F. Discussions et pistes ?
« Il faut redynamiser le cadre, il faut que les acteurs
s'y mettent. En ce moment c'est difficile, il n'y a pas de cohérence, de
visibilité car il y a un éclatement des budgets, des
compétences »
La situation a l'automne 2009 est plus que brouillée a
tous les niveaux. Consciente des dérives, la CNOP invite les
différents acteurs impliqués à se retrouver à la
Bibliothèque Nationale de Bamako, pour un atelier d'échanges sur
la stratégie de mise en oeuvre concertée de la LOA le 9 et 10
novembre 2009 auquel j'ai participé. Il est financé sur le budget
du SP dont le compte rendu doit être fait et payé à la
CNOP.
30 personnes sont présentes dont des élu-e-s de
la CNOP, de l'AOPP, de l'APCAM et des agents des Ministères de
l'Agriculture, de l'Élevage et de la Pêche, de l'Environnement et
l'Assainissement. Le SP est représenté par le conseiller
juridique. La voix officielle est tenue par M. CISSE juriste du
Ministère de l'Agriculture. Il est impliqué dans la LOA depuis le
début, connait bien tous les acteurs et est apprécié par
les paysans « Le gouvernement via CISSE a répondu favorablement
dans l'atelier CNOP pour redonner la main a la CNOP. CISSE est fonctionnaire,
donc il répond a des ordres mais il est aussi fils de paysan. »
Argumente un responsable CNOP.
10 « NOUS AVONS LE FEU, VOUS AVEZ LA VIANDE
FRAICHE, VENEZ CHERCHER LE FEU »
Au risque de redites, il est important d'essayer de faire
ressentir l'ambiance qui régnait. En effet les paroles dites dans cet
atelier sont importantes car elles font un point sur les situations de chacun,
comment chacun les ressent et des marges de manoeuvre existantes pour repartir
dans un éventuel nouveau processus pour la mise en oeuvre.
Après le mot d'accueil de la CNOP, la parole est
aussitôt donnée au représentant du Ministère de
l'Agriculture qui plante le décor :
(( Depuis 2006 on aurait pu déjà se
retrouver pour bâtir un partenariat pour la mise en oeuvre de la LOA. En
2006 il y avait un vrai élan de la CNOP. La CNOP aurait du prendre soin
de matérialiser cet envol, peut-être il n'y a pas eu l'appui
nécessaire, il n'y a pas de contact, de convention comme en 2004. Il
n'est pas trop tard, les acteurs n'ont pas changé. Qu'est-ce qu'on peut
apporter comme compétence pour accompagner la mise en oeuvre de la LOA ?
J'espère qu'au bout de ces 2 jours vous fournirez un document qui
permettra de relancer les processus de la mise en oeuvre de la LOA.~
Il insiste en recadrant la place de chacun, car la tension entre
l'APCAM et la CNOP est vive, en rappelant :
«ATT a tenu ses promesses en mettant en avant la CNOP
lors de l'élaboration. Il y avait aussi l'APCAM mais en tant
qu'établissement public leur analyse, vision, aurait pu biaiser le
processus, c'est pourquoi c'est la CNOP. La CNOP a une bonne expérience
et un bon réseau. L'État s'est appuyé sur les propositions
paysannes pour faire la LOA. En marge du processus paysan, il y a eu des
consultations auprès des offices, structures, des agents du
ministère. Des choix ont été difficiles car il y avait des
choix à prendre, et le Président a tranché. »
Il met en avant les difficultés rencontrées
actuellement :
(( On a péché sur 2 dimensions : textes et
pratique. Une chose est de faire les textes, autre chose des décrets.
Daouda Diarra fait ce qu'il peut, anime sur le terrain, le Président
devrait agir pour entendre la bouche du milieu rural. '>
Il pointe du doigt aussi les faiblesses de la CNOP. Elle semble
déphasée aux yeux du ministère :
(( La CNOP au lieu d'envoyer un document de
stratégie *pour cet atelier et qui date de juin 2008++ vous auriez du
faire des contre propositions, apporter des convictions. Que la CNOP fasse des
propositions. Les propositions doivent se suivre dans la continuité, il
y a eu une feuille de route, il faut assumer les cadres, il faut des
conventions, mais si vous ne proposez pas, pas de convention. La convention de
2004 s'engageait sur l'élaboration et malheureusement pas sur la mise en
oeuvre de la LOA. Composez avec 2004 une convention 2009 car il faut un cadre
juridique ! '>.
En janvier 2010, la CNOP assure avoir envoyé une
proposition de convention au Ministère de l'Agriculture et n'a eu aucun
retour. En posant la question a CISSE il me répond qu'il n'a rien
reçu, (( qu'en tout cas ce n'est pas arrivé sur son bureau
»! Encore une défaillance dans le système ou une
volonté de certains fonctionnaires de brouiller les relations ? Un
paysan interpelle :
((Comment faire pour dépasser les problèmes et
remettre de la stratégie ensemble et c'est l'objectif visé de
l'atelier: la CNOP doit retrouver son rôle dans la mise en oeuvre de la
LOA... Aujourd'hui il faut remettre en place une dynamique, car il y a des
textes légaux qui sont venus sans que la CNOP soit avertie ». Un
élu CA, adhérent de la CNOP, va dans ce sens aussi (( Il faut
saisir cette opportunité, la balle est dans notre camp, saisissons cet
accompagnement, et remercions le ministère. Il y a des
piétinements mais nos intérêts sont communs. Nous devons
oeuvrer ensemble a sa mise en oeuvre, a partir de nos préoccupations
propres. »
Puis les OP expriment leur désarroi face au processus en
cours :
(( Chaque projet de décret et de loi devrait
être analysé par la CNOP. Il y a une coupure du dialogue. Chaque
décret doit être présenté et l'avis doit être
collecté : il nous faut du temps. Tous les acteurs doivent être
intéressés par la mise en oeuvre des textes. La CNOP veut
récupérer le leadership. La CNOP a la capacité d'organiser
des ateliers pour récolter les préoccupations de la base. La mise
en oeuvre doit être testée ...la loi devrait être
adaptée à chaque région en fonction du mode de production
locale.'>
Elles insistent sur le fait qu'elles n'ont plus les moyens de
consulter leur base :
(( Le processus doit être dynamique et la CNOP doit
permettre que les potentiels s'expriment pleinement. La CNOP doit encadrer le
processus. Elle doit avoir les moyens de la concertation et être
appuyée par la base de tout bord. Les compétences paysannes sont
la base de la transmission. Il faut de la stabilité pour le portage de
dossier par les élus. '>
Tout au long de cet atelier il y a eu des mises au point entre
CNOP et ministères, mais aussi entre CNOP et APCAM. Les noeuds de
tensions sont fortement ressortis. Malgré tout il existe chez la plupart
des acteurs présents la volonté d'avancer sur la mise en oeuvre
de la LOA. La convergence vat-elle se réenclencher ? Qui va vouloir et
pouvoir reprendre les choses en main ? Est-ce que le dernier CEN va remplir ce
rôle ?
10.1 QU'ATTENDRE DU DERNIER COMITE EXECUTIF NATIONAL
(CEN)?
L'article 197 stipule que « L'évaluation de la
politique de développement agricole se fait tous les deux ans par les
structures compétentes », devrait enfin être appliquée
au CSA de mars 2010, avec 2 ans de retard !
Le CEN du 21 mars 2008 recommandait par la voix du Premier
Ministre de : Désigner les points focaux pour impliquer les
compétences nationales Intégrer dans les activités
2008/2009 la loi sur le statut des exploitants Réduire les coûts
du plan d'opérationb2008/2009
Rédiger la note de présentation du plan
d'opérations
Sur les points spécifiquement opérationnels, comme
nous l'avons vu les points focaux ne fonctionnent pratiquement pas à ce
jour, la loi sur le statut piétine et le budget a été revu
à la baisse.
Le CEN du 13 novembre 2009 qui a duré 1 heure, semble
faire transparaitre le malaise et les lenteurs qui entourent la mise en oeuvre
de la LOA. Chacun par ses déclarations reflète cette situation
:
Le SP :
(( Organiser des débats thématiques au
niveau des services techniques du secteur agricole, que dans le Programme de
Travail Gouvernemental des départements techniques, soit pris en compte
les activités et recommandations du CSA et redynamiser les CER
».
A noter que les suggestions du SP sont les mêmes que
celles du dernier CSA, révélant l'immobilisme entre les 2
sessions. S'il y a eu des débats au niveau des services techniques ils
ne se sont pas révélés efficaces lors des ateliers comme
nous l'avons vu. La LOA n'est toujours pas intégrée dans les
taches gouvernementales, et révèlent les difficultés de
cohérence entre les départements ministériels. L es CER ne
sont toujours pas opérationnels
La Commissaire à la sécurité alimentaire
:
(( Établir une meilleure visibilité dans la
mise en oeuvre de la LOA et propose que les projets de textes avant leur
adoption par le Gouvernement fassent l'objet de concertation et de partage par
tous les acteurs concernés
(( Prendre en compte les dernières recommandations
faites au dernier CSA ».
Les remarques de l'ancienne responsable du CIFA prennent
un certain relief lorsqu'elle déplore l'absence de dialogue et de la non
sollicitation de tous les acteurs a l'inverse de ce qui existait et qu'elle
souligne le non respect des recommandations ».
Le Président de la CNOP a fait part :
« De la nécessité de s'assurer que les textes
élaborés soient opérationnels
Du besoin de procéder à des expériences
pilotes par rapport a l'enregistrement et l'immatriculation, les commissions
foncières
que la LOA manque de leadership «
Il parle même de la « crainte des producteurs ~
face a une LOA qui n'est plus prise en main et qui s'éloigne de leurs
préoccupations. L'expérimentation est une demande forte des OP
dont les Chambres d'agriculture ont la responsabilité et/ou les services
décentralisés.
Le président de l'APCAM
Annonce le début de l'expérimentation de la
procédure d'enregistrement et d'immatriculation dans 5 communes rurales,
qui aurait déjà du être mise en place comme prévu
sur le décret daté du 31 décembre 2008. En
réalité les premières réunions sur le sujet
n'auront lieu qu'après le CEN.
De même pour les commissions foncières dont le
manque d'application avait été plusieurs fois relevé,
alors que le décret était sorti depuis le 19 janvier 2009, et
qu'il pouvait répondre pour parti aux conflits. Le SP confirme le 7
janvier « Pour les commissions foncières je reviens du terrain, on
met ça en place sur cinq communes à Kadiolo cercle de Sikasso
».
Le mécontentement général et
l'arrivée du prochain CSA forcent l'APACAM a réagir Le Directeur
de la Primature
«Exprime son inquiétude quant à la
réalisation effective des activités programmées avant le
prochain CSA, car à ce jour il y a un faible taux de réalisations
des activités exécutées au cours de l'année
Demande aux membres du CEN de faire des propositions par
rapport a l'opérationnalisation des textes déjà
adoptés mais aussi pour la réalisation des activités
programmées avant la fin de l'année 2009.»
Même la voix gouvernementale dénonce l'inertie de la
LOA Le premier ministre tance à priori le CEN :
« En rappelant par 2 fois, en début et fin de
séance, aux départements ministériels la
nécessité et l'urgence de prendre les mesures appropriées
en vue de suivre l'opérationnalisation des dispositions de la LOA et de
ses textes d'applications
En demandant de faire pour les prochaines cessions l'état
des textes adoptés et des
décrets72 et la
nécessité d'une présentation de l'état de tous les
secteurs Agricoles
En faisant par de son inquiétude de la non adoption des
textes relatifs au FNDA. Lors de mes entretiens l'explication qu'on me donnera
c'est que le ministre de l'Économie et des Finances est réticent
a ce fond, mais maintenant il allait devoir s'exécuter après ce
« coup de gueule ». Effectivement quelques jours plus tard
était annoncé la création d'un compte d'affectation
spéciale, confirmé lors de l'entretien du 7 janvier 2010 avec le
secrétaire permanent. « Ca y est le FNDA va avoir 10 milliards,
c'est pratiquement fait, ça sera opérationnel dès la
première campagne »
En réclamant au SP de préparer un rapport
analytique de l'état de mise en oeuvre de la LOA et ses textes
`applications pour la prochaine session (CSA de mars 2010) et d'inscrire a
l'ordre du jour du CSA « les préoccupations des acteurs du secteur
Agricole, des exploitants agricoles....pour orienter les interventions futures
du Gouvernement
En procédant a une priorisation des textes d'application
en fonction de leur nature, leur impact et leur intérêt ».
Mais comme le souligne un membre du Ministère de
l'Agriculture :
« En tout cas à la dernière session le
premier ministre s'est comporté plus comme un porteur de la LOA que
comme Premier Ministre. Il soulignait le manque d'expérience sur le
terrain par rapport aux textes sortis et il a exhorté les
départements a s'activer et la volonté du pouvoir a aller vers la
mise en oeuvre. 2010 doit être l'année de la mise en oeuvre
pratique ! »
72 C'est un document récapitulatif, que j'ai eu juste
avant de partir vers le 10 janvier 2010
Si 2010 doit être enfin, l'année de mise en
pratique de la LOA, des décisions doivent être prises a plusieurs
niveaux. Mais qui peut les prendre, quelle volonté ou soutien politique
existent actuellement alors que toutes les structures soit étatiques ou
paysannes sont divisées? C'est l'objet du prochain paragraphe.
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