- Le role de la censure
Les films d'horreur sont parfois perçus comme
véhicule de violence. En effet, on ne peut nier cet aspect, cependant,
il est inhérent au genre, « le film d'horreur est dans la
démonstration " (Franck, 2009, p. 2). Avant l'arrivée du
cinéma et de la télévision, l'horreur existait : les
contes de fée, la mythologie ou tout simplement les religions regorgent
d'une imagerie à caractère violent.
L'omniprésence de la violence est vécu comme une
menace et est dénoncée par l'Etat : « L'évolution
de tous les médias depuis une quinzaine d'années a vu
l'arrivée en masse - et même leur généralisation -
de contenus présentés de façon
répétée et intense, dont le climat d'agression, de
sexualisation et de domination des personnes ne peut être ignoré.
La violence dans les divers médias, qu'il s'agisse de la radio, de la
télévision, de la presse écrite, de la vidéo, des
jeux vidéos et plus récemment d'Internet, suscite des
débats récurrents à propos de ses effets éventuels
sur les spectateurs et lecteurs, en particulier les plus jeunes d'entre
eux. " (Brisset, 2002)
Les constats vont même plus loin puisqu'est
dénoncé : « le caractère mortel de la
montée de la violence dans une société démocratique
" (Kriegel, 2002). Cependant, dans ce dernier rapport, il n'est pas
question de supprimer les programmes violents, mais uniquement de les rendre
inaccessible aux plus jeunes.
Sur le terrain, nous avons noté que l'aspect
pédagogique de la censure était plébiscité. Durant
les entretiens de groupe, lorsque le thème de la censure était
abordé, tout le monde s'accordait à dire : « la censure,
c'est bien pour protéger les jeunes ", mais « quand on a
18 ans, on peut regarder ce qu'on veut ". La censure à la
télévision donne beaucoup plus matière à
polémiquer, puisque certains diront « il n'y a pas assez de
censure à la télé, il devrait y en avoir sur les pubs
aussi », quand d'autres pensent que la censure à la
télévision relève du rôle de l'éducation et
qu'ainsi : « la télé, c'est le rôle des parents
".
Les entretiens individuels que nous avons menés vont
également dans ce sens. L'un de nos interviewés reprend
parfaitement l'idée générale : «Je pense que les
recommandations liées à l'âge ne sont pas si mauvaises en
France " nous a-t-il dit avant d'ajouter spontanément : « Je
suis de ceux qui soutiennent, pour les films mais aussi les dessins
animés et les jeux vidéo, que ça n'a aucun effet sur le
comportement des jeunes, qui dépend de beaucoup d'autres choses
(socialisation, etc). Après, c'est la responsabilité des parents
de ne pas montrer n'importe quel film à leur enfant, et de l'avoir
préalablement visionné. Sinon, après, on se retrouve avec
des gens qui ont peur des pigeons parce qu'ils ont vu Les Oiseaux trop
jeunes ! "
Quelqu'un a tout de méme admit que les films d'horreur
banalisait la violence, au méme titre que les journaux, la
télévision, internet... mais sans pour autant l'engendrer.
Une notion importante émerge de nos entretiens et de
nos observations générales : la censure peut être une
source de motivation pour le spectateur. L'un des étudiants que nous
avons interrogé nous a avoué une chose : « étant
petit, je cherchais par exemple à regarder des films qui
m'étaient normalement "interdits" ".
Nous avons également eu une expérience similaire
: en novembre 2006 sortait Saw 3 (Bousman, 2006) dans les salles
françaises. Pour la première fois, un film d'horreur allait
être classé X, soit interdit aux moins de18 ans, sans pour autant
comporter de scènes à caractère sexuel. Nous sommes
allée voir ce film, un samedi soir,
pour la dernière séance, celle de 22h30.
Arrivée aux alentours de 21h30 au cinéma Le Gaumont de Saint
Etienne, soit une heure avant le début de la séance, quelle ne
fut pas notre surprise de voir tous les guichets assaillis, et la queue
dépasser les limites du cinéma ! La salle était tellement
bondée que, pour ne pas être séparés, nous avons
dû nous assoir dans les escaliers, et nous n'étions pas les
seuls.
En quoi ce Saw était différent des deux
qui le précédaient et des trois ou quatre qui allaient suivre ?
Darren Lynn Bousman avait déjà réalisé le
deuxième opus qui n'avait pas été à la hauteur des
attentes du public. Mais après tout, peu importe le scénario, peu
importe le réalisateur. L'industrie Saw ne vend pas de la
dentelle, mais du sang, du gore, de la violence, du choc. Et ce, au grand
désarroi d'une étudiante que nous avons interrogé : «
Aujourd'hui, le film d'horreur passe par le gore. On joue donc sur le sale,
le trash, ... Exemple type : Saw. On vend le film sur le fait qu'il y
ait du sang, un mec qui se cautérise un moignon sur un tuyau de gaz, y'a
de la mâchoire qui vole et en 3D, s'il vous plait !... Et voila comment
le marketing pourrit un super film. Pourquoi ? Parce que Saw, c'est
avant tout un film d'horreur qui prend en compte la dimension humaine : la
psychologie, les limites de l'homme, son rapport à l'injustice... Et on
nous le vend comme la méga boucherie du siècle. Résultat,
on se retrouve au milieu de mouflards de 12 ans qui se sont
dessinés de la barbe pour en paraître 16 à l'entrée
du cinéma. »
La censure est un outil sécurisant, certes, mais peut-elle
encore protéger tout en étant un levier marketing comme elle l'a
été avec Saw 3 ?
Conclusion-
Il est difficile de donner une définition au genre
horreur. Pour simplifier, nous utiliserons la définition du sous genre
slasher : le slasher vise principalement les
adolescents. Il met en scène des personnages caricaturaux qui sont
assassinés un a un par un maniaque. Le slasher est en
quelque sorte la continuité du conté de fée : il un
rôle d'initiateKL.
|
Nous avons réalisé en rapprochant la
théorie et nos enquêtes terrain que les films d'horreur mettent en
scène les angoisses des sociétés. Nous
avons cité l'exemple des films de vampires apparus alors que les
dictateurs (Hitler, Mussolini...) montaient en puissance, mais également
celui d'Amityville. Amityville a comme toile de fond une
histoire de maison hantée, possédée par le diable. Mais
son succès reposerait en partie sur une notion économique
implicitement omniprésente tout au long du film, à une
époque où les Américains connaissaient une
récession économique importante.
Ensuite, nous avons tenté de définir le public
des films d'horreur : s'il peut être d'age, de sexe, de catégorie
sociale... variés, l'industrie du cinéma d'horreur vise
essentiellement un public jeune, le récent Piranha
3D (Aja, Piranha 3D, 2010) en est l'exemple type. Le film met en
scène des centaines de jeunes dans le cadre du fameux springbreak
américain. Ces derniers sont attaqués par des piranhas, le tout
utilisant la technologie 3D.
Enfin, nous avons évoqué le thème de la
censure et nous nous sommes demandée où
étaient ses limites.
|