Le digital est-il devenu le nouveau support de communication des marques de luxe?( Télécharger le fichier original )par Ilaria Badjir Haute école Louvain en Hainaut - Bachelier en communication 2012 |
8.1.2Les blogueurs, une « vitrine » de choix pour le luxe ?Les blogueurs ont su s'imposer dans le monde de la mode en devenant de vraies références dans le milieu. Il n'est pas rare de les voir assis au premier rang des défilés Haute-couture aux côtés des rédacteurs en chef des magazines les plus prestigieux. Les plus célèbres ont une véritable communauté qui les suit activement. Certains blogs génèrent jusqu'à 90.000 visiteurs par jour ! 72À la base, le concept des « Fashion Bloggers » est d'allier pièce de luxe et vêtement de marque accessible du genre Zara ou Mango, d'écrire des articles sur leurs coups de coeur et de partager leur passion pour la mode. Leur succès réside dans le processus d'identification, les blogueurs 70 http://www.nowness.com/(Lien présent dans la liste envoyée par mail) 71 http://chanel-news.chanel.com/fr/(Lien présent dans la liste envoyée par mail) 72 http://www.lalibre.be/culture/arts-visuels/article/688125/profession-fashion-blogueuse.html consulté le 20/05/12 mode sont censés incarner ces gens de tous les jours avec un style original, que l'on peut croiser dans la rue... Il est donc plus facile pour les internautes de s'identifier à eux qu'au super top model aux mensurations de rêve. Les marques de luxe ont bien compris l'enjeu que représentent ces égéries de tous les jours. Il n'est donc pas étonnant de voir naitre des collaborations entre les marques de luxe et les blogueurs stars du web ! Reprenons l'analyse de la campagne Lancôme « Rouge in Love » citée précédemment. La marque a choisi trois blogueuses issues des villes les plus branchées - Paris, Londres et New York - filmées le temps d'un clip de deux minutes dans une mise en scène de leur quotidien. Si elles vantent subtilement les mérites de leur nouveau rouge à lèvres, le message de la campagne est, quant à lui, très clair : « Trois blogueuses, trois villes, Rouge in Love in real life »73. Les blogueurs sont devenus malgré eux des acteurs influents dans la stratégie marketing des marques de luxe. Olivia Roks, journaliste professionnelle et blogueuse, confie qu'elle n'est pas étonnée de cette pratique devenue de plus en plus courante. Même si les blogueuses sont souvent utilisées comme un outil marketing, cela a tout de même des points positifs. Du côté de la marque de luxe, ça apporte un plus, car ce sont des filles de « tous les jours », on peut plus facilement s'identifier à elles qu'a un mannequin. Pour la blogueuse, c'est intéressant, car cela apporte de la notoriété à son blog et puisqu'elles sont souvent narcissiques, rien de mieux pour renforcer leur ego74 ! La Belgique a aussi son lot de blogueurs mode très influents, qui collaborent avec les marques de luxe. Récemment, la marque belge Luc Duchenne a surfé sur la vague en donnant carte blanche aux blogueurs les plus connus de la blogosphère belge pour réaliser sa nouvelle campagne été 2012. Quatre blogueuses ont joué le jeu en posant habillées par la marque devant l'objectif du meilleur photographe et blogueur streetstyle belge. Coup gagnant pour la marque, car la campagne confiée aux blogueurs a suscité des réactions positives dans les magazines mode et lifestyle du 73 http://www.lancome.fr/_fr/_fr/ecommerce/medias/animations/sideline/rouge-in-love/index.aspx consulté le 20/05/12 (Lien présent dans la liste envoyée par mail) 74 Extrait de l'interview d'Olivia Roks p 76 pays, des retombées presse qualitatives, qui augmentent encore la visibilité de la campagne ! Les blogs ont leur intérêt, car à travers les photos et les articles, ils laissent une liberté d'expression totale. Contrairement à un magazine, ils n'ont pas forcément de ligne éditoriale fixe ni de problème de censure. Ils peuvent critiquer ou aimer librement sans contrainte... Si certaines actions marketing entre les marques et les blogueurs sont bien perçues, certains professionnels, notamment des journalistes, crient au scandale en accusant les blogueurs d'avoir vendu leur « âme » aux marques de luxe. Un article récent du New Times mettait en exergue ce phénomène, en allant plus loin même, car certains super blogueurs américains se font « coacher » par des agents pour choisir les meilleures marques à représenter et gérer leur publicité.75 Du simple blog conçu par passion pour la mode, on est passé à un véritable business, où les marques de luxe sont les premières à « draguer » les blogueurs pour s'assurer d'une haute visibilité et de retombées faciles ! Évidemment, quand on connait le potentiel des blogueurs les plus influents avec l'énorme trafic généré sur leur blog, c'est plus que tentant ! Mais la question qui interpelle est celle de l'indépendance, de l'objectivité et de la corruption... 76 Un blogueur ne sera plus libre de ses choix et de ses opinions pour ses articles quand, à côté, il est gracieusement payé et couvert de cadeaux par une marque de luxe. Impossible d'émettre une critique négative à l'égard de cette marque ou de vanter les mérites de son principal concurrent ! La pratique est monnaie courante même chez nous, en Belgique : la preuve, avec Olivia Roks, blogueuse belge et journaliste. Quand j'écris sur une marque, on ne me donne rien en échange... Alors que d'autres marques te démarchent en proposant une somme contre un post sur le blog... Mais je ne rentre pas dans ce genre de choses, car je veux rester libre dans mon écriture et sur mes choix concernant les produits ou vêtements que je veux mettre en valeur.77 75 http://www.nytimes.com/2011/09/29/fashion/fashion-bloggers-get- agents.html?pagewanted=all consulté le 21/05/12 76 http://fr.elle.be/Mode/Actu/Les-fashion-blogueurs-representes-par-des-agents consulté le 21/05/12 77 Extrait de l'interview d'Olivia Roks p 76 La célèbre maison belge Delvaux a tenté aussi de rafraichir son image auprès de la génération digitale. L'action est hautement symbolique. Delvaux et le géant Samsung se sont associés en partenariat en lançant la tablette Samsung Galaxy Tab II accompagnée d'une pochette en cuir imaginée par Delvaux spécialement pour l'occasion. La tablette et la pochette sont en vente depuis le mois d'avril dernier au prix de 699 €.78 Pascale Delcor, responsable communication de la marque de maroquinerie, explique les raisons de cette nouvelle collaboration. Une maison comme Samsung représente les nouvelles technologies, nous sommes la plus ancienne maison de maroquinerie de luxe au monde, on travaille de façon artisanale, tout est fait main. C'est vraiment cette balance que l'on a trouvée entre les nouvelles technologies et la maroquinerie de luxe, c'est un partenariat idéal (...) Oui, ça touche un public plus jeune, mais il n'y a pas d'âge pour porter un sac Delvaux.79 Quelques blogueurs belges privilégiés ont eu la « chance » de recevoir en cadeau la tablette accompagnée de la pochette... Simple élan de générosité de la part de Delvaux ou façon de s'assurer subtilement des retombées sur la blogosphère ? Depuis 2010, une nouvelle marque de maroquinerie de luxe belge s'impose dans l'univers très sélect de l'artisanat belge. Le responsable communication de la marque, Niyona Jonathan Wieme, explique sa position sur les actions avec les blogueurs. On a souvent des demandes de blogueurs qui veulent s'associer à la marque par le biais de concours, oui cela permet une visibilité facile et rapide, c'est indéniable. Mais je qualifie ça de « prostitution de produit » et je ne veux pas faire ça pour Niyona. Il y a des blogueurs qui font du super boulot, avec de beaux articles. Avec eux oui, pourquoi ne pas envisager une collaboration valorisante pour les deux côtés ? On a eu une belle action avec Nokia. (...) Je préfère ce genre d'action aux échanges avec des intérêts faciles.80 78 http://geeko.lesoir.be/2012/04/20/samsung-annonce-un-partenariat-avec-delvaux-pour-le-galaxy-tab- 10-1/ consulté le 21/05/12 79 Extrait de l'interview vidéo de Pascale Delcor pour Lesoir.be sur Youtube. http://www.youtube.com/watch?v=VtiTkBLISVg&feature=player_embedded consulté le 21/05/12 80 Extrait de l'interview de Jonathan Wieme, responsable communication et marketing de la marque Niyona p 74 Un blogueur n'est pas un journaliste. De ce fait, il n'a pas à suivre de code déontologique. Etre blogueur mode, ce n'est pas (encore) une profession reconnue. Même si certains possèdent une belle plume, cela reste aux yeux des journalistes des gens passionnés qui écrivent de manière subjective. Voilà pourquoi certaines marques, de luxe ou pas, se permettent de payer des blogueurs pour s'assurer des retombées et de la visibilité, une méthode impossible à envisager avec des journalistes professionnels tenus de respecter le code déontologique. Au sein des grandes maisons, la langue de bois est de rigueur concernant ces pratiques. Carla de Préval, directrice du marketing digital chez Yves Saint Laurent beauté, préfère parler de collaboration. Les blogs ont une nouvelle vision sur les marques de luxe avec un regard de consommateur, il y a une interaction avec le lectorat. Les blogueurs ne sont pas un simple relais de nos campagnes, mais un partenariat(...) C'est une perte de contrôle maitrisé (...) Le contenu écrit par un blogueur est perçu comme une recommandation avec une crédibilité plus forte que le contenu émis sur les réseaux sociaux. Il ne s'agit pas de choisir les plus gros blogueurs, mais ceux qui ont le plus d'affinités avec votre marque. 81 Le débat reste difficile, tant le sujet est épineux. A terme, où sera la légitimité de toutes ces actions entre blogueurs et marques de luxe ? Deviendront-ils les meilleurs « public relations » d'une marque de luxe ? Certains blogueurs perdront-ils leur crédibilité à force d'être achetés par les marques ? Cette problématique aurait pu, à elle seule, faire l'objet d'un sujet de travail de fin d'études. |
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