II.B- Les atouts stratégiques du Cameroun
Le Cameroun dispose de plusieurs atouts stratégiques
pour la défense de la nation. Parmi ces atouts, certains sont militaires
et d'autres non-militaires. Parmi les atouts militaires, on peut citer : les
FAC, la réserve, le concept de défense, les accords de
défense, la culture
stratégique. Parmi les atouts non-militaires, on
retient : la politique étrangère pacifiste et neutre du Cameroun,
le réseau d'alliance diplomatico-militaire camerounais, son
indépendance stratégique, le nationalisme camerounais, la
capacité de résilience des populations, le relief et le climat
camerounais, et le fait que le Cameroun constitue un Étatpivot dans la
CEEAC ; ce qui fait que sa déstabilisation pourrait entrainer celle de
la région toute entière.
S'agissant des atouts militaires, les FAC constituent à
elles seules déjà un élément de dissuasion contre
toute attaque éventuelle d'un pays frontalier du Cameroun ou de quelque
pays africains que ce soit. Mais face à une armée de plan mondial
comme la Grande Bretagne, la France, les États-Unis, les FAC ne
pourraient pas résister. D'autres avantages stratégiques du
Cameroun pourraient alors contribuer à consolider la «
sanctuarisation défensive »144 du territoire. La
réserve mobilisable et la réserve non mobilisable pourraient
jouer un rôle fondamental dans la défense nationale en cas de
conflit de haute intensité. De même le concept d'emploi des forces
camerounais, même s'il ne cadre pas vraiment avec l'environnement
sociopolitique, est un élément cardinal de la dissuasion
camerounaise. Une armée qui fait corps avec le peuple serait impossible
à vaincre. Les Américains ont rencontré ce problème
au Vietnam. Malgré leur supériorité militaire
incontestable, ils n'ont pas su triompher des Viêt-Cong. La
réserve et le concept d'emploi des forces, s'ils sont bien
utilisés pourrait permettre de sanctuariser le territoire camerounais.
Ensuite, les accords de défense entre le Cameroun et la France, et, la
culture stratégique camerounaise concourent à la sanctuarisation
défensive du territoire national. Dans le conflit opposant le Cameroun
au Nigéria, la France n'a pas mis en oeuvre les accords de
défense dans la mesure où elle souhaitait éviter un
embrasement de la région pour éviter l'embrasement de deux pays
où elle a des intérêts pétrostratégiques,
mais la simple menace de l'intervention française, plus la riposte
camerounaise a poussé le Nigéria a renoncé à
d'autres attaques. Au sujet de cette menace, on sait qu'en 1996, la France a
fait atterrir 4 hélicoptères Gazelle à Douala, remplis de
conseillers et d'experts militaires français.145 Il est fort
probable que la France ne serait jamais allée jusqu'à
l'engagement général, mais cela a contribué à
dissuader le gouvernement nigérian, ou au moins à donner à
son peuple une excuse officielle par rapport aux pertes subies par les soldats
nigérians lors de la riposte camerounaise.
144 Par opposition à la « sanctuarisation
agressive » qu'obtient tout État nucléaire (Corée du
Nord), la sanctuarisation défensive permet juste d'annihiler tout projet
d'agression extérieure, du fait du coût prohibitif que
représenterait une telle initiative.
145 EBA'A Guy Roger, Affaire BAKASSI. Genèse,
évolution et dénouement de l'affaire de la frontière
terrestre et maritime entre le Cameroun-Nigéria (1993-2002),
Yaoundé, Presses de l'UCAC, 2007.
S'agissant des atouts non-militaires, la politique
étrangère du Cameroun milite en faveur de la sanctuarisation du
territoire. Le pacifisme et la neutralité qui la constituent fait que le
Cameroun n'a jamais soutenu ou encourager une rébellion d'un pays
voisin. Ce pacifisme et cette neutralité jouent en faveur du Cameroun,
dans la mesure où elle lui évite des rancunes des pays voisins et
contribue à relativiser les occasions de conflit. A chaque fois que les
camerounais ont été expulsés manu militari de
Guinée Équatoriale, le gouvernement de Yaoundé n'a pas
véritablement protesté. Au plan stratégique, cette
politique prive les potentiels adversaires du Cameroun des occasions de
conflit. L'indépendance stratégique et la variabilité du
réseau d'alliance diplomatico-militaire camerounais renforcent sa
dissuasion. En refusant l'implantation de bases étrangères sur le
sol camerounais et en promouvant une culture stratégique
d'indépendance, le président AHIDJO avait posé les jalons
de l'indépendance stratégique du Cameroun. Cette
indépendance se décline tant au plan militaire qu'au plan
non-militaire. Au plan militaire, le Cameroun ne dépend pas d'un seul
pays ou d'un groupe d'alliance pour l'achat des armes et la formation de ses
soldats. Le réseau d'alliance diplomatique et militaire du Cameroun est
très varié. Ce qui permet au pays de ne pas être
dépendant d'une puissance, et donc d'avoir une certaine marge
d'autonomie et de manoeuvre. Cette indépendance est visible au plan
économique, le pays ne dépendant d'aucun pays riverain pour ses
exportations et ses importations, pour son alimentation, etc. Bref, le Cameroun
dispose d'un ensemble de ressources économiques qui font que, bien
géré, il serait autosuffisant sur les plans
énergétiques, alimentaires, commerciaux, etc.
Par ailleurs, le Cameroun est considéré comme l'
« État-pivot »146 dans la région Afrique
centrale CEEAC. Le concept d'État-pivot est d'origine américaine.
Avec les attentats du Wall Street center, la lutte contre le
terrorisme mondial passe par la pacification et la stabilisation des failed
state, des collapsed state et des collapsing state. Le
gouvernement camerounais a su tirer partie de ce contexte en se
présentant aux yeux des États-Unis comme l'exception de paix dans
une Afrique centrale rongée par les conflits et l'instabilité.
Les ÉtatsUnis étant favorable à un Cameroun
État-pivot de la région CEEAC, les autres puissances ne peuvent
que suivre. Ce qui traduit le souci des puissances mondiales de construire la
paix dans le golfe de guinée et l'Afrique centrale CEEAC à partir
du noyau camerounais.
Après avoir présenté les capacités
opérationnelles et les atouts stratégiques du Cameroun, nous
allons étudier la dimension prospective de cette défense.
146 Un état pivot est un état
considéré comme garant de la stabilité d'une
région.
SECTION II ELEMENTS DE PROSPECTIVE
SOCIOPOLITIQUE,
SOCIOGEOPOLITIQUE ET SOCIOSTRATEGIQUE
Quelle politique de défense et de
sécurité pour quel Cameroun en 2035 ? Comment adapter le concept
stratégique à l'environnement sociopolitique et
sociogéopolitique ? Quels harcèlements, contraintes et conflits
pèseront d'ici 2035 sur la sécurité nationale ? L'objectif
ici n'est pas de prévoir le futur, mais plus humblement d'essayer d'en
être des artisans, plutôt que de simples spectateurs ou des
victimes.
I- La fragilité sociopolitique et
sociogéopolitique du Cameroun
La prospective est une praxéologie ; le diagnostic est
la base de la prospective.147 Dans le contexte camerounais, projeter
sur vingt-cinq ans un plan général d'emploi des forces requiert
un diagnostic des faiblesses de notre politique de défense. Ces
faiblesses sont d'ordre sociopolitique et sociogéopolitique. Il s'agit
des clivages entre les unités spéciales et l'armée
régulière d'une part ; et de l'étiolement du lien
armée-nation d'autre part.
I.A- Les clivages entre les unités spéciales et
l'armée régulière : frictions internes,
mutinerie, conventionnalisation et routinisation
La défense et la sécurité camerounaise sont
marquées par les clivages entre les unités
spéciales des forces armées et l'armée
régulière. Ces clivages apparaissent au niveau du recrutement, de
la formation, de l'équipement, de l'entraînement des forces et de
la prise en charge matérielle du soldat. La sociologie militaire
camerounaise permet d'expliquer les frustrations et les ressentiments que
peuvent avoir les soldats des forces armées à l'encontre de leurs
frères d'armes des forces spéciales. Ces frustrations se sont
accentuées ces dernières années; ce d'autant plus que le
pouvoir politique en accordant toute son attention aux unités
spéciales a marqué sa défiance vis-à-vis des forces
traditionnelles. Les clivages sont aggravés par l'arrogance des forces
spéciales ; en particulier, le BIR et la GP. Celles-ci sont bien
conscientes que le pouvoir compte sur elles pour se reproduire et pour la
stabilité du pays. A rebours, l'arrogance des forces spéciales
accroit les ressentiments et les frustrations des soldats de l'armée
régulière. Au lieu que la création des forces
spéciales aboutisse à ce qu'Elie MVIE MEKA appelle «
l'émulation totale des forces armées
régulières»148, on assiste
147 Première année à l'école
militaire Saint Cyr.
148 Entretien avec Elie MVIE MEKA, Op. cit. 2011.
au contraire à ce qu'Alain FOGUE a appelé « la
logique de défiance interne entre les forces spéciales et les
forces armées régulières».149
Les clivages entre les forces de l'ordre ont
généré par le passé des affrontements entre forces
spéciales et forces armées régulières, d'une part;
entre forces spéciales et forces de sureté nationale, d'autre
part. De même, le classement des forces agit comme un marqueur social et
symbolique. Un policier avec qui nous avons eu un entretien nous a dit
détester les militaires. Nous lui avons demandé s'il
détestait plutôt les forces spéciales ; il a répondu
les militaires « tous bords ».150 Son sentiment n'est,
sans doute pas, celui de toute la police camerounaise, mais il exprime la
frustration des forces de 1ère catégorie face aux
forces de 2ème, de 3ème, puis de
4ème catégorie. Comme il le soulignait, « les
militaires se croient tout puissants. Ils croient que parce qu'ils ont les plus
long fusils ; ils sont plus forts. Je ne sais même pas ce qu'on leur met
dans la tête à KOUTABA. Un petit que tu as vu hier-hier grandir,
dès qu'on lui donne son fusil, il croit qu'il est le plus fort
».151 A propos des soldats du BIR, il affirme : « c'est
les voyous. Tu as déjà discuté avec eux. C'est les gars
qu'on ramasse au village ».152 Pour TCHOUNGUI Charles
Condition, un civil qui dit avoir été agressé par les
éléments du BIR, « les gars là sont pires que les
bandits. Les gars-là t'ont déjà agressé un jour ?
Je t'assure que je suis un gars qui sort la nuit, mais on ne m'a jamais fait
peur comme ca ».153 Le même verbe continue lorsque nous
interrogeons un Colonel de la Gendarmerie au SED. Celui-ci affirme que les
gendarmes sont supérieurs aux militaires et aux soldats du BIR. A ce
sujet, il dit précisément : « Nous les gendarmes, nous
subissons la même formation que ces gens. Nous faisons tous ce qu'ils
font ; et en plus nous assumons les missions policières. La Gendarmerie
est un corps de l'armée complet. Elle dispose d'atouts militaires et
policiers. Face aux militaires, nous sommes plus instruits et mieux aguerris
pour relever les défis de défense et de sécurité
fixés par le chef de l'État ».154 Au cours des
entretiens suivants avec les forces armées, de la GP et de la DSP, des
paragraphes de ce type reviennent. Il y a des soldats du BIR qui estimaient
qu'ils étaient « mieux habiles »155 que ceux de la
GP ; ceux de la GP qui nous rétorqué que le BIR c'était la
« force brute ».156 Enfin, un Commandant de la DSP nous a
fait savoir que son corps était le plus sensible. Au départ de
l'entretien, en plus de la
149 Entretien avec Alain FOGUE, 25 mai 2011.
150 Entretien avec un policier 12 mai 2011.
151 Idem.
152 Idem.
153 Entretien avec un Colonel de la Gendarmerie au SED, 25 mai
2011.
154 Ibidem.
155 Entretien avec des éléments du BIR.
156 Entretien avec des éléments de la GP.
lettre d'autorisation de recherche du ministre de la
défense, il exige celle du Directeur de la sécurité
présidentielle, le Général de division Yvo DESCANCIO.
Puis, nous discutons. Lorsque nous abordons la sécurité
présidentielle, il nous demande ce que nous voulons faire avec la
sécurité du président. Puis, il dit « tu sais que
c'est un domaine très sensible. C'est nous qui contrôlons tout. Ca
c'est mon petit frère, et, s'il t'a conduit vers moi ; je te fais
confiance. Mais avec le contexte de ces derniers temps, je ne peux rien dire
».157 Nous lui demandons de quel contexte il s'agit. Il
répond : « toi-même tu ne vois pas. La Lybie, la Côte
d'Ivoire. Tu suis les informations ? ».158 Nous lui demandons
ensuite si le BIR est désormais associé à la
sécurité du président, et n'y a-t-il pas cacophonie avec
la GP ? Il répond : « laisse les gens-là s'embrouiller. Les
vraies choses se passent chez nous ».159 Nous lui demandons
quelles vraies choses ? Il répond « les vraies choses
».160 Nous poursuivons en demandant, est-ce à dire que
le BIR et la GP ne sont pas les vraies choses ? Il répond : « c'est
le décor ».161 L'analyse que l'on peut faire de ces
entretiens est qu'il y a, parmi les forces armées et de police du
Cameroun, les frustrés et les frustrants. Parmi les frustrants, il y a
un conflit de centralité et de primauté dans la défense et
la sécurité du territoire. Les éléments du BIR, de
la GP, de la gendarmerie, de la DSP se pensent chacun être le noeud de la
stabilité du Cameroun.
Ces divisions constituent le talon d'Achille de la
défense camerounaise. Elles ont déjà conduit à des
frictions au sein de l'armée ; ou entre l'armée et la police. A
long terme, elles pourraient catalyser une mutinerie. A long terme la
sur-utilisation des forces spéciales au détriment des FAC
régulières pourrait causer la « routinisation » et la
« conventionnalisation » des forces spéciales, principalement
du BIR.
En ce qui concerne les frictions, elles sont nombreuses. Ces
dernières années, les colonnes des journaux Mutations et
Le Jour ne cessent de livrer au public des informations sur les cas de
bagarres entre policiers et militaires. A Douala les éléments du
GMI ont tabassé les policiers du commissariat du 7ème
arrondissement, après que ceux-ci aient gardé à vue par
erreur leur Colonel. Au stade Marion les soldats du BBR et les
éléments d'ESIR se sont affrontés. A Yaoundé, des
éléments du BIR sont régulièrement pris dans les
bagarres avec les éléments des autres corps. Sur ce dernier
point, un éclairage du Code militaire est important. Au Cameroun, le
Code militaire prévoit que c'est le Gendarme qui peut procéder
à une
157 Entretien avec un Commandant de la DSP, 04 mai 2011 à
ODZA.
158 Ibidem.
159 Ibidem.
160 Ibidem.
161 Ibidem.
arrestation d'un militaire ; ou à défaut la
SEMIL. Or, lorsque les militaires se retrouvent en infraction au Code civil,
pénal ou militaire, il est arrivé que des policiers
arrivés en urgence essaient de leur passer des menottes. Cela peut en
partie expliquer la rixe entre les éléments d'ESIR et un
militaire du BIR ; rixe qui a coûté la vie au soldat. Toutefois,
cela n'oblitère pas le fait que les frictions de tous ordres sont le lot
actuel des FAC et des FSN. Ces cas de bagarres font peser sur la défense
un risque sérieux à long terme de mutinerie et de
routinisation.
Jusqu'à présent, le collectif
bureaucratico-présidentiel n'a pu se maintenir au pouvoir qu'en
associant les FAC et les FNS à l'alliance hégémonique. Le
pacte d'acier entre l'armée et le pouvoir pourrait fondre, du fait de la
limite des ressources de l'État. En réalité, même
dans un État néopatrimonial, le gouvernement reste contraint par
la pression des « sans importance »162 et la finitude des
ressources de l'État. Le gouvernement ne peut pas ponctionner les
ressources étatiques à l'infini, dans la mesure où
celles-ci s'amenuisent. Le danger lorsqu'elles finissent, c'est qu'elle
entraine les injonctions des institutions financières internationales et
des grandes puissances. Il y a donc lieu vu cette exigence de modérer
l'embourgeoisement du collectif. Dans ce contexte, l'armée camerounaise,
avec ses 40 000 effectifs se voit de plus en plus écartée du
collectif, au profit des officiers généraux et d'une frange de
l'armée. L'exclusion d'une partie de l'armée du collectif est de
nature à provoquer une mutinerie ; étant donné que
même si ceux-ci appartiennent désormais à la classe des
cadets sociaux, ils conservent le privilège d'avoir des armes, et donc
de pouvoir imposer leur volonté plus facilement que le ferait la
société civile et le bas peuple. A ce jour, le CRM et la SEMIL
sont constamment en veille. Lors des évènements de février
2008, c'est cette frange de l'armée qui a laissé faire les
émeutiers, au point où le pouvoir fut obligé de faire
venir le BIR et les troupes de KOUTABA pour mater la grogne sociale. Le risque
d'une mutinerie au sein des FAC est bien réel. Ce risque serait
négatif pour la défense du territoire s'il aboutit à la
partition du pays en deux armées ou à la constitution d'un groupe
rebelle. En revanche, si la mutinerie aboutit plutôt à une
transition politique, cela pourrait déboucher sur un adoucissement des
tensions entre militaires.
La guerre civile et les dynamiques fragmentaires ne sont pas
les seuls dangers qui menacent la défense et la sécurité
du territoire national. Cette sécurité est d'ores et
déjà affectée du fait de la sur-utilisation des Forces
spéciales. En confiant à des forces spéciales
162 BAYART Jean-François, Op. cit., 1985.
des missions des forces armées
régulières, en les sur-utilisant, le danger qui guette la
défense camerounaise et même la sécurité
présidentielle, c'est la routinisation, voire la conventionnalisation de
ces forces, qui à terme perdent de leur lumière. En effet, le
principe même des forces spéciales, c'est leur
exceptionnalité, leur dimension enchanteresque. L'image du soldat du BIR
ou de la GP, mal vêtu, que l'on peut désormais croiser à
MOKOLO, ou saoul dans une vente à emporter (Bar) de la capitale,
contribue à démystifier et à démythifier ces corps.
Ce sont les forces spéciales dans l'ordinaire, la banalité du
quotidien. La clé de l'atomisation des libertés, de la congestion
cérébrale et du maintien au pouvoir est d'exercer une emprise
psychologique forte sur les populations. Pour y parvenir, il faut non seulement
de la distance entre la classe dirigeante et la classe dirigée (pour
éviter le mépris), mais surtout des forces de l'ordre craintes.
Au Cameroun, la police est moins crainte que le reste des forces de l'ordre,
pas forcément parce qu'elle serait la moins capable de réprimer
la population. Mais tout simplement parce qu'elle ne bénéficie
pas de cet effet de distanciation dont bénéficient les autres
corps armés. Au-delà des questions de corruption, de sa formation
et de son armement insuffisant par rapport à celui des autres forces, la
question de la distance et de la proximité est centrale dans l'exercice
de la tyrannie. De ce fait, au Cameroun, lorsqu'un nouveau corps vient
d'être créé, il bénéficie les
premières années de cet effet distance ; ce qui contribue
à le crédibiliser auprès de populations. Il suscite
à la fois la peur et la fascination. Puis, quelques années
après, ce corps rentre dans l'ordinaire de la nudité des FAC. Ce
fut le cas pour le GSO qui, les deux premières années de sa
création, était aux dires de tous le corps qui allait ramener la
tranquillité dans le pays. Le même bruit a eu court avec ESIR, le
GPIGN. Du côté de l'armée, les années AHIDJO
étaient à la gloire de la gendarmerie, les GMI. Puis, il y a eu
le BBR. Bref, la profusion de l'image nue, fatiguée, assommée,
sale, bref de l'image humaine des forces spéciales camerounaises
contribue à les dé-déifier. C'est dans ce sens que nous
parlons de fragilité de la sécurité présidentielle,
étant donné que ces forces spéciales, en occurrence le BIR
et la GP, constituent le liquide amniotique du pouvoir politique actuel. Au
niveau de la défense nationale, la sur-utilisation des forces
spéciales finira par entrainer leur routinisation ; ceteris
paribus, l'on assistera à rouille mécanique des forces
conventionnelles. Depuis 2008, le BIR a remplacé les FAC de
l'opération DELTA. Il est présent à ce jour dans quasiment
toutes les opérations de défense du Cameroun. En 2010, le BIR est
intervenu au Gabon pour sécuriser les élections
présidentielles. A Douala, Yaoundé, à l'Est, dans le grand
Nord, le BIR est associé dans le cadre des Brigades d'intervention
rapide des REMIL à presque toutes les opérations. Leur
contribution dans la sécurisation des cortèges
présidentiels de l'aéroport ; de la sécurisation de
la ville lors des grandes manifestations est également
régulière. Le danger qui guette le BIR d'ici quelques
années est sa routinisation. Pour l'instant, le fait qu'ils
dépendent directement du président de la République et
soient associés à la protection présidentielle maintien
leur standing élevé par rapport aux autres forces
spéciales déjà en voie de routinisation. Si cela arrive,
la mécanique de défense nationale se grippera.
|
|