Développement urbain et prolifération des quartiers précaires à Abidjan: le cas du quartier Banco 1 (commune d'Attécoubé )( Télécharger le fichier original )par Kouame Prosper YAO Institut national polytechnique Houphouët Boigny de Yamoussoukro - Ingénieur des techniques en batiment et urbanisme 2010 |
3.3.2. Les textes d'urbanisme et administratifs
3.3.3. Etapes de l'aménagement foncier urbain et de la politique de l'habitat en Côte d'Ivoire
3.3.3.1. Première Période (de 1960 à fin 1980) Le paysage institutionnel de la première période a été marqué par deux évolutions. Le premier acte posé est la création en 1962 d'un ministère de la Construction et de l'Urbanisme en lui rattachant des activités qui étaient naguère dévolues au Ministère des Travaux Publics. L'Etat marquait ainsi sa volonté de prendre en main les problèmes spécifiques liés au développement urbain. Car notons le, les perspectives démographiques en ce qui concerne la population urbaine, prévoyaient un accroissement de 30% au moins (alors qu'en 1960, seulement 1 habitant sur 10 vivait en ville, essentiellement à Abidjan)10. Face au manque de ressources humaines et techniques, l'Etat passe commande à des Bureaux d'études (Européens pour la plupart) pour la réalisation d'études diverses en vue d'avoir une connaissance permanente et approfondie des problèmes pour mieux orienter son développement urbain. 10 Source : Conférence Régionale sur l'Investissement Bâtiment et Travaux Publics Afrique de l'Ouest et Centrale ( www.africonstruct.org). Dans la deuxième partie de cette période, le paysage institutionnel va s'enrichir d'outils majeurs issus des études et recherches antérieures. Mais il y a surtout la bonne tenue des matières premières agricoles (Cacao, café notamment) qui permet à l'Etat d'engranger des ressources importantes et de s'engager dans une politique hardie d'aménagement foncier, de production de logements et autres équipements majeurs. Ainsi sont créés : - des structures nationales d'études (BNETD, Ex-DCGTX) ; - des sociétés d'aménagement de terrains (SETU) créé en 1971 sous forme de société d'Etat ; - des sociétés de production de logements (SICOGI, SOGEFIHA) ; - des établissements bancaires tels que l'Office pour le Soutien de l'Habitat Economique (OSHE) créé en 1968 ; - la Banque Nationale pour l'Epargne et le Crédit (BNEC) créée en 1975 ; - des instruments de développement régional itinérants (Fêtes tournantes d'indépendance) ou spécialisé, ARSO avec la création du port de San- Pedro, AVB au centre avec le barrage hydroélectrique de Kossou). La SETU, transformée plus tard en EPIC (Etablissement Public Industriel et Commercial) avait pour rôle sur l'ensemble du territoire national : - de constituer des réserves foncières ; - d'aménager des terrains pour les particuliers, les promoteurs, les industriels, les commerçants et les artisans ; - d'élever le niveau d'équipement des parcelles habitées ; - de gérer les problèmes d'assainissement et de drainage ; - d'aider à l'amélioration des quartiers existants. La SETU a permis à l'Etat de se libérer des charges que nécessite l'aménagement foncier. Les fonds de cette structure étaient majoritairement des fonds publics dont elle devrait assurer la gestion et la pérennité. Par ailleurs, les fêtes tournantes de l'indépendance, par des actions d'aménagement foncier ont permis d'amorcer le développement urbain de certaines capitales régionales. Les deux autres dispositifs que nous nous devons de citer sont l'ARSO et l'AVB. L'ARSO (Autorité pour l'Aménagement de la Région du Sud-ouest) créée en 1969 par le Président Félix Houphouët-Boigny, a piloté tout l'aménagement foncier de la ville et du port de San-Pedro et a été un important instrument de désenclavement et d'intégration économique du Sud-ouest de la Côte d'Ivoire. L'AVB (Autorité pour l'Aménagement de la Vallée du Bandama) créée également en 1969 et placée sous l'autorité du Président Félix HouphouëtBoigny, dans le centre du pays, a joué le même rôle que l'ARSO avec pour pôle principal le barrage hydroélectrique de Kossou. Tous ces instruments, du fait de leur forte dépendance des ressources de l'Etat, ont disparu dès que la crise économique a commencé et une réaffectation des ressources s'est imposée au début des années 80. Mais avant la dissolution de ces instruments, notons que l'Etat de Côte d'Ivoire a pu produire environ 125 mille logements en zones urbaines et rurales11. 3.3.3.2. Deuxième Période (de fin 1980 a fin 1990) Cette période marque le retrait effectif de l'Etat de la production directe avec la dissolution de la SETU (1987), de la BNEC (1980), la SOGEFIHA (liquidée entre 1986 et 1988). Cela a permis de mettre en place en accord avec les bailleurs de fonds un outil de financement de la production de terrains en 1987. Ainsi, le CTU (Compte des Terrains Urbains) fut créé par décret n° 87- 368 du 1er Avril 1987. Cette période a vu également la mise en place de certaines structures par l'Etat dans le cadre de la réorientation de sa politique de l'habitat, le Fonds de Soutien à l'Habitat (FSH), la Banque de l'Habitat de Côte d'Ivoire (BHCI) et le Compte de Mobilisation pour l'Habitat (CDMH). Tirant ses ressources des produits des emprunts contractés par l'Etat, des produits de la cession des terrains à bâtir, des produits de la cession aux sociétés de distribution d'eau et d'électricité des réseaux secondaires et tertiaires et des dotations budgétaires de l'Etat, le CTU avait donc pour objectif : - de financer la production par l'Etat et la commercialisation de terrains à bâtir ; - d'assurer les frais de libération des sols et la purge des droits de toute nature ; - de payer le coüt des études des travaux d'équipement des terrains ; - de payer des agences privées agrées pour la commercialisation. Comme le stipule les objectifs, la commercialisation ne devrait se faire que par le biais d'agences privées. 11 Source : Touré Hamed Bouah, PCA de Sophia Immobilier, in Notre Voie du 4/5/2009, entretien par Etienne Ban. Les opérations du CTU se sont tous déroulées principalement à Abidjan avec la réalisation de 4500 lots entièrement équipés. Par la suite, le CTU s'est écarté de son fonctionnement en réalisant les programmes d'aménagements lui-même et vendre lui-même les lots viabilisés, contrairement au principe de commercialisation qui devait se faire par les agences privées. 3.3.3.3. Troisième Période : la concession d'aménagement foncier L'Etat prenant acte de l'incapacité de produire des terrains en grand nombre et de différents niveaux d'équipements, a mis sur pied un nouveau cadre institutionnel basé sur la concession d'aménagement foncier. Par ce système l'Etat attendait : - augmenter et diversifier l'offre ; - stabiliser les coûts des terrains urbains, qui par manque d'une offre conséquente et diversifié, ont grimpé ; - stabiliser le coût de la purge des droits coutumiers en mettant fin à la surenchère née du fait des négociations directes entre collectivités coutumières et promoteurs immobiliers ; - orienter le développement des villes en adéquation avec les schémas directeurs ; - favoriser l'émergence d'un vrai marché foncier. La loi n° 97-524 du 4 septembre 1997 portant création d'une concession d'aménagement foncier et son décret d'application n° 97-620 du 22 octobre 1997 soutiennent ce nouveau cadre institutionnel. La loi définit en son article 1er l'opération d'aménagement foncier et dit ceci : « Une opération d'aménagement foncier est une opération de terrains urbains, ou de terrains ruraux, appartenant au domaine privé de l'Etat ou aux communes en vue de leur urbanisation. Elle comprend les opérations de nature juridique tendant au lotissement des terrains, les opérations physiques de viabilisation, et la commercialisation des terrains. » 3.3.3.4. Quatrième Période : le transfert et la répartition des compétences de l'Etat aux collectivités territoriales Dans ce nouveau cadre institutionnel, tous les actes d'aménagement foncier résulteront d'une concession par l'état ou par les communes de certaines opérations d'aménagements à une personne morale privée ou public de droit ivoirien dénommé l'aménageur. La concession à la forme d'une convention passée entre l'état représenté par le Ministre chargé de l'Urbanisme ou la commune représentée par le Maire, et l'aménageur. Il est signé une convention par opération. Pour la conduite des concessions d'aménagement l'Etat a créé l'AGEF (Agence de Gestion Foncière) le 24 février 1999 et par décret n° 99-186 du 24 février 1999 l'Etat de Côte d'Ivoire a été autorisé à participer financièrement au capital de cette structure. Elle dispose donc d'un statut de société d'économie mixte à capital public majoritaire. De ce fait, l'AGEF passe avec les aménageurs les conventions de concession d'aménagement foncier et des marchés avec des bureaux d'études techniques pour la préparation des cahiers de charges annexés aux conventions des cahiers de charges. En conséquence, l'AGEF intervient en qualité de Maître d'Ouvrage Délégué (MOD) de l'Etat et des collectivités locales et territoriales, pour : - constituer des réserves foncières au nom et pour le compte de l'Etat et des collectivités locales et territoriales ; - élaborer et organiser la passation des concessions d'aménagement foncier dont le régime est organisé par la loi n° 97-524 du 4 Septembre 1997 et le décret d'application n° 97-620 du 22 Octobre 1997, qui prévoient que la mise en oeuvre de ces concessions d'aménagement foncier est confiée à des aménageurs privés (sans pour autant que les personnes publiques soient a priori exclues de ce marché) ; - assurer la gestion, le suivi et le contrôle administratif de la conformité de l'exécution de ces concessions d'aménagement foncier au Projet d'aménagement approuvé par arrêté du ministre chargé de la Construction et de l'Urbanisme. L'aménageur à en outre la responsabilité de : - l'établissement du projet d'aménagement ; - le lotissement du terrain ; - la viabilisation des lots ; - la vente des lots dans un délai spécifié dans la convention. Les parcelles non vendues au terme de la convention font retour au domaine de l'Etat ou de la commune moyennant le paiement d'un prix fixé dans la convention. Les parcelles non cessibles font retour à titre gratuit
au domaine de l'Etat ou social l'Etat ou la commune fixe dans la convention de concession des prix plafonds. Le prix de concession des parcelles inclus notamment les obligations qui résultent de la libération des sols, le coût des études et travaux, la rémunération de l'aménageur, toutes taxes et impôts. Tout projet d'aménagement donnant lieu à la conclusion d'une concession d'aménagement foncier est soumis à l'approbation préalable du Ministre chargé de l'Urbanisme comme le stipule le décret n° 95-520 du 5 juillet 1995, portant organisation des procédures d'élaboration et d'application des lotissements du domaine privé urbain de l'Etat et des Communes. Le choix de l'aménageur est déterminé, pour chaque opération en fonction de ses compétences techniques, des garanties juridiques et financières qu'il présente, par une commission interministérielle présidée par le ministère de la construction et de l'urbanisme. Ce choix peut être le résultat d'un appel d'offres ouvert ou restreint ou, d'un marché gré à gré, lequel doit-elle justifiée. La réalisation des infrastructures primaires hors site qui desserve l'opération est de la responsabilité de l'autorité concédante. En cas de défaillance de l'aménageur il est procédé au choix d'un autre aménageur dans les mêmes conditions. Le nouvel aménageur accepte toutes les conditions de la convention initiale. Les parcelles sont attribuées par une commission d'attribution comprenant : - le ministère chargé de l'urbanisme ; - l'autorité concédante ; - le service chargé du domaine urbain ; - le concessionnaire. Comme on le voit le succès de ce nouveau mécanisme dépend de trois facteurs importants : - la disponibilité de réserves foncières et leur mobilisation au profit de l'AGEF ; - la capacité financière de l'AGEF à payer les droits des collectivités villageoises ; - la présence de sociétés d'aménagement foncier capables de remplir les conditions requises. Dans la pratique de graves entraves ont mis en mal le fonctionnement de ce nouveau cadre institutionnel. Il s'agit : - du manque de ressources financières de l'AGEF qui rend difficile la constitution de réserves foncières ; - du coût élevé des purges : depuis le désengagement concomitant de l'Etat de la production directe du foncier et de l'habitat, de nombreux promoteurs fonciers sont apparus sur le marché. Et l'absence de terrains à bâtir a favorisé l'émergence d'un marché informel marqué par la surenchère. Les promoteurs immobiliers se voyant dans l'obligation de s'adresser aux propriétaires coutumiers (qui contractent avec les plus offrants) pour les terrains non aménagés ; - de l'approbation par le Ministère en charge de l'urbanisme pour le compte des collectivités villageoises « des plans d'extension future de leur village », souvent en dehors des limites d'une extension normale. Ceci contribue au manque de réserve foncière. Toute cette situation à un impact négatif sur les activités de l'AGEF que le défaut de ressources financières adaptées contraint à l'impuissance. Elle se voit obligée de négocier l'achat de terrain nu au prix du marché. Elle manque d'autorité sur le secteur et ne peut être le pourvoyeur de terrains à céder aux aménageurs. Elle-même s'est transformée en aménageur, contrairement à ses prérogatives concurrençant à son tour ses potentiels clients. Aux difficultés d'opérationnalité de la loi sur la concession d'aménagement foncier et aux difficultés de l'AGEF de jouer son rôle au regard de cette loi s'est ajouté un nouveau cadre institutionnel portant sur le transfert et la répartition de compétence de l'Etat aux collections territoriales en matière d'urbanisme et d'habitat. Entre autres compétences à transférer, certaines collectivités auront désormais la charge de constitution et la gestion de leurs patrimoines fonciers et immobiliers. En conclusion, des difficultés d'application de la loi sur la concession d'aménagement foncier, l'impuissance de l'AGEF marquée notamment par son manque de ressource financière, la multiplicité des collectivités coutumières (détenteur des réserves qui réalisent les lotissements), le manque de rigueur dans l'application de la loi, les rôles respectifs de l'Etat et des collectivités territoriales mal définis font que les objectifs recherchés sont loin d'être atteints. |
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