2- Les actes de parole40 :
La théorie des actes de parole relève du domaine
pragmatique qui implique l'emploi de la langue d'une manière
appropriée dans une situation concrète de communication. Dans son
ouvrage Quand dire, c'est faire (1962), J. L. Austin postule que toute
énonciation non seulement produit un énoncé selon un
certain nombre de règles linguistiques (acte locutoire) mais aussi
réalise une action qui modifie une
40 Exemple repris tell qu'il est d'un rapport de stage
: L'enseignement et l'apprentissage du français a l'école
« American Community School '> d'Abou Dahbi.
Présenté par Layla Ben Barka ; Sous la direction de M. Samir
Bajriæ
situation en faisant transparaître une intention
pragmatique de la part de l'énonciateur (acte illocutoire).
L'étude des actes de parole et toutes les subtilités qu'elle
comporte est une notion fondamentale qui ne doit pas être
négligée dans l'enseignement apprentissage des langues.
Même quand les locuteurs maîtrisent honorablement le système
linguistique d'une langue, ils ne disposent pas automatiquement d'une
compétence pragmatique avancée. Souvent, les locuteurs
établissent une relation (par le biais d'une traduction mentale) entre
les conventions communicatives de leur propre langue et celles de la langue
qu'ils apprennent, d'où l'occurrence des interférences d'ordre
pragmatique.
J'aime tes cheveux aujourd'hui
Madame, est-ce qu'on peutfaire quelques choses (fun) ? Je
n'aime pas la grammaire.
Les exemples cités servent de repère pour
détecter les interférences comportementales de la langue in esse.
Ces énoncés prononcés par des élèves
anglophones dans le cours de français sont assez symptomatiques. Ils
reflètent un certain degré de naïveté de la part de
ces locuteurs non confirmés. Dans les deux exemples, il est
évident que l'énonciation est entravée par un comportement
linguistique relevant de la langue anglaise.
Dans le premier exemple « Madame, j'aime tes cheveux
aujourd'hui », il est rare qu'en France, un élève donne
un compliment personnel à son professeur pendant le cours. Ce
comportement est tout à fait acceptable en anglais. Là où
une langue comme l'anglais choisit la réaction linguistique, une autre
(le français) choisit le silence linguistique, lié aux
caractères cognitifs du génie et vouloir-dire de la langue. En
France, les compliments sont peu fréquents dans des situations
académiques et professionnelles.
Le deuxième exemple « Madame, est-ce qu'on
peut faire quelques chose (fun) ? Je n'aime pas la grammaire » est
particulièrement intéressant car il comporte trois actes de
langage, à savoir protester, exprimer son ennui et faire une
proposition. Outre le fait que l'élève commet
une interférence linguistique en employant l'adjectif « fun >,
qui n'existe pas en français, ce qui nous intéresse ici c'est
l'assimilation comportementale. L'élève s'appuie sur le
vouloir-dire de la langue anglaise où il est complètement
acceptable qu'un élève exprime son ennui d'une façon assez
direct en proposant de faire une activité plus intéressante
pendant le cours de français, ce qui implique que ce que l'enseignant
fait n'est pas aussi intéressant. Ledit exemple véhicule une
relation horizontale entre les partenaires de la chaîne communicative,
normale chez les locuteurs anglophones. En français, les demandes se
font d'une façon moins directe, en recourant à des
stratégies de mitigation. Ainsi l'emploi de l'imparfait « Je me
demandais si on pouvait faire des jeux après la leçon de
grammaire » engendrerait moins d'obligations pour l'élève et
pour l'enseignant qu'un énoncé du type « est-ce qu'on peut
faire quelque chose fun, je n'aime pas la grammaire>. L'emploi de
l'imparfait sert à atténuer les propos en les rendant moins
directes.
Comme conclusion, pour éviter que les malentendus
s'engendrent dans une communication exolingue, les locuteurs doivent assimiler
des comportements nouveaux dans la langue in fieri. Il revient donc à
l'enseignant de faire en sorte que le locuteur assimile non seulement les
formes linguistiques de la langue, mais aussi les comportements linguistiques
qui conforment au vouloir-dire du français, car c'est l'assimilation
linguistique et comportementale qui régit le bon déroulement d'un
échange exolingue.
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