La libération conditionnelle. Etat des lieux et perspectives d'avenir en droit congolais( Télécharger le fichier original )par Espoir Masamanki Iziri Espoir Université de Kinshasa - Gradué en droit 2002 |
A. AppréciationLe droit congolais, comme celui des autres pays, présente la libération conditionnelle comme l'une des causes de suspension de la peine, au même titre que la condamnation conditionnelle, car elle n'a pour effet que de suspendre l'exécution de la peine, tout en maintenant celle-ci ainsi que la condamnation prononcée72(*). Se fondant sur l'amélioration ou la bonne conduite du délinquant en prison ou mieux encore sur l'amendement de ce dernier,73(*) la libération conditionnelle est aujourd'hui beaucoup plus appréciée dans la mesure où elle permet le retour à la vie libre74(*) en favorisant une exécution des peines plus individualisées, mieux orientée vers la resocialisation de la personne condamnée (meilleure politique criminelle)75(*) contrairement à la grâce présidentielle qui n'est qu'une simple mesure de clémence, un acte de bienveillance que prend le pouvoir exécutif en faveur d'un délinquant définitivement condamné...76(*) Il s'agit là d'une exécution de la peine en milieu libre et aussi une prévention de la récidive77(*) car au lieu de prolonger la détention, le condamné peut être libéré conditionnellement pour purger le reste de sa peine en liberté, mais dans le respect des conditions prescrites par la loi et l'acte de libération. En outre, les conditions générales d'octroi de la libération conditionnelle (article 36 code pénal livre 1er) nous paraissent être efficaces. Et la procédure à suivre en la matière, avant la prise de décision définitive78(*), bien qu'elle soit trop encombrante et lente, est une procédure importante qui d'ailleurs arrête le pouvoir de décision qui incombe au ministre, soit de la justice, soit de la défense nationale. Toutefois, la libération conditionnelle en Droit Congolais mérite aussi quelques critiques. B. CritiqueLes critiques que nous formulons à la libération conditionnelle en Droit congolais, entant qu'institution qui s'inscrit dans le cadre d'une meilleure politique criminelle, résultent non seulement de sa mauvaise mise en oeuvre pratique par des services compétents et de sa mauvaise interprétation mais aussi de l'insuffisance des textes légaux en la matière. En effet, la commission de libération conditionnelle des établissements pénitentiaires de notre pays, particulièrement dans la ville de Kinshasa (CPRK), ne siège que très rarement ;79(*) souvent, le dossier du détenu ne contient pas les éléments relatifs aux antécédents et aux causes de condamnation encourues ; et les informations complémentaires à prendre dans la ou les provinces où résidait antérieurement le condamné ne sont pas faciles à recueillir.80(*) D'ailleurs, la doctrine nous apprend même que tous les cas de condamnés candidats à la libération conditionnelle ne sont pas examinés. Cette faveur est réservée surtout aux condamnés mieux nantis ou ayant des relations amicales avec les personnels pénitentiaires81(*) et même avec les autorités de décision. En plus, suite à la cascade d'échelons d'avis qui crée la lenteur dans l'octroi de la libération conditionnelle, cette institution est devenue très rare en RDC, raison pour laquelle la plupart des condamnés se désintéressent de la libération conditionnelle pour compter plus sur des mesures collectives de grâce très fréquentes.82(*) Nous pouvons aussi évoquer le défaut de surveillance qui fait que la menace de réinsertion que contient la libération conditionnelle soit purement illusoire, rendant d'ailleurs douteux son effet moralisateur.83(*) A cela s'ajoute l'absence des mesures d'assistance destinées à susciter et à seconder les efforts du libéré conditionnel en vue de sa resocialisation et plus particulièrement de sa réadaptation familiale et professionnelle.84(*) En outre, l'absence de l'avis du juge de la condamnation dans l'octroi de la libération conditionnelle est aussi l'une des critiques que nous adressons à cette mesure de libération conditionnelle en Droit congolais. En effet, le juge, se fondant sur le rapport portant conduite du condamné en prison et sur les causes de sa condamnation, pourra donner un avis meilleurs à sa libération conditionnelle. Et enfin, nous pensons que, la présence de l'exécutif dans la prise de décision de cette mesure constitue une entrave au principe de séparation des pouvoirs, et de son corolaire le principe de l'indépendance du pouvoir judiciaire, car nous pensons que la matière sur la libération conditionnelle, entant que cause de suspension de la peine, relève du pouvoir judiciaire, actuellement dévolu aux cours et tribunaux. §2. SuggestionsEn considération des objectifs important assignés par la libération conditionnelle en Droit congolais et des critiques lui formulées, non seulement que sa mise en oeuvre pratique doit rester dans le sillage de la loi, mais aussi il convient de revisiter et d'améliorer les lois ou les textes légaux en la matière. C'est pourquoi, nous pensons : - que la commission de la libération conditionnelle du CPRK siège obligatoirement dans le délai légal pour examiner les titres à la libération conditionnelle des détenus se trouvant dans les conditions requises pour l'obtenir, et formuler le rapport à temps ; - Que les autorités veuillent, pendant le temps d'épreuve, à l'application et au respect des conditions spéciales fixées dans l'arrêté autorisant la libération conditionnelle : développer les mesures de surveillance et de contrôle des libérés conditionnels ; - Que le législateur congolais prévoit expressément des mesures d'assistance efficaces destinées à susciter et à seconder les efforts du libéré conditionnel en vue de sa resocialisation et plus particulièrement de sa réadaptation familiale et professionnelle ; c'est-à-dire, créer un service social facilitant la réintégration du délinquant dans la communauté85(*) ; - Que le juge de la condamnation soit aussi associé dans la prise de décision de la libération conditionnelle d'un détenu ; - Que le pouvoir de décision de la libération conditionnelle ne revienne pas à l'exécutif, mais au juge d'application de la peine, c'est-à-dire que le rapport formulé par la commission de la libération conditionnelle soit soumis à un débat en chambre de conseil en présence du ministère public et après avis de l'inspecteur territorialement compétent chargé de la direction de la section d'inspection des services pénitentiaires Bref, revisiter la procédure d'octroi de la libération conditionnelle en RDC. * 72 LIKULIA BOLONGO, Op.Cit., p.103 * 73 Article 91 AL1, Ordonnance N°344 du 17 septembre portant régime pénitentiaire. * 74 LIKULIA BOLONGO, Op. Cit., p.102 * 75 NYABIRUNGU Mwene SONGA, Op. Cit., p.435 * 76 Idem, p.453 * 77 Idem, p.197 * 78 Article 94, ordonnance n°344 du 17 septembre 1965 portant régime pénitentiaire * 79 LUZOLO BAMBI LESSA, et alii, Manuel de procédure pénale, P.U.C, Kinshasa, 2011, p.562 * 80 idem * 81 Idem * 82 Idem * 83 Idem * 84 LIKULIA BOLONGO, Op. Cit., p.101 * 85 A. RUBBENS, Op. Cit., p.277 |
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