Annexe 6 : Dénonciation de la politisation des
juridictions Gacaca par la violation des droits de la défense au
Rwanda.
p.48
RIPRODHOR Réseau International pour la
Promotion et la Défense des Droits de l'Homme au Rwanda Association Loi
1901
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DENONCIATION DE LA POLITISATION DES JURIDICTIONS
GACACA PAR LA VIOLATION DES DROITS DE LA DEFENSE AU RWANDA
LE RIPRODHOR est indigné par la manière
d'opérer des juridictions Gacaca au Rwanda qui rendent une justice
très partiale et discriminante. Alors que dans le contexte rwandais ces
juridictions devraient servir de base pour la réconciliation nationale,
elles sont inféodées au service du parti-- Etat qui les
manipule.
D epuis leur instauration, ces juridictions dites populaires
ont plus servi la politique délibérée du FPR de laisser
croupir des leaders hutu innocents dans des prisons et de leur faire payer les
dégâts matériels causés par les interahamwe pendant
le génocide de 1994. Bon nombre de juges qui siègent dans ces
juridictions ne sont pas indépendants, car ils reçoivent des
ordres et des directives des décideurs politiques du FPR quand ils
poursuivent les accusés : les condamnations ou acquittement sont
accordés en fonction de l'intérêt que le prévenu
représente pour le FPR.
C es juridictions qui ne respectent ni la présomption
d'innocence, ni le droit de défense, ni le droit à un
procès équitable disposent d'un pouvoir énorme,
jusqu'à prononcer la peine à perpétuité avec
isolation, une sorte de «mort sociale»en lieu et place de la peine
capitale sensée abolie sur papier mais qui existe dans la pratique.
D ans la plupart des cas, les procédures
contradictoires pendant le procès ne sont pas respectées, et
l'autorité de la chose jugée n'est pas prise en
considération. Des personnes qui ont été acquittées
par les juridictions de droit commun et ayant épuisé toutes les
voies de recours se voient condamnées de nouveau par les juridictions
gacaca souvent pour les mêmes faits.
Des irrégularités ont été
constatées dans plusieurs districts du pays où, plusieurs
innocents ont été condamnés sur base de fausses
accusations de divisionnisme et de propagation de l'idéologie
génocidaire par des juges complices de la politique de discrimination
ethnique du parti--Etat.
D e toutes ces irrégularités, les plus
préoccupantes parce que hautement politisées concernent
l'instrumentalisation des génocidaires de grand renom désormais
reconvertis en délateurs professionnels contre toute personne dans le
mire du pouvoir.
D ans l'ex -Préfecture de Cyangugu, le cas qui nous
préoccupe actuellement est l'affaire de Sinzabakwira Straton, ex
Bourgmestre de la Commune Karengera. Ce Monsieur plaide coupable en
connaissance de cause car il a été le boucher de
KARENGERA--NYAKABUYE.
C on damné complaisamment à 20 ans
d'emprisonnement, il a réussi à se racheter en faisant inculper
dans son procès des personnalités innocentes comme Habimana
Théoneste, Nzabaza Tharcisse et Ndikumana Benjamin, qui se sont
vaillamment opposées à son entreprise génocidaire à
Karengera.
Pour se décharger de ses responsabilités, l'ex
Bourgmestre Sinzabakwira Straton a accusé les magistrats
Théoneste Habimana et Ndikumana Benjamin de l'avoir
découragé lorsqu'il voulait stopper les milices Interahamwe qui
se dirigeaient vers la Commune pour y massacrer les Tutsi, alors que c'est
lui--même qui était à la tête de ces milices. Ils lui
auraient conseillé de laisser faire les Interahamwe. Conduisant cette
attaque à partir de la paroisse de Mwezi sur le bureau communal
où s'étaient réfugiés les Tutsi, le Bourgmestre se
serait arrêté près du Bar chez Denys où se
trouvaient le Juge Président et l'IPJ, pour les consulter sur ce qu'il
devait faire de ces Tutsi. Ils lui auraient conseillé de laisser faire
les Interahamwe.
C eci est totalement faux si l'on se rappelle que les
Tribunaux comme tous les autres services publics avaient été
contraints à suspendre leurs activités et que la consultation
d'un avis d'un juge doit se faire sur son lieu de travail et sanctionné
par une ordonnance. Sinzabakwira et ceux qui l'aident à fabriquer ces
fausses accusations voudraient faire croire qu'ils ont tué des Tutsi
dans le cadre d'exécution d'un jugement rendu par le Tribunal de Canton
de Mwezi. A--t--on connaissance des compétences d'un juge de canton pour
lancer ces absurdités ?
Nulle part au monde, on a vu la raison du droit primer sur la
volonté répressive d'un exécutif génocidaire. Le
modus operandi des juges de canton en matière de collaboration avec les
bourgmestres des communes est rigoureusement structuré pour ne permettre
aucune amalgame sur l'étendue du pouvoir dévolu à
chacun.
Quand le bourreau de Karengera, Sinzabakwira Straton, est
incité à s'improviser en inquisiteur du régime, comme il
l'a démontré par ses mensonges dans l'enquête de Mucyo sur
l'implication des militaires français dans le génocide rwandais,
il croit réaliser son intention de se dédouaner de ses horribles
forfaits. D'où la volonté véhémente d'inculper
« les ennemis » du régime, même s'ils se sont
opposés, au risque de leurs vies, aux actes de génocide et
à la violence politique qu'il entreprenait pour endeuiller la Commune de
Karengera et les Communes environnantes.
Les Tribunaux Cacaca sont tellement politisés et
instrumentalisés qu'ils acquittent ou condamnent les prévenus au
gré du dictat du FPR pour s'assurer l'hégémonie du
pouvoir. Plusieurs personnes acquittées par ces mêmes gacaca sont
maintenues arbitrairement en prison si l'Association gouvernementale dite IBUKA
n'autorise pas la libération.
Le dernier jugement rendu par la juridiction d'appel Gacaca de
Gihundwe le 13 janvier 2010 est flagrant.
E n date du 25 septembre 2009, il a été
statué par la juridiction Gacaca de Gihundwe un non lieu sur les
délations que l'ancien Bourgmestre de Karengera a montées contre
Habimana Théoneste , NZABAZA Tharcisse et Ndikumana Benjamin. La
population, certains prisonniers dont Cosme alias Ntare et les rescapés
ont donné assez de preuves à décharge. Aucune victime n'a
interjeté appel contre ces 3 accusés.
Au mois de novembre 2009, la juridiction d'appel gacaca de
GASHONGA a confirmé l'acquittement des 3 coaccusés par
NSINZABAKWIRA Straton. Il a été mis en place une nouvelle
juridiction d'appel de Gihundwe qui a siégé à partir du 4
janvier 10.
Sur pression des militaires dont l'officier supérieur
de Police Nationale RUGWIZANGOGA Révérien qui participaient
à l'audience comme partie civile dans ces dits jugements non
contradictoires, les témoins à décharge furent
intimidés, téléguidés dans leur témoignage
ou arrêtés s'ils ne « coopéraient pas ».
On ne peut pas passer sous silence, la manipulation du
prêtre catholique Ubald qui a pris en charge les frais de
scolarité des enfants de SINZABAKWIRA Straton pour obtenir de lui les
délations en vue de faire condamner les innocents.
Les décisions rendues le 13 janvier ne sont que
politiques et non juridiques. HABIMANA Théoneste qui n'était ni
assigné, ni représenté au procès est
condamné à perpétuité. Nzabaza Tharcisse policier
communal qui avait toujours refusé de calomnier Théoneste
HABIMANA s'est vu attribuer la peine de 19 ans d'emprisonnement.
Le prisonnier Côme alias NTARE dont la peine avait
été réduite parce qu'il avait plaidé coupable, a
été condamné à une peine beaucoup plus lourde pour
avoir témoigné en faveur de HABIMANA Théoneste et pour
avoir dénoncé publiquement le plan monté en prison par
l'Association Ibuka et SINZABAKWIRA Straton pour faire inculper les
innocents.
La commission nationale sur le génocide avait
dépêché ses agents à Gihundwe le lundi 11 janvier 10
pour donner les ordres à cette juridiction sur les manières de
faire la délibération. D'où la manipulation pour faire
épingler ceux dont le régime veut se débarrasser.
Il est de notoriété publique que Monsieur HABIMANA
Théoneste a été gravement menacé par les
interahamwe avant et pendant le génocide.
Le Bourgmestre SINZABAKWIRA Straton l'avait assigné en
résidence surveillée à Karengera en l'accusait
d'héberger « les inyenzi ». Ceci du fait qu'il avait
hébérgé NYILIMBIBI Alphonse alors président de la
LIPRODHOR persécuté par les miliciens. Mr HABIMANA Theoneste a
été toujours accusé d'Icyitso(complice) par le
gouvernement du MRND de par ses prises de position en matière de
défense des droits humains depuis 1991 comme les autres cofondateurs de
la Ligue Rwandaise des Droits Humains (Liprodhor).
Après le départ en exil de SINZABAKWIRA Straton
au Zaire fin juin 1994 HABIMANA Théoneste a pu sortir de son isolement
dans le secteur KARENGERA pour aider au rétablissement de l'ordre dans
la commune Karengera, sous la supervision du Comité de
Sécurité mis en place par le Colonel Bavugamenshi Innocent et le
Major CYIZA Augustin pour l'instant porté disparu. A cet effet, sa
contribution permit d'arrêter des interahamwe qui écumaient encore
la Commune, de mettre fin aux massacres et aux pillages et de restaurer la
paix. Les profondes enquêtes ont été faites à sa
personne par les militaires et services de sécurité du FPR, les
services du gouvernement, les organisations des droits de l'homme tant
nationales qu'internationales et avaient levé leur doute quant à
son éventuelle participation aux actes criminelles en 1994. Ce qui lui
avait permis de continuer sa carrière de juge et d'activiste des droits
humains.
Après la prise du pouvoir par le FPR, il n'a pas
baissé les bras. Il a poursuivi son engagement en défendant les
victimes des violations des droits humains perpétrées par le
régime du FPR. Il s'est directement joint à ses collègues
membres de la LIPRODHOR rescapés des massacres pour relancer les
activités de la ligue. Il fut élu par ses collègues,
membre conseil d'administration, où de 1995 à 2001, il
présidait la commission économique et sociale depuis 1995
à 2001.
Suite à l'aggravation des menaces du gouvernement sur
les membres de la LIPRODHOR, Monsieur HABIMANA Théoneste, a fondé
le Réseau International pour la Promotion et la Défense des
Droits humains au Rwanda, en France, où il faisait ses recherches
à l'Université Lyon 3, pour relayer les activités de la
LIPRODHOR, réduite au silence au Rwanda. Sa condamnation est une mesure
politique de vengeance et de représailles qui n'a rien à faire
avec verdict motivé par les préoccupations de justice.
Etant donné le caractère particulièrement
injuste et partial de cette décision et plusieurs autres qui ne
reflètent que des parodies de justice au Rwanda,le RIPRODHOR recommande
:
1 ) Que les jugements rendus par les juridictions gacaca sur
violation des procédures légales et des principes de droit qui
fondent le procès équitable soient considérés comme
nuls et non avenus.
2 ) Que le jugement rendu par la juridiction d'appel gacaca de
Gihundwe le 13 janvier 2010 selon les injonctions de la commission nationale
sur le génocide soit annulé car la garantie d'indépendance
des juges et le droit de la défense ont été violés.
Car on ne peut pas être partie et juge en même temps.
3) Qu'il y ait une commission internationale indépendante
pour faire une évaluation sur les violations et abus de droits commis
par les juridictions gacaca.
4) Que les bailleurs des fonds qui financent le programme
gacaca prennent conscience du fossé infranchissable que les Gacaca sont
en train d'installer entre les ethnies rwandaises et soient prêts
à en endosser la lourde responsabilité devant l'histoire. Il est
temps de penser que les victimes d'abus d'autorité du FPR ont aussi
droit à être protégés.
Fait à Paris le 20 Janvier 2010
Théobald RUTIHUNZA Président du
RIPRODHOR
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