INTRODUCTION
Du 22 septembre 1960 date de l'Indépendance du Mali a
aujourd'hui, de nouvelles relations ont été mises a l'oeuvre
entre les institutions publiques et les autres acteurs de la
société, en particulier le monde paysan qui « était
méprisé ~ surtout par le monde politique et administratif a
l'inverse du monde intellectuel. Celui-ci est passé d'une mise sous
tutelle par les différents gouvernements a une prise de
responsabilité face au désengagement de l'État du aux
Plans d'Ajustements Structurels (PAS) et a une reconnaissance comme acteur
principal, via la Coordination Nationale des Organisations Paysannes du Mali
(CNOP), lors de l'élaboration de la Loi d'Orientation Agricole (LOA)
pour mener les concertations en 2005.
Les évènements de 1991, renversant une
présidence militaire, avaient amorcé le début de la
démocratie et adopté la voie du libéralisme. La
Constitution du 25/02/1992 reconnait le multipartisme, les associations, les
syndicats, la liberté de la presse. De Conférence Nationale en
États-Généraux, les espaces d'expression se multiplient.
Depuis, le Mali ferait parti des pays de l'Afrique de l'Ouest qui aurait
réussi leur transition politique, sous-entendu la mise en place de la
démocratie. Mais comme s'interroge Alexis Roy1 :
« L'apparition d'espaces de médiation entre
l'État et les paysans, effet croisé de la transition politique,
de la structuration du monde paysan et de la pression des bailleurs de fonds,
témoigne des nouvelles relations « gouvernants-gouvernés
»
Dans ce monde en mouvement, les paysan-ne-s du Mali se sont
petit à petit structurés à tous les échelons pour
faire entendre leur voix et agir. Lors de l'élaboration de la LOA,
l'interlocuteur paysan choisi, a été la CNOP. Née en 2002,
elle s'est retrouvée propulsée en 2005 sur le devant de la
scène par le chef de l'État luimême, Amadou Toumani
Touré, dit ATT,pour mettre en place le processus de concertation. La LOA
n°06- 40/AN-RM (voir annexe n°1) est votée le 16 août
2006 a l'unanimité a l'Assemblée nationale (AN). « Applaudie
par les paysans ~ dixit un responsable paysan. Trois ans plus tard alors que sa
mise en oeuvre devrait être en pleine phase de croissance et
opérationnelle, l'élan qui avait mobilisé de nombreux
acteurs semble brisé. La LOA échafaudée en grande partie
sur la base des revendications paysannes semble aujourd'hui leur
échapper au moment de la sortie des décrets. Quels sont les
facteurs qui ont amené à cette situation ?
A ce jour, d'après mes recherches, aucun travail
d'analyse n'a été recensé sur la mise en oeuvre de la LOA
du Mali. Ce sujet m'interpelle car moi-même paysanne et syndicaliste,
j'ai été invitée au Forum Social Mondial de Bamako en
janvier 2006. L'effervescence au sujet du processus de concertation irriguait
tous les réseaux paysans. On était en pleine phase
d'élaboration et les premiers textes de pré-projet de la loi
portaient une vision d'une politique agricole innovante. La souveraineté
alimentaire, l'équité entre hommes, femmes, jeunes pour
l'accès au statut, à la terre étaient écrits noir
sur blanc. Cet optimisme relevé par certains chercheurs (NARDONNE) ou
structure (GRET) laissait présager qu'enfin une LOA serait l'écho
de la voix paysanne. Aujourd'hui les faits contredisent cet espoir. Le soutien
politique dont avait bénéficié la CNOP lors de la
première phase n'est plus au rendez vous au moment de la mise en oeuvre,
alors que c'est le même président en place.
Comme l'avait anticipé, Ibrahima COULIBALY,
président de la CNOP, dans la préface du Mémorandum paysan
(voir annexe 2)
« Assurément, le défi des concertations
paysannes a été relevé et de fort belle manière
!... mais tout n'est pas réglé... Beaucoup reste encore a faire
sur le chantier de la réalisation de la LOA au Mali. Aujourd'hui, il
faut déjà faire en sorte que le projet de texte final qui sera
adopté puisse refléter, autant que faire se peut, les aspirations
profondes du monde rural. Ft demain, il faudra faire en sorte que les paysannes
et paysans
1 Alexis Roy, 2009, Subvertir et définir : que nous
apprend le militantisme sur les espaces politiques en « transition »
Les syndicats de producteurs de coton au Mali : la représentation
paysanne confisquée ?
du Mali puissent s'approprier la LOA et concourir
conséquemment a sa mise en oeuvre et a son suiviévaluation. C'est
a ce prix et a ce prix seulement que le pari de la LOA sera gagné au
Mali ».
Ce souci fait écho aux propos d'Ibrahima Assane MAYAKI,
ancien 1er ministre du Niger et dont le constat est au coeur du
mémoire :
« En général, la concertation avec les
acteurs est valorisée dans les étapes de construction de la
« vision » et de « l'évaluation ex post '> *...+ Par
contre, elle est fortement négligée lors de la formulation des
politiques et de leur mise en oeuvre ».
C'est ce décalage entre la phase d'élaboration
oü la CNOP a joué un rôle central avec le soutien du pouvoir,
et la phase de mise en oeuvre, beaucoup plus problématique, que ce
mémoire va tenter d'expliquer.
Le rapport se divise en 6 parties :
A] État des lieux, contexte et enjeux : cette partie
est nécessaire pour comprendre à travers la démographie,
l'intégration régionale, la décentralisation, le foncier,
la corruption, les changements de rapport de force politique pendant les deux
mandats d'ATT.
B] Problématique, hypothèse et
méthode.
C+ Le processus d'élaboration de la LOA : des
prémices de l'élaboration au sein de l'appareil étatique
jusqu'au vote de la Loa a l'assemblée nationale en passant par la
délégation des concertations à la CNOP. Puis les points
forts paysans revendiqués et inscrits dans la LOA, la reconnaissance des
OP et des chambres d'agriculture, les instances de gouvernances.
D+ La mise en oeuvre : un état des lieux des textes sortis
: 5 décrets, puis illustration des dysfonctionnements et comportements
des acteurs à partir de quelques textes en cours :
3 pré-projets : la transhumance, statut, l'attribution de
subvention dans le cadre de la gestion des ressources naturelles.
2 politiques : foncière et semencière.
E] La CNOP en voie de déstabilisation : des facteurs
internes et externes interfèrent au sein de la CNOP.
F] Discussions et pistes.
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