3- Les représentations de genre : des regards
sur l'homme et la femme
Cette partie développe les regards que portent les
professionnel.le.s sur l'homme et la femme dans la société, leurs
positions, leurs différences. Il s'agit, en effet, de comprendre leurs
positionnements par rapport à ces différences : Sont-elles
innées ou acquises ? Quelle est la place de l'éducation ? Dans
quelle mesure adhèrent-ils.elles au schéma
hétéronormé ?
La répartition des rôles et des tâches :
des différences complémentaires
D'une manière générale, l'homme et la
femme sont présenté.e.s comme ayant des rôles
différents (qu'il s'agisse des tâches qui leur incombent ou des
qualités qu'ils.elles peuvent développer), que les
professionnel.le.s considèrent cet état de fait comme naturel ou
construit.
L'homme et la femme sont d'abord présenté.e.s
comme étant différents, ou plutôt comme ayant quand
même quelques différences, qu'elles soient des attributs physiques
ou de caractère.
[Photo 3 : galanterie] « J'aime beaucoup la
galanterie. Pour moi, ce n'est pas du sexisme, c'est faire attention à
l'autre, comme moi je pourrais faire attention à l'autre aussi. [...] Je
ne trouve pas que ce soit s'abaisser à l'homme, on est un peu
différents quand même, hein. » (B6, animatrice)
« Après, moi, je pense que la femme et l'homme
ne sont pas égaux, physiquement. Il y a des choses que je trouve normal
que ce soit l'homme qui les fasse plutôt que la femme. Je ne suis pas
pour l'égalité des sexes... intellectuellement peut-être,
mais physiquement, on est quand même différents. » (J3,
professeure de mathématiques)
Pour certains, et notamment lorsque le thème des
tâches ménagères est abordé, la répartition
doit en être complémentaire. En effet, hommes et femmes sont
supposés ne pas avoir les mêmes qualités physiques et
psychologiques. La répartition des tâches entre donc dans une
logique d'habilités supposées.
[Photo 10 : fer à repasser] « Je suis de la
génération où effectivement toutes les tâches
ménagères nous incombent. Mais, pour moi, c'est une harmonie, une
entente aussi. Chacun vit sa vie de couple comme il l'entend. [...]
Voilà, ça ne me choque pas. Moi, j'ai toujours repassé,
mon mari fait autre chose que je ne fais pas. » (B1,
infirmière scolaire)
[Photo 10 : fer à repasser] « Vu les
journées que je me tape, il n'est pas question à la maison que
j'en fasse plus que l'autre. Mais il y a des trucs tout cons au niveau de la
force. On a beau dire, les garçons, ils sont plus forts, ils sont plus
forts. Et donc du coup, dans le partage des tâches, s'il y a
déplacer des bûches ou faire la vaisselle, je n'irais pas
forcément déplacer des bûches où je vais me faire
mal au dos. » (B7, animatrice)
[Photo 10 : fer à repasser] « Non, non, je
crois qu'aujourd'hui on est dans une société, pour la classe
moyenne, de taches partagées, ou de taches négociées
d'ailleurs. » (B2, éducateur spécialisé)
Certain.e.s professionnel.le.s, en précisant
qu'ils.elles dépassent ce lien, rappellent à quel point cette
notion de partage des tâches est liée aux idées de
féminité et de masculinité.
[Photo 10 : fer à repasser] « Je suis pour la
répartition des tâches. Moi, je cuisine tous les soirs pour ma
petite famille. J'aime ça, ce n'est pas un souci. En fait, avec moi, tu
es bien tombée pour ton entretien, j'ai une grande part de
féminité ! » (B5, professeur en Segpa)
[Photo 10 : fer à repasser] « Le fer à
repasser, ça ne me dérange pas, je me mets devant la
télé, je regarde le match, comme quoi ! » (J4,
entraîneur badminton)
Une part importante des femmes interrogées (4 sur 10,
dont 3 sur 5 du quartier Jardin Public) indique, toujours concernant les
tâches ménagères, en faire bien plus que leur conjoint.
Aucune d'entre-elles n'attribue cette situation à un choix
volontairement égoïste de la part de celui-ci : il travaille plus,
a été mal élevé par sa mère, les femmes sont
maniaques...
L'une d'entre elles considère même qu'elle l'a
empêché d'y contribuer.
[Photo 10 : fer à repasser] « A la maison, je
râle parce que c'est souvent moi qui fais le ménage. [...] Ce
n'est pas une question de mec. Je n'ai pas ce rapport d'opposition, pour moi
c'est une question de personne. [...] Alors, on pourra dire que c'est sexiste,
mais les nanas, on a un seuil de tolérance, pour la plupart, beaucoup
plus limité à la poussière que les hommes. Et les mecs la
voient moins. » (B6, animatrice)
[Photo 10 : fer à repasser] « Moi, avec mon
mari, on s'est partagé les tâches dès le début.
Après, lui, il avait un métier qui était très
prenant, donc il fallait bien qu'il y en ait un qui fasse un petit peu plus.
» (J3, professeure de mathématiques)
[Photo 10 : fer à repasser] « Chez nous, mon
mari est loin d'être macho, mais il s'en fiche. C'est le strict minimum.
[...] Et puis chez nous, c'est particulier, parce que mon mari n'est pas le
père de mon fils, donc je me suis un peu obligée à faire
tout ça, pour pas qu'il n'ait à supporter... Je m'en suis trop
mis sur les épaules, j'en suis bien consciente. » (J5,
entraîneuse cardio-boxe)
[Photo 10 : fer à repasser] « Je vis avec
quelqu'un qui gagne très bien sa vie, et qui donc n'a pas le temps pour
les tâches ménagères. Ça a été
très difficile pour moi. Ce n'est pas une question que ce soit un
garçon ou que ce soit une fille, parce que sa soeur c'est exactement
pareil, leur mère ne voulait pas de conflit, donc du coup, elle les a
servi, et elle continue. [...] Au début, vous lui apprenez, et puis en
même temps, le soir, il rentre de bosser il est 22h, donc vous n'allez
pas lui tendre l'aspirateur. Donc, vous le faites. » (J8, professeure
d'histoiregéographie)
Deux des dix hommes rencontrés (1 sur Bastide, 1 sur
Jardin Public) développent un discours clairement axé sur une
répartition des tâches entre hommes et femmes liée à
la distinction entre public et privé, entre production et reproduction.
Les femmes doivent s'occuper de la maison, des enfants, et de leur conjoint -
leur mari - lorsqu'il rentre le soir. L'homme doit aller travailler.
« Je connais des femmes qui disent ce qu'elles
veulent à leur mari, qui bavardent, qui font les courses quand elles
veulent, qui font à manger quand elles veulent, qui font l'amour quand
elles veulent. Non, non ! Pourquoi on ne parle que des femmes
maltraitées ? » (J7, entraîneur football)
« On dit que sur les salaires, il y a une
différence de 30% entre
l'homme et la femme, sauf que nous, on n'a pas 9 mois de
maternité
aussi. On ne porte pas les enfants, donc tous les jours on
est au travail. Ça fait depuis 1987 que je travaille ici, je n'ai jamais
été absent pendant 1 jour. Une femme ne pourra pas dire la
même chose. » (J7, entraîneur football)
[Photo 10 : fer à repasser] « On est en
France, mais on va trouver aussi des femmes qui assument leur position de femme
au foyer, qui assument leur ménage, l'entretien de leurs enfants et de
leur mari. Ce n'est pas du tout imposé, elles assument. C'est un accord.
[...] Il y a des femmes qui aiment bien avoir un homme à la maison, et
quand on veut avoir un homme à la maison, il ne faut pas demander
à un homme de devenir une femme. Il y a des femmes qui aiment les hommes
virils. » (B9, animateur)
Finalement, si la plupart des professionnel.le.s apparaissent
être en faveur d'une certaine égalité de répartition
des tâches et des rôles, on voit bien que ce n'est pas toujours le
cas dans la réalité de leurs foyers. On peut tout à fait
envisager que, dans les équipes d'animations, où il est
demandé aux professionnel.le.s de « mettre de soi »
(Herman, in Raibaud et al., 2006) dans leurs activités, la même
séparation soit produite.
Une essentialisation des différences de sexe et de
genre
Dans une large majorité d'entretiens, les
différences observées entre garçons et filles, entre
hommes et femmes sont liées à une différence de nature
entre ces derniers, qu'il s'agisse d'une nature physique ou psychologique.
L'essentialisation des différences, ou l'illusion naturaliste «
vise à trouver coûte que coûte à
l'inégalité socialement constatée une justification
biologique qui serait tapie dans les corps, et qu'il serait donc illusoire de
vouloir nier » (Héritier, 2005).
« Il y a ça aussi : ces jeunes filles qui
interdisent aux autres d'exister en tant que jeunes filles. Elles sont pires
que les mecs. Elles sont limite asexuée. Je suis vachement
inquiète pour ces filles là, qui sont très en
colère. Je pense que c'est le moyen qu'elles ont trouvé aussi
pour exister, pour ne pas être embêtées par les
garçons. Mais elles sont dans l'extrême. Je ne pense pas qu'elles
s'éclatent, je ne pense pas qu'elles soient très heureuses comme
ça, à renier une partie d'elles. » (B3, assistante
sociale)
« C'était des hommes robustes qui
travaillaient avec leur corps, leurs muscles. C'est le propre de l'homme. On
est dans des sociétés modernes aujourd'hui, où toutes les
tâches sont réparties et l'homme ne veut plus forcément...
a trouvé d'autres terrains qui l'intéressent plus. Mais
sa
propre nature, ce n'était pas ça. »
(J2, professeure d'anglais)
« Physiologiquement, ils sont faits comme ça,
point barre. [...] Je pense que c'est dans leur nature quand même, ils ne
peuvent pas lutter. » (J5, entraîneuse cardio-boxe)
« Après, est-ce qu'on parle déjà
ici de testostérone et d''hormones qui... Enfin, on sait que les filles
et les garçons ont des développements totalement
différents, donc ça joue. » (J6, professeur d'EPS)
« Chez l'homme, c'est le système du trop
plein, alors que chez la femme il y a ce cycle, cette période qui
revient. Donc les relations ne peuvent pas être égales,
identiques. » (J9, professeur de lettres-musique)
L'inné et l'acquis
La question de savoir si les différences entre hommes
et femmes, entre filles et garçons, dont parlent les professionnel.le.s
sont pour eux.elles des caractéristiques innées ou acquises est
fondamentale. En effet, si ces différences sont acquises, il convient de
se demander à la fois comment, à quel moment, et par qui elles
sont transmises. Le rôle du professionnel.le dans cette transmission est
alors questionné (même s'ils.elles considèrent
généralement que cet apprentissage se fait auprès des
parents dans la petite enfance).
Evidemment, d'un point de vue sociologique, ces
différences sont considérées comme acquises au travers de
la socialisation de genre (dans la famille, à l'école, dans le
groupe de pairs...). Comme le souligne l'anthropologue Françoise
Héritier, la seule véritable différence de nature est
celle de la reproduction. En effet, « alors que les hommes ne peuvent
se reproduire dans leur mêmeté, les femmes ont la capacité
incompréhensible de produire des corps différents
d'elles-mêmes » (Héritier, 2005).
Un certain nombre de professionnel.le.s interrogé.e.s,
sans forcément soulever la question de l'inné et de l'acquis,
relèvent la place de l'éducation dans la différenciation
entre garçons et filles. Dans ce cadre, l'action des parents dans la
petite enfance est considérée comme déterminante.
« On n'est pas sorti, de la petite fille qui joue
à la poupée et du petit garçon qui joue à la
bagarre, ou à des choses viriles en tous cas. On n'est pas encore sorti
de tout ça, le rose, le bleu. Et je pense que tout ça, ça
ressort aussi. » (B1, infirmière scolaire)
« Je pense que c'est l'éducation. Je pense que
quand on est parent, peut être qu'on est plus patient avec un
garçon qui est turbulent en se disant que c'est normal, parce que c'est
un garçon. Alors qu'il n'y a aucune raison. Et que quand c'est une
fille, on est peut être un peu moins patient, tout simplement. »
(J8, professeure d'histoire-géographie)
[Photo 9 : coeurs d'adolescente] « C'est un peu un
truc, bizarrement, que l'on hérite et que l'on transmet sans y faire
gaffe. Qu'on soit un garçon ou une fille, on a l'impression d'être
élevés de la même manière, mais pas du tout en
réalité. [...] Oui, finalement, que l'on transmet malgré
nous, parce qu'on est là-dedans nous, et que finalement, le
schéma reste quasiment le même. » (J1, responsable
Espace Lagrange)
[Photo 9 : coeurs d'adolescente] « Ah, l'inné
et l'acquis là-dessus c'est compliqué parce que je pense aussi
que si l'on élève sa fille comme le garçon que l'on n'a
jamais eu, et qu'on ne lui fait faire que des choses de garçon, on va la
modifier. Je fais partie de ceux qui disent que l'acquis est une part hyper
importante de la personnalité d'un individu. Mais globalement, c'est
vrai aussi que lorsqu'on élève une petite fille on a plutôt
envie, schématiquement, qu'elle fasse de la danse plutôt que de la
boxe. Et ça, que l'on soit un homme ou une femme. Donc, une fois que
l'on a induit ces choix pour elle, elle va s'imprégner et donc elle va
se "fillifier" de plus en plus. » (B6, professeur d'EPS)
Nombre de professionnel.le.s avouent tout simplement ne pas
savoir quelle est la part d'inné et d'acquis dans les différences
de genre qu'ils.elles observent au quotidien. Il est alors impossible pour
eux.elles de déterminer la place que leur institution - et donc
eux.ellesmêmes - peut prendre dans la construction du genre.
[Photo 9 : coeurs d'adolescente] « La question serait
: est-ce que c'est de l'acquis ou de l'inné ? Est-ce que c'est la
société qui amène à faire penser aux jeunes filles
qu'elles ont le droit de pleurer, qu'elles doivent être romantiques,
faire des petits coeurs, tomber amoureuse, que la sexualité... qu'elles
n'ont pas accès à la sexualité des garçons,
qu'elles n'ont pas le même désir ? Je ne sais pas trop. J'aurais
tendance à dire que oui, les filles sont plus fleur-bleue que les
garçons, la question c'est de savoir si elles le sont de façon
intrinsèque ou si elles le sont devenues parce que la
société les a fait grandir au milieu d'histoires de princesses et
de princes charmants. Je n'en sais trop rien. Après, il y a plein de
garçons qui aujourd'hui sont aussi romantiques. Et puis il y a des
filles qui sont aussi prédatrices. » (B2, éducateur
spécialisé)
« Il y a une histoire de père et de
mère. Ça doit être daté de... C'est inconscient
à mon avis et puis ça vient de notre culture où le
père, au début, c'est lui qui travaillait. La mère, elle
était là pour organiser la famille. On pensait que le père
avait des connaissances et que la mère en avait moins. Peut-être
que ça vient de là. Mais je n'en sais rien. Je pense
qu'il y a des choses qui sont dans la culture et qui sont
ancrées depuis très longtemps, qui sont inconscientes. »
(J3, professeure de mathématiques)
« Il y a une différence, je pense, qui est
plus profonde, je dirais sociétale, dans l'éducation familiale
entre la fille, caricaturalement, que l'on va faire jouer à la
poupée et le petit garçon que l'on va faire jouer au petit
soldat. Voilà, l'éternel cliché, que l'on va retrouver
dans l'expansion d'énergie et dans le fait de savoir se tenir ou pas en
société ou dans un groupe, et s'insérer dans un cadre.
» (J6, professeur d'EPS)
[Photo 10 : fer à repasser] « Normalement,
ça ne devrait pas être lié au sexe. Mais ça l'est,
même de ma part. Est-ce que c'est quelque chose d'inné qui est
lié au sexe, est-ce que c'est quelque chose d'acquis ? » (J9,
professeur de lettres-musique)
Une seule des personnes interrogées, une animatrice du
quartier Bastide, affirme que les différences de sensibilité et
de caractère qu'elle observe chez les jeunes et dans la
société entre femmes et hommes sont déterminées par
le sexe.
[Photo 9 : coeurs d'adolescente] « Je ne pense pas
qu'on apprenne à être des filles. On ferait des coeurs quand
même, on ramasserait des coquillages sur la plage, et on attendrait le
prince charmant pareil. Je me dis que c'est ce qui fait qu'on est une fille ou
un garçon. [...] Je reste persuadée qu'il y a des choses qui sont
innées. Ce côté un peu gnangnan de la fille, et le
garçon un peu plus dur. Je pense que ça, ça peut
être déterminé par ton sexe. » (B7,
animatrice)
Les professionnel.le.s qui s'expriment ici semblent donc
être assez partagé.e.s et indécis quand à la part de
l'inné et de l'acquis dans les différences de sexe et de genre
qu'ils.elles observent au quotidien. En effet, soit qu'ils.elles soient
convaincu.e.s de la place de l'inné, soit qu'ils.elles se retrouvent
perdus face à ce dilemme, soit qu'ils.elles considèrent que
l'acquis a bien une place, mais que cela se joue bien avant que les jeunes
entrent dans leur classe ou dans leur centre d'animation, les enseignant.e.s et
animateur.e.s ne se sentent pas acteur.e.s d'une socialisation
genrée.
Des valeurs changeantes
Quelques unes des photographies présentées aux
professionnel.le.s leur ont permis d'exprimer une forme
d'insécurité quant aux valeurs liées aux
différences de sexe. Ainsi, certain.e.s sont perdu.e.s quant aux codes
de la galanterie : s'agit-il d'une forme de
reconnaissance des femmes, ou, au contraire, de leur
relégation séculaire à un statut de plus grande faiblesse
?
[Photo 3 : galanterie] « C'est vrai, on est mal
à l'aise par rapport à ça. Parce qu'en fait on veut aussi
cette égalité un petit peu et puis en même temps on
s'offusquerait presque qu'un homme nous passe devant. Alors, je ne sais pas
trop, je n'arrive pas trop à me situer. L'air du temps... »
(B1, infirmière scolaire)
[Photo 3 : galanterie] « Il y a quelque chose de
désuet dans la galanterie, et en même temps qui fait partie je
pense des symboles de la séduction. Oui, ça interroge sur la
place de la femme, et en même temps j'ai l'impression que c'est dans les
codes, dans nos codes. [...] Je pense que ça se perd, mais ça se
perd aussi parce que la place de l'homme et de la femme bougent. »
(B2, éducateur spécialisé)
[Photo 3 : galanterie] « C'est quand même
laisser la femme dans une position de nunuche et le mec dans le pouvoir. Et
à côté de ça, c'est complètement ambivalent,
c'est agréable aussi. » (B3, assistante sociale)
Un professionnel du quartier Bastide confie même ses
doutes quant aux identités et places respectives des hommes - donc, la
sienne - et des femmes dans la société.
[Photo 6 : mariage homosexuel] « Quand on parle de la
place de l'homme dans la société, c'est intéressant de le
lier à l'homosexualité, aux représentations. Parce que
l'homme s'est en partie féminisé, dans nos représentations
de ce qu'est la féminité, c'est-à-dire qu'il prend soin de
lui physiquement, dans ses habits, ce qui jusque là était un
attribut de la femme mais pas de l'homme. [...] Et dans mes
représentations, l'homme a tellement bougé que les femmes
aujourd'hui sont un peu perdues. Et du coup, j'ai l'impression que l'homme a
une place un peu compliquée aujourd'hui parce qu'il ne sait plus
très bien où se situer. Est-ce qu'il doit être doux et
tendre ou quand même cet arbre solidement ancré qui résiste
au vent, qui sécurise la famille, la femme. » (B2,
éducateur spécialisé)
Finalement, cette partie et la précédente ne
font que refléter l'idée que les professionnel.le.s ne sont pas
sensibilisé.e.s aux questions du genre et qui donc, ayant
été socialisé.e.s dans une société où
les normes de genre évoluent et se multiplient, ont peu de
repères.
Images de la féminité et de la
virilité
Sont explorées ici les représentations des
professionnel.le.s quant à la féminité et la
masculinité. Comment faut-il se comporter, se vêtir
lorsqu'on est un homme ou une femme ?
· Etre pudique et séduire : la femme sous le
regard du « male gaze »
Un nombre important de professionnel.le.s rencontré.e.s
s'expriment, lorsque, le plus souvent, les photographies d'une femme en burqa,
d'une prostituée, ou du collectif Femen9 leur sont
présentées, sur les façons de s'habiller et de se
présenter des femmes. Il s'agit de cet aspect capital de la domination
masculine qui est de constituer « les femmes en objets symboliques
dont l'être est un être perçu », puiqu' «
elles existent par et pour le regard des autres » (Bourdieu,
1998).
Duits et Van Zoonen (2006) parlent de « regulation of
female sexuality » à travers le « male gaze
», ce regard de l'homme auquel la femme ne doit ni trop se soumettre, ni
trop se soustraire. « The task for a girl is to find a place somewhere
in the middle of this decency continuum, between visible G-strings and
headscarfs, in order to satisfy the contradictory requirements of western
modernity and feminism. » (Duits and van Zoonen, 2006).
[Photo 2 : action du collectif Femen] « Parce que
quand les filles sont voilées, c'est une chose, mais quand les nanas
sont en string, ça me choque tout autant. » (B3, assistante
sociale)
Ainsi, les femmes doivent se plier à des
critères de décence, ne pas trop montrer leur corps, au risque
qu'il soit sexualisé par ce « male gaze ».
[Photo 2 : action du collectif Femen] « Mais
ça ressemble à quoi ? A rien. Non, honnêtement, c'est
provoquer pour provoquer. » (B1, infirmière scolaire)
[Photo 2 : action du collectif Femen] « Qu'est-ce
qu'elles donnent à voir là ? Cette photo est quand même
assez hallucinante, on voit la moitié des fesses des deux jeunes filles
et heureusement que la troisième a de longs cheveux sinon on verrait son
décolleté... [...] Elles donnent à voir une position de
femme qui va à l'encontre de... » (B2, éducateur
spécialisé)
[Photo 2 : action du collectif Femen] « Outre
l'aspect plutôt sympathique de voir des seins nus exhibés, c'est
aussi une réaction qui me semble extrêmement excessive et qui, je
dirais brutalement, défavorise la condition féminine. »
(B10, professeur 3e insertion)
9 Voir photographies en annexe 3.
[Photo 2 : action du collectif Femen] « Je trouve
ça nul ! Franchement, c'est honteux. C'est choquant en plus.[...] Elles
montrent une image de la femme dégradante. » (J3, professeure
de mathématiques)
[Photo 4 : Ilham Moussaïd] « Les
décolletés aussi... A partir de quel moment, nous, on doit
considérer que le décolleté est trop plongeant ? Par
rapport à nous, adultes, hommes en plus ou à leurs camarades,
congénères, par rapport aux filles qui ne sont pas encore
développées, qui ne sont pas encore pubères. Oui,
ça pose souci. C'est délicat d'intervenir là-dessus.
» (J6, professeur d'EPS)
A l'inverse, elles ne doivent pas non plus se cacher, se
soustraire au regard des hommes, et des autres femmes.
[Photo 5 : femme en burqa] « Ah ça !
Là, je ne comprends pas. Je ne supporte pas, je ne peux pas. Alors pour
moi, elle se cache, ce n'est pas possible. (...) Il y a des moments où
l'on n'est pas tolérant, je suis honnête. Je ne peux pas. Pour
moi, c'est une façon de se cacher. Ça représente quoi
ça ? Non. J'ai écouté leurs témoignages à la
télé. Non. Cette soumission aux hommes... » (B1,
infirmière scolaire)
[Photo 5 : femme en burqa] "Comme je t'ai dit, je suis
musulmane, et je ne comprends pas qu'on puisse vouloir absolument se
protéger ou se cacher de cette manière là. »
(B4, éducatrice spécialisée)
[Photo 5 : femme en burqa] « Je me dis mince, elle
est cachée de tout, elle se cache. Ce que je ne comprends pas, c'est
pourquoi on ne cache pas l'homme, à la limite ? Pourquoi que la femme ?
» (B6, animatrice)
[Photo 5 : femme en burqa] « J'aime les belles
femmes, alors quand je vois une femme, comme ça, qui cache son visage,
une partie que l'on doit admirer, que l'on doit adorer, je me dis qu'il manque
quelque chose. [...] Il manque quelque chose, il manque sa beauté. Je me
demande si elle se méfie de moi. [...] J'aime draguer les femmes, mais
quand je vois une femme comme ça, je n'ose même pas. »
(J7, entraîneur football)
Une des animatrices du quartier Bastide interviewée
dénonce cet état de fait en rappelant la catégorisation en
deux types de femmes (la mère et la putain), en substituant au
modèle de la mère celui de la bonne musulmane.
[Photo 4 : Ilham Moussaïd] « Quand tu le vois
comme ça, tu te dis que c'est plutôt sympa aussi, de ne pas tout
montrer, de se réserver à un milieu intime et familial. Ce qu'il
y a, c'est que c'est très mal perçu. Dès l'instant
où tu te dis que telle personne elle est habillée comme
ça, donc... Ouais, tu portes une mini-jupe, t'es une pute. Tu portes un
foulard, t'es une bonne musulmane. » (B6, animatrice)
· De la virilité
La virilité semble plus difficile à
définir pour les interviewé.e.s, sûrement du fait de l'
« androcentrisme qui nous fait penser le masculin comme le normal, le
général, et les femmes comme le particulier, le
spécifique » (Welzer-Lang, 2010). Les descriptions de la
virilité qui suivent parlent d'une façon d'être, d'une
physionomie. L'homme est viril parce qu'il est homme, parce qu'il est
lui-même.
[Photo 7 : Sébastien Chabal] « Ce n'est
même pas de l'autorité, ce n'est même pas de l'apparence,
c'est surement une impression plutôt, une façon d'être.
» (J1, responsable Espace Lagrange)
[Photo 7 : Sébastien Chabal] « Il est viril
parce que nous on n'a pas autant de poils, nous on n'est pas viriles, donc oui,
forcément c'est le contraire de nous. [...] C'est quelqu'un qui est bien
avec lui-même. L'homme, de toute façon, va être viril dans
ses comportements, s'il est ce qu'il est, bon ben voilà. »
(J5, entraîneuse cardio-boxe)
[Photo 7 : Sébastien Chabal] « Je ne me suis
jamais posé la question de ce que c'est être viril. Après,
il y a peut-être une question de puissance aussi liée à la
virilité, mais bon, c'est induit de fait par la morphologie. »
(J4, entraîneur badminton)
[Photo 7 : Sébastien Chabal] « Je pense que
c'est plus dur pour un homme que pour une femme de répondre à
ça. Est-ce qu'il est viril ? Moi, je suis hétérosexuel, et
c'est vrai que ce n'est pas forcément évident pour moi de dire
s'il est viril ou pas. [...] C'est quoi être un homme pour moi ou pour
une femme qui veut être séduite par un homme ? [...]
Pilosité, masse musculaire, carrure, force physique. C'est
peut-être ça la virilité. » (J6, professeur
d'EPS)
Pouvoir et soumission : des sensibilités
différentes
Directement liées aux images de la
féminité et de la masculinité dans le discours des
interviewé.e.s, se trouvent les représentations qu'ils.elles ont
de leur « tempérament ». Ainsi, l'homme serait un
prédateur sexuel avide de pouvoir, et la femme un être à
protéger, même si, bien sûr, les professionne.le.s, pour la
plupart d'entre eux.elles, apportent des nuances à cette première
description.
· Pouvoir et prédation sexuelle de l'homme
Ainsi, si la régulation de la sexualité
féminine contraint les femmes à ne se montrer ni trop, ni trop
peu, ce serait du fait d'une sexualité masculine débordante,
incontrôlable, nécessaire.
[Photo 5 : femme en burqa] : « J'ai envie de dire
non, question de respect pour la femme, de sa place dans la
société, ce n'est pas possible. Et même, vis-à-vis
de l'homme, parce que la burqa est présente sur les femmes parce que les
hommes sont des animaux et qu'ils ne sont pas capables de se contenir. »
(B2, éducateur spécialisé)
[Photo 8: prostituée] « Ça interroge
sur la place de la femme et aussi de l'homme du coup... Parce que ça
ramène quand même l'homme à une place de prédateur
qui a besoin de sexualité, qui est prêt à payer pour le
faire, et la femme qui, elle, n'est pas du tout là-dedans. »
(B2, éducateur spécialisé)
[Photo 8: prostituée] « Peut-être parce
que la personnalité masculine, cet aspect qu'on a évoqué
de puissance, passe aussi par cette puissance sexuelle. Alors, outre le fait de
satisfaire des besoins ou des envies, cette puissance passe aussi par la
puissance sexuelle. Et peut être que l'homme a besoin, sexuellement, de
s'épancher plus que la femme. Ils n'ont pas forcément les
mêmes besoins. » (B10, professeur 3e insertion)
[Photo 8 : prostituée] « Je pense qu'il y a
des hommes qui en ont besoin, parce qu'ils n'ont pas d'autres moyens. Donc je
pense que... je l'ai entendu dire par des psychologues ça, mais bon, je
le pense aussi... je pense que ça peut empêcher des choses un peu
plus... des viols, des choses comme ça. » (J4,
entraîneur badminton)
[Photo 5 : femme en burqa] « Le fait de cacher la
femme... Ça sous entend que l'homme n'est pas capable de maîtriser
ses pulsions, donc il doit absolument cacher ces objets de désir. »
(J9, professeur de lettresmusique)
Cette sexualité débordante est liée
à la notion de pouvoir. En effet, l'homme qui a du pouvoir dans son
travail aurait besoin de se défouler, de trouver un exutoire. A
l'inverse, l'homme qui manque de pouvoir - et qui a donc du mal à
asseoir sa masculinité - aurait besoin de cette sexualité
abondante pour se sentir homme.
[Photo 1 : DSK] « On ne sait pas ce que c'est d'avoir
ce genre de responsabilités. J'aurais autant de pouvoir de
décision, je ne sais pas de quoi j'aurais besoin pour
décompresser. [...] Mais je crois que les gens qui ont
énormément de responsabilités, la société
fait que ce sont les hommes, mais je suis sûre que si c'était les
femmes ce serait pareil, ce n'est pas vraiment lié au sexe... Le sexe,
c'est quand même un rapport de
force, c'est quand même un exutoire, il y a une
notion de plaisir, et ce n'est pas de la drogue, dont on sait que c'est mauvais
pour la santé. » (B7, animatrice)
[Photo 1 : DSK] « Je pense que des hommes comme lui
sont de toute façon mégalos, sont de toute façon des gens
à fort caractère, et pourquoi pas avec une forte libido
directement liée à toutes ces capacités à encaisser
ce stress, cette vie incroyable. » (J6, professeur d'EPS)
[Photo 8: prostituée] « Et je pense que les
hommes, ils sont dans cette recherche de pouvoir, qu'ils ne peuvent pas
forcément trouver ou dans leur boulot parce que peut-être qu'ils
sont subalternes, ou à la maison parce que leur femme a pris une
position... Et ce pouvoir, ils le trouvent dans les prostituées, et ils
payent, et ils trouvent naturel de payer. » (B3, assistante
sociale)
Ce « caractère » de l'homme est bien sur un
effet de la socialisation de genre, où les garçons apprennent,
parfois dans la douleur, à se positionner en tant que dominants. C'est
ce que Daniel Welzer-Lang (2007) appelle le « dressage à la
libido dominandi ».
· Soumission de la femme, désir de
sécurité
Le pouvoir et la sexualité débridée de
l'homme est souvent associé au risque de soumission pour la femme et
à un désir de sécurité. Ainsi, la femme serait
quelqu'un - ou quelque chose - à protéger (de cette
sexualité masculine, en fondant un foyer où un homme assurerait
cette protection).
[Photo 3 : galanterie] « Il y a ce côté
protecteur. Forcément, on est fait différents, et ça,
ça va toujours rester, la femme un peu plus faible, entre guillemets,
que l'homme. » (J5, entraîneuse en cardio-boxe)
Ainsi, on en revient au contrôle de la sexualité
et de l'apparence des femmes. Porter la burqa pour une musulmane est vu comme
un acte de soumission (et jamais comme un acte de parole).
[Photo 5 : femme en burqa] « C'est le manque de
connaissance qui fait qu'elles se soumettent. Elles n'ont pas de sens critique,
elles n'ont pas assez d'ouverture sur le monde, donc le premier qui va leur
dire de se mettre ça, et bien elles vont le mettre. » (J3,
professeure de mathématiques)
[Photo 5 : femme en burqa] « Je ne suis pas sûr
qu'une femme prenne
la décision de s'habiller comme ça
d'elle-même. Elle doit subir certaines pressions qui font qu'elle
s'habille comme ça pour ne pas plaire à d'autres, elle doit
appartenir à... C'est une femme objet. » (J7, entraineur
football)
Se prostituer, vendre son corps, qui devrait être
protégé, est vu comme un acte de soumission.
[Photo 8: prostituée] « L'image de la femme,
la façon dont elle traite son corps qui nous renvoie à quelque
chose de dégradant que l'on a envie de protéger. [...] J'ai envie
de dire non, pas de prostitution pour protéger les femmes. »
(B2, éducateur spécialisé)
Dans le même ordre d'idée, et pour justifier
cette nécessité de protéger la femme, certains des
interviewé.e.s rappellent qu'hommes et femmes ont des caractères
et des attentes bien différents : si l'un, comme on l'a vu, recherche la
sexualité, l'autre attend amour et protection.
[Photo 8: prostituée] « La femme, avant tout,
c'est une douceur. L'homme, il va consommer comme si, je ne sais pas, il allait
voir une pièce de théâtre ou voir un film. Là, il va
passer un moment avec une femme. [...] Une femme qui fait de la prostitution,
je dirais que c'est par obligation financière. L'homme, il peut
consommer sans amour. Mais la femme, normale, qui n'a pas de problèmes,
elle ne peut pas consommer sans amour. La femme, qu'on le veuille ou non, elle
a quand même cette dignité en elle. Elle vend son corps, mais au
fond d'elle, elle est dégoutée. Lui, le désir, il l'a,
avec amour ou sans amour, c'est le désir. C'est pour ça qu'on
parle de viol. Un homme qui viole, il a un désir, la femme qui se fait
violer, non. Parce que la femme, elle a une pudeur par rapport à son
corps qui est plus valorisante. » (B9, animateur)
[Photo 9 : coeurs d'adolescente] « Les filles sont
romantiques... Je ne sais pas pourquoi. On a un cerveau qui
réfléchit en pensant à la protection parce qu'on est
formatées pour avoir des enfants aussi. On imagine un foyer, on imagine
une maison, et de l'amour. » (J2, professeure d'anglais)
Or, ces désirs, lorsqu'ils existent, chez les femmes,
sont le résultat de la socialisation genrée. Comme l'explique
Daniel Welzer-Lang (2007) : « les filles sont socialisées dans
le travail de la beauté, la quête du Prince Charmant, les
apprentissages à leur (futur) rôle de mère par
l'incorporation de la maternitude, de la libido maternadi [...]
».
Hétéronormativité, homosexualité,
homoparentalité
Lorsque l'on s'intéresse au genre, à la
construction des normes genrées, l'homosexualité et
l'hétéronormativité ont une place particulière. En
effet, comme le précise Welzer-Lang (2007) : « j'ai
proposé de définir l'homophobie comme la discrimination envers
les personnes qui montrent, ou à qui l'on prête, certaines
qualités (ou défauts) attribués à l'autre genre.
L'homophobie bétonne les frontières de genre. »
Parmi le panel des interrogé.e.s, un quart se dit
favorable au mariage homosexuel et à l'homoparentalité. Pour eux,
il s'agit d'un droit.
[Photo 6 : mariage homosexuel] « Au niveau civil, je
n'y vois aucun inconvénient. Je crois que la société, il
faut inévitablement qu'elle soit plus ouverte à ça. Ce
n'est pas une maladie, l'homosexualité. [...] Je crois que quand ils ont
cette dynamique là de vraiment avoir envie de donner, d'élever un
enfant, ils sont encore beaucoup plus motivés qu'un couple
hétérosexuel. Alors oui, ça ne me gêne pas du tout.
» (B1, infirmière scolaire)
[Photo 6 : mariage homosexuel] Super, moi je suis pour le
mariage des homosexuels. [...] Voilà, il a deux papas. Mais ce n'est pas
pour autant que l'enfant sera en danger moral, sexuel ou éducatif.
» (B3, assistante sociale)
[Photo 6 : mariage homosexuel] Alors ça, moi, je
suis archi-pour. C'est con, déjà, de devoir se marier pour
justifier que l'on soit un couple. [...] Moi, je suis pour l'adoption, pour que
des homosexuels puissent adopter. Franchement, pour moi, c'est évident.
Je suis d'accord pour dire qu'il faut qu'un enfant ait une relation avec un
homme et une relation avec une femme, mais dans un environnement, on a tout
ça. » (B6, animatrice)
[Photo 6 : mariage homosexuel] « Quand on dit
mariage, on dit adoption, ça ne me pose pas de problème non plus.
En plus, eux, ils savent qu'ils sont regardés, donc je pense qu'ils
feront plus attention que n'importe quels parents. [...] Il y a un moment
où il y a des enfants qui n'ont pas de parents, et ce dont a besoin un
enfant, c'est de parents. Je préfère qu'ils soient adoptés
par des homosexuels plutôt qu'ils restent croupir dans un foyer. »
(B7, animatrice)
[Photo 6 : mariage homosexuel] « Je trouve ça
bien qu'ils aient les mêmes droits. Je pense même qu'ils peuvent
adopter des enfants, comme tout le monde, qu'ils ont exactement les mêmes
droits que les hétérosexuels en fait. » (J10,
professeur de guitare)
Cependant, au moins autant de professionnel.le.s
rencontré.e.s s'opposent à l'idée de
l'adoption. Pour eux.elles, elle remet en cause la norme du
couple hétérosexuel comme seul modèle de
parentalité, et, en ce sens, met en danger la stabilité de la
construction des enfants, puisque cette construction est liée à
l'apprentissage des normes de genre, données en exemple par les
rôles du père et de la mère.
[Photo 6 : mariage homosexuel] «
L'homosexualité, c'est un comportement qui personnellement ne me choque
pas. [...] Par contre, je suis père de famille, j'ai une idée
assez définie de la conception de l'enfant et de la manière dont
il doit être élevé, de son équilibre. »
(B10, professeur 3e insertion)
[Photo 6 : mariage homosexuel] « S'ils ont le droit
d'être ensemble, ils ont le droit de se marier, ils ont le droit
d'adopter. Alors après, au niveau des enfants, il y a peut être un
souci qui se pose. Après, moi, je ne suis pas psychologue. Il y a
peut-être un souci qui se pose au niveau de la psychologie. »
(J4, entraîneur en badminton)
[Photo 6 : mariage homosexuel] « Ils sont bien
mignons mais... J'accepte ça, je veux dire... je les comprends, de
s'aimer, de vouloir sceller leur union... Mais au point de se marier, je ne
sais pas. Je ne trouve pas ça... Je ne dis pas que c'est
réservé juste aux femmes et aux hommes, mais... je ne sais pas,
c'est l'aspect homme-homme ou femme-femme carrément, c'est un peu... Je
ne sais pas, je suis un peu mitigée sur l'homosexualité de toute
façon. [...] - (Question) : Et l'adoption ? - (Elle) : Ah, encore moins,
ça je trouve ça aberrant complètement. Tu imagines les
repères ? Complètement faussés ! Déjà que
c'est difficile avec cette société capitaliste trop
sexuée, tu imagines là ? Le flop total. » (J5,
entraîneuse cardio-boxe)
[Photo 6 : mariage homosexuel] « Est-ce qu'on n'a pas
quand même intérêt à avoir comme
référent encore la bulle, le foyer nucléaire avec un homme
et une femme, ou est-ce qu'on peut se permettre de proposer un couple
homosexuel pour l'éducation d'enfants ? » (J6, professeur
d'EPS)
[Photo 6 : mariage homosexuel] « Pour avoir
l'équilibre d'un enfant, je crois qu'il faut qu'il ait un papa et une
maman. Quand même, je m'occupe d'enfants, et je connais pas mal de gamins
qui sont un peu déboussolés, ne serait-ce que par le divorce des
parents. Si maintenant, à la maison, ils ont pour parents naturels deux
hommes, franchement, ils ne s'en sortent pas, je ne crois pas. » (J7,
entraineur football)
Deux des enseignant.e.s et animateur.e.s interviewé.e.s
exposent, quant à eux, des propos clairement homophobes. En effet, pour
eux, la sexualité et l'union homosexuelles vont à l'encontre
d'une nature des relations sexuelles qui serait nécessairement
hétérosexuelle et menace donc l'ordre établi.
[Photo 6 : mariage homosexuel] « Moi, je ne cautionne
pas ça, parce qu'en fait, derrière ça, il y a autre chose,
l'adoption. Ça, ça me gêne. Après, que leur boite
à caca fasse commerce, c'est leur problème. Qu'ils se marient,
ça ne me dérange pas, mais après, il faut s'arrêter
là. Il faut s'arrêter au sexe, il ne faut pas aller
au-delà. Il ne faut pas confondre une famille normale avec des
homosexuels. [...] Depuis la nuit des temps, depuis que l'homme et la femme
existent, ça a toujours été un homme avec une femme, une
famille. C'est ça, la société. Sinon, il n'y a plus de
société. » (B9, animateur)
[Photo 6 : mariage homosexuel] « Alors, les
homosexuels. Moi, tant qu'ils ne m'embêtent pas, ils font ce qu'ils
veulent. Dès qu'ils vont venir influer sur ma façon de vivre, je
ne serais pas d'accord. Mais là, je m'en fiche. Qu'ils vivent entre eux.
» (J3, professeure de mathématiques)
S'il faut relever qu'un quart des professionnel.le.s adopte
une position progressiste sur l'homosexualité, plus nombreux sont ceux
qui adhèrent au modèle hétéronormé, surtout
lorsqu'on aborde l'éventualité de l'homoparentalité.
Les représentations qu'ont les professionnel.le.s des
différences et des rapports entre hommes et femmes apparaissent donc
comme fortement ancrées dans les schémas
hétéronormés et hétérosexistes, même
s'ils revendiquent généralement un idéal
d'égalité, et que certains d'entre-eux.elles semblent, sur
certains points, chercher à s'en détacher.
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