1.3- La théorie du « moniteur » de
Krashen :
Les deux théories que l'on vient de présenter
concernent les relations entre acquisition et apprentissage de la langue
maternelle et acquisition et apprentissage de la langue
étrangère. La théorie du contrôle
(monitor-theory) de Krashen, qui est la théorie
globale la plus discutée ces dernières années, s'occupe
essentiellement des relations entre acquisition spontanée et acquisition
guidée ; elle peut être résumée comme suit :
Les adultes disposent de deux façons principales
d'acquérir une langue étrangère, l'acquisition non
consciente et l'apprentissage conscient ; c'est la première qui est de
loin la plus importante. «L'acquisition linguistique»
mène à une communication axée sur le sens et
répondant aux besoins du locuteur dans la
langue à apprendre. Dans les interactions auxquelles
ils prennent part, les apprenants ne sont pas attentifs à la forme des
énoncés qu'ils produisent, mais à comprendre et à
être compris. Les règles qu'ils utilisent pour y parvenir leur
restent inconscientes. Cette «acquisition linguistique»
mène souvent à des ordres d'acquisition identiques pour tous les
apprenants. «L'apprentissage linguistique» au contraire est
l'intégration de règles formulées explicitement; et
l'autocontrôle conscient joue là un rôle important. On ne
trouve pas d'ordre acquisition invariant; même si on fournit à
l'apprenant une progression d'enseignement précise.
1.4- La théorie de « la
néoténie linguistique » de S. Bajriæ :
S. Bajriæ postule, Dans son ouvrage «
Linguistique, Cognition et Didactique » que l'analyse linguistique
liée aux structures cognitives est à la base de l'enseignement
des langues et que c'est cette analyse qui garantit une correspondance entre la
production linguistique et les facultés cognitives du sujet
parlant-pensant.
Dans le même ouvrage S. Bajriæ propose
une nouvelle terminologie dans le domaine de la linguistique-didactique.
S'inspirant de la théorie Guillaumienne du Psychomécanique du
langage, Bajriæ distingue dans un contact interlinguistique la
langue in fieri et la langue in esse. Pour lui, la langue in fieri est «
toute langue naturelle dans laquelle le locuteur peut communiquer, à
des degrés variables, mais dont il ne possède pas un sentiment
linguistique développé. >24 La langue in esse,
d'autre part, renvoie à « toute langue naturelle dont on
possède un sentiment linguistique développé et une
intuition linguistique solidement ancrée. >25.
Suivant cette définition, nous pouvons distinguer deux types de
locuteurs quant à l'appropriation de la langue : le locuteur
confirmé et le locuteur non confirmé. Le locuteur
non-confirmé est « tout individu dont la maitrise de langue
quelque qu'en soient les raisons se révèle inférieure
à celle du locuteur confirmé. Le locuteur
24 S. Bajric, 2009, p. 13
25 Ibid p. 15
confirmé est tout individu dont l'intuition
linguistique est suffisamment fiable pour émettre des jugements
d'acceptabilité sur des énoncés produits dans la
langue. »26
S. Bajriæ évoque la théorie
postulée par le biologiste néerlandais Louis Bolk sur
« l'être inachevé » pour mettre en
évidence le statut du locuteur non confirmé, ce locuteur qui est
considéré comme un sujet-parlant inachevé à cause
de sa maîtrise incomplète et imparfaite de la langue. Les
énoncés et le comportement linguistique du locuteur non
confirmé ne connaissent pas le plein développement atteint chez
le locuteur confirmé. Le locuteur non confirmé arrive à un
stade de fossilisation, pendant lequel il n'arrive ni à progresser dans
son apprentissage ni à surmonter certaines difficultés. Ce
phénomène est connu sous le terme d'inertie mentale. Le locuteur
n'arrive pas à se bâtir un nouveau système de
conceptualisation dans la langue in fieri et reste sujet à des
interférences qui nuisent aux faits d'apprentissage.
Apprendre une langue in fieri est un processus mental où
tout un système de conceptualisation de la langue que l'on apprend vient
se greffer à celui qui est déjà établi dans la
langue in esse. Le locuteur non confirmé doit confronter des obstacles
psycholinguistiques entre la langue in esse et la langue in fieri. Ces
obstacles se présentent sous forme de diverses interférences
d'ordre linguistique et comportemental.
Le locuteur non confirmé, Pendant son parcours
d'apprentissage, s'approprie progressivement un nouveau système de
conceptualisation en apprenant la langue 2. Ce processus n'exige pas que le
locuteur se débarrasse de toutes les connaissances acquises en langue 1
mais uniquement de les formater selon la manière dont la langue 2
appréhende les objets du monde. Cependant, tant qu'il reste prisonnier
dans le vouloir-dire de sa langue in esse et ne forge pas une nouvelle
identité linguistique et mentale dans la langue fieri, le locuteur non
confirmé restera sujet à des interférences linguistiques
et comportementales. Bajriæ conclut que la maîtrise d'une langue
implique l'assimilation des formes
26 Ibid p. 15
linguistiques ainsi que l'appropriation d'un comportement
linguistique qui conforme au génie de la langue que l'on apprend.
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