Le comportement du consommateur et les films d'horreur( Télécharger le fichier original )par Delphine Rouchon ESC Saint-Etienne - Master 2 Grande Ecole 2011 |
Le marketing : de l'inexistence à l'outrance« Ce qui intéresse l'humain, c'est toujours l'objet du désir de l'Autre » (Forest, 2010, p. p.25) cette citation à forte connotation philosophique est plus vraie que jamais dans le marketing. Nous en faisons l'expérience tous les jours : les mannequins des publicités (affiches, télévision...) rivalisent de beauté et de charme, n'avons-nous pas l'impression qu'en utilisant le produit qu'ils promeuvent nous accéderions à leur idéal ? Le cinéma d'horreur utilise cette technique : les personnages stéréotypés sont une continuité rassurante du manichéisme des contes de fée. Si dans la vraie vie tout le monde se voit comme le héros, le personnage principal, dans les films d'horreur, et en particulier dans les slashers, c'est tout autre chose. Un personnage (généralement féminin et vertueux) émerge, non pas grâce à son charisme, ni grâce à son physique, mais plutôt grace à ses valeurs. Il s'agit du héros. Les personnages qui l'entourent ne sont là que pour l'épauler ou le valoriser : la meilleure amie, la chipie, le petit copain... ce cadre extrêmement apaisant est une base utilisée dans la majorité des films, mais également dans leur promotion : bandes-annonces et affiches en font leur pain blanc. Pour appuyer nos dires, nous pouvons comparer deux bandes-annonces, une datant de 1980, Prom Night ( http://www.youtube.com/watch?v=2QHjUFSt_OM) et une datant de 2010, Chain letter ( http://www.youtube.com/watch?v=HQvf4G3a6EU). Trente ans les séparent, et leur promotion est pourtant montée sur le même principe : une emphase sur des personnages caricaturés, une intrusion des spectateurs dans leur intimité (dans le premier, le spectateur entre dans la chambre de plusieurs jeunes filles alors qu'elles se préparent, dans le second, on voit une jeune fille en peignoir, chez elle) et une présentation du tueur très manichéenne : froid, pervers... le tueur est encastrédans un rôle de méchant, ses motivations ne sont d'ailleurs jamais mise en exergue dans les slashers, ou alors elles ont un caractère narcissique qui dessert le personnage et le rend d'autant plus antipathique. On peut se montrer surpris de voir à quel point les années passent et les films d'horreur gardent des codes similaires. « Dans ces sociétés où on prône l'individualisme, on ne s'est jamais autant imité » (Forest, 2010, p. 18). Aujourd'hui, la surenchère de violence est parole d'évangile et tous les films d'horreur misent dessus. Lors de nos entretiens de groupe, nous avons pu noter une certaine résistance, voire un snobisme de la part d'une personne qui affirmait ne pas apprécier le cinéma d'horreur et n'aimer que Hitchcock : « dans mon entourage on aime Hitchcock, c'est mythique ». Cependant, « (...) La fidélité verbale au cinéma d'auteur est très répandue (...) mais les entrées payantes enregistrées le concernant demeurent faibles » (Forest, 2010, p. 282). C'est pourquoi, nous pensons que le cinéma d'horreur a raison d'user d'une image populaire. La publicité des films se fait au travers d'affiches, d'une bande-annonce, parfois de bandeaux sous allociné. La bande-annonce est l'intermédiaire le plus percutant, c'est du moins ce qui découle de nos entretiens : « Le plus important pour moi est sans doute la bande-annonce, qui doit donner envie de voir le film (ou plus exactement de le voir tout de suite et sur grand écran pour les nouveaux films), mais sans trop en dévoiler. Ce dernier point me semble important, peut-être même plus que pour d'autres types de film. Après tout, ce qui est le plus terrifiant dans un film est rarement ce qu'on nous montre, mais plutôt ce qu'on nous suggère. », « La bande annonce de Black swan m'a donné envie d'aller voir le film » ou encore « les bandes-annonces sont presque toujours bien faites pour les films d'horreur ». Les plus récalcitrants y voient tout de même une source de frustration : « parfois il y a les meilleures scènes dans la bande-annonce, donc plus rien pour nous surprendre dans le film ». Pourtant, si les bandes annonces sont jugées comme bonnes par les personnes que nous avons interrogées, certains reprochent l'aspect commercial : « Je trouve le marketing autour des films d'horreur complètement fallacieux. C'est d'ailleurs bien dommage. J'avoue que, la plupart du temps, quand je tombe sur une bande annonce sympa (c'est à dire correspondant à mes critères de sélection), le produit qui lui correspond est bien en dessous de ce que semblait promettre sa publicité ». Nous pouvons nous poser la question suivante : un consommateur déçu, retourne t-il voir un film d'horreur ? Éradique t-il le réalisateur en question de ses choix futurs ? Ne change t-il rien à ses habitudes ? En résumé : l'industrie du cinéma peut-elle perdre des clients par la pratique d'un marketing disproportionné par rapport à la qualité d'un film ? Dans les chapitres précédents, nous développions l'hypothèse que les films d'horreur s'inspiraient de la société. Le marketing joue également sur ce sujet : les réalisateurs, lors d'interviews ou dans les bonus des DVD, sont de plus en plus nombreux à expliquer la genèse de leur film et ses bases sociologiques. Ceci donne de la crédibilité aux films d'horreur qu'on a communément l'habitude d'associer à des films creux : « Si, de Tobe Hooper (Massacre à la tronçonneuse) à George Romero (La Nuit des morts-vivants), tout le monde s'accorde à dire que la vague d'horreur arrivée à l'écran dans les années 1970 résultait de la guerre froide et du conflit au Vietnam, celle d'aujourd'hui vient en grande partie du 11 septembre 2001. "Et de notre planète qui se déglingue, ajoute Billy O'Brien, réalisateur d'Isolation, cauchemar paysan encore à l'affiche. Moi, j'évoque les dangers de la manipulation génétique, d'autres traitent des bavures nucléaires comme Tchernobyl [La colline a des yeux, version 2006]... Le cinéma fantastique est un écho des peurs de notre société.» Qui peuvent aussi être tout simplement domestiques, comme dans Ils (sortie le 26 juillet), petite production française à 1 million d'euros, réalisé par David Moreau, 29 ans, et Xavier Palud, 35 ans. "On s'est aperçus que la plus grande angoisse des gens était l'intrusion d'un inconnu dans leur foyer. Une situation qu'on voulait traiter avec réalisme, donc sans humour.»Tuer à tour de bras n'empêche donc pas de penser. Certains auteurs y voient un corollaire essentiel. Pour Alexandre Aja, "La colline à des yeux se réfère à une société américaine construite sur l'exclusion des minorités. Bien que Wes Craven s'en défende, le premier volet, comme celui-ci, plaît parce qu'une famille aisée y est sacrifiée, à la manière d'une offrande aux marginaux laissés pour compte, donnant ainsi bonne conscience aux spectateurs». » (Carrière, 2006) |
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