4.3.2 Scénario d'évolution
C'est une forme de projection dans l'avenir de ce qui pourra
affecter l'organisation proposée dans le cadre de cette étude.
Nous fixons les bases de changements sur deux facteurs déterminants du
mode d'organisation : l'accroissement de la population et celui du cheptel
animal du village. La pression démographique sous entend une pression
agricole sur la ressource terre et fourrage. Par contre, la croissance du
cheptel animal affecte la charge pastorale des espaces de pâturage et
même des pistes à bétail. En variant ces deux
paramètres, on peut prédire le devenir des propositions
d'organisation avancées plus haut. Ainsi, nous aborderons trois cas de
figure.
i. Augmentation de la population et du cheptel
animal
Dans ce premier cas de figure, l'augmentation de la population
va entraîner un accroissement de la concurrence sur l'espace et une
persistance des conflits au sein de la société. Mais si les
propositions d'amélioration sont respectées, la nouvelle
organisation soutiendra l'émergence d'autres secteurs d'activités
comme le commerce, le transport, l'éducation et la transformation des
sous produits agricoles. Comme tout le monde ne sera pas agriculteurs ni
éleveurs, une bonne partie de la population sera dirigée vers ces
secteurs. Ce qui réduit la pression humaine sur les ressources
naturelles sollicitées comme la terre. Dans le contexte actuel, le
phénomène d'augmentation du cheptel animal est bien possible dans
la mesure où Aminou (2007) remarque dans ce sens que, les agriculteurs
intègrent de plus en plus les productions animales dans leur
système. Cependant avec les aménagements dans le bas fond,
l'économie de ces producteurs sera améliorée et leur
climat d'affaire se développera. Ainsi, les effets de la pratique
d'élevage sur les espaces agricoles et pastoraux seront
négligeables. Puisque, la production intensive s'installera dans tous
les secteurs d'activités. Les flux de résidus culturaux vont
changer de sens. Ils tendront beaucoup plus vers une destination familiale. On
passera ainsi à un système intensif d'élevage
sédentaire. Les éleveurs quand à eux persisteront dans
leurs systèmes de semi transhumant par ce qu'ils sont en
possession des gros bétails dont l'alimentation exige plus
de moyens. La taille du cheptel chez les producteurs n'ira pas au-delà
de cinq à dix têtes.
ii. Augmentation de la population et effectif constant du
cheptel animal
Dans ce cas, la sécurité foncière a un
rôle très déterminant à jouer. Elle doit
officiellement reconnaître le droit d'usage et le domaine de chaque
secteur d'activité sur l'espace. En zone exondée, si les
règles de gestion (limites des pistes et des hurum) sont
parfaitement respectées par les acteurs, il n'y aura pas de graves
conséquences sur la zone cultivée. Mais le système de
production va s'intensifier d'avantage. La recherche dans le domaine de
fertilité et des CES sera très sollicitée pour assurer la
pérennité des activités. L'élevage va continuer
normalement et son importance dans l'approvisionnement en protéines
animales sera plus marquée. Avec une forte demande, les prix des
produits d'élevage vont augmentés, ce qui constituera une marge
bénéficiaire aux éleveurs. Au bas fond, on assistera
à une compétition sur l'accès aux parcelles de cultures et
progressivement on observera les situations suivantes :
- Les propriétaires des grands domaines seront
obligés de céder ou vendre une
partie de leurs parcelles aux amis et frères. Il y'aura
des signes
d'individualisation sur les parcelles;
- L'augmentation du prix de la terre aura des conséquences
sur le marché local et régional des produits agricoles;
- De plus en plus on assistera à la production des
cultures à cycle court et on passera donc à une double ou triple
culture par an. Ce qui interpellera forcement la recherche ;
- La surexploitation du bas fond entraînera la
dégradation rapide des ouvrages et dont la nécessité d'un
comité de gestion très performant.
iii. Augmentation du cheptel animal et effectif constant
de la population
L'augmentation du cheptel animal du village se traduira
malgré la présence des jachères, par la diminution
sensible du fourrage et de l'eau. La non disponibilité du fourrage
devient alors un facteur limitant à l'activité pastorale. Ce
manque d'aliment apparaîtra sur la morphologie des animaux
(amaigrissement général). Les taux de morbidité et de
mortalité seront ainsi plus élevés. Les mesures
d'intensification du système d'élevage ou le développement
des techniques sylvopastorales doivent être mises en oeuvre par
l'état et les services d'encadrement pour maintenir l'activité.
Au
niveau du terroir, si les propositions d'amélioration
ont été respectées, une bonne cohésion sociale sera
développée. Ainsi, il est possible de voir émerger des
contrats de fumure (échange entre les acteurs) en binôme, c'est
à dire un éleveur pour un agriculteur. Ceci peut largement
résoudre le problème de disponibilité du fourrage, car on
pourra valoriser au maximum les résidus culturaux. Cette cohésion
sera facilitée par le respect des règles de gestion de l'espace
établies lors des négociations de réhabilitation des
pistes. La non augmentation de la population est très peu probable selon
le contexte actuel dont on estime un accroissement annuel de la population de 2
à 3 % dans les zones rurales au Nord Cameroun (Barbier et al,
2002). Mais s'il s'agit d'une augmentation moins sensible de la population,
cette croissance légère aura moins d'impact sur les ressources
naturelles et en particulier sur la terre.
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