VIII- Cadre méthodologique
Le cadre méthodologique de ce travail comprend le bloc des
méthodes d'analyse, d'une part; et les techniques d'enquête,
d'autre part.
A- Méthode d'analyse
L'analyse des politiques de sécurité et de
défense du Cameroun permet de distinguer la défense contre les
ennemis de l'intérieur d'une part ; et la défense contre les
agressions extérieures d'autre part. Il nous a semblé
nécessaire de mobiliser deux approches pour saisir la complexité
du sujet. La socioanalyse de la PSDC se fera à la lumière des
concepts de « champ »50 et de « configuration
»51 (approche constructiviste) ; et du « systémisme
»52.
> L'approche constructiviste
Le concept bourdieusien de champ est particulièrement
adapté à cette étude, dans la mesure où il permet
d'envisager les domaines politique et de défense comme un espace
d'interrelation, d'interdépendance et de lutte entre les dominants et
les dominés pour le contrôle du champ. Le dominant est dans ce
contexte le président de la République, et de façon
générale l'exécutif présidentiel. On peut
légitiment parler de champ politique au Cameroun, de champ
sécuritaire et de défense. Quant à l'analyse «
configurationnelle » ou « figurationnnelle » éliasienne,
elle permet de saisir l'État au Cameroun comme un métachamp au
sein duquel les dominants des champs politique, économique, culturel,
scientifique, sécuritaire, luttent pour le contrôle des ressources
du méta-champ étatique. Ici, les dominants sont dans une «
guerre de tous contre tous », mais ils sont aussi dans des rapports de
collaboration et d'interdépendance. L'analyse configurationnelle permet
d'envisager « la police du prince » et la « bourgeoisie
militaire », non plus dans un « registre prétorien »,
mais comme ressources du « pouvoir perpétuel »53,
à partir d'une logique d'« alliance des dominants
»54 et de néo-patrimonialisation des mobilités
sociales et politiques.
> Le systémisme
S'agissant du systémisme, il permet d'entrer dans la boite
noire du système politique camerounais et de prendre la mesure de
l'impact de la tentative de déstabilisation de
l'élément
50 BOURDIEU Pierre, Propos sur le champ politique,
Lyon, Presses Universitaires de Lyon, 2000. Lire aussi La noblesse
d'État. Grandes Écoles et esprit de corps, Paris,
Minuit, 1989.
51 ELIAS Norbert, La civilisation des moeurs,
Paris, Calmann-Lévy, 1991.
52 EASTON David, Op. cit., 1965.
53 OWONA NGUNI, « Les gouvernements
perpétuels en Afrique centrale : le temps politique
présidentialiste entre autoritarisme et parlementarisme dans la CEMAC
», in Enjeux géopolitiques en Afrique centrale, Paris,
L'Harmattan, 2010.
54 BAYART Jean-François, Op. cit.,
1985.
principal du système en 1984 sur l'ensemble du
fonctionnement du système. A ce titre, l'impact du 06 avril 1984 dans le
système politique camerounais est plus important qu'on ne l'imagine. Le
système s'est depuis 1984 adapté à son environnement. Sauf
que le systémisme de David EASTON a de sérieuses limites. Ces
limites sont corrigées si l'on y ajoute la vision de Nicklas LUHMAN ou
néosystémisme. Selon lui, le système ne peut pas s'adapter
à son environnement, puisque la complexité est trop grande. Il
réduit donc la complexité afin de se légitimer; à
ce titre il est autoréférentiel. Les deux approches ne sont pas
exclusives. Car le système tente de s'adapter; ce fut le cas avec la
présidentialisation sécuritaire dès 1984 ou la
libéralisation de la vie politique en 1990, ou encore la hausse du
salaire des fonctionnaires suite aux émeutes de 2008. Dans ces cas, le
système n'a pas muté de son plein gré. Face aux tentatives
de déstabilisation, il a intégré les inputs et
s'est remodelé.
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