3. 4. Conclusion
Présenter le cadre conceptuel du bien-être
était l'objectif de cette partie. Il a donc été question
d'exposer ses fondements suivant les approches Néoclassique et de la
Nouvelle économie du bien-être dans la première partie. On
a également tenu compte dans la seconde partie, des débats
critiques, quelques peu philosophiques qui tourne autour des limites de
l'approche économique du bien-être et de la pluralité des
biens pris en compte dans l'évaluation du bien-être. Il nous faut
aborder maintenant les applications théoriques et pratiques de la
théorie du bien-être social.
CHAPITRE 4 REVUE DE LA LITTERATURE SUR LA THEORIE DU
BIEN-ETRE SOCIAL
4. 1. Introduction
Nous avons abordé au chapitre précédent,
dans le cadre conceptuel de la théorie du bien-être social, les
fondements et les débats critiques relatifs à cette
théorie. Aussi la revue de la littérature dont il est question
dans ce chapitre, nous permettra de voir comment il est possible de capter le
bien-être de la société. Une revue de la littérature
théorique nous permettra donc d'aborder un certain nombre d'instruments
de mesure de ce bien-être (4. 2). Par la suite plus concrètement
nous apprécierons, comment appliqués à certains pays ces
instruments ont pu rendre compte du niveau de bien-être, et avec quel
degré de pertinence. Cette dernière approche se fera à
travers une revue de la littérature empirique (4. 3).
4. 2. Revue de la Littérature Théorique
Pour représenter la façon dont les allocations
peuvent être jugées d'un point de vue distributif ou encore pour
apprécier le niveau de vie des populations d'une société,
les économistes utilisent souvent les fonctions de bien-être d'une
forme ou d'une autre. On distingue ainsi la fonction de bien-être
Utilitariste, qui présente en son sein quelques extensions (4.2.1), et
la fonction de bien-être social Individualistique qui présente en
également quelques unes (4.2.2).
4. 2. 1. La fonction de bien-être social Utilitariste
et ses extensions
Dans le cadre d'un processus d'agrégation des
préférences, on peut naturellement se poser la question de savoir
s'il existe des processus de décision sociale, c'est-à-dire des
méthodes d'agrégation des préférences qui soient
à l'abri des manipulations. Pour cela trois exigences paraissent
extrêmement naturelles :
1) A partir d'un ensemble quelconque de
préférences individuelles complètes, réflexives et
transitives, le processus de décision sociale devrait engendrer un
système de préférences sociales qui possède les
mêmes propriétés.
2) Si tout le monde préfère l'alternative x
à y, les préférences sociales devraient classer x avant
y.
3) Les préférences entre x et y ne devraient
dépendre que de la façon dont les gens classent x par rapport
à y et non de la façon dont ils classent d'autres
alternatives.
Cependant il peut être assez difficile de trouver un
processus qui les satisfasse toutes les trois. A cet égard Kenneth Arrow
établi un résultat très important: « si un processus
de décision sociale satisfait les propriétés 1, 2 et 3, il
doit s'agir d'une dictature: tous les classements sociaux correspondent dans ce
cas aux classements effectués par un seul individu ».
Le théorème d'impossibilité d'Arrow
ci-dessus est assez surprenant. Il indique que trois caractéristiques
très naturelles d'un processus de décision sociale sont en fait
incompatibles avec le système démocratique. Si nous devons
laisser une des caractéristiques souhaitées de la FBS, il s'agira
vraisemblablement de la propriété 3, à savoir le fait que
les préférences sociales à l'égard de deux
alternatives ne dépendent que du classement de ces deux alternatives.
Une méthode pour obtenir les préférences
sociales à partir des préférences individuelles consiste
à additionner les utilités individuelles et à utiliser le
nombre ainsi obtenu comme une sorte d'utilité sociale. Cela fonctionne
mais évidemment, c'est totalement arbitraire puisque le choix de
représentation est lui même arbitraire. Ce type de fonction
d'agrégation porte un nom: on l'appelle fonction de
bien-être social.
Une fonction de bien-être social est simplement une
fonction quelconque des fonctions d'utilité individuelles. Elle permet
de classer différentes allocations sur la base des seules
préférences individuelles et elle est croissante par rapport
à l'utilité de chaque individu. Un des cas particulier
déjà mentionné ci-dessus est celui de la somme des
fonctions d'utilités individuelles. On appelle parfois cette fonction :
la fonction de bien-être Utilitarienne classique ou
fonction de bien-être de Bentham11.
11 Jeremy Bentham (1748-1832) est le fondateur de
l'école Utilitarienne de philosophie morale, une école qui
considère que l'idéal est le plus de bonheur possible pour le
plus grand nombre.
En procédant à une petite
généralisation de cette forme, nous obtenons comme fonction de
bien-être social, la somme pondérée des utilités.
Les pondérations sont censées être des
nombres indiquant l'importance de l'utilité de chaque
agent dans le bien-être social général. Il s'agit
logiquement des valeurs positives.
Une autre fonction de bien-être social
intéressante est la fonction de bien-être social
minimax ou fonction de bien-être social de
Rawls12. Cette fonction de bien-être social indique
que le bien-être social dans le cas d'une allocation dépend
uniquement du bien-être de l'individu qui a le niveau de satisfaction le
plus bas, c'est à dire la personne avec l'utilité minimum. Ainsi
le bien-être social ne peut s'accroître que si le détenteur
de l'utilité minimale connaît une amélioration dans son
bien-être ou dans son utilité.
Chacune de ces fonctions permet de comparer les fonctions
d'utilité individuelles. Chacune représente en fait un jugement
éthique différent quant à la comparaison du
bien-être des différents agents. La seule restriction
imposée à ce stade sur la structure de la fonction de
bien-être, étant que celle ci soit croissante par rapport à
l'utilité de chaque consommateur.
Dès que nous disposons d'une fonction de
bien-être, nous pouvons examiner le problème de maximisation du
bien-être. Il s'agira dont de trouver une allocation réalisable
qui maximise le bien-être social avec les propriétés
suivantes :
1) Une allocation qui maximise le bien-être social doit
être une allocation efficace au sens de Pareto ;
2) Toute allocation efficace au sens de Pareto doit correspondre
à un niveau de bien-être maximum pour une fonction de
bien-être particulière.
La fonction de bien-être nous donne donc une
méthode de sélection des allocations efficaces au sens de Pareto
: tout point de bien-être maximum est une allocation efficace au sens de
Pareto et toute allocation efficace au sens de Pareto est un point de
bien-être maximum.
12 John Rawls est un philosophe moral contemporain de
l'Université de Harvard qui a plaidé en faveur de ce principe de
Justice.
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