I.B : Le digital vient en réponse à la
perte de puissance de la presse écrite ?
JB.F : Oui c'est évident, il
y aura toujours de beaux magazines « glossy » avec de belles pages de
publicité. Mais c'est du papier, un média polluant, Internet ne
l'est pas ! Les jeunes ne lisent plus de la même manière, ils
veulent savoir des milliers de choses plutôt qu'apprendre une chose bien
précise. Moi, maintenant, je vais sur Lesoir.be chercher mon info et
à terme ça ne me dérangerait pas de payer un abonnement
pour avoir mon journal sur mon pc plutôt que d'aller le chercher tous les
matins en librairie...C'est l'évolution des comportements.
Je trouve qu'il y a une mauvaise distribution de ce que
devrait être la communication, car en Belgique, on ne veut pas changer
les habitudes, la communication change, mais on reste à travailler de la
même manière... Alors qu'Internet pousse au changement. Autant la
Belgique était précurseur pour le taux de
pénétration d'Internet dans les foyers au début des
années 2000, autant aujourd'hui, on est vraiment à la bourre dans
tout ce qui est exploitation de l'outil propre. On l'utilise encore trop peu
alors que ce média est à la portée de tout le monde.
Les marques de luxe doivent de plus en plus tenir un discours
de proximité, inviter les gens à l'expérience, aujourd'hui
ce n'est pas encore très important, mais ça le sera demain quand
tout le monde sera présent sur le web et à ce moment-là,
ça sera au plus sympa !
Jonathan Wieme
Responsable marketing et communication de la marque de
maroquinerie de luxe Niyona.128
Ilaria Badjir : Comment construit-on
l'identité d'une nouvelle marque de maroquinerie, belge de surcroit
?
Jonathan Wieme : Nina Bodenhorst
(qui s'occupe de la création des pièces) a décidé
de lancer sa propre marque après avoir travaillé chez Delvaux et
Nathan Baume. On a vraiment dû définir ce qui allait nous
différencier des autres marques. On a voulu faire du « made in
Belgium » même si on savait que les coûts de production sont
plus élevés. Se positionner avec un beau produit artisanal avec
un atelier de maroquinerie et de belles techniques... On a joué sur les
points faibles des autres pour mettre en avant notre savoir-faire. Je trouve
dommage qu'aujourd'hui, il ne reste plus beaucoup d'ateliers en Belgique, oil
les gens peuvent venir voir comment se passe la création, sentir les
matières...On cherche vraiment à éduquer les gens à
notre travail et savoir-faire.
I.B : Félicitations pour votre prix au «
International Design Awards in Los Angeles » ;
cela ajoute un atout dans votre communication ?
J.W : Merci ! La beauté du
produit est bien mise en valeur. Tout le monde sait faire des belles choses,
mais au final, dans les magasins, on retrouve souvent les mêmes
modèles de sac... On voulait avoir une autre identité visuelle
que ce qui existait déjà. Voilà pourquoi on travaille avec
du matelassé et des modèles de cuir vintage. On ajoute des
touches différentes pour que le produit puisse s'affirmer
esthétiquement. Comme nous sommes encore une marque naissante, on
à la chance d'être plus flexibles par rapport aux grandes maisons.
Pas de palette de couleurs imposées par exemple, réaliser un sac
en cuir lisse ou grainé ne nous demande pas plus d'effort et c'est
ça qui est notre avantage...
Le sur-mesure pour les clients est très important, c'est
la touche finale.
128 http://www.niyona.be/
I .B : Pour votre visibilité dans la presse en
tant que jeune créateur, quelle est votre stratégie
?
J.W : La marque est récente,
elle est née en 2010. Il a bien fallu nous faire connaitre.
On travaille avec une agence de presse : Sophie Carré.
Nous l'avons choisie, car elle croit en nous et partage les mêmes
valeurs, que nous voulons refléter à travers notre marque.
Les parutions dans la presse apportent une visibilité
et une crédibilité. Les gens peuvent constater que nous sommes
présents dans les plus beaux magazines belges et cela nous aide pour
aller démarcher dans les boutiques... Le bouche à oreille se fait
et c'est plus facile de se faire une place dans le milieu. Les press day sont
aussi importants pour faire parler de nous.
I.B : La marque Niyona est présente sur
Facebook , Twitter , Instagram , Pinterest...Quel est le but de cette
stratégie ?
J.W : C'est simple, nous n'avons pas encore
énormément de budgets... Si ça ne tenait qu'a moi, je
voudrais faire beaucoup plus d'événements off line. Mais le
digital est là, gratuit et à disposition de tout le monde. Je
travaille à la base pour une agence de publicité, d'où mes
connaissances dans le secteur. Autant les utiliser à bon escient.
Facebook est un bon outil, facile d'accès pour connaitre son audience :
qui aime la marque, qui s'y intéresse... C'est un noyau dur, notre page
récolte plus de mille fans en un an seulement. Pour une jeune marque,
c'est vraiment pas mal ! Après, il faut rester vigilant et ne pas partir
dans trop de directions différentes, rester complémentaire dans
son discours sur les différents réseaux. Instragram, on l'utilise
pour le côté visuel, montrer la création et l'inspiration
dans les ateliers, être proche des consommateurs... C'est l'effet «
Behind the scene » dont les gens raffolent.
Le twitter est là pour partager des news plus
générales par forcement liées à la marque, mais des
choses que l'on apprécie dans le milieu de la mode, du design,
stylisme...On ne peut pas partager ça sur notre page Facebook, car elle
existe pour montrer notre travail.
Le site web est la carte d'identité digitale de la marque
: quelqu'un qui pense à Niyona pour trouver les informations de base va
aller sur le site web.
C'est toute la volonté d'être
complémentaire sur les réseaux sociaux, maintenant cela demande
une bonne gestion, le contenu est le plus important, sans contenu de
qualité, tout ça n'a aucun intérêt !
I.B : Désormais, on ne peut plus passer
à côté du digital lorsque l'on communique pour une marque
?
J.W : Le but premier de communiquer
pour une marque de luxe sur internet, c'est de faire vendre son produit. On va
chercher le consommateur sur le web, on ne va pas l'amener en magasin, mais sur
l'E-shop pour qu'il puisse directement faire ses achats. C'est là que
les réseaux sociaux sont magnifiques, car ils permettent de trouver les
bonnes personnes et on peut décider oil les amener.
Il y a tous les âges sur internet, il suffit d'aller sur
la bonne plateforme. On a constaté que la moyenne d'âge des
personnes qui nous suivent sur Facebook a entre vingt-cinq et trente-cinq ans
alors que dans la réalité, nos clients sont un peu plus
âgés. Il faut rester vigilant à ça, car notre
produit a tout de même un coût, le pouvoir d'achat. Je
reçois souvent des mails de jeunes personnes m'expliquant qu'elles
adorent nos produits, mais qu'elles n'ont pas encore les moyens de se payer un
sac Niyona... Ce n'est pas grave, car les jeunes d'aujourd'hui seront les
clients de demain...Les marques de luxe vendent du rêve, il ne faut pas
perdre ça de vue...
Avant tout lancement d'une marque, il y a une étude de
marché qui se fait, on avait constaté que la présence
digitale pour les marques de luxe belge est quasiment nulle. Même Delvaux
n'a pas une aussi belle page Facebook que nous. Delvaux n'a pas encore
établi sa stratégie digitale, enfin je suis sûr que cela se
prépare pour bientôt et quand ça tombera, ça risque
de faire mal pour les jeunes créateurs comme nous !
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