Comme pour la crise financière, plusieurs acceptions
peuvent être accordées à la notion de crise
économique. Par crise économique en effet, on peut entendre une
période de grave déséquilibre économique
résultant du décalage entre production et consommation.
Elle peut également désigner une période
où le climat des affaires dégrade brusquement la majorité
des activités économiques, entraînant sur une
échelle importante, des faillites et des licenciements, arrêtant
l'investissement, bloquant le crédit, ruinant une partie du secteur
bancaire, et freinant les échanges5.
Toutes ces définitions semblent bien cadrer avec la
crise économique dont il sera question plus loin. Cependant, quelles
sont les causes d'une crise économique ?
Selon l'école Autrichienne d'économie, les
crises économiques sont essentiellement dues à l'accumulation de
défauts d'ajustement de l'appareil de
4 F. MISHKIN, Cité par Banque de France,
« Les canaux de transmission monétaire : leçons pour la
politique monétaire », In Bulletin de la Banque de France,
n°27, mars 1996, pp. 98-99.
5 BCC, Op. cit., pp 2-3.
production à la demande réelle6. Les
économistes de cette école notent en effet qu'à mesure que
les prix deviennent de plus en plus faussés, des malinvestissements,
soit des investissements qui n'auraient pas été faits dans les
conditions normales du marché, finissent par s'accumuler et, la
surabondance de crédit fait en sorte que des décisions de plus en
plus risquées sont prises dans le but d'accroître les rendements,
et l'effet de levier atteint des niveaux dangereusement
élevés.
Par contre, la théorie marxiste7, voit dans
le libéralisme un système en lui-même
générateur de crise, à cause essentiellement des conflits
entre patrons et ouvriers (lutte des classes).
La crise économique est définie dans les
théories économiques du cycle8, comme une
période de ralentissement de l'activité économique,
faisant suite à une période d'expansion :
Figure 1. Phases du cycle
économique
3 4
1
2
6« Le libéralisme au service du peuple », in
Cinquième Université annuelle du Club de l'Horloge, Paris,
1er octobre 2OO5.
7 Le Marxisme représente une doctrine et
une méthode d'analyse formulées par Karl Marx et Friedrich Engels
et développées par leurs disciples. Selon cette école,
c'est sur le travail que repose tout le principe de la production
capitaliste..., or, dans le salariat, le prix de la force de travail est
sous-évalué par rapport à la valeur qu'elle produit..., le
salaire que chaque travailleur reçoit pour commencer et reproduire ainsi
sa force de travail reste inférieur à la valeur que son travail
produit... C'est cette situation qui conduit à terme au blocage de la
machine capitaliste.
8 Les théories qui distinguent la succession
plus ou moins régulière des périodes de
prospérité et de dépression dans une économie. On
distingue essentiellement 3 types de cycles à savoir, le cycle de 40
mois ou KITCHIN, cycle de 8 à 10 ans ou JUGLAR, cycle de 50 ans ou
KONDRATIEFF. Voir P. GILLES, Histoire des crises et des cycles
économiques, ARMAND COLLIN, Paris, pp. 20-70. ; MAGNAN (Jean de
Bornier), « Cycles et fluctuations économiques, 2008 » ; Et
MUBAKE MUMEME, « Fluctuations et croissances économiques »,
Cours de L1 Sciences Economiques, UNIKIN, Kinshasa, 2OO8.
Source : Figure élaborée par
nous-même sur base du cours de Fluctuations et Croissances
économiques (Première Licence Sciences Economiques), et d'autres
ouvrages consultés.
· La première phase (1) correspond à la haute
conjoncture, la croissance ou l'expansion, qui se caractérise par une
hausse de la production ;
· la deuxième (2) correspond à la phase de
crise ou récession, c'est-à-dire le point de retournement ou de
passage d'une phase de croissance à une phase de
décroissance9, marquée par un affaiblissement du
rythme d'accroissement de la production ;
· la troisième (3) constitue une phase de basse
conjoncture, de dépression, de creux, de liquidation10. Elle
s'accompagne d'une baisse de la production ;
· la quatrième (4), s'analyse comme une phase de
reprise.
Nous pouvons également ajouter que l'expansion des
crédits met en mouvement les différentes phases du cycle
économique : le boom (expansion) est marquée par l'expansion de
l'offre de monnaie et par des erreurs d'investissement tel que nous aurons
à l'expliquer plus loin ; la crise survient lorsque l'expansion des
crédits s'arrête et que les mauvais investissements deviennent
évidents ; la dépression est le processus par lequel
l'économie connaît des réajustements pour préparer
la reprise.
Durant la phase de croissance, où l'on assiste en
effet à une augmentation de l'emploi, des salaires et des
bénéfices, les entrepreneurs expriment un optimisme les amenant
à accroître leur niveau de production futur. Cependant, à
partir d'un seuil donné, se dressent certaines barrières faisant
obstacle aux attentes de ces derniers : hausse des coûts de production,
hausse des taux d'intérêt, des prix, baisse de la consommation en
réaction aux hausses des prix, etc. Le niveau de la production
n'étant pas proportionnel à celui de la consommation, les stocks
s'accumulent, provoquant une chute des prix. Face à une telle situation,
les entrepreneurs réduisent alors leurs dépenses et
procèdent à des licenciements. Le cumul de tous ces
événements débouchent sur une récession.
Autrement, tel que nous l'avons évoqué plus
haut, toute période d'expansion provoque une expansion du crédit
et une augmentation de l'endettement emmenant les agents économiques
à s'engager au-delà de leurs capacités d'endettement. Ce
surendettement est la cause première de la panique boursière. En
effet, la panique provoque une volonté de liquidation de la dette qui,
à
9 D. J. MAGNAN, « Cycles et fluctuations
économiques », 2008, (
http://fr.wikipedia.org/wiki/crisefinancière),
p. 2.
10 Idem.
son tour, entraîne un dégonflement de la masse
monétaire, puisqu'on a ici beaucoup plus de remboursements de
crédits que d'émissions de crédits, débouchant sur
une contraction de la masse monétaire, puis du niveau de la demande.
MURRAY N. ROTHBARD affirme que : « le boom
economique est en
realite une periode de malinvestissements, durant
laquelle les erreurs sont faites, du fait des credits fausses des banques et du
libre marche ; la crise signale la fin du desordre accumule pendant la periode
du boom ; la depression est le processus preparant la reprise et dont la fin
annonce le
retour a la normale de l'activite
»11. Il renchérit en affirmant que : «
la
depression, loin d'etre un mauvais fleau, peut
etre consideree comme le
retour necessaire et benefique de l'economie a la
normalite apres une
periode de graves distorsions causees par
l'expansion »12. En effet, durant
cette période, les projets non rentables doivent
être abandonnés ou être révisés à bon
escient, tandis que les activités, les firmes, les entreprises
inefficaces ayant vu le jour pendant le boom doivent être
liquidées ou mises à la disposition des entreprises plus
efficaces. Autrement, comme le dit Nicolas CRESPELLE : « une
crise est un
accelerateur de changement, et s'en sortent les
premiers, et mieux que les autres, ceux qui disposent de la plus grande
flexibilite et ceux qui disposent de la plus grande capacite
d'investissement»13.
Cela dit, une crise économique peut être
provoquée par :
· une politique monétaire erronée : taux
directeur trop faible ou trop élevé, provoquant respectivement un
surinvestissement ou un assèchement des liquidités
réduisant la demande et donc le niveau de la production ;
· une crise financière : via les canaux des
crédits, puisqu'en effet, lorsqu'il y a une rupture dans le
système financier qui provoque un accroissement de
l'anti-sélection et du risque moral sur les marchés financiers,
et lorsque les marchés sont incapables d'organiser les transferts de
fonds efficacement des prêteurs vers les agents à qui s'offrent
des occasions d'investissement productif, il en résulte une forte
contraction de l'activité économique réelle. En effet, si
le taux directeur est revu trop à la hausse en vue de contrecarrer une
demande accrue de crédit, il est probable que les bons risques de
crédit cesseront de chercher un financement, alors que les mauvais
risques voudront encore emprunter. L'anti-sélection s'intensifiant, les
prêteurs pourraient devenir plus retissant quant à consentir des
nouveaux prêts. Il en résulte une baisse des prêts qui
conduit à une chute importante de l'investissement et de
11 M. ROTHBARD, America's great depression,
Mises Institute, Alabama, 2000, p.12.
12 Idem, pp 13-14.
13 N. CRESPELLES, La crise en questions,
Eyrolles, Paris, 2009, p.22.
l'activité économique globale. En outre, une
diminution des crédits aux ménages suite à une crise
bancaire par exemple, est susceptible d'entraîner une réduction
des dépenses de consommation, qui à son tour provoque une
contraction de la production ;
· un changement majeur du contexte politique (guerre,
instabilité politique, etc.) ;
· des erreurs des politiques économiques : mises en
place des politiques protectionnistes, nationalisations massives,
déficits publics excessifs ;
· etc.
Toutefois, il est important de noter que la variable
considérée comme la plus importante (ou centrale) pour le
repérage de la conjoncture (crise) est soit la production industrielle,
soit le PIB14. Ainsi, pour mieux analyser la morphologie d'une
crise, il faut étudier le comportement des différentes variables
économiques relativement à la variable centrale. Il s'agit par
exemple : des prix industriels, des ventes des producteurs, du taux de
chômage, de l'investissement privé, de la production des biens
durables (automobiles, réfrigérateurs, etc.), des profits, des
taux d'intérêt, des nouveaux projets d'investissement, de la masse
totale du crédit, etc.