La loi du 12 juillet 2010, portant engagement national pour l'environnement et la responsabilité des constructeurs( Télécharger le fichier original )par Florence COUTURIER- LARIVE Université Aix- Marseille III - Master II Droit immobilier public et privé 2010 |
§2- Les travaux nouveaux sur existants74. Qualification casuelle des travaux- En matière de travaux sur existants, la jurisprudence se livre à une appréciation casuelle de la question de la qualification des ouvrages, ce qui engendre une certaine insécurité juridique. La frontière est ténue entre les travaux sur existants qui constituent un ouvrage et ceux qui n'en constituent pas. Ainsi, « l'installation de doubles vitrages sur l'ensemble des fenêtres d'un immeuble est constitutive d'un ouvrage125(*) », et « est un complexe d'isolation et d'étanchéité formant un ouvrage la mise en place, sur un pavillon, d'un système d'isolation thermique (...) 126(*)». De même, la Cour de Cassation127(*) considère comme un ouvrage une installation de climatisation assurant la production d'énergie calorique et frigorifique nécessaire à la climatisation des bâtiments d'un parc des exposition128(*). 75. Le critère de l'importance des travaux- Un critère fiable est l'ampleur des travaux ; la rénovation lourde étant considérée comme un ouvrage, à la différence des travaux moins importants129(*). Mais faute de critères précis, les juges du fond se doivent d'apprécier si l'importance de la rénovation est telle que l'assimilation à l'ouvrage doit être retenue. La Cour de Cassation contrôle cette qualification en les obligeant à préciser la nature et la consistance des travaux130(*). Dès lors, les juges du fond doivent à la fois s'attacher à la nature des travaux- par exemple, s'ils touchent au gros oeuvre et à la structure, ainsi qu'à leur quantité et à leur montant131(*). Ainsi, les travaux de rénovation seront qualifiés soit d'ouvrages relevant de la garantie de l'article 1792 du Code Civil, soit de simples travaux, dont l'inexécution relève du régime de la responsabilité contractuelle de droit commun. 76. Travaux d'entretien- En ce qui concerne les simples travaux d'entretien, les juges considèrent généralement qu'ils ne relèvent pas de l'article 1792 du Code civil, car s'ils sont bien, au sens large, des ouvrages, ils ne relèvent pas de la construction d'un ouvrage. Celui qui exécute ce chantier ne saurait donc être considéré comme constructeur au sens de cet article. 77. Travaux de façade- Il convient de remarquer que les questions les plus courantes concernant la qualification d'ouvrage a trait aux travaux de ravalement de façade. En la matière, si la Cour de Cassation écarte l'application de l'article 1792 du Code Civil à un ravalement au profit du régime de responsabilité de droit commun de l'article 1147 du Code civil132(*), assorti d'une obligation de résultat133(*), elle admet l'inverse au cas où le ravalement, allant au-delà d'un simple nettoyage de la façade, assure une fonction d'étanchéité du bâtiment134(*). Dans ce cas, les travaux de ravalement sont considérés comme des ouvrages puisque participant à l'intégrité du gros oeuvre du bâtiment. Cependant, il convient de noter que la Cour distingue entre l'étanchéité et la simple imperméabilisation, à laquelle elle n'applique pas la qualification d'ouvrage135(*). 78. Travaux d'adjonction aux existants- Concernant les travaux d'adjonction, le principe est que constitue un ouvrage de construction toute adjonction à un ouvrage existant, telle l'adjonction d'une cheminée136(*) ou d'une véranda137(*), ou encore, en toute logique, d'une surélévation. Parallèlement, la jurisprudence a élaboré la notion « d'élément nouveau » d'un existant dans un arrêt rendu par la troisième Chambre civile de la Cour de Cassation le 7 octobre 1988138(*), lequel distingue entre la simple réfection d'une toiture, relevant de la responsabilité de droit commun, et l'apport « à la toiture et à la charpente de l'immeuble des éléments nouveaux, tels que chevrons, voliges, liteaux et panne faîtière » relevant pour leur part, de la garantie décennale139(*). 79. Les travaux de rénovation- Quant aux travaux de rénovation, l'absence de définition légale et jurisprudentielle de ces travaux a pour conséquence que cette notion regroupe et qualifie d'ouvrages l'ensemble des travaux autres que ceux de pur entretien, ayant pour but de remettre en bon état des locaux ou des bâtiments vétustes ou obsolètes. Plus importante que la simple réfection des peintures et revêtements, la rénovation peut concerner des travaux de plomberie, d'électricité, de sanitaires...et lorsque celle-ci s'accompagne de l'installation ou de la réfection de certains éléments d'équipement (chauffage par exemple) ou encore, d'adjonctions, ces éléments y seront englobés. 80. Cas d'extension de l'application des articles 1792 et suivants du Code Civil aux existants- Enfin, d'une manière générale, dans le cas où les travaux de rénovation sont qualifiés d'ouvrages, il convient de noter que la jurisprudence considère que les dommages causés aux existants relèvent également des articles 1792 et suivants du Code Civil140(*). * 125 CA PAU 8 déc. 1999 Jurisdata 108- 507, cité par H. Périnet Marquet, « La grenellisation du droit de la construction » dans « Grenelle 2 impact sur les activités économiques » collection Lamy Axe Droit p. 55 n° 51 * 126 CA PARIS 10 févr. 2000 AJDI 2000 p 436, cité par H. Périnet Marquet, Ibid. * 127 Cass. Civ 3e 28 janv. 2009 n° 07- 20.891, cité par H. Périnet Marquet, Ibid * 128 H. Périnet Marquet Ibid * 129 V. par ex. Cass. Civ. 3e, 30 mars 1994 : D. 1995. 279, note Raffi, cité par S. Becqué-Ickowicz, « L'impact du Grenelle sur les contrats de construction et la responsabilité des constructeurs », RDI 2011, p.25 * 130 Cass. Civ. 3e, 30 mars 1989, Bull. civ. III, no 76 * 131 Par ex. CA Paris, 19e ch., sect. A, 31 janv. 2001 * 132 Infra n° 292 et s. * 133 Cass. Civ. 3e, 5 févr. 1985, Bull. civ. III, no 21 * 134 Cass. Civ. 3e, 3 mai 1990, no 88-19.642, Bull. civ. III, no 105 * 135 Cass. Civ. 3e, 9 févr. 2000, no 98-13.931, D. 2000. IR 82 * 136 Cass. Civ. 3e, 25 févr. 1998, no 96-16.214, Bull. civ. III, no 46 * 137 Cass. Civ. 3e, 4 oct. 1989, Bull. civ. III, no 180 * 138 Cass. Civ. 3e, 7 oct. 1998, no 96-19.072, RDI 1999. 104 * 139 Dans le même sens, V. Cass. Civ. 3e, 9 nov. 1994, no 92-20.804, Bull. civ. III, no 184 * 140 Cass. Civ. 1re, 29 févr. 2000, no 97-19.143, Bull. civ. I, no 44 |
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