995 , la vente publique des immeubles ci - haut
référenciés fut organisée par le notaire de Bunia,
le 8 juillet 1995.
Monsieur C acheta un terrain destiné à usage
agricole et d'élevage inscrit au plan cadastral de Djugu au prix de
10.000$. Monsieur D acheta un terrain destiné à usage agricole et
d'élevage inscrit au plan cadastral de Djugu sous S.R 580. Monsieur D
quant à lui acheta un terrain situé à Bunia et inscrit au
plan cadastral sous S.U. 444.
Forts des actes d'adjudication, les trois
précités se présentèrent chez le conservateur des
titres immobiliers qui leur délivra des nouveaux certificats
d'enregistrement. Par la suite, ils assignèrent l'ancien
propriétaire, Monsieur B pour obtenir son déguerpissement. Ainsi,
par son jugement RC 2270, le tribunal de grande Instance ordonna le
déguerpissement de B de la concession S.R. 142 de la circonscription
rurale de Djugu et de tous les siens. L'exécution provisoire de ce
jugement fut ordonnée et confirmée par le Cour d'Appel de
Kisangani sous le RCA 3141 du 21 décembre 1995. Il en fut de même
pour les deux autres immeubles dont référence ci - haut.
B étant décédé, ses
héritiers ont attaqué le juge X par la procédure de la
prise à partie, par devant la Cour Suprême de justice qui, par son
arrêt R.P.P 147 du 07 mars 2004, a mis à néant le jugement
RC 1309/1333/1580 rendu le 31 aout 1994 par le Tribunal de Grande Instance de
Bunia et a condamné le juge solidairement avec son civilement
responsable, La République Démocratique du Congo au payement de
375 000 FC de dommages et intérêts en faveur de la succession
B.
Forte de cet arrêt, la partie B a assigné les
adjudicataires à savoir D , C et D aux fins d'obtenir leur
déguerpissement des concessions et immeubles qu'ils achetèrent
comme relaté ci-haut. Ces causes furent inscrites respectivement sous le
RC 3957/3959 du Tribunal de Grande Instance de Bunia.
2. JUGEMENT RC 3957/3958/3959.
Sous le RC. 3957/3958/3959, la partie B constituée en
une société privée à Responsabilité
limitée a assigné respectivement les défendeurs D, C et D
pour entendre dire qu'elle est l'unique propriétaire des concessions
S.R 142 du pan cadastral de DJUGU, S.R. 572 et S.R 580 du plan cadastral
d'Irumu et enfin de la parcelle S.U 444 du plan cadastral de Bunia. Elle a
sollicité la condamnation de chacun au déguerpissement et au
payement à titre de dommages et intérêts de la somme de
1 000.000 $.
Voici le dispositif du jugement rendu en date du 4 juillet
2007 par le Tribunal de grande Instance de BUNIA : « Le
tribunal de grande instance de Bunia, siégeant en matière civile
et commerciale reçoit les chefs de demande relatifs à la
confirmation de sa qualité de propriétaire des concessions S.R
579 et S.R 580 du plan cadastral du territoire d'Irumu S.R. 142 du plan
cadastral du territoire de Djugu et S.U. du plan cadastral de Bunia ainsi qu'au
déguerpissement des défendeurs D, C et D et les déclarent
fondés . En conséquence, dit que l'arrêt R.P.P. 147 a remis
la demanderesse dans ses droits de propriétaire sur les concessions et
immeubles querellés, et ordonne le déguerpissement des
défendeurs des lieux qu'ils occupent suite à la vente publique
du 8 juillet 1995. Dit non recevable le chef de demande relatif aux dommages et
intérêts car formulé en monnaie étrangère.
Dit que l'exécution provisoire de la présente décision ne
sera pas ordonnée».
Ce dispositif du jugement, vu sous l'angle des
conséquences de l'exécution renseigne si clairement que le
bénéficiaires de l'exécution voient l'équation
inversée. Au fait, comme l'a dit le jugement l'arrêt RPP 147 a
remis la partie B dans ses droits de propriétaire sur les immeubles et
concessions querellés. Cependant, ces concessions et immeubles sont
couverts par des certificats d'enregistrement. Quel est le sort de ces
certificats ? C'est de ce point que va traiter le point suivant.
3. SORT DES CERTIFICATS D'ENREGISTREMENT
Le principe est posé par l'article 1er de
la loi du 18 juillet 1980 qui dispose : « l'article 227 de la
loi No 73 - 021 du 20 juillet 1973 est modifié et
complété comme suit ». Le certificat d'enregistrement
fait pleine foi de la concession, des charges réelles et
éventuelles, des droits de propriété qui sont
constatés. Ces droits sont inattaquable et les actions dirigés
contre eux ne peuvent être qu'en dommages et
intérêts »
L'alinéa 3 de l'article 227 dispose : «
toutefois les causes de résolution ou de la nullité du contrant
ou de l'acte, l'erreur d'ordonnance d'investiture donnent dans les deux annexes
depuis la mutation, ouverture à une action en rétrocession avec
dommages et intérêts ».
Le code foncier, immobilier et régime de
sûretés fait observé que les deux dispositions
précitées maintiennent la règle d'inattaquable du
certificat d'enregistrement mais uniquement en faveur d'un titre établi
dans des conditions limites ou après l'écoulement d'un
délai de deux ans. La doctrine constante va dans le même sens.
D'après FATAKI WA LUHINDI Défi Augustin (2004 : 61) :
«Si la propriété immobilière voire des droits
réels immobiliers ont été entre temps enregistrés
et que les contrats qui ont servi des causes à l'enregistrement
aient été annulés ou résolus, l'enregistrement
intervenu devait faire échec au principe de la
rétroactivité. Ces droits réels enregistrés,
c'est-à-dire l'acquéreur, et que l'ancien titulaire, qu'il soit
ou non bénéficiaire, ne se verra pas restitué ceux-ci. Il
n'a droit qu'à l'entreprise d'un acte personnel en dommages et
intérêts».
Cette position est aussi soutenue par la jurisprudence
constante dit LOKOMBE UGHENDA cité par FATAKI WA LUHINDI (2004 :
61). La CA de Lubumbashi a rendu en date du 04. 07. 1967 un arrêt qui
dispose : « Attendu, certes, qu'il apparait que la
dépossession de l'actuel appelant est due à une
interprétation erronée de L'O-L du 07. 08. 1966 dite
« Loi BAKAJIKA » par le Gouverneur de l'Ex- province du
KATANGA, que cependant, il existe un certificat d'enregistrement au nom d'un
tiers qui, en vertu de l'article 44 de code civil lire second fait pleine foi
de droit de propriété de ce tiers et impose à la Cour, qui
ne peut avoir égard aux circonstances dans les quelles il est devenu
propriétaire et des causes de résolution ou de nullité
viciant le contrat d'aliénation.
La Cour Suprême de Justice va même très
loin en estimant que ne viole pas les articles 231, 204 et 215 de la loi
foncière, le juge qui sachant que le C.E. n'était pas
établi conformément aux dispositions précitées,
l'avait néanmoins dit inattaquable sur base de la même loi (Cf.
C.S.J, 25.04.1990, RC. 1335). A ce principe posé la loi, la
jurisprudence et la doctrine constate puis oppose une exception. C'est
l'hypothèse du faux en écriture.
En effet, le juge pénal ordonne la confiscation et la
destruction du C.E. qu'il aura déclaré faux. Aussi, un tel
document est-il dépourvu de toute valeur juridique ?
Dans le cas sur lequel porte notre analyse, les
défendeurs ont justement soulevé un moyen droit public tendant
à ce que le Tribunal constate la prescription de l'action dirigée
contre leurs certificats d'enregistrement. Ils fondent ce moyen sur l'article
227 de la loi dite foncière telle que modifiée à ce jour
Le Tribunal de Grande Instance de l'Ituri à Bunia a dit
ce moyen non fondé se basant sur la doctrine de K. KABA KASHALA et YENYI
OLUNGU (2000 : 184), le tribunal fait observer aux défendeurs que
l'arrêt de la prise à partie a pour effet d'anéantir la
décision attaquée et donc de remettre comme la cassation, les
choses dans leur prestin état la question de savoir si les immeubles
vendus aux enchères en exécution d'une décision
annulée par le fait d'une décision annulée par le fait
d'une procédure de prise à partie vont rester la
propriété de l'adjudicataire ne se pose donc pas. Lorsque la
décision est annulée, elle l'est également dans ses
effets.
Le tribunal d'ajouter que les effets de la décision de
prise à partie sont opposables même au tiers à ce
procès dès lors que ceux-ci ont bénéficié du
jugement annulé. Quand bien même les C.E. auraient plus de deux
ans, la décision de prise à partie jouissant de la même
autonomie et de la suprématie que le droit pénal sur le droit
civil, le C.E. établi suite à une vente publique faite en
exécution d'une décision judiciaire entachée de dol, n'a
plus de base juridique et doit suivre le sort de celle- ci.
Notre appréciation critique nous la puisons dans la
jurisprudence de la C.S.J du 8 Aout 1979 dans l'affaire MAY contre MAL qui
dispose : « Entraîne cassation d'office avec renvoie, le
moyen d'ordre public tiré de la violation de l'article 227 de la loi
N0 53- 021 portant régime général des biens,
régime foncier et immobilier, régime sûreté , en ce
qui l'arrêt entrepris a reconnu au défendeur les droits fonciers
et litigieux et a annulé le C.E délivré au demandeur,
alors que ce titre fait pleine foi des droits de ce dernier rendu inattaquable
par l'enregistrement ».
Au fait, le juge fonde son argumentaire sur une doctrine
opposant de ce faire celle - ci à la loi dite foncière. Or, la
hiérarchie des sources du droit place la loi juste après la
Constitution alors que la doctrine vient après la jurisprudence qui
elle-même suit la loi. Il va donc sans dire que la prime par rapport
à la doctrine.
Mais par ailleurs, il nous semble que le juge s'est
livré V une interprétation difficile à soutenir
principalement quant à notion de la prise à partie qui est par
définition l'arrêt de la prise à vis-à-vis des
tiers. Ainsi, estimons- nous aborder cette question en détail dans le
point intitulé, considérations critiques.
E. JUGEMENT RC 1530 ET CAUSE RC. 3981
Il ressort des éléments du dossier dont A avait
saisi le Président de Tribunal par requête tendant à
obtenir l'autorisation de saisir les biens meuble de son adversaire B. Faisant
droit à cette requête, le Président prit une ordonnance de
saisie conservatoire en date du 31mai 1990 si bien que le huissier pratiqua la
saisie sur 314 vaches de la famille B constituée en
société privée , en Responsabilité limitée
dénommée B et Fils, la conversion en saisie exécution
était sollicitée sous RC.1309 et 1333.
Mais ayant constaté que les vaches saisies
étaient revendiquées par la S.P.R.L. précitée, A
sollicita la dissolution de cette S.P.R.L. Ainsi dit et fait, la cause
initiée à cette fin fut enrôlée sous le RC 1330.
Cette cause aboutit au jugement du 22 janvier 1991 dont les dispositifs
stipule : « le Tribunal constate l'inexistence juridique de la
soi disant SPRL B et & Fils et la déclare nulle ab ovo et ordonne
purement et simplement sa dissolution et condamne les nommés B, F ET B
Fils à payer solidairement à titre de D.I. pour tout
préjudice subi une somme de zaïre 800.000.000 à Monsieur
A ». En exécution de ce jugement, A pratiqua la saisie
exécution sur 314 vaches, mêmes sur lesquelles avait portée
la saisie conservatoire.
Mais par son arrêt RCA1698, la CA de Kisangani annula le
jugement RC 1530 dans toutes ses dispositions pour défaut de
qualité dans le chef de Monsieur A.
Forte de cet arrêt de la Cour, la SPRL B et Fils
actuellement dénommée CELTRA B SPRL a assigné Monsieur A
aux fins de s'attendre à être condamné à la
restitution de 314 vaches ou en défaut payer l'équivalent en
franc congolais de la somme de 300 $ par vache et 0.4 $ par litre de lait ainsi
que leur produit 14 ans après soit 4000 vaches et 7.286.646 litres de
laits et au payement en franc congolais de l'équivalent de 200.000 $
à titre de dommages et intérêts pour toutes causes de
préjudices confondus. Tels sont les chefs de demande de la cause
enrôlée sous le RC 3981 du TGI/BIA.
Vus sous l'angle des conséquences de
l'exécution, les faits tels que relatés suscitent des questions
de droit. Au fait, les vaches saisies et vendues en 1990 n'étant plus
retrouvables, l'on se demandera quelle solution le juge proposera encore ?
Les vaches ne peuvent être de valeur et taille identiques comme l'estime
la partie demanderesse. Et le produit évoqué, en l'occurrence,
les 4.000 vaches et le 7.286. 646 litres de laits, à qui cela a-t-il
profité et comment a-t-on fait le calcul ? Bien plus, en plus des
produits, les dommages et intérêts de 2.000.000 $(deux millions de
dollars), est-ce juste ?
Il demeure vrai que l'exécutant a engagé sa
responsabilité si bien que s'il est débouté, il pourra
être condamné aux dommages et intérêts, si le
débiteur a éprouvé, un préjudice. Dans le cas
d'espèce, l'exécution initiée et poursuivie par A a
causée préjudice à la partie B tant il est vrai que les
vaches se seraient multipliées et auraient produit quantité.
D'où, la postulation civile nous parait juste.
Quant au nombre de vaches nées de 314 vaches sur 17
ans, il nous semble que le juge s'appuierait justement sur cet aspect pour
apprécier la hauteur des dommages et intérêts. Sinon l'on
risquerait de ne pas arrêter le temps de courir et par conséquent
de compter le nombre des vaches jusqu' à l'infini.
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