1. LA PROBLEMATIQUE
1.1. Contexte de l'étude
Les Nations Unies estiment que d'ici à 2025 plus de la
moitié de la population ouest africaine sera urbaine (ONU : 2005). Alain
Duberson1 a démontré que le processus de
l'urbanisation de l'Afrique est l'un des plus rapides au monde et le devenir du
continent est indissociable de l'urbanisation de masse qui est la plus
spectaculaire transformation survenue depuis des années 1950. Cette
croissance n'est malheureusement, pas soutenue par une croissance
économique capable de satisfaire les besoins en infrastructures de base,
d'emploi, etc. En réponse à cette distorsion, se
développent des agricultures marchandes intra et périurbaines
parfois intensives (maraichage, arboriculture fruitière), le commerce
alimentaire, stratifié de la vente ambulante de rue au grand
marché en passant par la petite échoppe, l'artisanat de service
(en particulier l'entretien et la réparation des cycles, d'automobiles
et de camions, flottes de transports en commun privés illicites ou
tolérés) et des productions (tailleurs, métier du
bâtiment...). Un ensemble fort hétéroclite, mais
constituant une solution, une adaptation à une nouvelle forme de vie. Il
y'a donc des changements dans le mode de vie des populations, changements
susceptibles d'apporter de profondes modifications du cadre de vie et d'influer
sur la santé. Dans de nombreuses villes d'Afrique au sud du Sahara,
cette situation se caractérise par la création des quartiers
précaires densément peuplés et dépourvus
d'infrastructures urbaines de base facilitant l'accès à l'eau
potable et à l'assainissement.
A Nairobi au Kenya, Kibera est couramment cité comme le
plus grand bidonville du monde avec plus de 700.000 habitants en
2005.2 Faute d'infrastructures d'accès convenable à
l'eau potable et à l'assainissement, cette population vit dans des
conditions très inadéquates qui l'exposent aux risques
sanitaires. A N'djamena3 au Tchad, les quartiers Ridina, Chagoua,
Dembé, Walia, sont d'une configuration morphologique qui ne permet pas
aux ménages d'avoir accès direct aux réseaux d'adduction
d'eau, et d'évacuer leurs ordures ménagères. Le recourt
aux vendeurs d'eau, aux rares bornes fontaines et à d'autres sources
d'eau non potables sont les modes les plus utilisés par les
ménages pour se procurer de l'eau. En saison des pluies, certaines
concessions sont souvent inondées et les retenues d'eau de ruissellement
constituent des lieux privilégiés de reproduction de moustiques,
aggravant les cas de paludisme. A Abidjan, le bidonville de Yaosehi de la
commune de Yopougon, compte plus de 20 000 habitants4 dont la vie
quotidienne côtoie la misère. A Niamey au Niger, les quartiers
tels que Boukoki, Talladjé, Saga, Koira
1 Information Géographique l'Afrique, Alain Buber son,
hors série N°1, septembre 2003
2 Rapport sur le Développement Humain, PNUD : 2006
3 Nos observations de terrain
4Http// :www.infoscience.epfl.ch.>infoscience
tegui, Liberté, Lacroussou, Yantala Bas, Deyzeybon,
Zongo, Gamkallé se rapprochent de ces entités
géographiques ci-dessus citées. Dans tous ces quartiers, avoir
accès à l'eau potable se traduit par les faits suivants :
-Les ménages pauvres paient l'eau plus chère
pour une petite quantité. Exemple : 78,3% 5 des
ménages de Gamkallé s'approvisionnent en eau potable chez les
vendeurs d'eau ;
-Parcourir une distance et patienter parfois des heurs durant
dans les files d'attente devant les bornes fontaines. Exemple : 4,7% des
ménages de Gamkallé s'approvisionnent aux bornes fontaines ;
-Ne pas disposer de robinet avec compteur individuel et
utiliser un robinet avec compteur commun. Exemple 7,8% des ménages de
Gamkallé utilisent un robinet en commun.
-Avoir recourt aux autres sources d'eau non potable telles que
les eaux du fleuve avec tout le risque que cela présente. Exemple, 0,2%
des ménages de Gamkallé utilise l'eau du fleuve.
A l'échelle du quartier Gamkallé, les
diagnostics révélés par les études
(EPPRVUG)6, indiquent que l a trame morphologique du quartier
Gamkallé est irrégulière avec des voies sinueuses de
largeur variable et peu de rues sont carrossables. Plus de 13% des concessions
sont desservies par des voies qui se terminent dans l'impasse et plus d'une
concession sur 100 se trouve totalement enclavée.
En matière d'accès à l'eau potable, ces
études révèlent que seulement 16,8% de concessions sont
raccordées à un réseau d'AEP et 3,35% disposent de
branchements particuliers. Les différents modes d'approvisionnement en
eau potable :
· 4,3% de ménages disposent de robinet avec compteur
individuel ;
· 7,4% de ménages utilisent de robinet avec compteur
commun ;
· 4,7% de ménages ont recourt aux bornes fontaines
;
· 78,3% de ménages achètent avec les vendeurs
d'eau ;
· 0,2% de ménages s'approvisionnent au fleuve.
En matière d'assainissement, les mêmes
études (EPPRVUG) 7 indiquent que Gamkallé est
très peu irrigué par les collecteurs d'eaux usées et ces
rares ouvrages
5 Etudes préparatoires du projet réhabilitation du
village urbain Gamkallé ; bureau d'études Bala et Himo, Rapport
final septembre 2000.
6 Idem
7 (EPPRVUG) Etudes préparatoires du projet
réhabilitation du village urbain Gamkallé, Cabinet
d'études BALA et HIMO ; Rapport final : 2000
passent à l'extérieur des deux sous quartiers. On a
en moyenne une douche pour 3,38 ménages.
Les modes de gestion des eaux usées, des excrétas
et des ordures ménagères : 7,2% de ménages
déversent leurs eaux usées dans la cour ;
53,3% les déversent dans les rues ;
4,5% dans les fosses ou puits abandonnés ;
25,9% les déversent dans les ouvrages de drainage pour les
eaux pluviales.
Dans le domaine de gestion des excrétas, il y a en
moyenne un lieu d'aisance pour 3,02 ménages. 86,9% de ménages
utilisent de latrines et 2,3% disposent de WC modernes, pendant que 1,5% vont
dans les toilettes publiques. L restes utilise les espaces publiques.
Les ordures ménagères sont
déposées dans les conteneurs pour 43,1% de ménages. 15,7%
de ménages les déposent dans les dépotoirs
agréés et 26,8% abandonnent leurs ordures dans les
dépotoirs « sauvages ».
Gamkallé comptait trois conteneurs à ordure tous
localisés à Sebangueye dont un à l'intérieur du
centre de santé intégré, et sept points de
dépôts sauvages.
C'est dans ce contexte d'une urbanisation non
contrôlée, non maitrisée qui devance les infrastructures
urbaines de base, expose les populations des quartiers précaires
à des risques, que s'inscrit le travail d'étude et de recherche.
Ces transformations semblent freinées la progression vers l'atteinte des
cibles des OMD et les stratégies de développement
accéléré et durable auxquelles se sont souscrits les
Etats.
L'examen de ce contexte et les observations de terrain ont
suscité les questions suivantes :
§. Toute la population de Gamkallé a-t-elle
accès à l'eau potable et à un système
d'assainissement convenables ?
Au vu de la configuration du quartier Gamkallé,
disposer de robinet avec compteur individuel ne pourrait être possible
pour tous les ménages et l'insuffisance de système adéquat
d'évacuation des eaux usées et de ruissellement contribuent
à soutenir cette hypothèse.
§. Comment la population de Gamkallé procède
t-elle pour accéder à l'eau potable et assainir son cadre de vie
? Dispose-t-elle suffisamment de l'eau pour ses besoins ?
Pour obtenir de l'eau potable et pour se débarrasser de
ses déchets, la population doit utiliser des modes qui peuvent l'exposer
aux risques sanitaires, créer des dommages environnementaux et
économiques.
§. Quels sont les risques sanitaires, les coûts
environnementaux et économiques que comportent les modes d'accès
à l'eau potable et à l'assainissement ?
D'une part, disposer de l'eau en quantité insuffisante
et de qualité douteuse, peut engendrer des facteurs de nombreuses
maladies dont celles diarrhéiques. D'autre part, la durée des
eaux usées et de ruissellement ainsi que celle des ordures
ménagères à proximité des habitations est
susceptible de générer les risques du paludisme et des dommages
environnementaux.
§. Les normes internationales et nationales sont-elles
observées lorsqu'il s'agit d'accès à l'eau potable et
à l'assainissement dans les quartiers précaires comme
Gamkallé ?
D'une part, disposer d'au moins 20 litres d'eau potable par
jour et par personne et à moins de 200 mètres de la maison comme
le préfigure l'OMS, sont des conditions qui ne seraient pas remplies par
tous les ménages de Gamkallé. D'autre part, le quartier est
contigu à la zone industrielle et on pourrait craindre que les normes
internationales de rejet des effluents dans la nature ne soient pas
respectées.
§.Dans ce contexte, quels liens possibles peut-on
établir dans l'écheveau complexe d'interaction : eau
potable-assainissement-santé-environnement-économie ?
Avoir accès à l'eau potable ne signifierait rien
lorsque l'environnement serait insalubre. Un environnement insalubre
peut-être porteur de risques de santé humaine, animale et
végétale. Des populations humaines, animales et
végétales en mauvaise santé produiraient moins et
pourraient dépenser plus pour la santé.
§. A quelles conditions les reformes du sous secteur de
l'hydraulique et le nouveau code de l'eau et de l'assainissement peuvent-ils
favoriser la progression vers les cibles des OMD notamment dans les quartiers
précaires?
Equiper les quartiers précaires en infrastructure
urbaine de base facilitant leur accès convenable à l'eau et
à l'assainissement resterait une condition nécessaire qui
favoriserait la progression vers les cibles des OMD dans ce domaine.
§. Les hommes et les femmes sont-ils égaux face
à la problématique d'accès à l'eau potable et
à l'assainissement ?
La vulnérabilité des femmes et des enfants fait
penser que ceux-ci peuvent-êtres les plus affectés par les
problèmes d'accès à l'eau potable et à
l'assainissement.
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