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L'efficacité du contrôle des commissaires aux comptes des sociétés anonymes (OHADA )

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par Didier Andy TAKAFO KENFACK
Université de Dschang - Diplome d'études approfondies (DEA ) 2005
  

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§II : L'ambiguïté des critères de déclenchement de l'alerte

Instituée par la loi française du 1er mars 1984, l'alerte est reprise par le législateur africain dans l'AUSCGIE où elle apparaît comme une profonde innovation dans le droit des sociétés de la plupart des pays membres de l'OHADA.

Elle est destinée à attirer l'attention des dirigeants sociaux sur la situation préoccupante de l'entreprise. Cependant, malgré sa dénomination, celle-ci ne tend pas seulement à avertir les dirigeants car ceux-ci sont généralement conscients des difficultés que traverse l'entreprise. Elle a aussi pour but de les mettre en face de leurs responsabilités en leur invitant à prendre des mesures de redressement. Il s'agit à travers l'alerte de favoriser une prise de conscience aussi rapide que possible des difficultés menaçant l'entreprise en provoquant une discussion interne à l'entreprise, dont l'objet sera à la fois de prendre la mesure la plus exacte possible des difficultés rencontrées ou sur le point de survenir, de proposer, à la suite de la discussion, les solutions les plus appropriées à résoudre les difficultés. Selon la formule d'un éminent professeur 216(*) « l'alerte est l'éveil de l'attention en vue du combat, non la reddition ou capitulation ; elle est l'aube propice aux redressements, non la nuit des ruines. ».

L'alerte vise donc à « tirer la sonnette d'alarme, pour réunir les volontés de toutes les personnes intéressées afin d'éteindre le feu avant qu'il ne prenne des proportions qui rendraient sa maîtrise difficile »217(*). Elle est destinée à favoriser la détection précoce des problèmes en vue d'organiser rapidement et discrètement une résistance efficace.

Cependant, si la loi définit avec précision la procédure à suivre218(*), elle demeure muette sur les critères de déclenchement.

La mise en oeuvre de la procédure d'alerte repose sur un diagnostic du commissaire aux comptes, mais le législateur n'a pas retenu un ensemble de critères précis lui permettant de mettre en oeuvre la procédure d'alerte puisqu'il évoque, d'une manière assez générale, « tout fait de nature à compromettre la continuité de l'exploitation ».

Les critères de déclenchement de l'alerte sont transmis dans leur intégrale ambiguïté, à la compétence des commissaires aux comptes qui doit agir avec tact et finesse. L'on comprend la raison pour laquelle un auteur219(*) affirmait qu' « à y regarder de près, le législateur s'est déchargé sur le commissaire aux comptes de la part essentielle de sa fonction ». Finalement, sur quels éléments doit-il se référer pour déclencher l'alerte ? Là est tout le problème. Bien que les textes utilisent le singulier « tout fait », on estime que l'alerte doit être déclenchée s'il existe un ensemble convergent de faits significatifs220(*) suffisamment préoccupants

En pratique, le commissaire aux comptes pourra s'attacher à toutes sortes d'éléments objectifs permettant de craindre une rupture dans la continuité de l'exploitation. Cette notion de « continuité de l'exploitation » est empruntée au « going concern » anglo-saxon, elle traduit une poursuite de l'activité dans des conditions normales221(*). Les faits doivent donc être de nature à compromettre la continuité de l'exploitation, c'est-à-dire à provoquer une cessation de paiements si aucune mesure de redressement n'est prise en temps utile.

L'alerte doit aussi être donnée en cas de rupture d'équilibre des flux financiers222(*). Le commissaire aux comptes pourra également s'appuyer sur toutes les informations obtenues desquelles il est permis de constater une altération des conditions de l'exploitation telles que : la dégradation de la situation financière (fonds propres insuffisants, endettement excessif, injonctions de payer à répétition), les résultats déficitaires, le non paiement des impôts et des cotisations sociales, la perte des clients importants, cession d'actif immobilier, durée et répétition des grèves, la baisse anormale d'activité, etc.

La formule légale est « vague » et laisse un large pouvoir d'appréciation au commissaire aux comptes, mais il doit s'assurer que les faits constatés ou allégués sont « réellement » graves et concordants, de manière à ne pas alerter inopinément les dirigeants.

La menace doit donc être précise et une défaillance à venir très probable. L'absence de précision du critère lui impose d'agir avec circonspection, car une mauvaise appréciation de la situation peut provoquer sa responsabilité civile223(*), encore faut- il que ces faits soient relevés à l'occasion de sa mission. Le commissaire aux comptes devient « le juge de l'opportunité » des cas d'ouverture de l'alerte.

Finalement, la mission d'alerte telle que définie par le législateur OHADA ne facilite pas un exercice crédible du contrôle légal. La démarche utilisée n'est pas très féconde224(*), le législateur ayant renoncé à dresser une liste de « clignotants ». Il s'en est tenu à une formule très générale susceptible de se dilater à l'excès. Le critère tels qu'énoncé n'offre aucune précision souhaitée, ce qui complique sérieusement la tâche du commissaire aux comptes.

Le législateur devra faire preuve de plus de clarté. Il conviendrait de préciser  « la notion de fait de nature à compromettre la continuité de l'exploitation » de manière à ce que l'on établisse clairement, grâce à des critères aussi objectifs le seuil que l'on ne doit pas franchir pour prétendre au déclenchement de l'alerte. Pour cela, l'alerte devra reposer uniquement sur des éléments certains, potentiels, mais toujours susceptibles d'affecter l'exploitation avec une probabilité suffisante. Une telle démarche aura le mérite d'aider les commissaires aux comptes dans leurs fonctions et permettre ainsi d'éviter les actions inopportunes. En effet, les suites de l'alerte sont parfois si importantes que son déclenchement gagnerait à être minutieusement clarifié, ce qui peut d'ailleurs être perçu comme un début de solutions aux difficultés d'exécution de la mission des commissaires aux comptes.

* 216 DU PONTAVICE (E.), cité par CHAPUT (Y.), op.cit, p.79.

* 217 KEM CHEKEM (B.M). Entreprises en difficultés et droits des salariés dans la zone OHADA, mémoire de DEA, Université de Dschang, mars 2004, p.50.

* 218 Art 153 à 157 AUSCGIE.

* 219 VIDAL (D.), op.cit, n°434, p.330.

* 220 GUYON (Y.), Droit des affaires, entreprises en difficultés, redressement judiciaire, faillite,Tome2, 6eéd, Economica, 1997, n°1051,p.55.

* 221 SAINT-ALARY HOUIN (C.), Droit des entreprises en difficultés, 2e éd, Montchrestien, 1996, n°131, p.78.

* 222 C'est-à-dire lorsque les recettes normalement prévisibles ne permettront plus de régler les dettes qui vont venir à échéance dans un avenir relativement proche.

* 223 Le commissaire aux comptes doit considérer l'ensemble de la gestion, et non la survenance d'un seul fait négatif qui pourrait être contrebalancé par d'autres facteurs favorables. C'est donc bien la cessation des paiements qui doit poindre pour justifier le déclenchement de l'alerte, ou encore, un ensemble convergent de faits significatifs conduisant à une rupture de l'équilibre des flux financiers.

* 224 NGUIHE KANTE (P.), « Réflexions sur la notion d'entreprise en difficulté dans l'acte uniforme portant organisation des procédures d'apurement du passif OHADA ». Anales de la FSJP, Tome 5, P.U.A, 2001, n°26, p.97.

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