1.2- Le cognitivisme (N. Chomsky) :
Le modèle de Chomsky a été
élaboré en réaction au behaviorisme (avec Skinner
notamment) qui conffirmait qu'on pouvait rendre compte du comportement
d'un organisme par des théories fondées uniquement sur
l'observation des interactions que cet organisme entretient avec son entourage.
En ce sens, d'un point de vue behavioriste, l'enfant est doté dès
la naissance de capacités d'apprentissage générales et non
de connaissances spécifiquement langagières. Le comportement
linguistique est considéré comme renforcé par les
locuteurs adultes, l'imitation par l'enfant jouant un rôle important.
Chomsky adopte une position différente: il considère
qu'on ne peut rendre compte de l'acquisition du langage sans avancer
l'idée d'un système spécifiquement linguistique.
Dans l'optique de la théorie formelle du langage
caractéristique des travaux de Chomsky, on peut définir le
langage de façon étroite en termes de structures. Se pose alors
une question: comment l'input linguistique (le langage reçu)
influence le développement grammatical chez l'enfant. L'hypothèse
sous-jacente à la position de Chomsky est que le langage, comme
système structural, est indépendant du langage
comme système de communication. Il est obligatoire de
se demander comment est apprise la structure du langage (sa forme et sa
signification) et comment ce processus peut être facilité et
s'simplifié par la nature-même du langage adressé à
l'enfant.
Bien que les études sur l'interaction sociale et le
développement du langage tendent à voir ce dernier comme un moyen
de communication, les premières recherches ont été
dominées par la théorie structurale de Chomsky. Un tournant s'est
opéré lorsque les aspects sociaux du processus d'acquisition sont
devenus évidents. Bien qu'on ne puisse nier l'existence d'un
enseignement explicite de la grammaire (grâce aux mères, aux
enseignants), on donne une importance particulière aux relations
entre l'input et le développement quand ces relations sont moins
formelles, moins explicites mais peut-être plus puissantes.
La théorie Chomskyenne a servi de catalyseur
pour les recherches sur le développement du langage dans deux
directions.
1- L'occultation relative de l'environnement social dans
lequel se développe le langage a conduit à une forte
poussée dans les recherches des années 1970 qui ont centré
leur intérêt sur de larges propriétés de l'input
langagier susceptibles de faciliter ou d'entraver l'évolution du
langage. Puis, l'intérêt s'est déplacé sur les
ajustements spécifiques de l'adulte et à leur impact particulier
sur des structures émergentes définies dans le langage de
l'enfant.
2- D'autres recherches se situent dans une optique de
"réglage de paramètres"; celui-ci reconnaît l'aspect
inné du langage en ce sens que l'enfant est génétiquement
doté de règles ou de principes grammaticaux. Ce qui importe est
que, au moins certaines règles sont données à un tel
niveau de généralité qu'elles demandent à
être spécifiées. Dans les premières
élaborations de la théorie Chomskyenne, les enfants sont
considérés comme prédisposés à
l'apprentissage des règles de grammaire de façon innée.
Cette prédisposition permet de sélectionner les règles
à partir d'un ensemble infini de règles qui pourraient exister.
Dans ce modèle du paramétrage, les enfants établissent la
valeur d'un paramètre; ou disant, ils se fixent
une règle grammaticale. La majorité des travaux
sont ainsi à l'interface de la linguistique pure et de l'acquisition du
langage. Cela a donné lieu à tout un ensemble d'études qui
reposent la question suivante: comment en arrive-t-on aux
représentations linguistiques étant donnée la limitation
de la base de données disponibles?
Pour cela, deux hypothèses sont émises:
a)- Les principes grammaticaux formels sont innés.
b)- Le langage peut être appris, le langage adulte
étant l'idéal à atteindre.
Les chercheurs essaient ainsi de rendre compte de la
façon dont se construit le langage en fonction des circonstances. Selon
les tenants de cette orientation (learnability theory), l'enfant est
équipé d'une part d'un ensemble inné de principes
grammaticaux, d'un ensemble de places où l'on peut avoir certaines
variations - d'autre part, l'enfant est équipé de
procédures d'apprentissage.
Exemples de principes:
- celui de relations comme l'anaphore (reprise du
référent), les pronoms
(quiremplacent un nom), les expressions
référentielles ("Pierre" réfère à une
personne).
- celui de primauté (Head principale): dans bon
nombre de langues, l'élément le plus important de la phrase
apparaît en tête d'énoncé.
Une hypothèse supplémentaire concernant la
nature du langage est que ce dernier correspond à un don biologique qui
nécessite des stimulations environnementales. Ce qu'on entend ici par
langage reflète toujours des règles grammaticales qui sont
puissantes, abstraites; ce sont des formulations généralisables
qui permettent la spécification de phrases de la langue, devant
être grammaticalement correctes. Les règles sont implicites, mais
peuvent devenir explicites lorsque l'enfant pose des questions à leur
sujet, lorsqu'une erreur a été relevée par l'entourage ou
encore lorsqu'un jugement de grammaticalité est demandé. Pour
Chomsky, donc, les potentialités innées de l'enfant ne
s'actualisent
que par le fait que cet enfant est exposé à une
communauté linguistique. Le milieu joue un rôle de catalyseur ou
de déclencheur d'une machine toute montée dans le cerveau du
sujet. Cette machine n'a plus qu'à se mettre en route pour assimiler la
réalisation particulière qui lui est présentée des
règles du langage. Ces règles sont universelles, propres à
l'espèce et elles constituent un modèle interne.
Selon Chomsky (1965) et Mac Neill (1966; 1970),
le développement du langage se réalise grâce à
une mystérieuse composante, une "boîte noire", le LAD
(Language Acquisition Device système d'acquisition du
langage), constitué des règles linguistiques de la langue
courante de la communauté. Ce LAD dispositif d'acquisition du
langage de nature grammaticale universelle est équipé pour capter
les éléments de base qui constituent la langue de l'entourage et
ce, avec une très grande rapidité. C'est cela qui expliquerait la
rapidité d'acquisition et l'aspect créateur du langage. On
remarque en effet que les enfants apprennent leur langue maternelle dans un
laps de temps relativement court. A cela s'ajoute le fait que, très
rapidement, les enfants deviennent capables de produire et de comprendre un
nombre pratiquement illimité d'énoncés.
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