5. 2. 2. La fonction de bien-être social
généralisée
La FBS de Sen peut aisément être modifiée
pour en faire une fonction plus générale et plus flexible : telle
la classe de fonction de bien-être social
généralisée (FBS généralisée)
présentée comme :
(9) W = ub (1- G) avec 0
< 13 <1
Cette fonction, avec la variable 13 qui représente le
coefficient d'arbitrage entre équité et efficacité, a un
certain nombre d'avantages que la FBS de Sen ne possède pas. Pour cette
fonction :
(10) dG = (1 -
G)(3
du u
Il est clair ici qu'on peut faire le choix de 13 et ainsi la FBS
est maintenant flexible, en respectant un certain arbitrage entre
l'efficacité et l'égalité. Si l'on accorde donc plus
d'importance à l'efficacité plutôt
qu'à l'égalité on doit choisir un 13 plus grand et tendant
vers 1, au contraire si l'on s'intéresse à l'équité
il faut un 13 faible.
Examinons maintenant si cette fonction est parétienne ou
pas. De l'équation (5) et (9), nous savons que la FBS est
parétienne si :
0(u (1- G))
(11) > 0
xi
|
Ce qui implique
|
2i - n -1
(12) b -bG+ G > .quel que soit i= 1, 2,
....., n
n
Cette expression est toujours vraie lorsque l'on
considère les revenus, des plus faibles aux revenus médians,
comme le terme de gauche de l'équation (12) est toujours positif.
Connaissant le niveau existant d'inégalité dans la
société, par la variation de la valeur de 13 on peut
aisément déterminer la direction du changement du bien-être
social lorsqu'une personne au dessus de la médiane gagne un revenu
supplémentaire (toute chose restant égale par ailleurs). Si la
condition de paretianité est satisfaite pour les plus riches elle le
sera pour les autres ; ainsi en utilisant la valeur maximale de i dans (12)
nous avons :
(13) b -b G + G > n -1
n
Pour un n de grande taille on aura :
(14) b -bG+G~1
La condition (14), ne sera jamais satisfaite pour une valeur
de 13<1 ainsi cette FBS est Parétienne pour de grande valeur de 13,
pour lesquelles cette FBS deviendra une FBS de Sen. Il est évident
à partir de la condition (14) que si c'est seulement les groupes les
plus riches qui profitent des fruits de la croissance, le bien-être
social de la société ne s'améliorera pas tant que 13<1.
Cette FBS peut être critiquée pour son parti pris en faveur des
pauvres. S'il s'agit plutôt d'une augmentation du revenu des pauvres
quelque soit la valeur de 13 et G (dans notre cas spécifique c'est entre
0 et 1), le bien-être va s'améliorer. Ainsi cette FBS a un certain
parfum Rawlsien. Cependant pour la FBS de Rawls si les personnes les plus
riches ont une augmentation de revenu le bien-être reste inchangé,
mais pour notre FBS avec 13<1 une
augmentation du revenu des plus nantis entraîne une
réduction du bien-être social. Cette classe de FBS avec f3<1
n'est donc ni parétienne ni rawlsienne.
5. 3. Décomposition de la FBS
généralisée par sous-groupes de la
population
Il est bien connu que le coefficient de Gini ne peut pas
exactement14 être décomposé en sous-groupes de
population en termes d'intra groupe et d'inter groupe de Gini comme les autres
indices d'inégalité, notamment l'indice de Theil et d'Atkinson.
Cependant il peut être décomposé de manière
différente en utilisant la méthode de Podder (Podder ,1993). Pour
montrer que cette méthode de Podder permet de décomposer la FBS
généralisée en sous- groupes de population, nous
essayerons de représenter le bien-être total comme une somme
pondérée du bien-être individuel de groupes variés.
Ainsi notre objectif est de décomposer le bien-être total W comme
:
g
(15) i
W å
= W iW i=1
où Wi est le bien être du ième sous-groupe et
Ùi est le poids attaché au bien-être individuel du groupe
en supposant que l'on a g sous-groupes.
En appliquant la méthode de Podder le coefficient de
Gini peut être décomposé en sous-groupes de population.
Cette méthode, pas très répandue peut être
expliquée très brièvement comme suit : considérons
une société constituée de cinq personnes dont les revenus
sont rangés selon un ordre croissant dans un vecteur Y = [y1, y2, y3,
y4, y5]. Aussi supposons que la société en question est
constituée de deux sous-groupes tel que le premier sous-groupe a deux
membres dont les revenus sont représentés par le second et le
troisième élément du vecteur de revenu. Les
éléments restants sont les revenus des trois membres du second
groupe. Nous pouvons maintenant construire deux vecteurs, un par groupe, et
chacun de ces groupes sera constitué de cinq éléments. Le
vecteur du premier groupe contiendra les revenus de ses membres placées
à leurs positions respectives dans Y, et les positons restantes seront
complétées par zéro. Un vecteur similaire peut être
construit pour le second groupe également. Ainsi :
14 Dans le cas ou les sous groupes se chevauchent
entre eux, il n'est pas possible de décomposer exactement l'indice de
Gini en sous groupe, dans la mesure ou cette décomposition admet un
résidu.
é0 ù ê y ( 1 ) ú
ê 2 ú
y et
( 1 ) y ( 1 )
= ê ú
3
ê ú
ê 0 ú
êê úú
ë 0 j
é y ( 2 ) ù 1
ê ú
ê 0 ú
y par conséquent, Y = y ( 1 ) +
y ( 2 )
( 2 ) 0
= ê ú
ê ú
(2)
ê y ú
4
(2)
êê úú
ë y5 j
En appliquant donc cette méthode le coefficient de Gini
peut être décomposé en sous- groupe de population comme
:
g
(16) = å
G
i
nii C
'u
)
i
n 'u
(
Ou ci est le coefficient de concentration
(défini selon Podder ,1993) du groupe i, ni est
la taille de la population du groupe i et 'ui est le
revenu moyen de ce groupe. n et u sont
respectivement la taille et le revenu moyen de la population
entière. Comme le coefficient concentration est compris dans
l'intervalle (-1 ; 1) et satisfait à la condition de Pigou-
Dalton15 de transfert progressif de revenu d'une personne moins
pauvre à une personne pauvre, il sert d'indicateur
d'inégalité dans ce groupe, ainsi nous écrivons :
(17) W='ub(1-G)
g
= - å
'u (1
b
i
n 'u
i i C
i )
n 'u
g n
C i
= å -
n
'u
'u b
b i i
'u
- 1
i
g
= å -
n b
i i 'u
'u
i
g
i i
'u
CComme å =
n
in'u
i
g n
å -
i i
'u
1
b
1
n'un 'u
i
C i )
g 'u
= å n (1
i i
1 b
n 'u
i
-
g
=å új [ - ]
é -
n ( ) 1 b b (1 )
ù
i i 'u C
'u
i i
êë n 'u
i
15 La sensibilité de transfert de Pigou-
Dalton est un critère qui est réalisé lorsqu'un transfert
de revenu d'une personne moins pauvre à une personne pauvre,
entraîne une baisse dans la mesure de l'inégalité sans
contrarier la direction des richesses.
g
= åW iWi
i
On a donc - b
W = 1
i , est le poids attaché au sous-groupe i et
W i = p i b (1 - C i )
n i i
p
( )
n p
est le bien-être du groupe i. Il est clair que si
0<f3<1, le poids ne sera jamais supérieur à 1. Pour f3=1
(i-e pour une FBS de Sen), cette même forme de décomposition
établit une relation du bien-être total comme une somme
pondérée du bien-être individuel des sous-groupes (Podder
et Mukhopadhaya, 1995,1999). Le poids dépendant de la part de population
du sous- groupe, du revenu moyen proportionnel du groupe et de la valeur de f3,
quand la valeur de f3 augmente, l'importance du revenu moyen proportionnel
diminue dans le poids. On a donc
)
én i i
( ) 1 (1 )
p - b b
ù úû -
[ ]
p C
i i
W êL n p n p 1 - C
i W i
(18) = = ( )(
i i i
Wp G
b (1 )
- n p 1 - G
Cette expression représente la part relative de
bien-être de chaque sous- groupe. Cette part dépend de la part de
revenu de ce sous-groupe et du coefficient de concentration de ce sous-groupe.
Dans cette part, le coefficient f3 n'a aucun rôle à jouer. La
raison est très évidente; en fait le paramètre f3 sert de
coefficient d'arbitrage entre équité et efficacité. Quand
notre intérêt est de trouver la contribution relative d'un
sous-ensemble de la population au bien-être total, la question
d'arbitrage entre efficacité et équité ne se pose plus. Le
dernier terme entre parenthèse à droite de l'équation
c'est-à-dire :
1 Ci
1 G
a une interprétation intéressante : nous
l'appelons équité relative du groupe i. Il est connu que si le
coefficient de concentration d'un sous-groupe est supérieur
(inférieur) à l'indice global de Gini ce sous- groupe a un effet
positif (négatif) sur l'inégalité16. Ainsi, si
la valeur de l'équité relative est supérieure
(inférieure) à 1, le ième sous-groupe aura tendance
à réduire (augmenter) l'inégalité. Par
conséquent, la part relative de bien-être total de tout
sous-groupe peut changer à tout moment du fait de 2 facteurs :
a) sa part de revenu et,
b) son équité relative.
16 Un franc supplémentaire dans ce groupe
augmente (réduit) le niveau d'inégalité.
La contribution relative du bien-être a une autre
interprétation très intéressante. Il est aussi possible
d'obtenir l'élasticité de la fonction de bien-être social
par rapport à l'équité d'un groupe sans changer son revenu
moyen. Cette élasticité du ième sous- groupe peut
être définie comme :
(19)
aW 1-Ci ni
pi 1- Ci h 1 W =
_
- CI a(1- Ci) W n p
1-G
Ceci n'est rien d'autre que la part relative de
bien-être du ième sous-groupe. Par conséquent une autre
interprétation de la part relative de bien-être de tout
sous-groupe est l'élasticité du bien-être par rapport
à l'équité de ce sous-groupe.
Comme notre objectif est toujours de trouver le groupe cible
pour une politique donnée, il est très intéressant
d'obtenir l'élasticité du bien-être par rapport à un
changement proportionnel du revenu du sous-groupe sans modification de la
distribution du revenu. Cette élasticité est donnée par
:
W pi
(20) h =
W
pi W
)
=
pi ni (b -1)
pini(1- Ci
+
p
n
pn(1-G
Ainsi la part relative de bien-être du sous-groupe i est
égale à l'élasticité du bien-être par rapport
au revenu moyen de ce sous-groupe si 13= 1 (parce que le premier terme de
droite disparaît pour 13=1); si 0< 13<1, cette
élasticité est inférieur à la part relative de
bien-être (comme dans ce cas le premier terme de droite est
négatif). Ainsi pour une augmentation proportionnelle du revenu, le
sous-groupe au plus grand revenu a plus d'effet réducteur que le
sous-groupe au faible revenu. C'est ici que se trouve la beauté de cette
FBS, le décideur en considérant cette élasticité
pour des prescriptions de politique pourra être à mesure de
choisir le groupe cible. De l'équation (18) et (20), il est
évident que le groupe cible sera cette partie de la population pour
laquelle la part relative de bien-être et l'élasticité par
rapport au revenu moyen seront les plus élevées. Et celles-ci
sont élevées pour les groupes dont l'équité
relative est élevée et une part relative de revenu assez
substantielle. D'où, pour des propositions de politiques deux facteurs
très importants sont l'équité relative et la part de
revenu.
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