10.2.3 Tableau comparatif sur la concertation entre
l'élaboration et la mise en oeuvre de la LOA
Tableau 5 : comparatif sur la concertation entre
l'élaboration et la mise en oeuvre de la loi
Critères de concertation réussis
d'après BEURET
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Traduction dans le processus
d'élaboration
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Traduction dans la mise en
oeuvre
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Construire des objets de
concertations qui correspondent à une
préoccupation commune essentielle pour l'avenir. Cet objet donne lieu
à des controverses.
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Répondre aux enjeux de l'agriculture, moteur de
l'économie en reconnaissant le rôle des paysans et des paysannes a
travers l'agriculture familiale controverse récurrente au pays.
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La vision globale qui devrait être assurée par le
SP est dissoute dans chaque département
ministériel sous la plume des
juristes et dans l'esprit de défendre son «
pré-carré »
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La concertation crée des
références communes qui rendent possibles
l'action et la décision collective.
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La concertation a crée des
références communes à travers le texte de la
LOA voté a l'unanimité par les
députés et « applaudi par tout le
monde ».
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Il n'y a plus de concertations,
Résultats des textes
d'application insatisfaisants sans références
communes.
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La réponse commune s'élargira au
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Partie d'ATT/CIFA/CNOP elle s'est
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Le réseau se rétrécit et se
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75 BEURET, 2006
76 BEURET, 2006
fur et à mesure du processus, condition sine qua non de
l'élargissement du réseau ...qui est un ensemble d'entités
humaines, individuelles ou collectives, défini par leur rôle, leur
identité.
Le réseau relie toutes les entités qui
participent au problème et à la recherche de solutions permettant
de passer de l'acceptable au souhaitable.
La dynamique engagée et, au-delà du dialogue. La
mise en place de porte-parole, de supports d'information mutuelle, de
règles de dialogue... permet de consolider le réseau qui porte la
concertation et les accords qui pourront en résulter.
La concertation doit être vue comme un processus de
construction collective d'une innovation sociale,
portée par un réseau dont la consolidation et
l'élargissement déterminent le succès
L'intérêt de la concertation par rapport à
la consultation ou à la négociation, c'est la construction
collective d'objets qui vont devenir communs aux participants et sur la base
desquels pourront émerger des initiatives, des décisions, des
règles, a l'issue ou en aval de la concertation proprement dite. C'est
un processus de construction collective de questions, de visions, d'objectifs
et de projets communs relatifs a un objet...
élargie a tout l'appareil étatique des ministres
aux services en passant par l'APCAM, a touché plus de 4000 paysans et
paysannes et a eu recours à des personnes qualifiées.
Les nombreux débats internes et externes dans toutes
les catégories socioprofessionnelles du secteur attestent de cette
volonté de passer de l'acceptable au souhaitable.
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Elle a mis en avant des personnalités du CIFA et des
responsables d'OP. Une stratégie de communication a été
mise en place : documentaire,
réunions jusqu'à l'échelon local,
émissions radio, télé, diffusion de documents en langues
nationales, internet
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De l'élaboration au vote la LOA est une innovation
sociale. Le réseau a été élargi et
consolidé, voir sous contrôle, amenant au succès.
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C'est dans cet esprit que la démarche a
été mise en oeuvre. Même s'il y a des phases de
consultation (CIFA/CNOP la première année lors des premiers pas
au sein de l'État), vis-à vis de l'APCAM/chambre d'agriculture
pour aboutir a une négociation au moment de l'écriture des
articles de la loi et du vote a l'AN, il y a bien eu concertation. On est
passé d'une ossature de loi étatique a une écriture des
textes par les paysans, il y a bien eu une construction collective
étalée sur trois ans. Seules les chambres d'agriculture
compartimente en fonctions des identités et de leur
rôle entrant dans une phase de consultation pour arriver à un ((
accord qui se noue via une réduction drastique de ce réseau
».
Il n'y a plus de réseau, de relais entre les
identités, plus de débats : les points focaux et les CER ne
fonctionnent pas, les ateliers administration/ paysans sont des dialogues de
sourds, les paysans n'ont plus les moyens de faire des concertations et (( ne
réclament pas » dans les CSA et CEN.
La dynamique est en panne, sans (( leadership », sans
échanges. La parole paysanne est étouffée malgré
les règles de dialogue instaurées. La sonnette d'alarme est
tirée mais ne consolide ni la concertation ni les accords. Le moyen le
plus rapide d'aboutir a un accord étant de marginaliser les participants
qui ont des points de vue et des références différents
dans la consultation.
L'innovation sociale s'est
arrêtée au seuil de l'Assemblée nationale
lors du vote de la loi. L'essai n'est pas transformé.
A cette phase là on n'est plus dans la concertation
mais soit dans la négociation qui (( vise à décider sans
obligatoirement comprendre l'autre~, soit dans la consultation qui (( n'offre
aucune garantie quant à l'ouverture d'un dialogue entre les acteurs et
celui qui consulte s'emploie parfois a éviter un débat qui
donnerait un pouvoir aux acteurs locaux en leur permettant de se construire une
vision commune : ceci constitue une différence majeure avec la
concertation » :
ont été marginalisées.
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les départements ministériels et l'APCAM sont
soit dans l'une ou l'autre posture. Il n'y a plus de construction collective.
Il n'y a plus de processus de
construction collective car l'administration a repris la main,
et l'APCAM sert de « portevoix» consultatif.
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La légitimité des acteurs admis à
participer et les objectifs poursuivis par le processus ne sont pas
donnés a priori, mais sont construits par le processus.
Le jeu d'acteurs étudié se trouve limité
à ceux qui participent à la procédure ou a l'instance,
qu'ils s'y opposent ou la soutiennent. La participation est volontaire car
l'individu est acteur du processus (alors qu'il peut subir une consultation de
façon relativement passive ou être convoqué à une
négociation).
Le processus peut être « induit » par les
pouvoirs publics ou se développer de façon autonome, entre des
acteurs dont l'objectif est soit de se forger une position commune à
défendre auprès des décideurs, soit d'agir ensemble
indépendamment de la puissance publique
Le décideur public, peut décider de
déléguer au collectif une partie de son pouvoir de
décision, mais rien ne l'oblige a le faire. S'il le fait, ceci devient
une règle qu'il devra respecter. Les règles du jeu vont
être là aussi l'objet d'une construction collective.
La gestion concertée fait appel à la
concertation pour dépasser les divergences de perceptions,
d'intérêts et de positions en vue de construire une gestion
cohérente et coordonnée. Elle ouvre un espace doté des
propriétés d'un
Le processus a permis à tous les acteurs d'y participer
au fur et a mesure dans le cadre de cette construction. La
légitimité des paysanne-s à tous les acteurs
étatiques, décentralisés ou paraétatiques,
bailleurs de fond reposait sur leur implication effective déjà
dans le secteur.
Certains ministres, fonctionnaires, et l'APCAM étaient
en opposition et/ou en résistance car ils perdaient de leurs
prérogatives antérieures. Dans ce cadre là ils ne couvrent
pas le champ de participation volontaire, ils l'ont plutôt subi.
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Le processus a bien été induit par les pouvoirs
publics. Il s'est développé de façon autonome lors de la
prise en main de la concertation par la CNOP attesté par un
Mémorandum paysan.
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L'État a délégué la LOA à
la CIFA puis la concertation en moyen humain et financier à la CNOP pour
toucher la population rurale. Les règles du jeu ont été
construites collectivement pour mettre en place une gouvernance. Elles ont
été respectées notamment avec la mise en place d'une
convention.
L'élaboration s'est bien déroulée en
gestion concertée, cohérente et coordonnées par la CIFA
puis la CNOP. Elle a réussi à dépasser les divergences par
de nombreux débats dans des espaces publics et/internes aux services
étatiques: réunions
La légitimité des acteurs,
surtout des organisations paysannes, chevilles
ouvrières avec la CIFA de la première phase, est remise en
cause.
Même si volontairement les OP participent à
certains espaces de concertation, ils sont
démunis parce que la concertation n'existe plus tant au
sein de leurs structures que dans les espaces prévus où ils sont
plutôt en situation de consultation et/ou négociation.
Les départements ministériels ont repris en main
la partie mise en oeuvre, chacun de façon autonome mais sans objectif de
forger ensemble une position commune.
L'État a délégué au
Secrétariat permanent la mise en oeuvre « sans pouvoir, ni moyens
» sans règles réelles.
Il n'y a plus de gestion concertée. Est-ce que
l'atelier national de stratégie concertée pour la mise en oeuvre
de la LOA d'octobre 2009 permettra de remettre de l'huile dans les
espace public : liberté et
autonomie des citoyens pour la
formation par la raison d'une opinion et d'une volonté
collective (Habermas, 1978) .
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locales et nationales, ateliers
thématiques qui ont vu émergé une opinion et
une volonté collective.
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rouages ?
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L'itinéraire de concertation est
marqué par une progression dans le dialogue (positive
ou négative) des «événements» extérieurs
qui l'influencent et d'éventuelles interventions visant à
favoriser son avancée.
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Il y a bien eu une progression dans le dialogue, avec une
volonté
interventionniste de l'État pour
favoriser son avancée en affichant une bonne
gouvernance demandée par les paysans et les bailleurs de fonds.
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Régression plutôt que
progression. Reste des contacts bilatéraux survivance
du réseau antérieur. Arrivée de
chercheurs en tant que relais futurs comme les
retraités, les mutés qui voient leur «bébé se
noyer».
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Un itinéraire va souvent évoluer
sur plusieurs scènes.
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Deux scènes principales : celle interne a l'appareil
étatique, et celle des paysans qui parfois se confrontaient surtout dans
les réunions délocalisées.
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Des multitudes de scènes
cloisonnées où la division et le dialogue de
sourds prédominent.
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Le réseau et l'objet de la
concertation, lorsqu'elle s'engage, sont toujours très
restreints. La concertation prend forme sur des scènes de concertation
autour
desquelles s'articulent les échanges entre acteurs.
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Au départ le réseau de la concertation
était bien restreint alors que l'objet de la concertation concernait 80%
des malien-e-s avec qui des échanges ont bien eu lieu.
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Le réseau restreint du départ
CIFA/CNOP qui était des
moteurs, des animateurs et
coordinateurs n'existe plus. Chaque acteur qui était
partie prenante a refermé le cercle de la concertation.
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A la lecture de ce tableau, il ressort clairement que la phase
d'élaboration était bien une concertation et la mise en oeuvre
oscille entre consultation et négociation, quand celles ci existent.
Pour réussir cette concertation, comme nous avons
essayé de le faire ressortir tout au long de cette étape, il a
fallu que le plus haut sommet de l'État via la CIFA use de tout son
poids pour :
convaincre les fonctionnaires
imposer à certains ministres à se plier à
cette démarche
signifier a l'APCAM qu'elle n'était pas le porte-voix des
paysans et paysannes.
Ces acteurs confrontés à une autre logique
étatique, sont souvent entrés en opposition, en résistance
ou se sont effacés. Au moment de la mise en oeuvre, le décor a
changé. De nouvelles élections présidentielles avec les
inévitables remaniements ministériels tant politiques que
liés à des départs en retraite, de nouvelles affectations
de budget ont redistribuées les cartes. Ceux qui se considéraient
lésés lors de l'élaboration ont le champ libre pour
reprendre leurs prérogatives.
Cette situation est clairement expliquée par le SP qui
doit coordonner les débats entre tous les acteurs et harmoniser les
ministères, évoquant les blocages et lenteur :
«Cet outil, la LOA on va le faire avancer...C'est un
apprentissage, c'est notre première LOA, il faut qu'on change nos
habitudes, comment progresser ensemble dans l'intérêt
général, pour le bien public, rompre avec les anciennes
pratiques, apprendre a travailler collégialement, c'est pas
automatique...Le changement se dit mais ne se réalise pas facilement !.
Je reste convaincu que c'est une chance pour le Mali d'avoir réussi a
sortir une LOA innovante qui offre des outils pour permettre d'avancer. Oui il
y a du retard mais ce n'est pas un problème, le sujet est complexe il
faut prendre le temps. Il estime que la participation surtout des organisations
paysannes est garantie « Un point est fait au ministre tous les 6 mois. Un
tous les ans directement avec le Président. Cette configuration assure
la participation des acteurs. On n'a besoin de
personne pour écrire les décrets ! Il y a deux
phases différentes. On s'est mis d'accord au moment de
l'élaboration, maintenant c'est a l'État d'appliquer !
»
Donc pour l'organe responsable de la LOA, le SP, la
concertation voire la gestion concertée n'est plus d'actualité,
hormis dans les instances de gouvernances. Le résultat est que la LOA
« piétine » et ne correspond plus aux aspirations des
paysan-ne-s.
Au vu de tous ces éléments quels sont les
facteurs qui pourraient redonner une dynamique au processus au moment de la
mise en oeuvre ? Quelles sont les nouvelles conditions et éventuellement
les nouveaux acteurs qui pourraient intervenir ? Quelles pistes
privilégier pour remettre de la stratégie collective et porter
jusqu'au bout l'espoir qu'avait suscité la LOA ?
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