Chapitre I : LA THEORIE SUR L'EXTERNALISATION
II n'existe pas une theorie de ['externalisation en tant que
telle. Mais, it y a deux approches economiques qui peuvent nous permettre de
saisir le sens et la port& de cette pratique.
L' externalisation est un mot beaucoup utilise ces derniers
temps, surtout en cette periode de crise que traverse le monde ; crise qui
n'est pas encore totalement surmontee. Pour beaucoup de dirigeants des
entreprises, en cette periode, la solution passe par le recentrage sur le cceur
de métier et ['abandon des taches repetitives, chronophages et qui ne
generent pas ou assez de valeur ajoutee. II est donc question de voir dans
quelle mesure faire faire ces Caches par des specialistes, plus outilles et
plus aguerris que l'entreprise et avoir plus de temps pour faire ce qu'elle
sait faire le mieux.
En realite, cette question de gain a toujours ete le leit
motiv de l'activite ou de la vie economique. De l'homo ecoenomicus rationnel a
['agent economique opportuniste, les objectifs sont restes les memes :
maximiser sa satisfaction. Et cela passe par des gains que
l'on dolt realiser d'une part et la reduction des coins d'autre part.
Les economistes et les apostres du management ont donc
reflechi sur ces questions et l'extemalisation, qui parait pour certains comme
parachutee, trouve sa justification theorique dans cette lancee.
Deux principales theories sont elaborees et constituent la
base de la pratique de l'extemalisation. Ces theories sont : la theorie des
coins de transaction et la theorie de la ressource.
Nous allons examiner ces theories et voir leur apport dans la
justification de la pratique de l'extemalisation.
Section 1 : Les differentes theories justifiant
l'externalisation
Dans sa presentation sur "l'analyse positive et normative de
l'extemalisation par la theorie des touts de transaction et La theorie de
l'agence" a La XIIe Conference de ('Association Internationale de management
Strategique, Guillaume Chanson, note : « De nombreuses recherches ont ete
entreprises pour essayer d 'identifier les determinants de ces pratiques. La
plupart de ces etudes ont utilise deux cadres theoriques pour analyser ce
phenomene : la theorie des coins de transaction et la theorie de la ressource,
qui donnent de bons resultats. »I
Cela denote bien de l'importance de ces theories dans la
justification du recours a la pratique de l'extemalisation.
Nous allons regarder ces theories en profondeur et essayer de
voir leur apport dans le renforcement de l'idee de la pratique de
l'extemalisation.
Paragraphe 1 : La theorie des touts de transaction
Dans la revue fi-ancaise de gestion 2003/1
n°142, Michel Ghertman enonce : "c'est Coase qui a legitime l'existence de
la firme aux yeux des economistes liberaux, fervents admirateurs du «
marche » comme seule institution economique efficace. Est-il utile de
rappeler que leurs ecrits pronent la « main invisible » d'un systeme
de prix dans lequel l'entreprise est reduite a une fonction de production, sans
mecanisme de coordination interne, ni management, done avec des coins de
transaction egaux a zero ?"2
Dans le systeme liberal done, les coats de transaction
n'avaient pas leur justification puisque le marche fonctionnait librement et
faisait des ajustements automatiques des qu'il y avait modification de
l'equilibre. Certains economistes dont Demsetz sont alles jusqu'a ironiser sur
cette situation du marche, en la comparant a un etat ideal de Nirvana, qui est
le bonheur supreme.
Chanson G., XlIe Conference de 1'Association Internationale de
Management Strategique, Les Cotes de Carthage -- 3, 4, 5, et 6 juin 2003,
P.2
2 Ghertman M., Oliver Williamson et la theorie des
coats de transaction, Revue francaise de gestion 2003/1, n°142, p.44.
Pour Coase done, ('existence de la firme ou de l'entreprise se
justifie par ]'existence, dans certaines conditions, des coins que l'on trouve
dans l'entreprise, inferieurs a ceux du marche. "Ce qui caracterise la firme,
c'est ('absence d'un systeme de prix, remplace par un mecanisme interne de
coordination". La main invisible des prix cede la place a celle, bien visible,
des proprietaires et dirigeants.'
a. Principes de la theorie :
Cette themie part du postulat qu'il existe trois facons
d'organiser une activite, la : . realiser soit mettle (structure de gouvernance
<< firme ;
confier au marche (structure de gouvernance « marche
») ;
. faire realiser par un partenaire avec qui on entretient une
relation durable et etroite (structure de gouvernance « hybride
»).
D'apres Coase, le marche comme la firme ou l'entreprise a un
coin d'utilisation. Le choix du mode d'organisation repose sur le prix pratique
par chacun.
Une comparaison des deux prix permet de prendre la decision
sur le mode d'organisation a choisir. L'existence de la firme peut alors etre
expliquee par le coot de recours au marche.
A ]'inverse, les coats du recours a la firme expliquent le fait
que toute ]'activite ne soit pas concentree a l'interieur d'une seule et meme
entreprise.
Donc une entreprise decidera, a chaque moment de faire ou de
faire faire une activite en comparant les coins de transaction que vela
generera. Si, ces coins sont superieurs en interne, elle fera faire ractivite
par un prestataire. En revanche, si ces coots sont inferieurs en interne, elle
integrera ]'activite dans son sein.
b. Les differents coats
Les touts permettant de determiner la structure de gouvernance
peuvent etre divises en deux categories :
Coase R., The nature of the firm, Economica, 1937
b.1. Les coats de production : Les coats de
production sont les coats de realisation d'une activite. Ils vont de
l'approvisionnement des matieres premieres a la fabrication du produit.
b.2. Les colas de transaction : Les coats de
transaction de gestion de la structure de gouvemance.
La meilleure structure de gouvemance est celle qui minimise la
somme des coats de production et de transaction.
c. Hypotheses fondamentales de la theorie des emits de
transaction
La theorie des coats de transaction repose sur deux hypotheses
fondamentales :
c.1. La rationalite limit& : elle
stipule que les individus sont limites dans leur capacite cognitive dans
l'exercice de leur rationalite. Us sont par exemple incapables de prevoir tous
les evenements pouvant survenir pendant toute la duree du contrat qu'ils vont
passer, surtout dans un environnement complexe. 11 est donc difficile de
prevoir toutes les eventualites et de les inscrire sur le contrat.
c.2. L'opportunisme : les signataires du
contrat peuvent le renier en fonction des interets personnels de ceux-ci. Cette
situation s'aggrave encore plus si nous sommes en presence d'un petit nombre de
foumisseurs ou de prestataires.
d. Les criteres des transactions :
Les criteres de transactions sont au nombre de quatre :
d.l. La specificite des actifs : Les actifs
sont specifiques quand ils sont specialement developpes pour un usage
particulier. Les actifs specifiques sont au cceur de la theorie des coats de
transaction. Car, plus les actifs utilises pour realiser one activite sont
specifiques, plus it est conseille de realiser cette activite en inteme. A
l'inverse, moires les actifs sont specifiques, plus it devient possible de
confier cette activite a un foumisseur. I
1 Williamson 0. The Economic Institutions of
Capitalism, Free Press, 1975
Cette analyse est reprise par Jerome Barthelemy dans son livre
"Strategies d'extemalisation" I. Il souligne :
« En matiere de coin de transaction, lorsque le niveau de
specificite est faible, it existe de nombreux fournisseurs sur le marche. Les
entreprises peuvent donc externaliser sans craindre l'opportunisme eventuel de
leur fournisseur car it peut etre remplace. En outre, les coots de transaction
necessaires a la gestion de la relation sont faibles ;
En matiere de coin de production, lorsque le niveau de
specificite des actifs est faible, les fournisseurs peuvent produire pour de
nombreux clients. Its beneficient alors des economies d'echelle substantielles
et done des coats de production inferieurs a ceux des entreprises integrees.
»
d.2. L'incertitude : Nous avons l'incertitude
liee au comportement du futur prestataire et eelle liee a l'environnement.
Lorsque le niveau d'incertitude est eleve, it est presque impossible de prevoir
toutes les eventualites dans des contrats et surtout si les actifs sont de plus
en plus specifiques. Le contrat doit done prevoir la possibilite de
renegociation tout moment pour prendre en compte les nouvelles realites.
d.3. La frequence : C'est aussi un element
tres important. 11 y a trois niveaux de frequence : transaction unique,
occasionnelle et recuirente. Une transaction est plus conseillee a etre Mabee a
l'exterieur si elle est recurrente.
d.4. Difficulte de mesure de la performance :
Cet aspect aussi, comme les autres, est tres important et meme
essentiel. Il a ete ajoute tardivement a cote des autres. Plus
la mesure de la performance d'une activite est difficile, plus it est
recommande de la realiser en interne.
La theorie des coats de transaction nous donne des elements
d'analyse qui peut etre faite sur le terrain afin de se prononcer sur la
possibilite de la mise en ceuvre d'une pratique d'extemalisation. Elle cherche
donc a expliquer le recours a l'extemalisation en apportant des justificatifs
et les possibilites de realiser des potentiels gains et des elements a
prendre
1 Barthelemy J. Strategies d'extemalisation, Dunod,
2007, P.77.
en compte pour eviter des pertes susceptibles. Cette theorie nous
permet de partir des elements concrets pour justifier le recours ou non a
l'externalisation.
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