CONCLUSION
« Toute réforme s'appuie sur la
dénonciation d'un abus, toute idée nouvelle repose sur
l'insuffisance démontrée de l'ancienne »147. Une
nouvelle politique ne se conçoit donc pas sans un bilan minutieux de
celle menée auparavant.
Ce Mémoire nous a donné l'occasion de faire des
analyses et des propositions en vue de contribuer à
l'amélioration des processus de désignation des gouvernants en
Afrique noire francophone. Pour cela, nous nous sommes attelé à
faire le bilan de la pratique de démocratie électorale depuis
1990 jusqu'à nos jours. Une question fondamentale a retenu notre
attention au cours de notre réflexion, celle de savoir si les
élections organisées dans ces pays depuis 1990 sont de nature
à favoriser l'enracinement de la démocratie.
La participation électorale est un droit politique
fondamental. En effet, il a pour objet l'association des citoyens à la
gestion des affaires de la cité et bénéficie d'une
protection constitutionnelle. Plus qu'un droit, il s'agit d'un pouvoir reconnu
aux citoyens pour leur permettre de désigner souverainement ceux qui
doivent les représenter et agir en leurs lieux et places. Aussi, les
nouvelles législations réhabilitent-elles les principes de la
démocratie électorale, autrement dit les règles
indispensables à des élections concurrentielles libres dans un
système multi partisan.
Mais, à elles seules, les règles
consacrées ne suffisent pas. L'enracinement de la démocratie
postule des institutions capables de porter l'idéal démocratique.
Qu'en est-il donc des organes électoraux ? L'analyse des dispositions
des lois y afférentes laisse entrevoir un effort de création
d'organes électoraux fiables.
Dans l'ensemble, l'adhésion commune aux normes
internationales s'est accompagnée de la création de
systèmes de gestion qui, a priori, offrent des garanties de transparence
et d'honnêteté électorales. La gestion des processus
électoraux incombe à des structures placées sous des
contrôles aussi bien administratif, politique que juridictionnel.
147 PROUDHON (P. J.), Justice et liberté,
cité par -Simon DAKO, « Processus
électoraux et transitions démocratiques en Afrique Noire
francophone. Etude des cas du Bénin, du Cameroun, du Gabon, du
Sénégal et du Togo » ; Thèse, op. cit.p.456
Cependant, il est important de relever la diversité de
conceptions qui caractérise le modèle administratif. Nous en
avons identifié trois. Le premier se caractérise par
l'organisation et le déroulement des élections sous la
supervision et le contrôle d'une commission électorale : c'est le
cas du Cameroun et du Sénégal. La deuxième
modalité, celle du Bénin et du Togo, consacre le retrait total de
la mission d'administration électorale au Ministère de
l'Intérieur. Quant au dernier système administratif
électoral, il partage l'administration électorale entre le
gouvernement et la commission électorale. Il ressort de ce qui
précède que contrairement à la période de parti
unique, il n'y a plus d'Etat confiant l'exclusivité de l'administration
électorale au Ministère de l'Intérieur.
La diversité du système administratif explique
celle du modèle de contrôle. Si les contrôles externes qui
s'exercent sur la mise en oeuvre des processus électoraux sont les
mêmes dans quelques pays, globalement le système de contrôle
des élections varie d'un pays à un autre. Au Bénin et au
Togo, les seuls véritables contrôles existant sont les
contrôles externes. Au Cameroun, au Gabon et au Congo, en revanche,
l'organe administratif subit, en plus des contrôles externes, des
contrôles internes qui sont exercés par les commissions
électorales nouvellement créées.
Toutefois, insuffisance des garanties administratives et
juridictionnelles, l'influence négative de l'analphabétisme et de
la pauvreté ont fait que la pratique électorale est loin
d'être rassurante pour l'avenir de la démocratie en Afrique noire
francophone. Elle est contraire aux exigences du droit de suffrage.
L'universalité, l'égalité et la sincérité du
vote sont massivement violées tant par les organes chargés de la
mise en oeuvre des processus électoraux que par les titulaires du droit.
Pire, les mascarades électorales semblent se généraliser,
car les tripatouillages des résultats électoraux s'observent
même dans les pays que l'on considère comme des labels
démocratiques à savoir le Bénin, le Sénégal
et le Mali. Ceci entraîne un désintérêt croissant des
populations pour le vote.
La conséquence probable de cette pratique
électorale est le reflux démocratique car, la
défaillance de la participation électorale est
susceptible d'entraîner le recours aux moyens de participation
protestataire. Afin de
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renverser cette tendance peu favorable à l'enracinement
de la démocratie, il est indispensable de procéder non seulement
à des réformes institutionnelles au niveau de l'administration
électorale et de la justice constitutionnelle mais surtout au
relèvement du niveau de conscience démocratique des populations.
Aussi l'assistance internationale en matière électorale si elle
est harmonisée et débarrassée de ses tares,
contribuera-t-il à rendre crédible et sincère les scrutins
organisés en Afrique noire francophone.
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