VI- Problématique
L'ordre et la sécurité publics constituent
l'ontogenèse de l'État du Cameroun. Depuis le coup d'État
manqué du 06 avril 1984, l'ordre et la sécurité publics
s'inscrivent désormais dans une téléologie : la survie
présidentielle. La mécanique du système post-06 avril est
marquée par l'hégémonie présidentielle dans le
champ politique et dans la configuration des dynamiques de pouvoir au sein du
« méta-champ »46 étatique. Ce recentrage
présidentiel entraîne le travestissement de la politique de
défense et de sécurité et rend le concept
stratégique de défense inopérant. Partant du constat que
les forces de défense et de sécurité constituent la
condition sine qua non de la survie présidentielle, qu'elles y sont
directement ou indirectement employées, on peut se demander :
Comment les forces de l'ordre perpétuent-elles l'ordre
politique, tout en étant fabriquées par cet ordre ? Quels
rôles jouent le BIR et la GP dans la politique de défense et de
sécurité du Cameroun ? Quelle métaphysique sous-tend cette
politique de défense et de sécurité ? Quels en sont les
non-dits, le caché et l'invisible ?
Transmutation du système
étatique
Contradiction entre le
concept stratégique de
défense et l'emploides
forces
Présidentialisation de la
PDSC
Au total, la question centrale de ce travail est :
Comment appréhender la politique de défense et
de sécurité du Cameroun dans le sens de la
présidentialisation, à partir de la contradiction entre le
concept stratégique de défense et l'emploi des forces?
46 DECHAUX (J-H.), « Sur le concept de
configuration: quelques failles dans la sociologie de Norbert ELIAS », in,
Cahiers internationaux de sociologie, Vol. 99, Paris, PUF,
juillet-décembre 1995.
VII- Hypothèse de travail
D'après Madeleine GRAWITZ, l'hypothèse se
définit comme une « tentative théorique de réponse
à une problématique »47. Selon la méthode
hypothético-déductive, les hypothèses doivent être
confrontées aux faits pour vérification. La vérification
permet de passer de la « politologie spontanée » à la
« politologie réflexive ».48 Si l'hypothèse
est confirmée ; elle peut faire l'objet de théorie
générale. A contrario si l'hypothèse est infirmée,
elle tombe en désuétude.49 Ce travail va s'articuler
autour d'une hypothèse principale et de quatre hypothèses
secondaires.
Hypothèse principale
L'hypothèse principale de ce travail peut être
formulée comme suit. L'étude des politiques de
sécurité et de défense du Cameroun donne à lire une
contradiction entre le concept stratégique et l'emploi des forces de
défense, notamment du BIR et de la GP. Cette contradiction marque la
transmutation du système étatique du Cameroun sous le
deuxième régime, qui, se caractérise par la
présidentialisation de la PDSC. Dans ce contexte, le président
n'est plus garant de l'ordre public et de la défense du territoire; il
est l'ordre public et la défense du territoire.
Hypothèses secondaires
L'hypothèse principale se décline en quatre
hypothèses secondaires:
- La PSDC présente une contradiction entre le concept
stratégique de sécurité et de défense et l'emploi
des forces de défense;
- Cette contradiction s'explique par le repositionnement
présidentiel dans le champ politique et dans le dispositif de
défense et de sécurité post-06 avril 1984;
- Dans ce repositionnement le BIR et la GP jouent un rôle
névralgique, tant du point de vue de la reproduction du système
politique que de la défense et la sécurité nationale;
- Enfin, si le BIR et la GP renforcent la ceinture de
sécurité présidentielle, ils constituent paradoxalement
une source d'instabilité potentielle et de fragilité pour la
défense camerounaise.
47 GRAWITZ Madeleine, Méthode des sciences
sociales, 10è édition, Paris, PUF, 1991.
48 SINDJOUN Luc, Op. cit., 1994.
49BACHELARD Gaston, La formation de l'esprit
scientifique, Paris, Vrin, 1977. Lire aussi DURKHEIM Émile, Les
règles de la méthode sociologique, Paris, PUF, 1997.
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