Première Partie- L'Environnement universel et
état des lieux en Haïti
L'environnement est défini comme « l'ensemble des
conditions naturelles, physiques, chimiques, biologiques, culturelles ou
sociologiques susceptibles d'agir sur les organismes vivants et les
activités humaines »4. La notion d'environnement naturel
souvent désignée par le seul mot « environnement », a
beaucoup évolué au cours des derniers siècles et tout
particulièrement des dernières décennies. L'environnement
est compris comme l'ensemble des composants naturels de la planète terre
comme l'air, l'eau, l'atmosphère, les roches, les
végétaux, les animaux, et l'ensemble des phénomènes
et interactions qui s'y déploient, c'est-àdire tout ce qui
entoure l'homme et ses activités. Elle englobe aujourd'hui
l'étude des milieux naturels, les impacts de l'homme sur l'environnement
et les actions engagées pour les réduire. Une petite
remontée dans le temps nous permettra de voir son évolution bien
avant le XIXe siècle jusqu'à aujourd'hui.
Avant le XIXe siècle, la prise de conscience
de l'existence d'un environnement s'est développée par vague et
de manière différente selon les époques, les
régions et les cultures humaines5. Certaines
interprétations animistes ou religieuses, comme le bouddhisme, ont
favorisé un certain respect de la vie, des ressources naturelles, et des
paysages. Ce respect était motivé avant tout par des croyances
religieuses, bien plus que par un réel désir de protection des
milieux naturels. Une fois au XIXe siècle, nous constatons un
progrès considérable.
Au XIXe siècle, en Occident, le romantisme a
mis en avant la beauté des paysages sauvages, parfois en les opposant
à la misère des mondes ouvriers, et industriels. En vantant les
beautés de la nature, les romantiques ont fait prendre conscience que ce
bien était précieux et devait être préservé.
C'est par cet intérêt porté au paysage que les
sociétés humaines vont commencer à prendre en compte
l'environnement. Les États-Unis créent le statut de Parc
national, avec le Président Abraham Lincoln le 30 juin 1864 et la
Yosemite Valley devient le premier site naturel protégé au
monde6. Le Parc national de Yellowstone deviendra en 1872 le
4 - Le grand Robert de la Langue française,
Paris, Robert, 2001
5- Crosby, Alfred W. (1986): Ecological imperialism: the
biological expansion of Europe, 900 - 1900. Cambridge: Cambridge
University Press. (Studies in environment and history)
6- Michel Goussot, Espaces et territoires aux
États-Unis, Paris, Belin, 2004, p.113
premier parc national du monde7. La France, en
1906, vote sa première loi sur la protection du paysage. À cette
époque, c'est plutôt le paysage et non l'écosystème
qui guide les choix des élus pour les sites à protéger. En
1896, Arrhenius développe l'embryon de la première théorie
environnementaliste, en étudiant l'effet de l'augmentation de la teneur
en dioxyde de carbone (CO2) dans l'atmosphère. Dans son article «
De l'influence de l'acide carbonique dans l'air sur la température du
sol »8, il cite la vapeur d'eau et le CO2 comme gaz à
effet de serre et emploie même le terme. Il propose certains calculs
mettant en évidence l'élévation de la température
en fonction de l'élévation de la concentration en CO2; il formule
l'hypothèse du lien entre des variations de concentration au cours des
âges géologiques, expliquant les variations de températures
correspondantes. Maintenant à partir du XXe siècle,
nous parlons de l'environnement sur un plan de développement mondial.
Dès la fin du XIXe siècle et pendant
la majeure partie du XXe siècle, le développement
mondial est très fort. La révolution industrielle et la forte
croissance économique favorisent une industrie lourde et fortement
consommatrice en ressources naturelles. Les nombreux conflits font prendre
conscience de la rareté de certaines ressources, voire localement de
leur épuisement. Les premières catastrophes industrielles et
écologiques visibles (marées noires, pollution de l'air et des
cours d'eau) sensibilisent l'opinion publique et certains décideurs
à la protection des écosystèmes. C'est avec la
révolution industrielle et l'ère du charbon que la pollution de
l'air est devenue la plus visible et manifeste.
La perception de l'environnement a également fortement
progressé avec une meilleure diffusion des connaissances scientifiques
et une meilleure compréhension des phénomènes naturels. La
découverte et l'exploration de nouveaux milieux (Arctique, Antarctique,
monde sous-marin) ont mis en évidence la fragilité de certains
écosystèmes et la manière dont les activités
humaines les affectent.
Dans le même temps, la connaissance rétrospective
de l'histoire de la planète et des espèces progressait avec la
paléoécologie et la mise à jour de preuves scientifiques
de
7- le Yellowstone est le plus ancien Parc national du monde.
- John Wingfield, L'Amérique des Rocheuses,
éditions Dursus (Larousse), 1986, p.118
8- Svante Arrhenius, « On the Influence of Carbonic Acid in
the Air upon the Temperature of the Ground », dans Philosophical
magazine, vol. 41, no 237, 1896(Texte Intégral)
catastrophes écologiques majeures qui ont fait
disparaître successivement des espèces durant des millions
d'années. Ces sciences du passé ont montré les liens forts
entre la pérennité des espèces, leur environnement et a le
climat. Depuis les années 1990, les mentalités évoluent
très rapidement pour se rapprocher de la perception que nous avons
aujourd'hui de l'environnement, pour ainsi dire une certaine projection de sa
psychologie.
Vers la fin du XXe siècle, la prise de
conscience de la nécessité de protéger l'environnement
devient mondiale, En réponse à la croissance des impacts
négatifs sur l'environnement, et en partie, par la place grandissante de
l'intérêt pour l'environnement dans la société, les
gouvernements ont élaboré et mis en place des lois, des normes
techniques, dans le but de réduire les répercussions
néfastes de l'activité humaine sur l'environnement avec la
première Conférence des Nations unies sur l'environnement
à Stockholm en juin 19729. Le Droit de l'environnement
s'affirme. Il trouve son fondement suivant un ordre de législation
universelle, communautaire et interne et s'articule autour de principes
directeurs. En juin 1992, lors du sommet de la Terre de Rio de Janeiro,
l'environnement est défini comme un bien commun et un bien
public10. Et la consécration du droit des
générations futures trouve sa justification dans une vision de
l'environnement sur le long terme. .
En effet, nous ne pouvons ignorer que la prise en compte de
l'environnement dans les décisions et les pratiques environnementales
diffère énormément d'un pays à l'autre. Par
exemple, dans les pays en voie de développement où les
préoccupations de la population sont très différentes de
celles des pays développés, la protection de l'environnement
occupe une place beaucoup plus marginale dans la société
11. Dans un pays comme Haïti, ou la dégradation fait
rage, un état des lieux s'avère nécessaire avec tout ce
que cela comporte.
Dans cette première partie, nous analyserons, d'une
part, le droit de l'environnement et ses principes fondamentaux (Ch.1) et
d'autre part, nous allons effectuer un coup d'oeil panoramique sur
l'environnement en Haïti avant d'esquisser un modèle de contentieux
écologique(Ch.2).
9 a et b Déclaration finale de la conférence de
Stockholm [archive]
10- a et b Résumé du sommet de Rio sur
le site des Nations unies [archive]
11 Législation européenne concernant
l'intégration de la dimension environnementale dans les pays en
développement [archive]
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