§II : LA COHERENCE SOUS L'ANGLE DES MOYENS
OPERATIONELS
Pour cette partie, l'analyse est consacrée à la
cohérence des moyens communautaires au plan institutionnel et humain en
rapport avec les moyens similaires au niveau des Etats eu égard aux
objectifs fixés. Le contrôle des ALPC est la résultante de
la coopération entre les différentes institutions. Par exemple
entre les organes communautaires et les commissions nationales et ces
dernières avec les ministères en charge de la
sécurité et de la défense ou toute autre institution
nationale. Les moyens opérationnels qui leur sont alloués
sont-ils suffisants et adéquats ?
Dans la poursuite de ces objectifs, le PACASED et l'ECOSAP
aujourd'hui ont entrepris des actions. Grâce aux appuis techniques et
financiers du PCASED, tous les pays sauf le Libéria ont pu installer
leurs Commissions nationales. En outre, des séminaires et des campagnes
de sensibilisations sur la promotion de la culture de la paix ont
été organisés non seulement à l'endroit des
autorités politiques, militaires et de sécurité mais aussi
à l'intention des acteurs de la société civile. Des
programmes scolaires et universitaires sur la culture de la paix sont
élaborés. Mais ces programmes sont pour l'heure non
exécutés dans ces quatre pays. S'agissant de la collecte et de
la destruction des ALPC, on estime à trente cinq milles le nombre des
armes collectées et détruites après les campagnes
effectuées au Mali, au Niger et au Libéria (Chaïbou et
Yattara 2005). A cela s'ajoutent les formations accordées aux cadres des
ministères de défense et de sécurité, la
publication par l'Institut des Nations Unies pour la Recherche sur le
Désarment (UNIDIR) en juillet 2003 du Manuel de formation des forces
armées et de sécurité. Des négociations ont
été menées avec les Etats fournisseurs d'ALPC pour
demander à ce que ceux-ci respectent les textes CEDEAO. En plus de ces
actions, on retient entre autres : le forum pour la paix en juillet 1999
à Monrovia au Libéria ; le projet de transformation des
résidus des armes en instruments agricoles par l'Agence Allemande se
coopération technique internationale (GTZ). Mais, comme le dit l'adage
« l'arbre ne peut cacher la forêt », les carences
sont innombrables. Au niveau des moyens humains, les Commissions sont en
manque comme en Côte d'Ivoire et au Nigéria (Sallé et
Poulton 2008). Et même quand elles sont installées, les moyens
matériels font énormément défaut (Chaïbou et
Yattara 2005, 7-10). Toute chose qui n'est pas à faciliter les actions
sur le terrain. En addition, il convient d'analyser les relations entre les
organes communautaires et les commissions nationales. Dans cette analyse, il
sied de décrypter les relations entre ces Commissions et les organes
internes en matière de défense et de sécurité.
Généralement, les Commissions sont composées de
représentants des Ministères de la défense, de
l'intérieur et de la sécurité, de la justice, des affaires
étrangères et de la société civile. Elles doivent
faire aux autorités toutes propositions utiles en vue de la lutte contre
la prolifération des armes légères, entreprendre des
actions de sensibilisation, collaborer avec d'autres commissions d'États
membres pour échanger leurs expériences, intéresser les
institutions bilatérales ou multilatérales à leur travail,
assister les autorités politiques dans l'exécution de leur
obligation internationale de lutte contre la prolifération des ALPC.
Dans ces missions, il devait avoir une collaboration transparente entre ces
Commissions et les instances supranationales, mais les informations au sein des
Etats restent secrètes. Les Commissions manquent bien souvent des moyens
logistiques. Le personnel n'est parfois aguerri ou spécialisé
dans le domaine des ALPC. Sans compter qu'elles ne disposent pas de budget
autonome et suffisant pour mener à bien leur tâche. Quant aux
rapports entre les mêmes commissions et les ministères de la
sécurité et de défense et autres organes internes, la
situation n'est pas non plus rose. Les ministères restent muets et
considèrent comme des injonctions les demandes et les recommandations de
ces structures. Avec l'explosion du crime organisé et du banditisme, les
ministères optent généralement pour le traitement de ces
questions comme étant des préoccupations nationales. Peu
d'informations sur les saisies des armes filtrent entre les mailles de ces
institutions qui restent aujourd'hui comme des ministères
stratégiques et sous le contrôle presque total des Etats.
L'opacité devient la règle, la transparence l'exception. On
crée même d'autres structures a priori en faveur des Commissions,
mais en réalité ne sont pas loin d'être en porte à
faux avec elles. Au Burkina Faso par exemple, en plus de la Commission, il a
été mis en place par le décret n°2001-005 du 24
janvier 2001, une Haute autorité du contrôle des importations
d'armes et de leur utilisation. Cette structure rattachée au Premier
ministère et est dirigée par un secrétaire permanent.
L'article 9 prévoit que le secrétariat permanent
représente la Haute Autorité dans ses relations avec les
tiers ; initie et entretient les rencontres d'échanges
d'informations et d'expérience avec les États tiers et les
organisations intergouvernementales concernées ou
intéressées. Ce rôle paraît coïncider avec celui
de la Commission nationale car c'est à cette dernière que revient
la tâche de coordination des actions sur les armes avec les instances
CEDEAO. Un autre élément ambigu est que c'est le premier ministre
qui fixe le fonctionnement et l'organisation de la Haute Autorité et de
la Commission par arrêté. L'autonomie de la Commission semble
affaiblie vue qu'elle est sous la coupole du premier ministre. Quant à
la Haute Autorité, elle pourrait servir d'instance satellite strictement
stratégique pour les affaires d'armement. En cela, elle pourrait ravir
les tâches de collaboration et d'échange d'information entre la
Commission et la CEDEAO. Par ailleurs, les différentes Commissions
organisent des séances de rencontre pour évaluer le travail
accompli par chacune sur le terrain. Ce qui est à encourager car des
enseignements et des stratégies seront à partager entre elles.
Ainsi, les autorités des Commissions nationales du Ghana, du Nigeria et
du Sénégal se sont rencontrées (Ebo et Mazal 2007).
Le 29 juin 2009, les Commissions nationales de
lutte contre la prolifération des ALPC du Burkina Faso, du Niger, du
Sénégal et du Mali sont réunies dans la capitale malienne
pour procéder à la revue des activités du dernier
semestre, déterminer les activités prioritaires et les conditions
de leur mise en oeuvre pour le semestre suivant. Toutefois, ces
actions ne peuvent être durable que les moyens financiers sont suffisants
car comme le dit l'adage : l'argent est le nerf de la guerre.
Malheureusement, c'est à ce niveau que le
véritable problème se pose en plus du déficit en moyens
humains et matériels. Les financements et la dotation en moyens humains
des institutions supra et infra nationales sont insuffisants. Cet état
de fait est habilement résumé en janvier 2006 par Paul Badji
l'ambassadeur, représentant permanent du Sénégal
auprès des Nations Unies, à l'occasion du débat
général du comité préparatoire de la
Conférence des Nations Unies chargée d'examiner l'application du
Programme d'Action en sur les armes légères et tous ses aspects.
Entre autres, il souligne le manque de moyens financiers ; l'insuffisance
des ressources humaines bien formées ; la faiblesse de la
coopération internationale dans les domaines du financement, du
renforcement des capacités, de l'échange d'information et
d'expérience ; la faiblesse du niveau de contrôle du flux
d'exportations d'ALPC venant des pays producteurs (New York 2006, 8). Par
exemple, le processus d'élaboration a été en grande partie
financé par les Etats extérieurs comme : Le PNUD ; par
la Décision 2004/833/PESC du 2 décembre 2004 du Conseil de l'UE,
il a été octroyé à la CEDEAO 515.000 euros pour le
processus de transformation du Moratoire en Convention, le Canada, la Suisse.
Des soutiens quelques contradictoires. Les pays de l'EU comme la France, la
Belgique, l'Allemagne sont des grands exportateurs d'armes. Le Canada et la
Suisse pareillement. On est emmené à douter des intentions
réelles de ces pays. Et comme le dit un adage africain,
« quand on dort sur la natte de son voisin, on dort à
même le sol ». Cela pour signifier que tant la CEDEAO ne
va se doter de véritables capacités, ses programmes de
contrôle des ALPC seront dépendants. Les financements sont
liés aux intérêts stratégiques des pays donateurs.
La réalisation d'ECOSAP a été possible grâce aux
financements : La Commission de la CEDEAO, le Bureau Régional du
PNUD, la Commission Européenne, la France, l'Espagne, la Norvège,
la Suède, la Finlande, le Japon et la Nouvelle Zélande. Prenant
le cas de l'ECOSAP, Albert Chaïbou et Sadou Yattara mentionnent que :
« ECOSAP suppose une certaine coopération entre la partie
offre et la partie demande dans la problématique des armes
légères. Or, l'offre est souvent le fait d'entrepreneurs
guidés par la seule logique du profit. Bon nombre de leurs
activités sont illégales ou criminelles. D'autres fournisseurs,
légaux et/ ou illégaux, sont en réalité des
États. Une coopération peut certes s'instaurer avec certains
fournisseurs légaux mais la diffusion des armes ne s'arrêterait
pas pour autant, parce que la demande ne diminue guère dans les
sociétés en développement qui sont souvent victimes des
conflits et parce qu'il est généralement impossible de
contrôler le marché international illicite des armes
légères. L'opposition d'acteurs internationaux qui ne manquent
pas de moyens (la NRA aux États-Unis, par exemple) à la
réglementation des ventes et des transferts d'armes
légères, bien qu'étant un risque lointain, pourrait quand
même poser des problèmes lorsqu'il s'agit de trouver des solutions
véritablement durables » (Chaïbou et Yattara 2004, 16).
En définitive, on peut dire que les objectifs restent
nobles et ambitieuses. Toutefois, les moyens mis en jeu sont moins
satisfaisants pour parvenir aux buts fixés. Il ya aussi l'absence
réelle de volonté politique. Parler d'une incohérence
serait excessive, mais il y a une réelle déficience entre les
objectifs et les instruments d'exécution.
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