2.2-De Stockholm à Rio de Janeiro
Entre 1972 et 1992 les instruments de droit international de
l'environnement ont connu un accroissement surprenant en nombre et en
diversité. Une grande partie en est directement imputable à la
Conférence de Stockholm. La célèbre Déclaration de
la Conférence des Nations Unies sur l'environnement (ONU, 1972) ne s'est
pas contentée d'établir certains principes, dont la
majorité sont de lege ferenda (c'est-à-dire qu'ils sont à
transformer en loi nationale), mais elle a élaboré aussi un plan
d'action pour l'environnement en 109 points et une résolution qui
recommande sa mise en application institutionnelle et financière par
l'Organisation des Nations Unies (ONU). Ces recommandations ont abouti à
l'institution, par une résolution de l'Assemblée
générale de l'ONU (ONU, 1972), du Programme des Nations Unies
pour l'environnement (PNUE) dont le siège est à Nairobi. Le PNUE
est directement responsable d'un certain nombre de traités
internationaux fondamentaux sur l'environnement et de la mise au point de
l'important Programme sur les mers régionales, qui a tissé un
réseau de quelque huit conventions-cadres régionales sur la
protection de l'environnement marin, chacune accompagnée de protocoles
destinés à satisfaire les besoins particuliers des
régions. Un certain nombre de nouveaux programmes régionaux sont
encore en cours d'élaboration.
Pour donner une idée du grand nombre de conventions sur
l'environnement adoptées pendant cette période, nous les
classerons en trois catégories: la conservation de la nature; la
protection du milieu marin; la réglementation des impacts
transfrontières sur l'environnement.
1-La conservation de la nature et des ressources
naturelles
Cette période a vu l'adoption de plusieurs
traités sur la conservation de la nature, tant au niveau mondial que
régional. Sur le plan mondial, il convient de noter en particulier la
convention de l'UNESCO pour la protection du patrimoine mondial, culturel et
naturel de 1972, la convention sur le commerce international des espèces
de faune et de flore sauvages menacées d'extinction(Washington, 1973) et
la convention de Bonn sur la conservation des espèces migratrices
appartenant à la faune sauvage de 1979.
Au niveau régional, signalons la convention pour la
protection de l'environnement entre le Danemark, la Finlande, la Norvège
et la Suède de 1974, la convention pour la conservation de la nature
dans le Pacifique Sud de 1976 et la convention relative à la
conservation de la vie sauvage et du milieu naturel de l'Europe (Berne, 1979).
Citons également la directive européenne 79/409 concernant la
conservation des oiseaux sauvages (CCE, 1979), telle que modifiée et
complétée par la directive 92/43 concernant la conservation des
habitats naturels ainsi que de la faune et de la flore sauvages (CCE, 1992), la
convention pour la conservation et la gestion de la vigogne de 1979 et l'accord
de l'ANASE sur la conservation de la nature et des ressources naturelles de
1985 (Kiss et Shelton, 1991). Signalons aussi les traités relatifs
à l'Antarctique, zone appartenant au patrimoine commun de
l'humanité et ne relevant de la juridiction d'aucun Etat: « La
convention sur la conservation de la faune et de la flore marine de
l'Antarctique, (Canberra, 1980), la convention de Wellington sur la
réglementation des activités relatives aux ressources
minérales de l'Antarctique de 1988, et le protocole au Traité de
l'Antarctique sur la protection de l'environnement, signé à
Madrid en 1991 (Protocol to the Antarctic Treaty on Environmental Protection,
1991).
2-La protection du milieu marin
Les négociations de la Troisième
Conférence des Nations Unies sur le droit de la mer (UNCLOS III) ont
commencé en 1973 et ont duré neuf ans avant d'aboutir à la
convention de Montego Bay de 1982 sur le droit de la mer; la Partie XII de
cette dite convention trace un cadre
général pour la réglementation des
questions d'environnement marin, dont les rejets par les navires et la
pollution d'origine tellurique, et établit certaines obligations
générales concernant la protection du milieu marin.
L'Organisation maritime internationale (OMI) a
été à l'origine de trois grands instruments qui traitent
ces questions dans le détail: la convention sur la prévention de
la pollution des mers résultant de l'immersion de déchets,
(Londres, 1972), et la convention internationale pour la prévention de
la pollution par les navires de 1973, telle que modifiée par le
protocole de 1978 y relatif (MARPOL, 1973/78); la convention internationale sur
la préparation, l'intervention et la coopération en cas de
pollution par les hydrocarbures a créé en 1990 un cadre juridique
mondial pour la collaboration et l'assistance en cas de déversements
importants d'hydrocarbures. D'autres conventions maritimes qui, à
l'origine, ne concernent pas l'environnement sont toutefois dignes d'être
mentionnées ici: la convention sur le règlement international
pour prévenir les abordages en mer(Londres, 1972); la convention
internationale pour la sauvegarde de la vie humaine en mer, (Londres, 1974); la
convention internationale de l'OIT sur la marine marchande de 1976 et le
Protocole de 1996, et la convention internationale sur les normes de formation
des gens de mer, de délivrance des brevets et de veille, (Londres,
1978).
La convention de Londres de 1972 a adopté une approche
désormais courante en répertoriant, à l'Annexe I, les
substances qui ne peuvent être déversées dans
l'océan et, à l'Annexe II, celles qui ne peuvent l'être
qu'avec une autorisation. La structure de la réglementation, qui oblige
les Etats signataires à faire respecter ces obligations par tout navire
chargeant dans leurs ports ou arborant leur pavillon dans n'importe quel
endroit du monde, a progressivement durci son régime et les parties ont
désormais effectivement cessé d'immerger en mer des
déchets industriels. La convention MARPOL 1973/78, qui remplace la
convention OILPOL de 1954, établit le principal régime applicable
à la pollution provenant de navires de toutes sortes, y compris les
pétroliers. MARPOL oblige les Etats dont les navires arborent le
pavillon à imposer des contrôles sur les rejets volontaires de
toutes les substances classées tels qu'ils résultent de
l'exploitation. Le régime MARPOL a été modifié en
1978 de sorte qu'il s'étend progressivement, dans ses cinq Annexes, aux
différentes sources de pollution par les
navires. Toutes les Annexes sont à présent en
vigueur et couvrent les hydrocarbures (Annexe I), les substances liquides
nocives (Annexe II), les déchets sous emballage (Annexe III), les eaux
usées (Annexe IV) et les ordures ménagères (Annexe V). Des
normes plus strictes sont appliquées dans des zones spéciales
convenues par les parties.
A un niveau régional, le programme pour les mers
régionales du PNUE constitue un réseau étendu, bien
qu'incomplet, de traités de protection des mers. Il couvre: la
Méditerranée (convention pour la protection de la mer
Méditerranée contre la pollution, (Barcelone, 1976), et ses
deux(2) protocoles adoptés en 1976, puis en 1980 et 1982 ; la
région du Golfe (convention régionale de Koweït pour la
coopération en vue de la protection du milieu marin contre la pollution
de 1978, et ses protocoles adoptés en 1978, en 1989 et en 1990);
l'Afrique de l'Ouest (convention d'Abidjan relative à la
coopération en matière de protection et de mise en valeur du
milieu marin et des zones côtières de la région de
l'Afrique de l'Ouest et du Centre de 1981 et son protocole de 1981); le
Pacifique du Sud-Est (convention de Lima concernant la protection de
l'environnement marin et des aires côtières du Pacifique du
Sud-Est, 1981 ), et ses protocoles adoptés en 1981, deux(2) en 1983 et
en 1989; la mer Rouge (convention régionale de Djeddah pour la
conservation du milieu marin de la mer Rouge et du golfe d'Aden de 1982 et son
protocole de 1982); les Caraïbes (convention de Carthagène sur la
protection et la mise en valeur du milieu marin dans la région des
Caraïbes, (Cartagena, 1983) et ses protocoles adoptés en 1983 et en
1990); l'Afrique de l'Est (convention de Nairobi relative à la
protection, à la gestion et à la mise en valeur du milieu marin
et des zones côtières de la région de l'Afrique de l'Est,
de 1985); le Pacifique Sud (convention de Nouméa sur la protection des
ressources naturelles et de l'environnement de la région du Pacifique
Sud, Noumea, 1986 et ses deux protocoles adoptés en 1986), (pour les
textes de toutes les conventions citées ci-dessus et de leurs
protocoles, ainsi que pour les détails des programmes en cours
d'établissement, voir Sand, 1987). Ces traités sont
complétés par des protocoles couvrant une large gamme de
domaines, dont la réglementation de la pollution d'origine tellurique,
la pollution des océans par les opérations d'immersion, la
pollution provenant de l'arrêt définitif des plates-formes de
forage pétrolier en mer, les régions faisant l'objet d'une
protection particulière et la protection des espèces sauvages.
D'autres régimes régionaux ont été
instaurés, en dehors du PNUE, notamment dans l'Atlantique Nord-Est,
où un réseau très complet d'instruments régionaux
couvre la réglementation des rejets en mer (convention pour la
prévention de la pollution marine par les opérations d'immersion
effectuées par les navires et les aéronefs, (Oslo, 1972), et ses
protocoles adoptés en 1983 et en 1989); la pollution d'origine
tellurique (convention de Paris pour la prévention de la pollution
marine d'origine tellurique de1974 et son protocole de 1986); la surveillance
et la coopération en matière de lutte contre la pollution par les
hydrocarbures (accord de Bonn concernant la coopération en
matière de lutte contre la pollution de la mer du Nord par les
hydrocarbures et autres substances dangereuses de 1983 tel que modifié
en 1989); l'inspection des navires pour la sécurité et la
protection du milieu marin (mémorandum d'entente de Paris sur le
contrôle de l'Etat du port dans l'exécution des accords sur la
sécurité maritime et la protection du milieu marin, ainsi que la
protection de la nature et des zones de pêche de 1982 (Freestone et
Ijlstra, 1991)). Notons également la nouvelle convention de Paris pour
la protection du milieu marin de l'Atlantique Nord-Est de 1992, qui remplace
les conventions d'Oslo et de Paris (le texte est analysé dans Hey,
Ijlstra et Nollkaemper, 1993); la convention d'Helsinki sur la protection du
milieu marin dans la zone de la mer Baltique de 1974 a été
révisée en 1992 (le texte est analysé dans Ehlers, 1993);
une nouvelle convention a été établie pour la mer Noire
(convention de Bucarest relative à la protection de la mer Noire contre
la pollution, 1992); il y a également la déclaration
ministérielle d'Odessa relative à la protection de la mer Noire
de 1993.
3-Les impacts transfrontières
Aux termes du Principe 21 de la Déclaration de
Stockholm, «les Etats ont le devoir de faire en sorte que les
activités exercées dans les limites de leur juridiction ou sous
leur contrôle ne causent pas de dommage à l'environnement dans
d'autres Etats ou dans des régions ne relevant d'aucune juridiction
nationale». Bien qu'il soit actuellement largement considéré
comme un principe de droit coutumier international, il appelle un grand travail
d'élaboration avant de pouvoir constituer la base de la
réglementation de ces activités. Des crises très
médiatisées ont favorisé l'adoption des conventions
internationales sur des thèmes tels que la pollution
atmosphérique transfrontière à longue distance, la
protection de la couche d'ozone, la notification et la coopération en
cas d'accident nucléaire, les mouvements transfrontières de
déchets dangereux et les changements climatiques mondiaux.
4- La pollution atmosphérique
transfrontière à longue distance
La pollution atmosphérique à longue distance en
Europe est un sujet qui a été abordé pour la
première fois à Genève, en 1979 (convention sur la
pollution atmosphérique transfrontière à longue distance).
Il s'agit toutefois d'une convention-cadre dont l'objectif modeste était
de «limiter et, autant que possible, de réduire graduellement et de
prévenir la pollution atmosphérique, y compris la pollution
atmosphérique transfrontière à longue distance». Des
progrès substantiels n'ont été accomplis dans la
réglementation des émissions de substances spécifiques
qu'avec l'élaboration des protocoles, qui sont désormais au
nombre de quatre: le protocole de Genève relatif au financement à
long terme du programme concerté de surveillance continue et
d'évaluation du transport à longue distance des polluants
atmosphériques en Europe de 1984 a créé un réseau
de stations de surveillance de la qualité de l'air; le protocole
d'Helsinki relatif à la réduction des émissions de soufre
et de leurs flux transfrontières d'au moins 30% d'ici à 1993,
1985; le protocole de Sofia relatif à la lutte contre les
émissions d'oxydes d'azote ou leurs flux transfrontières de
1988), désormais remplacé par le deuxième protocole d'Oslo
sur le soufre en 1994 (Second Sulphur Protocol, Oslo, 1994) prévoyait un
gel d'ici à 1994 des émissions nationales d'oxydes d'azote
à leur niveau de 1987; le protocole de Genève relatif à la
lutte contre les émissions de composés organiques volatils ou
leurs flux transfrontières de 1991proposait un choix de mesures à
cet effet.
5-Les conséquences transfrontières des
accidents nucléaires
La catastrophe de Tchernobyl en 1986 avait attiré
l'attention de l'opinion publique sur les conséquences
transfrontières des accidents nucléaires, mais des conventions
antérieures avaient déjà abordé un certain nombre
de questions relatives aux risques provenant des dispositifs nucléaires,
dont la convention sur la responsabilité civile dans le domaine de
l'énergie nucléaire de 1960, et la convention de Vienne relative
à la responsabilité civile en matière de dommages
nucléaires de 1963. Notons également le Traité interdisant
les essais d'armes nucléaires dans l'atmosphère, dans l'espace
extra-atmosphérique et sous l'eau de 1963. La convention de Vienne de
1980 sur la protection physique des matières nucléaires avait
tenté d'établir des normes pour protéger les
matières nucléaires d'un certain nombre de menaces, y compris le
terrorisme. Dans le sillage de Tchernobyl, deux nouveaux instruments ont
été adoptés
à Vienne en 1986: la convention sur la notification rapide
d'un accident nucléaire et la convention sur l'assistance en cas
d'accident nucléaire ou de situation d'urgence radiologique.
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