§III : LA PERTINENCE DU SYSTÈME
Le critère de pertinence renvoie à l'idée
qu'une « une politique se justifie très
généralement par l'identification d'un problème de
société auquel les pouvoirs publics se sentent tenus de faire
face. Une politique sera dite pertinente si ses objectifs explicites sont
adaptés à la nature du (des) problème(s) qu'elle est
censée résoudre ou prendre en charge. La pertinence des objectifs
et des actions par rapport aux besoins et aux enjeux territoriaux
révélés par le diagnostic initial (ORIV 2007, 1).
Sous un volet développementaliste, Olivier Charnoz et Jean-Michel
Severino la pertinence renvoie au bien fondé de la finalité
du projet (de la norme ou de la politique) et à la cohérence de
sa démarche. S'est-il attaché à un problème
prioritaire ? Y répond t-il mieux que d'autres actions
envisageables ? (Charnoz et Severino 2007, 95). La norme ou la politique
publique doit répondre à une demande, à un problème
de société.
Au regard de ces définitions, il n'est pas
déraisonnable de dire que les normes et les stratégies de
contrôle de transferts des ALPC en Afrique de l'Ouest sont pluriellement
pertinentes. La prolifération des ALPC est sans équivoque un
problème de société. Tous les acteurs publics et
privés ouest-africains et ceux du monde entier sont unanimes que la
prolifération incontrôlée des ALPC représente le lit
des problèmes d'insécurité humaine, de sous
développement, d'atteinte aux droits humains, au droit international
humanitaire. Et comme le rappelait Momodou Lamin Sadat Jobe, Secrétaire
d'État aux affaires étrangères de la Gambie en 2001
à la Conférence onusienne sur le Programme d'Action, trois ans
après l'adoption de la Déclaration du Moratoire,
« La grande disponibilité des armes légères
est une vive source de préoccupation pour ma délégation.
Les armes de petit calibre et les armes légères ont des effets
déstabilisateurs considérables sur les sociétés.
Sur le continent africain qui connaît aujourd'hui une multitude de
conflits, la disponibilité d'armes de petit calibre et d'armes
légères ne fait qu'aggraver et exacerber ces conflits. Dans des
sociétés qui font face à des problèmes sociaux,
où sévissent la pauvreté et la délinquance, la
présence d'armes légères contribue aux problèmes
par l'incidence négative qu'elles ont sur le plan psychologique et
physique ainsi que par leurs conséquences sociales. Le problème
des armes légères et des armes de petit calibre représente
un défi considérable qui se pose à tous les niveaux de la
société et qui va au-delà des conflits entre États
ou à l'intérieur des États, mais englobe également
le banditisme et la délinquance. Les sociétés qui ont
connu des conflits ou qui sortent de conflits connaissent des
difficultés beaucoup plus considérables, en raison de la
présence des armes légères » (Nations Unies
2001). Mieux, tous les textes CEDEAO en matière de
sécurité, de contrôle des ALPC et de résolution des
conflits ont été adoptés à l'unanimité. La
preuve que le phénomène des ALPC est véritablement un
problème de société auquel il faut s'attaquer. Cette
unanimité déborde le cadre ouest-africain.
En octobre 2008, les Etats membres de l'ONU ont adopté
par 166 voix pour et une contre (États-Unis), le texte relatif au
commerce illicite des armes légères et de petit calibre (Nations
Unies, AG/DSI/3378). L'Assemblée Générale encouragerait
les États à mettre en oeuvre les recommandations formulées
dans le rapport du Groupe d'experts gouvernementaux chargé d'examiner
les nouvelles mesures à prendre pour renforcer la coopération
internationale en vue de prévenir, combattre et éliminer le
courtage illicite des armes légères. La Conférence du
désarmement dans son Rapport A/C.1/63/L.47 d'octobre 2008 a
rappelé la nécessité du contrôle des ALPC dans
la mesure où ces armes sont sources de la violence armée. Les
objectifs depuis l'apparition des stratégies ouest-africaines restent
convergentes. Le Moratoire, le Code de Conduite ainsi leur instrument
d'application le PCASED, la Convention et l'ECOSAP poursuivent grosso modo la
même vision : Eradiquer le flot d'ALPC qui nuit à la
stabilité, à la sécurité et à la paix. Par
conséquent, le critère de pertinence est validé.
Cependant, quelques fausses notes ramollissent cette
pertinence. La lenteur dans la signature de la Convention donne à penser
que le problème des ALPC préoccupe peu les Etats. Comment
comprendre que depuis 2006, ce soit cinq Etats (Mali, Niger, Burkina Faso,
Sénégal et Sierra Leone) qui ont ratifié la
Convention ? Parmi ces cinq pays, le Sénégal n'a pas encore
déposé les instruments de ratification au Secrétariat de
la CEDEAO ? Seule la Sierra Leone, un Etat ayant connu la guerre, fait
partie du peloton des Etats qui ont ratifié la Convention. Il y a une
certaine réticence dans la mesure où dix autres Etats n'ont pas
encore franchit le pas de la ratification. Comme le souligne Michel
Sallé et Robin-Edward Poulton, les Etats sont d'accord sur le fait que
les ALPC sont un problème de société, mais ce
problème n'est pas traité comme une réelle priorité
(Sallé et Poulton 2008, 3). C'est cette nonchalance qui
discrédite les initiatives ouest-africaines en dépit des efforts
consentis. Toutefois, comment peut-on évaluer l'effectivité,
l'efficacité et l'efficience ?
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