2 Le rôle de la légende urbaine : « c'est
vraiment arrivé au copain de la cousine d'une copine »
Un filon que nous aurions pu citer comme facteur clé de
succès est celui de la légende urbaine. A l'origine des contes de
fée et des films d'horreur, la légende urbaine est une histoire
que tout le monde raconte et amplifie. Il s'agit généralement de
quelque chose d'effrayant, qu'on redoute plus que tout. Sa
véracité est souvent impossible à prouver. Au
départ, c'était une légende qui se diffusait oralement,
aujourd'hui, elle se propage encore plus rapidement par le biais d'internet.
La légende urbaine a pour caractéristique
l'intrusion d'un élément dérangeant dans un quotidien
banal.
« Les légendes ne meurent jamais »
était l'accroche aguicheuse de la jaquette du film Urban Legend 2
(Ottoman, 2000). A en croire les résultats de nos entretiens de
groupe, cette accroche pourrait se vérifier : « ça fait
peur quand ça peut arriver » « le babysitting, c'est
le pire ».
Certaines histoires sont intemporelles : notamment celles mettant
en scène des baby-sitters. Nous pouvons en raconter deux :
- Alors qu'elle garde des enfants, une jeune femme
reçoit des appels étranges, de plus en plus menaçant. Elle
finit par prévenir la police qui après quelques minutes lui
annonce que les appels viennent de l'intérieur de la maison. Cette
légende est reprise dans le film Terreur sur la ligne (West,
2005).
- Une jeune fille garde des enfants pour une nuit
entière. Cependant, la chambre d'amis qui lui est prêtée ne
l'enchante pas car un clown en porcelaine de taille humaine est installé
sur un rocking-chair. Il la met très mal à l'aise. Après
avoir regardé la télévision jusqu'à minuit
passé, elle finit par appeler les parents des enfants qu'elle garde pour
leur demander si elle ne peut pas plutôt emprunter leur chambre comme le
clown la gêne. Les parents répondent évidemment : «
mais de quoi parles-tu ? nous n'avons pas de grand clown dans cette chambre,
nous n'avons pas de grand clown du tout d'ailleurs... »
Ces histoires de baby-sitters sont intemporelles et elles
s'adressent à de jeunes filles, souvent même des adolescentes.
Le cinéma d'horreur peut aisément user de
légendes urbaines car « Le cinéma d'horreur parce qu'il
est bien ancré dans le marché de consommation de masse, offre
l'avantage d'une grande popularité auprès des spectateurs mais
aussi des critiques, d'une uniformité des thème regroupés
dans des répertoires, et surtout, l'attrait d'un terrain quasi-vierge,
du moins pour l'ethnologie. Pourquoi ne pas le considérer comme un autre
pôle du discours quotidien ? L'ethnologue d'aujourd'hui doit
réviser sa vision passéiste du folklore : du conte traditionnel
écouté au coin du feu au film d'horreur visionné au
magnétoscope, il n'y a qu'un pas à franchir, modernité
oblige. » (Roberge, 2004, p. 4)
La légende urbaine intemporelle est liée aux
chocs sociaux. Il y a une quinzaine d'année, une légende
racontait que les gitans enlevaient des petites filles aux cheveux longs dans
les grandes surfaces. Ils les emmenaient dans les toilettes pour leur couper
les cheveux et leur mettre des vêtements de garçon, ainsi, lorsque
les responsables du magasin se mettaient à la recherche de l'enfant, ils
cherchaient une petite fille aux cheveux longs et les gitans pouvaient sortir
sans créer d'émeute.
Les enlèvements d'enfant sont une peur
indéniablement intemporelle ! Récemment nous avons
également reçu un e-mail ayant pour objet : « ATTENTION A
TOI ». Ce dernier disait de ne pas accepter de carte de visite de la part
d'un inconnu. Qu'elles pouvaient contenir un poison : argument
d'autorité à la clé, cette information
aurait été donnée par un policier... vous
pourrez trouver le détail du courriel en annexe 7.
Ces légendes sont un puits d'inspiration sans fond pour
les films d'horreur. Leur succès ne peut qu'être immédiat,
à moins d'utiliser une histoire trop loin des préoccupations
modernes, comme la légende de la dame blanche.
La légende urbaine moderne effraie les gens en usant
particulièrement de la peur des nouvelles technologies : Certains
réalisateurs ont compris l'astuce : chain letter (Taylor, 2010)
en est un exemple.
La force d'une légende est qu'on ne peut pas prouver sa
véracité. Car, au fond, il ne s'agit que de quelque chose d'oral,
que d'un récit et « . le récit parce qu'il rapporte des
faits et des évènements, n'est pas pour autant la
réalité ; il est un regard sur une réalité qui a
existé dans un présent qui est passé au moment où
le récit est raconté. Le récit, en ce sens, ne
présente pas les faits, il les représente, il construit un
discours sur les évènements, réels ou fictifs, dont il
prétend rendre compte ». (Roberge, 2004, p. 28). Le
récit n'a rien d'objectif.
Page 89/90, Martine Roberge s'attarde sur le cas des slashers
et notamment sur celui de Freddy (Craven, 1984). Elle le décrit
comme un nouveau « boogeyman ». Il représente des peurs
primaires : celles d'être guetté, attaqué... Pour rappel,
Freddy était un tueur d'enfant. Pour se venger et alors que la justice
n'agissait pas, les habitants de la ville où vivait Freddy le
traquèrent et le firent bruler vif. Ils se croyaient
débarrassés, cependant Freddy revint en fantôme et se mit
à attaquer les enfants dans leur rêve.
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