CHAPITRE III : L'ALLEGEMENT DE LA DETTE EXTERIEURE
CONGOLAISE
Tout au long de ce chapitre qui s'articule sur deux section,
nous parlerons tour à tour : dette et développement : les
défis du financement en R.D.Congo ; et allégement de la dette
congolaise.
En République Démocratique du Congo, la gestion
des dettes publiques est confiée à l'office de gestion des dettes
publiques, en sigle OGEDEP.
Section 1 : dette et développement : les
défis du financement du développement en R.D.Congo
La RDC a été confrontée par l'escalade
du conflit à l'Est et un choc exogène négatif sur les
termes de l'échange suite à la crise financière
internationale. Au plan interne, la recherche d'une solution durable aux
problèmes de sécurité dans l' Est du pays a
nécessité la tenue, en janvier 2008, de la conférence sur
la paix, la sécurité et le développement dans la
région des Grands Lacs. Cette conférence n'a pas réduit
les tensions qui ont fini par dégénérer en un nouveau
conflit en octobre 2008, remettant ainsi en cause les progrès
enregistrés depuis la fin de la transition politique et l'instauration
d'un nouvel ordre démocratique. Au terme d'efforts diplomatiques, les
forces armées conjointes RDC-Rwanda et RDC-Ouganda ont été
conduites à démanteler les poches de résistance des
rebelles hutus rwandais (FDLR) et des rebelles ougandais (LRA) au début
de 2009. Ces événements ont conduit à d'importantes
dépenses imprévues.
Le caractère urgent et contraignant de ces
dépenses a amené le gouvernement à les exécuter
parfois en dehors du circuit de la chaîne de la dépense. En
même temps, la baisse de la demande mondiale et la forte baisse des prix
des exportations ont fortement réduit les recettes minières. La
combinaison des chocs d'origine interne et externe a creusé le
déficit budgétaire, accru le crédit bancaire net à
l'Etat et fait tomber les réserves internationales à moins d'une
semaine de couverture des importations non liées à l'aide.
1.1 La restructuration de la dette extérieure
congolaise
En 2001, le retour de la République
démocratique du Congo dans le giron financier international butait sur
un problème :
· Dépendant des financements extérieurs
pour sa reconstruction, le pays devrait régler de manière urgente
le problème de ses arrières, afin de régulariser sa
situation financière, de profiter de nouveaux prêts et de
participer à l'initiative d'allégement de la dette des pays
pauvres très endettés(PPTE).
· La réaction de joseph KABILA, le
président de la République et de son Ministre des Finances ne
s'est fait pas attendre : les remboursements ont repris vigoureusement à
partir de 2002. Cette régulation a permis au gouvernement congolais
d'accéder à une gigantesque opération en deux phases de
restructuration de sa dette et d'entrer dans le cadre de l'initiative PPTE.
· La première phase de juin - juillet 2002 a
consisté à régler les remboursements des
arriérés congolais envers le FMI et la Banque Mondiale. Le
processus visé à garantir le remboursement des vielles dettes
impayées par une opération de « consolidation », c'est-
à- dire en impliquant les arrières par de nouvelles dettes
à un taux d'intérêt « concessionnel ».
concrètement, quatre pays (Belgique, France, Suède, Afrique de
Sud) prêtent la somme nécessaire au gouvernement congolais pour
qu'il rembourse ses arrières au FMI.
En suite, le FMI prête la somme nécessaire (522
millions de dollars) au gouvernement congolais pour qu'il rembourse ces
prêts d'Etat. Dans le même temps, le Banque Mondiale prête
330 millions de dollars au Congo pour que le pays liquide ses arrières
à son égard. A son final, la R.D.Congo a troqué ses
arrières multilatéraux contre une nouvelle dette due au FMI et
à la Banque Mondiale. Un mécanisme d'apurement a également
été conclu avec la Banque Africaine de développement, BAD
en sigle.
La seconde phase, en Septembre 2002, consisté à
restructure la dette congolaise due au club de paris évaluée
à 10,3 milliards de dollars, dont près de 90% sont des
arrières accumulés depuis le dernier accord entre le club de
paris et le zaïre de MOBUTU, en 1989. L'accord de Septembre 2002
débouche sur l'annulation de 4,6 milliards de dollars de dettes, ce qui
correspond au montant des arrières sur le principal de la dette
extérieure congolaise, te sur le rééchelonnement de 4,3
autres milliards. Si l'on additionne la portée des deux phases de
l'opération, 60% de la dette extérieure congolaise ont
été restructurés.
L'allégement a permis une réduction du service
de la dette de 36 millions de dollars en 2003, 100 millions en 2004 et 173
millions en 2005. De leur côté, les bailleurs de fonds qui ont
financé cette opération ont comptabilisé ces montants en
aide: sur les 8,5 milliards de dollars d'augmentation de l'aide à
destination de l'Afrique subsaharienne en 2001 et 2003, 5,1 milliards
proviennent de la seule opération d'allégement de la dette du
Congo50.
Cette dette extérieure est un archétype de la
doctrine de la « dette odieuse » qui existe dans le droit
international. Selon Alexandre SACK, théoricien de cette doctrine: si un
pouvoir politique contacte une dette non pas selon les besoin et les
intérêts de l'Etat, mais pour fortifier son régime
politique, pour réprime la population qui le combat, cette dette est
odieuse pour la population de l'Etat entier. Cette dette n'est pas obligatoire
pour la Nation: c'est une dette de régime, dette personnelle du pouvoir
qui l'a contractée. Par conséquent, elle tombe avec la chute de
ce pouvoir51. La banque mondiale et la conférence de Nation
Unies sur le commerce et le développement ont successivement
réalisé une étude sur cette doctrine. Comme souligne
Joseph Stieglitz, ancien vice président de la Banque et prix Nobel
d'économie : « Quand le FMI et Banque mondiale prêtaient de
l'argent MOBUTU, (...) ils savaient (ou auraient dû savoir) que ces
sommes, pour l'essentiel, ne serviraient pas à aider les pauvres de ce
pays mais à enrichir MOBUTU. On payait ce dirigeant corrompu pour qu'il
maintienne son pays fermement aligné sur l'accident. Beaucoup estiment
injuste que les contribuables des pays qui
50 WORLD BANNK, Global Monitoring Repock,2005
51 P.Adams, »Odious debts « , probe
international, 1991
se trouvaient dans cette situation soient tenus de rembourser
les prêts consentis à des gouvernements corrompus qui ne les
représentaient pas »52. Mais plutôt que l'effacer,
on a « consolidé » cette dette.
Car le paradoxe de cette gigantesque restructuration est que
les remboursements interrompus durant les années 1990, ont repris. Le
fardeau budgétaire de la dette léguée par MOBUTU continue
dès lors de peser, bien que de manière « consolidée
», sur la reconstruction du pays.
Alors qu'en 2001, le service de la dette non
restructurée atteignait 218% des revenus de l'Etat et n'était pas
assurée du tout, il a repris en 2002 pour atteindre 22% des revenus
gouvernementaux en 2003, une fois l'opération de restructuration
entamée53. En définitive, cette gigantesque
opération de restructuration a consisté à refinancer de
vieilles dettes impayables et impayées par de nouveaux emprunts à
taux avantageux, et en rééchelonner une partie. Du coup, le
monticule de dette impayable est remplacé par un stock plus modeste de
dette que les projections du FMI jugent « soutenables » une fois
octroyée la totalité des allégements prévus au
point d'achèvement de l initiative PPTE.
Tableau no8 : Service de la
dette extérieure de la R.D.Congo avant et après restructuration
(2001 - 2003)
|
2001
|
2002
|
2003
|
Service de la dette avant
programme54. (en millions USD)
|
27,8
|
588,8
|
625,5
|
Service de la dette après
programme (en millions USD).
|
0
|
38,3
|
155,1
|
Service de la dette après
programme (en % des revenus).
|
18
|
8
|
22
|
Source : FMI (2003)
52 J. Stieglitz, la grande désillusion, Fayard,
2002
53 IMF, Democratic Republic Of the Congo: 2003
article IV consultation, Washington, June
2003
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