Chapitre 2 Préconisations
Introduction-
Nous allons relever les facteurs clés de succès de
l'industrie du cinéma d'horreur. Et, nous ferons des
préconisations à partir de la littérature et de notre
terrain.
Nous parlerons des films relatant les légendes urbaines
et dans la dernière partie de ce chapitre, nous ferons un point sur le
film d'horreur idéal selon les personnes interrogées durant nos
entretiens.
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Nous avons défini le cinéma d'horreur et
éclairé l'industrie du cinéma. Parmi nos
hypothèses, celle que le cinéma d'horreur est inspiré des
chocs sociaux semble se révéler exacte. La théorie et les
résultats obtenus dans l'étude de nos différents terrains
tendent vers le même point.
Cependant, il existe de nombreux freins au visionnage d'un
film d'horreur. Les préjugés sont coriaces. Ainsi, lors de nos
entretiens de groupe auprès d'étudiants qui n'étaient pas
accoutumés à ce type de cinéma, nous avons pu remarquer
que les premières réactions n'étaient pas positives. Quand
nous avons posé notre question d'ouverture : « si on vous dit film
d'horreur, à quoi pensez-vous ? », les mots qui revenaient le plus
étaient : violent, violence gratuite, sale, psychopathe,...
Face à une classe d'élève de
prépa, nous avions à faire à un public qui faisait
particulièrement attention à l'image qu'il renvoyait, ce qui
explique sans doute qu'il était sur la réserve au premier
abord.
Nous n'avons pas rencontré cette difficulté lors
de nos entretiens individuels car nous étions face à des fans du
genre. L'expression « film d'horreur " résonnait pour eux comme :
« se faire peur ", « passer une soirée entre
ami ", « voir un film psychologique ", « Tobe
Hooper ", « Rob Zombie »...
L'un des défis des réalisateurs de films
d'horreur serait de redorer leur image auprès du non public. Seulement,
en ont-ils réellement envie ? La plupart semblent viser un marché
plus restreint méme si d'autres font des films très populaires
comme Wes Craven avec Freddy (Craven, Freddy, les griffes de la nuit,
1984) ou Scream (Craven, Scream, 1996).
A présent, nous n'allons pas nous intéresser aux
freins, mais plutôt aux moteurs, en mettant dans un premier temps, en
valeur les facteurs clés de succès de l'industrie du
cinéma d'horreur.
1 Les facteurs clés de succès du
cinéma d'horreur
« Différents facteurs expliquent l'existence de
consommateurs potentiels : - La reconnaissance du besoin
- La très faible intensité de ce besoin
à l'heure actuelle
- Le manque d'information concernant les produits
disponibles
- Les achats effectués auprès de produits
concurrents
- Le manque réel de moyens d'achat " (Van Vracem
& Janssens-Umflat, 1994, pp. 14-15)
Le but de l'industrie du cinéma d'horreur (comme toutes
les industries, d'ailleurs) est de transformer des clients potentiels en
clients fidèles.
Nous n'aurons pas la prétention de dresser une liste
exhaustive des facteurs clés de succès du cinéma
d'horreur. Si c'était possible, on imagine aisément que certains
réalisateurs les auraient trouvés et enchaineraient les
succès. Or, même les réalisateurs les plus
chevronnés connaissent des échecs cuisants : Tobe Hooper, Wes
Craven...
Cependant, certaines règles sont connues.
Le facteur clé de succès indéniable du
cinéma d'horreur est la peur : « "La peur est
un bon marché, continue Christophe Gans. Et ce, quelle que soit la
qualité du produit. Même un mauvais film, comme Saw II,
dégage d'énormes bénéfices en salles, et encore
plus en vidéo." Mais, dans ce cas, il s'agit souvent de
productions insipides, à la violence allégée afin
d'éviter toute interdiction. "Les Picsou de l'industrie hollywoodienne
vendent de l'horreur sans en montrer, se plaint James Gunn, auteur de
L'Armée des morts et réalisateur de Horribilis.
C'est comme promettre une viande grillée et ne servir que
l'odeur.» " (Carrière, 2006). Pourtant les spectateurs
répondent présents. Les suites sont un bon filon, elles sont
extrêmement critiquées comme on a pu le voir sur le terrain :
« les suites, c'est tout le temps la même chose », " t'en
vois un, t'as tout vu ", « je préfère les
originaux »... et pourtant « je savais que les suites de
Souviens-toi l'été dernier ne seraient pas biens, mais
je les ai regardées car j'ai aimé le premier ». Le
spectateur suit, s'il est harponné par le premier épisode d'une
saga, il garde toujours espoir : « franchement, je suis
dégoutée d'avoir filé autant d'argent au ciné pour
mater les Saw. A chaque fois, je me disais " allez, c'te fois, il va
être bien ». Je savais que ça allait être nul, mais j'y
allais parce que bon, le 1 était trop bon. J'ai même les 4
premiers en DVD ! "
Facteur clé de succès de notre siècle :
la violence et la défaite. Comme nous l'avons vu
précédemment, le torture porn est en vogue. « Ce n'est pas
pour autant qu'on sort de là rasséréné. Le happy
end est passé à la Moulinette. Le ton est défaitiste.
Noir, c'est noir. «Comment voulez-vous qu'on garde espoir? se demande
Tobe Hooper. L'économie ne profite qu'aux riches, la
sécurité de l'emploi n'existe plus, les classes minoritaires sont
niées... Regardez ce qui s'est produit à La
Nouvelle-Orléans: sait-on seulement ce que sont devenus les milliers
d'exilés, sans logement ni argent? Ce n'est pas CNN ou Fox News,
transformées en chaînes de divertissement déguisées,
qui nous l'apprendront. Maintenir les gens dans l'ignorance, c'est alimenter la
peur et le
désespoir.» Mais quel malin plaisir prend donc le
public à se repaître de tous ces malheurs? »
(Carrière, 2006).
Ce qui nous amène à un troisième facteur
clé de succès du cinéma d'horreur : la
cohésion avec la société. Nous ne
développerons pas plus ce point, car nous en avons déjà
longuement parlé dans les chapitres précédents. Cependant,
nous pouvons faire une brève analyse des chocs des années 2000 :
l'attentat du World Trade Center, la Guerre en Irak, la Crise des subprimes, la
Téléréalité qui prend de l'ampleur et cette
volonté de devenir célèbre à tout prix, même
sans talent, les Fusillades de Columbine (99) et de Virginia Tech (07) qui
remettent encore et toujours au gout du jour l'accès trop facile aux
armes à feu aux Etats-Unis.
Le dernier phénomène d'actualité est la
saga Scream (Craven, Scream, 1996), avec Scream 4 (Craven,
2011) sur nos écrans en avril. Wes Craven nous prouve qu'il est un vrai
développeur de franchise. Scream 4, attendu par les fans depuis
dix ans est la version moderne de Scream 1 (Craven, 1996). Dans le
premier opus, Wes Craven faisait état des facteurs clés de
succès des films d'horreur des années 1980 et 1990. Dans le
dernier épisode, Scream 4, il décortique les nouvelles
formes de consommation du spectateur des années 2000 : il évoque
les suites à n'en plus finir, les remakes plus ou moins réussis,
le torture porn, les nouvelles règles : en l'occurrence, il n'y aurait
(selon lui) plus de règle. Il émet également une violente
critique contre la société : recherche de
célébrité à tout prix, addiction aux nouvelles
technologies, banalisation de la violence...
Le budget est-il un facteur clé de
succès aujourd'hui ? A première vue, on a envie de dire oui,
puisque la surenchère de violence et de réalisme est
passée maître, cependant, quelques exemples prouvent que petit
budget peut rimer avec gros cachet : « Deux petits malins, Daniel
Myrick et Eduardo Sanchez, tournent, pour 30 000 dollars, un
long-métrage dans les bois, où des campeurs sont victimes d'une
sorcière qu'on ne verra quasiment pas. Le Projet Blair Witch,
avec une recette mondiale de 248 millions
de dollars, devient l'affaire la plus juteuse de toute
l'histoire du 7e art. Hollywood, quien était resté au
succès phénoménal de Scream et s'enlisait dans
d'autres parodies de slashers, cherche à exploiter ce nouveau
filon. » (Carrière, 2006). C'est également le
cas de Paranormal activity (Oren, 2009) qui a
profité de son succès pour tester le filon des suites.
Pour résumé, nous avons trouvé quatre
facteurs clés de succès : la peur, la
violence, la cohésion sociale, le
filon des suites et des remakes. Ces facteurs
ne sont pas nécessairement regroupés dans un même film.
Bien que Scream 4 (Craven, Scream 4, 2011) soit à la fois un
film effrayant, (relativement) violent, et qu'il s'agisse en même temps
d'une suite mais également en partie d'un remake.
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