D- Réexamen de la théorie
Les critiques sur les hypothèses et conclusions ont
engendré une reformulation de la théorie des Zones
Monétaires Optimales. Le cadre théorique
est remis en cause en raison de son manque d'unification et son
caractère restrictif.
En effet, la littérature économique
révèle que cette théorie (Théorie traditionnelle et
les prolongements empiriques) est régie dans :
· Un cadre non unifié.
On y détecte une contradiction interne. A titre
illustratif, une petite économie ouverte se doit d'adopter un change
fixe (selon le critère d'ouverture de Kenen, 1969).
Cependant, une petite économie a toutes les chances d'être peu
diversifiée et devrait opter pour un change flottant
(Kenen, 2003b). Ceci révèle un manque de
cohérence dans le cadre analytique. Cette contradiction dans les
conclusions est due aux différences dans les hypothèses et sur la
source des déséquilibres (Tavlas, 1994). De
même, si la mobilité du travail peut favoriser la concentration de
la production, ce critère de mobilité du travail peut donc
s'opposer aux critères de diversification des structures productives
(Gros, 2003).
· Un cadre restrictif.
La théorie traditionnelle des zones monétaires
optimales se concentre sur deux pays et omet les chocs extérieurs
(variation du TC). Il est probable que la politique monétaire
menée par les principaux pays partenaires non membres influence le
bien-être de la zone monétaire. Les études empiriques ont
montré que l'instrument du taux de change comme mécanisme
d'ajustement est moins efficace. Il permet un ajustement face aux chocs sous
certaines conditions. En effet, une variation du taux de change nominal ne
permet l'ajustement que si dans le premier pays, le même niveau de
dépréciation est requis vis-à-vis du RDM. Dans le second
pays, aucune modification du taux de change réel n'est viable
(Mélitz, 1995).
· L'endogénéité des
crit~res.
L'analyse des critères de la Zone Monétaire
Optimale est basée sur des hypothèses statiques. Les
critères peuvent évoluer, dans le temps, et sont affectés
par le processus même de l'intégration économique.
L'intensité du commerce et le niveau de corrélation des cycles
entre deux pays constituent deux critères des zones monétaires.
La formation de l'union économique et monétaire pourrait
influencer le niveau de ces deux critères à l'intérieur
d'une zone monétaire. Les études empiriques sur l'Union
Européenne révèlent que l'intégration
économique et monétaire a pour effets de renforcer les
échanges et rend les chocs plus symétriques. Cette
réalité amène les économistes, notamment,
Krugman à parler d'endogénéité des
critères d'une Zone Monétaire Optimale. Il en découle que,
même si un ensemble de pays ne remplit pas les critères d'une zone
monétaire optimale ex ante, il est possible qu'il les remplisse ex
post.
· Alternative de l'UEM.
Le taux de change est un instrument efficace de stabilisation
en raison de l'hypothèse keynésienne qui régit la
théorie des zones monétaires optimales. Lorsque ces
hypothèses ne sont plus vérifiées, le taux de change :
o n'est plus toujours efficace. Il est efficace lorsque la
variation du taux de change nominal se répercute sur la
compétitivité et n'est pas compenser par les variations du prix
;
o peut générer des chocs sur le marché
des titres, compte tenu des anticipations des agents économiques. Ces
anticipations se font de façon mimétique et créent des
bulles spéculatives, sources des crashs boursiers
(Buitter, 2000) ;
o peut être un instrument dangereux de crise.
En effet, dans la théorie traditionnelle des zones
monétaires optimales, il y a absence de mobilité des capitaux.
Or, dans un contexte d'extrême mobilité des capitaux, un pays ne
peut donc avoir, à la fois, un taux de change stable et une politique
monétaire indépendante [Triangle
d'impossibilité de Mundell].
Cette contrainte pèse sur les économies et se
traduit par des crises de change [crise du Système Monétaire
Européen, Mexicain, Asiatique]. Ainsi donc, l'adoption d'un taux de
change flottant constitue la nouvelle alternative.
Il ressort de ces insuffisances que la théorie
traditionnelle des zones monétaires optimales focalise son attention sur
les coûts et donne peu de chance aux bénéfices
découlant d'une Union Economique et Monétaire. De ce fait, elle
ne peut être considérée comme un cadre complet d'analyse
d'une UEM. On y décèle la non référence aux
relations entre pays membres et les tiers (Ricci, 1997). La
prise en compte des interdépendances entre les pays membres conduit
à l'analyse de la stabilité de l'union monétaire par une
coordination internationale des politiques économiques. Cette
coordination prend en compte les problèmes d'externalités (en
internalisant). Elle aboutit en général à un
bien-être supérieur pour l'ensemble des pays. Cette nouvelle donne
paraît aux yeux des économistes, l'outil d'analyse de
l'optimalité d'une zone monétaire.
Bourguinat et al (1999)
s'inscrivant dans cette logique montrent que les pays qui ont des relations
commerciales intenses et qui acceptent un même compromis en
matière de politique économique, remplissent les conditions
d'optimalité d'une zone monétaire. En d'autres termes,
l'intensification des échanges au sein d'une union économique et
monétaire donnée est une condition nécessaire mais, non
encore suffisante pour la formation d'une zone monétaire optimale. A
l'épreuve des faits et en s'inspirant de l'expérience de l'Union
Européenne la plus plausible, la convergence des économies
paraît ainsi une condition suffisante afin de rendre optimum un espace
économique et monétaire. Sur ce, ce paradigme pourrait être
un outil d'analyse de l'optimalité d`une zone monétaire dans un
contexte d'intégration. Ainsi donc, l'analyse de l'optimalité de
la zone monétaire de l'Afrique de l'ouest (ZMAO) se fera sous deux
approches :
· · l'approche d`échange intra zone ;
· · l'approche de convergence des
économies.
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