1.2.2. Spécificités de la pauvreté
urbaine à Kinshasa
Après une présentation de la ville de
Kinshasa, nous évoquerons dans un premier temps le profil de la
pauvreté dans la ville de Kinshasa, pour nous focaliser ensuite sur les
caractéristiques de la pauvreté dans la commune de Lingwala. A ce
sujet, l'étude menée par Françis NZUZI LELO et Claudine
TSHIMANGA90 ainsi que le rapport de l'Unité de lutte contre
la pauvreté du PNUD91 nous ont été d'un
concours sans pareil.
1.2.2.1. Présentation de la ville Province de
Kinshasa
Nous présentons ici quelques repères
géographiques avant d'aborder les typologies des quartiers de
Kinshasa.
1.2.2.1.1. Repères géographiques et
démographiques.
La ville de Kinshasa est, en vertu de la constitution
de la République Démocratique du Congo, dotée du statut
de province et capitale de la RDC. Elle est le siège des
86 Oasis KODILA, op. cit
87 L'indice de Gini mesure le degré
d'inégalité de la distribution des revenus dans une
société donnée.
88 PNUD, Rapport sur le développement humain
2011, p. 156
89 Les chiffres sont tirés de l'étude de
BAfd/OCDE citée par Oasis KODILA
90 Françis LELO NZUZI et Claudine TSHIMANGA,
`'La pauvreté urbaine à Kinshasa», CORDAID, 2004
91 PNUD-Unité de lutte contre la
pauvreté, `'Province de Kinshasa, Pauvreté et conditions de vie
des ménages», Mars 2009
institutions du pays et se trouve à l'Ouest du
pays. Sa superficie est 9.965 Km2. Kinshasa représente 34,2%
de toute la population urbaine de la RDC.
Sa population a augmenté de façon
vertigineuse. Elle comptait 5000 habitants en 1881 ; ce nombre s'est rapidement
accru pour atteindre 200.000 habitants en 1950. De 1950 à 1980, cette
population a été multipliée par 12 pour atteindre
2.400.000 habitants. La ville a connu une véritable explosion
démographique, surtout après l'indépendance : 400.000
habitants en 1960 ; 900.000 habitants en 1969 et près de 6.000.000 en
2003. Donc, de 1960 à 2003 la population kinoise a été
multipliée par 15. Les causes de cette explosion sont : l'accroissement
naturel, l'exode rural et l'incorporation des villages environnants. Les
personnes de nationalité congolaise constituent la grande
majorité de la population kinoise. Les « étrangers »,
toutes nationalités confondues, ne forment que 2,0% de la population.
Ces étrangers proviennent surtout (75%) des « pays limitrophes
».
L'image que la structure de la population kinoise
laisse apparaître est celle d'une population caractéristique des
pays en développement avec une forte proportion de jeunes et une faible
proportion de personnes âgées. 50,3% de la population ont moins de
20 ans. L'âge moyen est de 23 ans. Le taux de dépendance est
très élevé à Kinshasa : 2,9 contre 1,7 en RDC.
Enfin, la taille moyenne des ménages kinois est plus
élevée à Kinshasa (6,0) que dans les autres provinces (5,3
en RDC).
Kinshasa est une ville de plus de
8.663.00092 d'habitants répartis sur 24 communes et 326
quartiers. Elle est construite sur un sol argilo-sableux et un site particulier
ressemblant à un amphithéâtre avec une ville basse (la
plaine au Nord et à l'Est) une ville haute (les collines au Sud et
à l'Ouest).
A. La ville basse. La plaine est un site
urbanisable en forme croissant parce qu'elle suit la courbe du fleuve. Elle
correspond à ce que l'Administration urbaine appelle »ville
basse». Secteur le mieux cadastré, urbanisé et
industrialisé, cette plaine abrite 18 communes avec environ 4.375.000
habitants et elle souffre des problèmes d'inondation et de
marécages du fait des pentes trop faibles, du système de drainage
défectueux et des rivières qui la traversent prenant source sur
les collines.
B. La ville haute. Les collines sont des
sites non aedificandi (non constructibles) sur plusieurs endroits. Elles ont
été occupées après l'indépendance par des
Kinois ignorant les normes urbanistiques. Dans certains endroits on trouve des
bicoques, et dans d'autres on trouve de somptueuses villas qui ont investi les
collines du Mont-Amba (417m), Djelo-Mbinza (545m), Mont-Ngafula (548m) et
le
92 Ministère du Plan - Institut National da
La Statistique, Carte statistique de la RDC 2000 - 2007, Kinshasa, avril 2008 ;
Institut National de la Statistique, Projections de la population de la RDC
2005 - 2010. Les données fournies par ces deux documents sont des
estimations calculées à partir des données de la
dernière opération de recensement scientifique qui a eu lieu en
en 1984.
contre bas du Pic Meuse (675m). Elle correspond
à ce que l'administration urbaine appelle »ville haute» et
abritent 6 communes avec plus de 1.625.000 habitants. La ville haute
connaît des problèmes d'érosions, d'éboulements, de
glissements de terrains et d'effondrement du fait du mauvais drainage des
eaux.
1.2.2.1.2. Typologies des quartiers de
Kinshasa
A. Les quartiers résidentiels sont
ceux qui disposent des routes bitumées et des parcelles spacieuses
souvent supérieures à 1000 m2. Les eaux usées
et les eaux de ruissellement sont évacuées grâce à
un système de canalisation généralement fonctionnel. Les
activités informelles sont faibles dans les rues. L'accessibilité
automobile et pédestre est bonne et aménagée. Les
infrastructures sont présentes ; elles sont en bon état, mais
sous utilisées. Le déplacement se fait essentiellement en
véhicules individuels à cause de la faible demande de transport
en commun. Dans ces quartiers, la densité est faible, soit 20 habitants
à l'hectare.
Les quartiers résidentiels se trouvent dans
les communes de Lemba (Righini), de la Gombe, de Limete (résidentiel et
industriel), de Ngaliema (Mbinza Ma Campagne et Mbinza UPN).
B. Les quartiers des anciennes cités
sont de très vieux quartiers où les habitations sont en
général vétustes et taudifiées. Les rues sont en
partie bitumées, les canalisations d'eau sont bouchées. La
densité de la population est très forte (environ 400 hab. /ha).
Les emplois informels sont très présents. La marche à
pied, comme mode de transport, est très importante. Les infrastructures
sont insuffisantes et dégradées. Les chaussées
piétonnières ne sont pas aménagées. Ces quartiers
souffrent de sérieux problèmes d'assainissement. Les parcelles
sont sur occupées ; elles contiennent en moyenne dix
ménages.
Ces quartiers se trouvent dans les communes de Kinshasa,
Lingwala, Barumbu et Kintambo.
C. Les quartiers des cités
planifiées sont cadastrés, planifiés et dotés
des commodités urbaines. Mais, les canalisations sont vielles et
sous-dimensionnées ; celles des eaux ménagères sont
presque inexistantes. La densité de la population est forte, soit 350
habitants par hectare. Les emplois informels sont très importants. La
mobilité piétonnière est très importante. Les
parcelles ne dépassent pas 300 m2. Les infrastructures sont
saturées et dégradées.
Ces quartiers se trouvent dans les communes de Lemba,
Matete, Ndjili (quartiers 1 à 7), Kalamu et Bandalungwa.
D. Les quartiers excentriques et d'extension
sont essentiellement d'autoconstruction. Ils sont isolés, non
cadastrés et en majorité habités par des couches sociales
à faibles revenus. Certains de ces quartiers sont créés
sur des sites non aedificandi : inondables et collines érodables.
L'accessibilité est aléatoire et
impraticable à certains endroits. La
mobilité piétonnière est importante. Les infrastructures
publiques sont quasi-inexistantes. Les transports en commun sont
aléatoires et, l'accessibilité piétonne est difficile et
non aménagée.
Ces quartiers se trouvent dans les communes de Masina,
Kisenso, Selembao, Makala, Ndjili extension, Bumbu, Kimbanseke et
Ngaba.
E. Les quartiers semi-ruraux sont faiblement
occupés. Les emplois informels
sont faibles et dépendent de
l'ancienneté du quartier. Ces quartiers occupent à eux seuls plus
de 50 % de la superficie de la ville. Ils sont quasiment vides et se trouvent
à plus de 60 km du centre ville. Ils remplissent à la fois les
fonctions de banlieues agricoles, industrielles, maraîchères et de
recréation.
Ce sont les communes de Maluku, Nsele et
Mont-Ngafula.
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