La loi du 12 juillet 2010, portant engagement national pour l'environnement et la responsabilité des constructeurs( Télécharger le fichier original )par Florence COUTURIER- LARIVE Université Aix- Marseille III - Master II Droit immobilier public et privé 2010 |
TITRE II : L'OUVRAGE ECO PERFORMANT124. Une nouvelle perception de la notion de bâtiment et des obligations nouvelles pour le Maître de l'ouvrage- La Loi du 12 juillet 2010 consacre une nouvelle perception du bâtiment. Celui-ci ne se trouve plus être au service d'un simple besoin naturel de se loger ou d'y exercer une activité pour un certain nombre déterminé ou déterminable de personnes, mais il est devenu un véritable espace de vie et d'échange avec son environnement, au service de celui ci. Avec la Loi du 12 juillet 2010, le bâtiment ne se trouve plus dans la fonction passive du service aux utilisateurs, mais se retrouve dans la fonction active de devoir sauvegarder l'espace environnemental vital de ceux qu'il abrite. A ce titre, il ne semble pas excessif d'affirmer que le volet bâtiment de la Loi Grenelle II a donné naissance à une nouvelle acception de la notion d'ouvrage, que l'on pourrait qualifier d'ouvrage dynamique (Chapitre premier), porteur de nouvelles obligations pour le maître d'ouvrage, lesquelles, à ne pas douter, ne seront pas sans conséquences sur le droit de la responsabilité spécifique des constructeurs (Chapitre II) Chapitre premier : Un ouvrage à caractère dynamique125. Une utilité nouvelle des bâtiments- En instaurant des exigences de performance énergétique pour les bâtiments, la Loi du 12 juillet 2010 a consacré une vision actualisée de leur utilité. En effet, ceux ci se voient désormais investis d'une fonction utilitaire nouvelle à vocation de sauvegarde environnementale. 126. Consécration de la notion de performance énergétique- Cette « nouvelle conception de l'immeuble suscitée par le Grenelle de l'environnement, l'immeuble à énergie positive, c'est-à-dire producteur d'électricité. »204(*), consacre la notion de performance énergétique dans le droit de la construction, laquelle a été définie par une Directive du 16 décembre 2002, relative à la performance énergétique des bâtiments, comme étant « la quantité d'énergie effectivement consommée ou estimée pour répondre aux différents besoins liés à une utilisation standardisée du bâtiment, ce qui inclut entre autres le chauffage, l'eau chaude, le système de refroidissement, la ventilation et l'éclairage »205(*). Cette définition a été reprise par la directive 2010/31/UE du Parlement Européen et du Conseil, en date du 19 mai 2010, sur la performance énergétique des bâtiments : « la performance énergétique d'un bâtiment [est], la quantité d'énergie calculée ou mesurée nécessaire pour répondre aux besoins énergétiques liés à une utilisation normale du bâtiment, ce qui inclut entre autres l'énergie utilisée pour le chauffage, le système de refroidissement, la ventilation, la production d'eau chaude et l'éclairage »206(*). 127. Une redéfinition de la performance énergétique- Les mesures envisagées par la Loi du 12 juillet 2010 ayant pour objectif de réduire les consommations d'énergie du parc immobilier ainsi que ses émissions de gaz à effet de serre, la notion de performance énergétique s'est vue dès lors compléter sa définition première dans une optique d'amélioration systématique. La mise en oeuvre des dispositions de la Loi du 12 juillet 2010 implique donc que l'aspect énergétique de l'ouvrage entre dans le champ de sa réalisation 207(*). 128. Notion d'ouvrage et éco performance- A ce titre, la question se pose de savoir dans un premier temps si les dispositions de la Loi Grenelle II envisagent l'ouvrage tel quel dans son acception classique208(*) ou si l'exigence de performance énergétique influence les contours de la notion (Section I), de même que dans un second temps, il conviendra de tenter de clarifier le concept d'ouvrage éco performant (Section II) Section I: Les influences de la Loi Grenelle II sur les contours de la notion d'ouvrage129. Bâtiments, biens d'équipement et EPERS- De manière classique, il convient d'envisager les effets de la Loi du 12 juillet 2010 sur la notion d'ouvrage en évaluant son impact en premier lieu sur le concept de bâtiment (§1), puis en second lieu, sur les concepts de biens d'équipement et d'éléments pouvant entraîner la responsabilité solidaire des fabricants, dits « EPERS » (§2)209(*) § 1 Les bâtiments130. Intégration par la Directive 2010/31 de l'énergie et du climat dans la définition du bâtiment- La Directive européenne n° 2010/31 du Parlement Européen et du Conseil, en date du 19 mai 2010, sur la performance énergétique des bâtiments, propose dans son article 2 des définitions précises de la notion. Ainsi, à son sens, est un bâtiment, « une construction dotée d'un toit et de murs, dans laquelle de l'énergie est utilisée pour réguler le climat intérieur ». On le constate, c'est vers une acception plus large de la notion d'ouvrage, comprenant l'éco performance, que le Parlement et le Conseil de l'Europe ont orienté leur définition du bâtiment en y intégrant les concepts d'énergie et de climat210(*). 131. Définitions complémentaires- Plus précise encore, la Directive définit, toujours dans ce même article 2, les notions d'«enveloppe du bâtiment», qui comporte les éléments intégrés d'un bâtiment qui séparent son intérieur de son environnement extérieur; d'«unité de bâtiment», laquelle définit une section, un étage ou un appartement dans un bâtiment qui est conçu ou modifié pour être utilisé séparément; ainsi que d'«élément de bâtiment», comme un système technique de bâtiment ou un élément de l'enveloppe du bâtiment. 211(*) 132. Exclusions du champ d'application de la réglementation thermique 2012- Prise en application de cette directive, la Loi du 12 juillet 2010 intègre en la matière le concept d'éco performance212(*), en précisant ses modalités de mise en oeuvre sur chaque catégorie d'ouvrages, dont certains se trouvent exclus de son champ d'application. A ce titre, l'on rencontre davantage d'exclusions dans la réglementation thermique 2012 que dans la réglementation thermique 2005. En effet, si cette dernière excluait les constructions provisoires prévues pour une durée d'utilisation de moins de deux ans, ainsi que les bâtiments et parties de bâtiment dont la température normale d'utilisation est inférieure ou égale à 12 °C ; les bâtiments d'élevage et les bâtiments ou parties de bâtiment qui, en raison de contraintes spécifiques liées à leur usage, doivent garantir des conditions particulières de température, d'hygrométrie ou de qualité de l'air, et nécessitent de ce fait des règles particulières, à ces quatre exclusions, la réglementation thermique 2012 en ajoute quatre : les bâtiments ou parties de bâtiment destinés à rester ouverts sur l'extérieur en fonctionnement habituel ; les bâtiments ou parties de bâtiment chauffés ou refroidis pour un usage dédié à un procédé industriel ; les bâtiments agricoles et enfin, les bâtiments situés dans les départements d'Outre Mer.213(*) 133. Application du Grenelle II à la distinction entre les bâtiments nouveaux et parties nouvelles de bâtiments et les bâtiments existants- Or ces cas particuliers, les dispositions de la Loi Grenelle II ont donc vocation à s'appliquer à tous les autres bâtiments, étant précisé qu'elles se distribuent de manière classique au vu de la distinction entre les bâtiments nouveaux et parties nouvelles de bâtiments (A) et les bâtiments existants (B) A Les bâtiments nouveaux et parties nouvelles de bâtiments134. Des objectifs énergétiques contraignants pour les constructions nouvelles- L'article L 111- 9 du Code de la Construction et de l'Habitation, relatif aux caractéristiques thermiques et à la performance énergétique des constructions nouvelles, dans sa nouvelle version issue de La loi du 12 juillet 2010, dispose désormais qu'« un décret en Conseil d'Etat détermine : pour les constructions nouvelles, en fonction des différentes catégories de bâtiments, leurs caractéristiques et leur performance énergétiques et environnementales, notamment au regard des émissions de gaz à effet de serre, de la consommation d'eau ainsi que de la production de déchets liées à leur édification, leur entretien, leur réhabilitation et leur démolition » ; alors que sous le régime de la réglementation thermique 2005 (Loi n° 2005- 781 du 13 juillet 2005), cet alinéa disposait seulement qu' « un décret en Conseil d'Etat détermine les caractéristiques thermiques et la performance énergétique des constructions nouvelles, en fonction des catégories de bâtiments considérées ». Plus exigeante, la réglementation thermique 2012 impose des objectifs énergétiques contraignants aux maîtres d'ouvrage de constructions nouvelles dans des termes qui tiennent expressément compte des objectifs de réduction des gaz à effet de serre envisagés par le Protocole de Kyoto214(*) et repris par la Directive européenne 2012/31 du 19 mai 2010, laquelle soulignait la nécessité d'envisager d'autres systèmes d'approvisionnement en énergie des bâtiments que ceux existants, dans un but d'économie 215(*). 135. De nouvelles obligations pour le maître de l'ouvrage- En outre, deux nouveaux alinéas sont ajoutés à cet article qui concerne les ouvrages neufs : « [Un décret en Conseil d'Etat détermine :] - à partir de 2020, pour les constructions nouvelles, le niveau d'émissions de gaz à effet de serre pris en considération dans la définition de leur performance énergétique et une méthode de calcul de ces émissions adaptée à ces constructions nouvelles ; - les conditions dans lesquelles le maître d'ouvrage atteste de la réalisation de l'étude de faisabilité relative aux approvisionnements en énergie ainsi que de la prise en compte de la réglementation thermique au moment du dépôt du dossier de demande de permis de construire; ». 216(*) 136. Dispositions inchangées- Reste inchangée la fin de cet article, telle que résultant de la Loi du 13 juillet 2005 : « [Un décret en Conseil d'Etat détermine :] « - les catégories de bâtiments qui font l'objet, avant leur construction, d'une étude de faisabilité technique et économique. Cette étude évalue ou envisage obligatoirement pour certaines catégories de bâtiments les diverses solutions d'approvisionnement en énergie de la nouvelle construction, dont celles qui font appel aux énergies renouvelables, aux productions combinées de chaleur et d'énergie, aux systèmes de chauffage ou de refroidissement urbain ou collectif s'ils existent, aux pompes à chaleur performantes en termes d'efficacité énergétique ou aux chaudières à condensation gaz, sans préjudice des décisions des autorités compétentes pour les services publics de distribution d'énergie ; le contenu et les modalités de réalisation de cette étude. » 137. Une application à l'ensemble des bâtiments neufs- On le constate, cette version nouvelle de l'article L 111- 9 du CCH, en vigueur au 14 juillet 2010, ne laisse plus de latitude au maître d'ouvrage : le principe est que les dispositions de la loi Grenelle II ont vocation à s'appliquer impérativement à toute construction nouvelle, sauf cas particulier d'exclusion217(*). 138. Précisions réglementaires- Le Décret et l'Arrêté du 26 octobre 2010, pris en application de ce texte, précisent de surcroît que celui- ci est applicable aux bâtiments nouveaux et aux parties nouvelles de bâtiments à usage de bureaux et d'enseignement, aux établissements ou parties d'établissement d'accueil de la petite enfance et aux bâtiments ou parties de bâtiment à usage d'habitation. Ainsi, les dispositions du nouvel article R. 111-20 du code de la construction et de l'habitation sont applicables : « 1° A tous les projets de construction de bâtiments de bureaux, d'enseignement et d'établissement d'accueil de la petite enfance faisant l'objet d'une demande de permis de construire ou d'une déclaration préalable déposée plus d'un an à compter de la date de publication du [décret du 26 octobre 2010] ; 2° A tous les projets de construction de bâtiments à usage d'habitation faisant l'objet d'une demande de permis de construire ou d'une déclaration préalable déposée plus d'un an à compter de la date de publication du [décret du 26 octobre 2010] et : « a) prévus par les conventions pluriannuelles mentionnées à l'article 10 de la loi n° 2003-710 du 1er août 2003 d'orientation et de programmation pour la ville et la rénovation urbaine; « b) bénéficiant des dispositions au 6 du I de l'article 278 sexies du code général des impôts » ; 3° A tous les projets de construction de bâtiments à usage d'habitation, autres que ceux visés au 2° ci-dessus, faisant l'objet d'une demande de permis de construire ou d'une déclaration préalable à compter du 1er janvier 2013. »218(*) 139. D'autres textes d'application viendront préciser dans peu de temps les conditions de mise en oeuvre de la réglementation thermique 2012 pour les autres types de bâtiments, tels que les commerces ou les bâtiments de santé219(*). * 204 Ph. Malinvaud, « Photovoltaïque et responsabilité » RDI 2010 p. 360 * 205 V.not. : V. Mercier, « Les apports de la « loi Grenelle II » au droit de la construction » Constr - Urb. n° 10, Oct. 2010, étude 12 * 206 Directive 2010/31/UE du Parlement Européen et du Conseil du 19 mai 2010 sur la performance énergétique des bâtiments (refonte), Art. 2, 4°, JOUE du 18.juin.2010 * 207 H. Périnet Marquet « La grenellisation du droit de la construction » dans « Grenelle 2 impact sur les activités économiques » collection Lamy Axe Droit, n° 51 * 208 Supra n° 65 et s. * 209 Supra, n° 81 et s. * 210 Infra, n° 151 et s. * 211 Directive 2010/31/UE du Parlement Européen et du Conseil du 19 mai 2010 Précit. * 212 Infra, n° 151 et s. * 213 V. Lagarde, « La réglementation thermique 2012 » Rev. Le Moniteur, 10 déc. 2010 et supra, n°34 * 214 Supra, n°11 et s. * 215 Directive 2010/31/UE du Parlement Européen et du Conseil du 19 mai 2010 Précit. * 216 Infra, n° 187 et s. * 217 Supra, n° 132 * 218 Décret n° 2010-1269 du 26 oct 2010 relatif aux caractéristiques thermiques et à la performance énergétique des constructions * 219 V. Lagarde « La réglementation thermique 2012 », Rev.Le Moniteur 10 déc. 2010 et J-L Bergel, « L'impact de la loi « Grenelle 2 » sur la vie de l'immeuble (vente, bail et copropriété) » RDI 2011 p. 50 |
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