Partie 2 : La ville... Nouakchott
L` h istoi re des villes ouest-africaine est tres liee a
l`histoire colonial du continent.
La situation urbanistique de ces villes est donc le fruit
d`une longue evolution, ou deux temps forts peuvent etre distingues. Avant la
colonisation europeenne : l`urbanisation etait liee aux royaumes autochtones ou
a l`expansion de l`islam et du commerce arabe. Ses villes etaient ponctuelles
le long des routes commerciales.
La colonisation va marquer un profond changement : mise en
place de quadrillage urbain, de route, de chemin de fer, etc... pour faciliter
l`exploitation du territoire. Elle installe aussi sur place un mode de vie
occidental auquel les populations locales n`etaient pas preparees.
Phenomene d`urbanisation.
L`apparition des b idonvi l les
Les paysages urbains resultants des schémas de
développement global, montrent des villes éclatées,
polycentriques, a plusieurs vitesses, ou le formel cotoie l`informel, ou
impressions d`ordre se juxtaposent avec celles d`anarchie, et ou des quartiers
riches, bien équipés en services publics contrastent avec des
quartiers d`habitat insalubre, sous-équipés.
Les Etats africains, comme d`autres pays du Tiers monde, se
trouvent dans l`incapacite de produire suffisamment de logements pour la
population urbaine.
Les logements dits osociauxD construits dans les grandes
villes par l`Etat mauritanien deviennent trop chers pour accueillir les
populations les plus demunies et sont detournes de leur vocation au profit des
classes moyennes. Les citad i ns les plus pa uvres sont donc contraints de
trouver des solutions alternatives pour satisfaire leurs besoins en matiere
d`habitat. Ils s`installent sur des terrains vacants dans une totale
irregularite fonciere et immobiliere, le plus souvent dans des zones
peripheriques non amenagees (absence parfois totale d`equipements publics : eau
potable, electricite, assainissement, voiries, etc..).
Face a ces phenomenes d`exclusion, les africains ont developpe
une capacite d`adaptation et de debrouillardise pour survivre.
La morphologie des zones d`habitat precaire se caracterise la
plupart du temps par une forte densite de population, mais une faible hauteur
des constructions. Les habitations sont distribuees par un vaste reseau de
ruelles, parfois labyrinthiques.
Les limites des villes se voient repoussees par l`occupation
illegale d`espaces periurbains. 0n assiste la plupart du temps au developpement
de cites tentaculaires, qui s`etendent horizontalement.
0n peut donc se poser la question de la limite effective de la
ville avec toute ces problematiques comme celle de l`eloignement du
centre-ville et des marches.
Alors pourquoi un telle attrait pour
la ville
gLe mirage urbain est un facteur non negligeable dans la
decision de quitter la campagne. Il devient beaucoup plus docisif lorsque la
vie au village reste soumise a des contraintes traditionnelles tres
coercitives. Divers auteurs ont docrit, en Afrique noire, cette fuite des
jeunes ruraux qui, avisos d`une autre vie par la radio ou par l`École
primaire, n`acceptent plus les rites initiatiques et autres comportements
obligatoires de leur milieu d`origine. hi°
Les villes ouest-africaines, et particulierement les
capitales, constituent un pole d`attraction pour la population car elles
deviennent le lieu de tous les espoirs pour des gens a la recherche d`une
meilleure situation, qui n`ont plus rien a perdre.
C`est reellement l`image des villes comme lieux d`opportunites
economiques (marche...) et sociales (ecoles, cinema...), plus que leur reelle
capacite a offrir de l`emploi ou de meilleures conditions de vie, qui constitue
leur principal attrait.
Pour les jeunes, les villes sont des lieux de liberté
ou ils pourront entreprendre des etudes supérieures, car on ne trouve
pas d`enseignement supérieur dans les milieux ruraux.
Enfin un autre aspect non negligeable dans l`attrait de la ville
est du domaine de la representation: le milieu urbain
véhicule l`image idéale d`un modèle
européen, ou la ville est pergue comme un lieu ou la vie est plus
facile.
g La question foncière fait problème en
Mauritanie. Pays majoritairement nomade il y a quarante ans, il renferme
aujourd`hui une très grande concentration urbaine.
»11
Pour les anciens nomades, la terre est un bien collectif qui
n`appartient a personne. Lorsqu`ils s`installent dans les zones
périphériques des villes, l`occupation du sol urbain se fait de
la meme fagon : les populations délimitent des lopins de terre pour
assurer leur propre chez soi.
E n 1983, face a des problèmes de coexistence entre des
systèmes fonciers traditionnels et certains éléments de
droit modernes appliqués après l`indépendance, les
autorités mauritaniennes édictent une nouvelle réforme
foncière.
A u fil des ans, l` Etat a tenté pl usieu rs
opérations pour lutter contre le développement des zones
d`habitat non réglementaire en milieu urbain, notamment dans la ville de
Nouakchott.
a
Des 1974, devant l`afflux massif de populations, les
autorités prennent l`initiative de distribuer gratuitement des lots de
recasement (7500 entre 1974 et 1977), ne tenant aucunement compte du plan de
1970. Mais, a peine procade-t-on a la distribution des parcelles que les
bénéficiaires les cadent. Leurs moyens étant insuffisants
pour construire en dur, ils revendent aussiteit les terrains et s`installent
quelques metres plus loin, de nouveau dans l`illégalité.
»12
Le wali, hakem ou ministere des Finances (=
les commanditaires) demandent la realisation d`un lotissement
La Direction de Betiments de l`Habitat et de
l`Urbanisme (DBHU) realise les plans
Les plans sont remis aux commanditaires (Ministere des
Finances ou wali) qui les d istri buent
Les beneficiaires obtiennent une lettre d`attribution pu is
u ne autorisation d `occuper
Le titre foncier est accordé au bout de 5 ans.
Les Étapes d`acces a la propriete
fonciere
Ces opérations vont s`enchaîner jusqu`en 1988,
aboutissant a la création de nouveaux quartiers, mal reliés a la
ville, avec peu de développement économique possible.
Entraînant un phénomène de spéculation
foncière et de reventes, ces opérations ont pour effet de
renforcer le développement de Gazra.
E n effet, a la lumière de l`article 13, o la mise en
valeur d`une terre domaniale sans concession préalable ne confère
aucun droit de propriété a celui qui l`a faite. En pareil cas,
l`Etat peut, soit reprendre le terrain, soit régulariser l`occupation D.
Ce terme même de régularisation laisse entendre que les
occupations illégales du domaine privé de l`Etat ont de fortes
chances d`être un jour reconnues.
En outre, ce phénomène de gazra peut s`expliquer
aussi par la culture traditionnelle nomade pratiqué quasi-exclusivement
par la population maure, habituée a s`installer dans des espaces libres.
Ainsi elle ne se considère pas comme fraudeuse. Dans l`imaginaire
collectif nomade, la terre appartient a celui qui l`occupe et non pas a l`Etat
comme cela est écrit dans les textes.
Structure et gestion urbaine.
Dans les années 1990, l`ouverture démocratique
de la Mauritanie a déclenché l`arrivée de l`aide
internationale. La Banque Mondiale devient le principal bailleur de fonds du
pays, et impulse une Stratégie Nationale de Lutte Contre la
Pauvreté (SNLCP) s`étalant jusqu`en 2015.
a Si auparavant les quartiers spontanés
étaient brutalement éradiqués, les autorités
changent d`attitude. A l`instar de ses voisins, l`Etat mauritanien
réhabilite plus qu`il ne détruit, et ce, a la demande de la
Banque Mondiale. Le recasement de la kébbé d`El Mina s`inscrit
justement dans cette lignée et pase lourd : 2 milliards d`ouguiyas sont
en jeu (soit plus de 520 000 euros). »13
Ainsi, sous la pression EFT institutions internationales, les
actions de l'Etat mauritanien par rapport aux zones d'habitat informel ont di)
prendre une autre forme. La priorité est désormais donnée
a la rehabilitation et au maintien EFT populations sur leur site d'occupation.
Les objectifs de la restructuration EFT quartiers précaires sont
définis en termes de lutte contre la pauvreté par le PDU.
Pour initier cette nouvelle orientation politique, l'Etat,
soutenu par la Banque Mondiale, entame un projet pilote de remembrement de la
Kebbe d'El .JOB qui constitue l'une EFT derrieres poches d'habitat et
d'occupation informels de la ville de Nouakchott.
Au-dela d'une amelioration EFT conditions de vie et d'habitat EFT
populations residentes sur le site de la Kebbe, l'objectif
Ha ca nrniat =et rVirlanfifiar lino tar hnini is Ill II
mar-matte
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Source : Annales de géographie n° 647 (1/2006)
p.72-73
Q
a Une véritable politique de
réaménagement devient
incontournable. Pour la Banque Mondiale, la
kébbé d`El Mina
Source : AMEXTIPE, URBAPLAN, «Elaboration d'une strategie et
d'un programme [. ·.]»
incarnera l`exemple d`intégration d`un quartier pauvre
dans le tissu urbain. Les fonds débloqués sont alors
conséquents. h14
Cette opé ration de restructu ration vise a rég u
lariser
- Dans un 1er temps par la viabilisation de
l`ensemble du site de la Kebbé d`El Mina. Le quartier a
été fourni en infrastructures de base et en équipements
publics
- Dans la deuxième étape, il s`agit de
réorganiser le parcellaire pour permettre l`accession a la
propriété pour les ménages habitant la Kebbé, puis
de les aider a mettre en valeur leur parcelle en construisant leur logement.
a La construction de ces modules (chambre, latrines et
clotures) est placée sous la tutelle du Commissariat des Droits de
l`Homme a la Lutte Contre la Pauvreté et a l`Insertion (CDHLCPI),
laquelle sous-traite a une 0NG : le GRET. Cette 0NG a la maitrise d`ceuvre du
projet et a élaboré un Programme Twize h.15
Ce programme que j`analyserai dans un chapitre
précédent a choisi de s`appuyer sur des structures
traditionnelles. La twize s`appuie sur l`ancien système de
solidarité mauritanienne.
14 et 15- Annales de géographie n° 647 (1/2006)
p.73 / A.Choplin
Nouakchott capitale de la
Mauritanie
Premiers pas maladroit...
a Par sa position geographique de trait d`union entre le
Maghreb et l`"frique noire, la Mauritanie constitue un bon exemple de a ville
du Sud ». Influencee tant par le Monde arabe que l`"frique subsaharienne,
le cas de Nouakchott rend compte des difficultÉs lioes a la question
fonciere. »16
L`un des objectifs de la creation de la nouvelle capitale
etait de creer une unite entre les differentes populations du pays et, selon le
futur president Moktar 0/ Daddah, de forger une patrie mauritanienne.
La future capitale devait etre ml`indispensable expression de
l`affirmation et de l`uniteD 17 de ce jeune Etat, etre un
trait d`union entre la partie maure au nord et la partie noire au sud, une
jonction entre le Maghreb et le Sahel, entre les zones minieres et la zone
agropastorale de la vallee.
Son emplacement devait etre le plus representatif des
differentes composantes ethniques (Maures, Poulaars, Soninke et Wolof) du
pays,
Dans les annees 1950, Nouakchott n`etait qu`un modeste Ksar,
situe sur la route qui relie le Maghreb a Dakar. Cet ensemble de constructions
n`avait pas d`ancienne Medina ni de monuments historiques, en bref il n`avait
pas de passe.
Des que, la decision d`eriger la future capitale fut prise,
en 1957, les autorites s`engagent dans des etudes afin de
mieux définir les exigences et l`emplacement du nouveau
quartier administratif.
Dans l`esprit des autorités coloniales la construction
de la ca pitale devait répondre a deux aspects : rapidité et
économie.
Le cahier des charges ne prévoit que quelques
batiments administratifs, un centre commercial, des habitations pour les
fonctionnaires, des écoles et un centre sportif,... Un kilometre
carré suffit a tout installer et a accueillir les populations
prévues.
L`em placement du futur quartier est choisi sur le plateau
dunaire situé a l`ouest du Ksar. Ainsi le nouveau quartier est
prévu a une distance d`environ deux kilometres de l`ancien noyau,
l`emplacement d`une mosquée entre le deux quartiers indique la direction
dans laquelle les concepteurs imaginaient l`éventuelle extension de la
ville.
Les projets réalisés reprennent tous les anciennes
habitudes coloniales en matière de planification urbaine, lesquelles
voulaient que les habitations soient toujours a l`écart des
installations militaires et administratives.
Tous les plans prévoient une grande voie est-ouest
qui, en reliant le Ksar a la nouvelle ville, sépare le quartier
«indigene» (Médina), au sud, de la capitale coloniale, au
nord. Perpendiculairement a cette voie, se développe un axe majeur,
délimité au nord par la Présidence, or) l`on trouve tous
les ministeres et les infrastructures sociales (écoles, stade , u n
iversité , . ..) .
A l`ouest se trouve le quartier residentiel, lequel est
delimits au nord par des grands lotissements prevus pour les ambassades et les
consulats. Cette planification bloquera toute extension possible du tissu
urbain dans cette direction. L`em place ment de la Medina, dans la limite
inferieure du plateau, revient egalement a lui empecher toute possibilite
d`extension et donc a confirmer l`idee que Nouakchott sera une simple ville
administrative, sans accroissement demographique. Le plan retenu est celui du
cabinet Leconte qui s`inscrit dans la logique des premiers projets.
a Si Nouakchott n`est pas attractive dans un premier
temps, un renversement de situation s`opere des la fin des années 1960.
Une période de sécheresse aigud frappe la région. Les
troupeaux sont décimés ; les nomades, sans ressource, gagnent
massivement la capitale. Tous les plans d`urbanisme sont mis a mal : alors que
l`on tablait sur 8 000 habitants pour 1970, la ville en compte
déjà 70 000. La ville ne cesse de s`étendre ; les
autorités publient de nouveaux plans d`urbanisme en 1970 puis 1982,
chacun visant a réglementer puis contrejler les extensions. Ils se
révèleront inutiles : l`Etat est contraint de revoir constamment
les limites de sa capitale. En 1973, il reprend le plan de 1970 et donne
naissance a six nouveaux arrondissements. Il veille a ne pas créer trop
de disparités entre les arrondissements. En 1990, trois sont de nouveau
créés ». 18
a $`est l`imprévu auquel s`ajoute
l`imprévisible »19 ...puis l`improvisation. Nulle
question de planifier : on pare au plus pressÉ.
Faute de trouver des logements, les anciens nomades
d ressent leurs tentes au cceur du tissu urbain. L`anarchie
envahit Nouakchott-Capitale, tandis que Nouakchott-Ksar se taudifie.
C`est ainsi que les differentes phases de regularisation se
succedent dans les quartiers peripheriques, les autorites continuent a
distribuer des parcelles non viabilisees et repoussees de plus en plus loin du
centre-ville.
Pendant une quinzaine d`annees, des parcelles sont
distribuees, operations visant a freiner, voire supprimer l`occupation illegale
des terrains, par l`ouverture repetitive de nouvelles zones a batir.
Cependant, les resultats de cette politique sont loin
d`être ceux escomptes : les attributaires des parcelles, se retrouvant
deplaces dans des zones enclavees ne beneficiant d`aucun service de base,
revendent leurs lots pour retourner dans des Gazras plus pres du centre
urbain.
Dans les annees 1980 la tendance au developpement
tentaculaire de la ville se confirme avec le prolongement de la route de
l`Espoir, vers Boutilimit, jusqu`au Mali. Maintenant l`est du pays se trouve a
un jour de voiture de la capitale au lieu d`une semaine, l`attractivite de
Nouakchott est donc renforcee . Ce mouvement se poursuivra dans les annees 1990
vers le sud, route de Rosso, et vers le nord, route d`Akjoujt.
E n 1990, la ville procède a un nouveau decoupage
des Moughataa, aux 6 creees en 1973 sont ajoutes trois nouveaux
arrondissements : Arafat, Dar-Naim et Riad.
L`esprit qui a guidé cette nouvelle restructuration
n`a pas tenu compte des caractéristiques des quartiers, le
résultat est un découpage inégal du territoire.
C`est ainsi que l`occupation précède la
régularisation : les pouvoirs publics ont perdu la maîtrise du
développement spatial de Nouakchott. Les autorités du pays
essaient, donc d`inverser les courants migratoires pour diminuer l`attrait de
la capitale, mais pourtant : aon peut même affirmer que tout est
focalisé sur Nouakchott, capitale magnifiée, elle est le siege
d`une concentration étonnante du pouvoir))2o.
20- I. Diagana, gCroissance urbaine et dynamique spatiale a
Nouakchott»
Du laisser-faire au réengagement de
l`Etat.
a Aujourd`hui, il faut compter avec la Banque Mondiale
qui incite l`Etat a se réengager. Car, ne l`oublions pas, la Mauritanie
n`échappe pas a l`emprise des bailleurs de fonds et autres projets
d`essence exogene. Un grand Programme de Développement Urbain (PDU) est
lancé. ))21
E n 1998 avec l`élaboration d`une Stratégie
Nationale de Lutte Contre la Pauvreté (SNLCP) et d`un Programme
de Développement Urbain (PDU) l`Etat Mauritanien se lance
dans une série d`initiatives visant la lutte contre la
pauvreté ainsi que la gestion et la planification urbaine du pays.
a Ce PDU représente une manne miraculeuse : 60
millions de dollars sont débloqués par la Banque Mondiale, dont
54 millions sur 10 ans pour la seule ville de Nouakchott. Pour mettre en place
ce PDU, un Schéma Directeur d`Aménagement Urbain (SDAU),
commandé par l`Etat, est publié en décembre 2002. Ce SDAU
se veut prospectif et anticipe le développement futur de la capitale :
des projets de ville en 2010 et 2020 sont présentés.
»21
A Nouakchott cette nouvelle orientation se manifeste a
travers la création, en 2001, de l`Agence de Développement Urbain
(ADU).
Dans la même année, cette agence réalise,
en collaboration avec le bureau d`étude URBAPLAN, le projet de
restructuration de la Kebbé d`El Mina. Il s`agit de la dernière
poche de ce type d`habitat précaire et la ville souhaite trouver une
solution rapide et définitive.
Ce projet bénéficie d`un apport politique
manifeste. Ces motivations expliquent la part importante des investissements
prévus pour la zone actuellement occupée par la Kebbé et
pour la zone de recasement a créer.
21- Annales de géographie n° 647 (1/2006) p.79 /
A.Choplin
E n résumé...
Aujourd`hui la ville se subdivise en 9 Moughataa et s`etend
de facon tentaculaire sur des axes mesurant 30 Km (nord- sud) sur 15 Km
(est-ouest). La surface de la capitale est passee d`environ 240 ha au moment de
sa construction a 38 581 ha en 2005.
La surface urbanisee de Nouakchott et sa population ont
fortement augmente dans les dernieres annees.
Année
|
Nombre d`habitants prévus
|
Nombre d`habitants reels
|
1 958
|
-
|
500
|
1 963
|
-
|
8 000
|
1 970
|
8 000
|
40 000
|
1 980
|
50 000
|
207 000
|
1 988
|
-
|
393 325
|
2000
|
400 000
|
611 883
|
2005
|
-
|
750 000
|
20 1 0
|
-
|
850 000
|
|
Evolution de la population de Nouakchott
Cette nouvelle capitale présente donc de nombreux
problèmes22 :
- Une mauvaise urbanisation due aux deux noyaux qui se sont
trop vite rejoints : difficulté de circulation, mauvais services,
etc.
- Une saturation de l'espace : les quartiers pauvres,
Kebbé, se multiplient
- Le risque d'ensablement
- La menace lié a l'0céan Atlantique : une
partie de la ville est située en dessous du niveau de la mer ; les
dunes, déjÁ fragiles, ont servi de supports a des constructions
pauvres, ce qui a augmenté leur fragilité.
- L'absence totale d'eau douce, qui doit titre
importée d'une source distante d'une soixantaine de kilomètres.
Le grand projet Aftout Sahli devrait apporter une solution définitive a
ce problème, par un aqueduc qui reliera Nouakchott au fleuve
Sénégal et dont les travaux ont commencé en 2007.
-
La modification des courants marins due en majeur partie a la
construction du port, entraine un déséquilibre rapide du bandeau
dunaire sur la cote. Alors que paradoxalement s'intensifie l'urbanisation
derrière ce cordon, dans une zone légèrement plus basse
que le niveau de l'océan.
aDe toute facon, conciut Moctar Quid ei-Hacen, il n'y a
pas besoin d'être sorcier pour comprendre le probleme. A Nouakchott,
partout o0 i'on marche sur des coquillages, c'est Qu'Jl y avait ia mer. Si eiie
est partie, eiie peut revenir.),23
Nouakchott, avec plus d`un quart de la population du pays et
par la concentration des organes politiques, administratifs, religieux,
economiques, de l`education et de la sante, domine et rayonne sur l`ensemble du
pays.
Cependant peut-on vraiment parler de surface urbanisée
ou de ville, au regard de la nature et de la structure précaire des
divers quartiers en question et des terrains de recasement menaces par le
retour de la mer
Regard rapid e s u r la vi l le
d`aujourd`hui.
Le tissu bati se caracterise par une homogeneite au niveau du
gabarit, en generale les constructions ne presentent qu`un etage (R+1), dans
les quartiers residentiels on peut trouver des logements a deux etages (R+2).
Les batiments en hauteur sont tres peu repandus et se concentrent pour
l`essentiel dans le quartier administratif de la capitale, par leur caractere
exceptionnel ils servent de points de reperes aux citadins.
Mame dans le choix des materiaux et de la mise en oeuvre on
retrouve une tendance commune a tous les quartiers, a l`exception de la Kebbe,
dans l`emploi du parpaing, de ciment pour la construction de tous les
edifices.
Nouakchott se subdivise en ensembles
hétérogènes qui renvoient, a l`échelle de la ville,
soit a une fonction, soit a un contenu social ou encore aux origines de ces
espaces. 0n peut ainsi distinguer cinq types principaux de quartier :
Le quartier administratif : l`un des plus
anciens de la ville se trouve entre les Moughataa de Tevragh-Zeina et du Ksar.
Il regroupe en son sein l`ensemble des institutions de l`Etat, cette zone est
une des mieux desservies en termes d`infrastructures, d`équipements et
de services. Dans cette partie de la ville la densité du tissu bati
n`est pas grande et depuis sa création dans les années 1960, le
quartier a peu changé.
Les quartiers résidentiels : ce sont
les zones d`habitat des populations plus aisées de la
société, les hauts cadres de l`administration et les
expatriés. La construction dans ces zones est soumise a un cahier des
charges qui fixe un montant d`investissement minimum. La densité est une
des plus faibles de la capitale et des logements luxueux sont
édifiés sur de vastes parcelles. Ces quartiers regroupent les
parties ouest et nord-ouest de l`arrondissement de Tevragh- Zei na et la partie
sud-ouest du Ksar.
Les quartiers spontanés se divisent en deux
sous-ensembles qui sont : le quartier de type Kebbé et le quartier de
type Gazra. Les quartiers spontanés se trouvent dans la
périphérie de la capitale mais aussi a l`intérieur du
tissu urbain.
Le quartier Kebbé : se
caractérise par le fait que la population s`installe de facon
précaire sur des terrains qu`elle trouve disponibles, sans droits et
sans aucune espece d`autorisation. Elle commence par y dresser des tentes,
puis, si l`occupation est tolérée, construit des habitats
précaires en matéria u de récupération. La nature
des matériaux de construction s`explique par l`illégalité
de leur situation, laquelle empêche d`investir sur des terrains
susceptibles d`être repris a tout moment. La densité du tissu bati
dans ce type de quartier est tres importante et l`occupation du sol se fait de
facon anarchique et sans planification.
Le quartier Gazra : se caractérise,
par rapport a la Kebbé, par la mise en valeur du terrain occupé.
La volonté de construire s`explique par une volonté
d`acquérir un permis d`occuper, en supposant que la ville
procédera a une régularisation foncière du quartier. Cette
attitude des habitants dérive du changement dans la politique de l`Etat
face a l`usurpation illégale du domaine public. A partir des
années 1988, la ville a procédé a toute une série
de
régularisations dans la Moughataa d`Arafat. La
durcification des Gazra montre que le niveau de revenus économiques des
populations est légèrement plus important que pour les
populations habitant dans une Kebbé.
Les zones artisanales et industrielles : se
situent dans la partie ouest de la capitale, vers l`aéroport, le long de
la route pour le wharf et au sud de la Kebbé d`El Mina.
Théoriquement, ces zones, devraient accueillir les principales
activités artisanales et industrielles de la ville. La taille des
parcelles est supérieure a celles des quartiers d`habitation. A part
quelques usines ou entrepots, ces lotissements sont souvent mis en valeur par
une cloture assurant le titre d`occuper, mais restent a ce jour des terrains
faiblement exploités
General ite .
Avant d`aller plus profondement, dans l`analyse de l`habitat
mauritanien, il me semble necessaire de se pencher sur le mode habite. Qui
habite la Mauritanie et comment
Les frontieres de cet Etat-nation que constitue la Mauritanie
ont ete dessinees de maniere artificielle, et definissent une nation qui se
veut reunion de plusieurs communautes ethniques. Situe a la charniere entre le
Maghreb et l`Afrique noire, au point de contact entre le Sahara et le Sahel, ce
pays est un carrefour des civilisations arabe, berbere et africaine.
Horm is dans la frange sud du pays, bordant le fleuve Senegal
et sur le littoral Atlantique, tout le reste du pays est un territoire saharien
desertique.
La Mauritanie peut etre decoupee en cinq grandes regions,
definies par l`histoire, la geographie, et l`economie :
Le Sahara au nord et
nord-ouest23, constitue la partie la plus desertique du
pays, c`est le domaine des grands nomades. Cette region accueille egalement les
grandes zones oindustriellesD: les mines de fer, et sur le littoral, dans la
ville de Nouadhibou, la peche et les industries annexes.
La vallee d u fleuve Senegal23,
au sud, est une grande region d`elevage mais aussi d`agriculture grace a son
humidite saisonnière. A la frontière avec le Senegal, la region
est occupee majoritairement par des populations noires.
L`est mauritanien (Hod h)23
s`ouvre sur l`Afrique noire par sa frontiere avec le Mali. C`est une region
d`echanges et d`elevage.
La Guelba, a l`ouest23, est une
region de basse altitude, qui s`etend du rebord des plateaux greseux
jusqu`à l`ocean Atlantique. C`est une region essentiellement
d`agriculture et d`elevage, elle abrite aujourd`hui la capitale du pays,
Nouakchott, qui devient le centre d`un espace urbain tertiaire et
administratif.
Le centre du pays, surnomme Trab
el-Hajra23 (pays de la pierre), est le cceur historique de
la Mauritanie, c 'est ole pays des mauresD. Compose a la fois de desert de
sable (erg), et de desert de pierre (reg), c`est un vaste plateau entaille de
falaises et de gorges, ou la presence de sources a permis la creation d`oasis.
Cette region accueille les grandes cites caravanieres developpees a partir du
Moyen- a g e .
C e s differences marquees entre les regions expliquent d`une
part l`inegale repartition de la population dans le pays, et d`autre part
l`existence de divers modes de vie en fonction des caracteristiques
geographiques et culturelles de chaque region.
0n distingue dans le pays deux grands types de communaute :
les Maures, d`origine double, arabe et berbère, majoritairement nomades
; et la communaute negro-africaine, composee de plusieurs ethnies, plutôt
sedentaires et vivant de l`agriculture.
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