2.3- Les interférences :
L'interférence est un phénomène
linguistique issu du fait du contact de langues. Selon MACKEY «
l'interférence est l'utilisation d'éléments
appartenant à une langue tandis que l'on en parle ou que l'on en
écrit une autre >>35.
Dans les études des processus qui facilitent ou
compliquent l'apprentissage des langues se pose la question des ressemblances
et divergences entre la langue in esse et la langue in fieri. Le contact entre
deux langues est rendu au moins partiellement responsable des erreurs
observables chez les apprenants en raison des transferts qu'ils effectuent
d'une langue à l'autre. Dans ce cadre, la linguistique contrastive a
pour rôle de décrire et prédire ces erreurs.
La linguistique contrastive est une branche de la linguistique
appliquée qui a pour objectif la comparaison des systèmes
linguistiques de deux ou de plusieurs langues afin de faciliter leur
enseignement et leur apprentissage. Cette définition implique la notion
de « comparaison >>, cette notion qui remonte au
dix-neuvième siècle, notamment dans la branche classique de la
linguistique, appelé « grammaire comparée >>
proposant une approche diachronique, qui confronte des mots et des structures
grammaticales de deux ou de plusieurs langues, pour émettre
l'hypothèse que les mots comparés qui se ressemblent renvoient
à une forme unique qui a évolué de deux ou de plusieurs
manières différentes. Le résultat des recherches
comparatives permet d'établir les liens de parenté entre les
langues et de les regrouper en « familles de langues >>. On
peut employer ces résultats dans les analyses contrastives : en
principe, entre deux langues appartenant à la même
35 William. F. MACKEY, bilinguisme et contact des
langues, Edition Klincksieck, Paris 1976
famille génétique on peut s'attendre à plus
de ressemblances qu'entre deux langues sans aucune parenté.
Des recherches contrastives qui critiquent le caractère
trop descriptif et diachronique de la grammaire comparée essaient
d'expliquer le rôle de la langue in esse dans l'appropriation d'une
deuxième langue. Lado (1957) postule que la langue maternelle
influence énormément sur l'apprentissage des langues.
D'après la théorie contrastive défendue par Lado,
les divergences entre les deux langues présentent des difficultés
à l'apprentissage et les ressemblances sont moins difficiles à
apprendre. Dans le cas des divergences, l'apprenant est susceptible de
commettre des erreurs interlinguales ou des interférences de sa langue
maternelle, qui se manifestent sur tous les plans linguistiques. Une
comparaison détaillée des deux langues concernées peut
révéler les difficultés que les apprenants de L1 vont
avoir au cours de l'apprentissage de L2. Les fautes que commettront les
apprenants sont prévisibles, les plus grosses difficultés se
présenteront là où les différences sont les plus
grandes.
Une deuxième position dans le débat de
l'influence de la langue maternelle sur l'apprentissage est postulée par
Krashen (1977) qui affirme qu'il existe d'autres facteurs autre que la
langue maternelle qui interviennent dans l'apprentissage d'une autre langue.
Dans le cas de l'influence des langues acquises antérieurement,
l'apprenant recourt à son système acquis qu'il transpose dans les
formes du système de la langue à apprendre. D'autres facteurs
importants tels que la motivation de l'apprenant, les facteurs psycho-cognitifs
et sociaux et la méthodologie d'enseignement jouent un rôle,
à chance égale, dans ce processus.
La problématique qui se pose est pourquoi les locuteurs
non confirmés commettent des interférences ou un transfert? Les
interférences peuvent être vues comme étant une
stratégie d'apprentissage que le locuteur emploie en cherchant à
s'exprimer dans la langue in fieri. A cause de sa maîtrise
incomplète du système de la langue, il emprunte des formes
linguistiques de sa langue in esse qui véhiculent
une certaine vision du monde pour produire des
énoncés dans la langue qu'il apprend.
Dans les recherches contrastives, on distingue le transfert
négatif et le transfert positif. Quand les structures des deux langues
en question se ressemblent, un transfert positif résulte, facilitant
ainsi la maîtrise d'une forme linguistique de la langue. Le transfert
négatif se produit lorsque l'apprenant évoque une structure
grammaticale ou un vouloir-dire qui ne conforme pas au génie de la
langue à apprendre. C'est aussi quand le locuteur n'assimile pas une
structure linguistique ou un comportement linguistique à cause de sa
nature transcendante36. Ceci se rapproche de ce que constate
Bajriæ, qui souligne que le locuteur non confirmé «
néglige » certains types de production linguistique
liés aux différents types de situation linguistique ou contextes.
Il éprouve des difficultés à intégrer dans son
énonciation (le dire) des entités dont la
fréquence d'emploi est étrangère du dire de la langue in
esse. Par conséquent, il choisit le non dire sans se rendre compte que
son choix nuit à son apprentissage de la langue. A l'inverse, le
locuteur non confirmé produit parfois des énoncés qui
traduisent des comportements linguistiques étrangers à la langue
qu'il apprend. Apprendre une autre langue revient à se laisser fortement
influencer par les formes les plus représentatives de son vouloir-dire,
différent de celui de la langue in esse. Bajriæ conclut
qu'on n'apprend jamais une langue en y cherchant des équivalences. On
apprend une langue en essayant d'y utiliser ses propres formes, celles que la
langue impose ou propose. Pour exister dans la langue, il faut savoir dire ce
qui est conforme au génie de cette langue et savoir ne pas dire ce qui
est conforme uniquement au génie de la langue in esse.
Force est de constater que les erreurs observables chez les
apprenants ne sont pas toujours induites par leurs langues maternelles. Dans ce
qui suit, nous essayerons de souligner l'influence de la (des) langue (s) in
esse dans le processus d'apprentissage du français, à travers
quelques exemples tirés de mon expérience
36 Concept employé par S. Bajriæ et
emprunté a Heideggar et qui implique dans la L-D savoir se forger une
nouvelle identité personnelle dans la langue in fieri.
menée auprès des élèves
anglophones et arabophones. Les exemples qui vont être donnés sont
tirés des productions orales et écrites regroupées durant
mon stage. Le but de cette analyse est de montrer qu'une grande partie des
difficultés lors de l'appropriation du français relèvent
de la langue in esse. Nous aborderons deux types d'interférences : les
interférences linguistiques et les interférences
comportementales.
2.3.1- Les interférences linguistiques :
Pour bien apprendre une langue, il est nécessaire de se
débarrasser des interférences en s'appropriant les formes
nouvelles de la langue in fieri et en adaptant des comportements nouveaux. Pour
éviter les interférences linguistiques qui nuisent à
l'apprentissage, le locuteur doit assimiler les structures
sémanticosyntaxiques de la langue qu'il apprend. Les difficultés
d'ordre linguistique que j'ai observées chez mes élèves
dans leurs productions orales et écrites apparaissent aux niveaux
phonétique, lexical et syntaxique.
Note : Les exemples
d'interférences que je vais proposer sont, généralement,
les
interférences les plus courantes et les plus commises par
les élèves du niveau A1 dans la classe de FLE.
1-Interférence Au niveau syllabique :
Cette interférence est du type phonologique qui touche les
unités et les structures en particulier de syllabation et
d'articulation.
Ce type d'interférence phonologique est plus
fréquent à l'oral qu'à l'écrit. Par exemple en
arabe, il peut affecter une structure mais appartenant au code oral parce que
c'est à l'oral qu'on peut trouver un mélange entre deux
langues.
C'est à l'oral qu'un énoncé peut être
composé de mots provenant des deux
langues. A l'écrit, ce cas est très rare. L'exemple
suivant illustre bien ce cas. L'exemple suivant illustre bien ce cas :
*Les moustiques entrent par la fenêter. (re) ?
(er)
Les moustiques entrent par la fenêtre.
Ici l'arabophone a substitué la structure RE par ER,
c'est parce qu'il est influencé par la règle phonologique arabe.
En arabe, il y a une ressemblance entre l'oral et l'écrit. On
écrit ce qu'on entend. Autrement dit, tous les sons prononcés
s'écrivent. Dans le mot « fenêtre >, la suite de sons
révèle qu'il y a une voyelle entre le phonème /t/ et le
phonème /r/.
En conclusion, la syllabe qui subit des changements au niveau de
l'ordre des sons peut subir aussi des changements au niveau des sons qui le
constitue.
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