§II : LE CADRE INSTITUTIONNEL
L'application des normes a requis la création
d'instruments de mise en oeuvre au titre desquelles on compte le Programme de
Coopération et d'Assistance pour la Sécurité et le
Développement (PCASED), remplacé par le Programme de
Contrôle des Armes Légères de la CEDEAO (ECOSAP) auxquels
s'ajoutent le Groupe des Armes Légères (GAL) et les Commissions
Nationales de lutte contre les ALPC que treize Etats sur quinze ont
installé.
Le PCASED est une structure mise en place par le PNUD en 1999
pour favoriser l'effectivité du Moratoire CEDEAO. Située
à Bamako, elle était liée au Bureau des Services de
Projet des Nations Unies (UNOPS) en coopération avec le
Département des Affaires Economiques et Sociales des Nations Unies
(UNDESA). Cette structure se devait d'éradiquer le flux des ALPC,
accompagner et renforcer les « acquis » du
Moratoire à travers « des initiatives de
préventions des conflits et de renforcement de la paix et aider à
créer un environnement sécurisé favorisant le
développement durable » en Afrique de l'Ouest
(Chaïbou et Yattara 2005, 7). A ce canevas général,
d'autres missions lui étaient assignées : promotion d'une
culture de la paix, la formation des forces armées et de
sécurité, la révision et l'harmonisation des
législations et procédures administratives nationales. A cette
institution CEDEAO s'ajoutent les Commissions Nationales ayant pour objectifs
majeurs de lutter contre la prolifération des ALPC au plan interne de
chaque Etat. Composées de personnels militaires et civils, elles
devaient de réaliser des programmes d'information, de sensibilisation
des populations, de collecter et de détruire les ALPC. Elles sont les
bras armés et civils du PCASED.
Au terme de quinquennat d'existence, malgré leurs
réalisations, il est apparu des carences non négligeables tant
concernant le PCASED que s'agissant des Commissions Nationales. Ces
institutions n'ont pas été opérationnelles. Ces
initiatives n'ont pas permis de comprendre le sens et la portée tant du
Moratoire que du Code de Conduite. Une certaine hostilité a même
été ressentie envers ces institutions comme le
traduisent les propos d'une autorité ouest-africaine,
rapportés par Mohamed Coulibaly: « Si vous pensez que
nous vous communiquerons nos données sur les quantités d'armes
détenues par nos forces de défense et de sécurité,
vous vous tromper. Aucune transparence n'exige de vous révéler
des secrets-défense ». (Coulibaly 2004, 7). Si ces
propos semblent amoindrir la mise en oeuvre du Moratoire, ils ne doivent pas
être récuser car pour un Etat respectueux de sa
sécurité et de sa défense comme cela a cours dans toutes
les parties du monde, il n'y a aucune valable à ce qu'il livre les
informations relatives à son capital d'armement et des forces
armées et de sécurité. Quelque que soit la structure qui
la demande, le stockage des informations sur le degré de l'armement d'un
Etat, encore moins d'une Communauté d'Etats comme la CEDEAO reste pour
le moment peu acceptable. Il ressort dans tous les cas que les institutions
d'accompagnement du Moratoire ont été peu efficaces. Selon le
rapport du Secrétaire Général des Nations Unies du 12 Mars
2004 : « « le Moratoire s'est heurté à
des obstacles majeurs : le manque de volonté politique dans certains
pays, les lacunes des institutions nationales chargées de la
sécurité ; les violations du Moratoire par certains États
membres de la CEDEAO et d'autres pays et entités qui ont continué
à fournir des armes légères à l'Afrique de l'Ouest
au mépris de son Code de conduite ; les guerres civiles menées
actuellement qui créent une demande supplémentaire ; le manque
d'information au sein du public de la sous-région au sujet du Moratoire
et le manque des ressources financières ». Ce lot
d'insuffisances ont sans doute impulsé la mise sur pied de l'ECOSAP et
aussi du GAL. Mais quelles sont leurs particularités par rapport aux
anciennes structures ? Comme l'écrivent Albert Chaïbou et
Sadou Yattara, l'ECOSAP sert à renforcer les capacités de
mise en oeuvre du Moratoire à l'échelon national, en appuyant les
commissions nationales et, à l'échelon régional en
apportant un appui en matière d'effectifs au GAL. C'est un programme de
la CEDEAO administré en tant que programme régional par le
PNUD/Bureau Régional Afrique (BRA) et exécuté par les
commissions nationales, les organismes liés et la société
civile (Chaïbou et Yattara 2005, 14). Ce programme s'appuie sur les
réalisations de PCASED et tente de combler ses carences. ECOSAP est un
centre de gouvernance des programmes des structures publiques et civiles aussi
bien au niveau régional qu'au niveau interne des Etats. Il vient en aide
en ressources financières, techniques et humaines aux initiatives des
acteurs de la société civile et du secteur des forces
armées de défense et de sécurité nationales. Ce
programme est intiment attaché au GAL ; lequel sera au bout
l'instance sous-régionale de planification des politiques et
d'interaction politique avec les pays membres. Elle va servir à terme
avec les Commissions Nationales de véritable fer de lance dans toutes
les politiques CEDEAO en matière de contrôle des ALPC. ECOSAP est
doté de ressources humaines de hautes compétences. Le personnel
d'ECOSAP est constitué de : un directeur de programme, quatre
spécialistes techniques (répartis en 4 groupes
géographiques), deux adjoints de programme, un fonctionnaire des
finances, administration et du personnel d'appui. Les experts techniques des
armes légères et les conseillers techniques d'ECOSAP se chargent
des programmes par groupe de pays membres de la CEDEAO. La répartition
en groupes correspond à celle du bureau régional pour l'Afrique
du PNUD, afin de tirer parti des synergies dans l'appui au programme. Les
groupes constitués sont les suivants : Groupe de la RCI :
Côte d'Ivoire, Burkina Faso, Mali et Ghana ; Groupe de l'Union du fleuve
Mano : Guinée, Liberia, Sierra Leone, Côte d'Ivoire ; Groupe
Sénégambie : Sénégal, Gambie, Guinée-
Bissau, Cap-Vert ; Groupe du Nigeria : Nigeria, Bénin, Niger, Togo. Ce
découpage correspond presqu'à la répartition des zones
d'observation et de suivi du système d'observation de la paix et de la
sécurité sous-régionales (pré-alerte) qui comprend
aux termes de l'article 23 du Protocole relatif au Mécanisme de
Prévention, de Gestion, de Règlement des conflits, de Maintien de
la Paix et de la Sécurité. Ces zones sont : 1. Cap-Vert,
Gambie, Guinée-Bissau, Mauritanie et Sénégal ; 2.
Burkina Faso, Côte d'Ivoire, Mali et Niger ; 3. Ghana,
Guinée, Liberia et Sierra Leone et 4. Bénin et Nigeria.
En outre deux comités vont accompagneront ces
structures : Le Comité directeur. Il sera créé un
comité directeur regroupant la CEDEAO, le PNUD, le bureau du
représentant spécial du secrétaire général
pour l'Afrique de l'Ouest et les autres participants au programme.
Présidé par le secrétaire exécutif de la CEDEAO, ce
comité directeur se réunira tous les six mois pour fixer les
orientations générales du programme en matière de
politiques et de questions techniques et administratives. - Comité
consultatif Il sera créé un comité consultatif
chargé d'appuyer les activités de plaidoyer, l'instauration de
partenariats stratégiques, la mobilisation des ressources et la
création d'un réseau international pour le programme. Ce
comité serait également chargé de tracer des perspectives
concernant le règlement du problème des armes
légères dans la sous-région. Il se réunira tous les
ans et fera un rapport à l'attention de la CEDEAO ainsi qu'au programme.
(Chaïbou et Yattara 2005, 16). Ces comités ne sont pas encore
installés.
Pour doter les moyens d'actions réelles, la Convention
a consacré une gamme de dispositions relatives aux
« Arrangements Institutionnels et de Mise en
OEuvre » au chapitre IV. Ainsi, L'article 28 dispose que :
« 1. Afin d'assurer le suivi et l'évaluation de la mise en
oeuvre de la présente Convention, le Secrétaire Exécutif
nomme un Groupe d'experts indépendants qui l'appuie. Le Groupe d'experts
indépendants soumet un rapport au Secrétaire Exécutif. 2.
Les Etats Membres mettent à la disposition du Groupe d'experts
indépendants à la demande du Secrétaire Exécutif,
toutes informations sur les demandes d'exemption qu'ils détiennent. 3.
Le Groupe d'experts indépendants peut rechercher toute autre information
qu'il juge utile à son travail, en relation avec les Etats Membres et en
s'appuyant sur la coopération avec les Etats Membres aux arrangements
Wassenaar, avec l'Union Européenne et avec les fournisseurs d'armes ; 4.
Chaque Etat Membre soumet un rapport annuel au Secrétaire
exécutif de la CEDEAO sur ses activités relatives aux armes
légères et de petit calibre de même que sur d'autres
matières en relation avec la présente Convention,
conformément au modèle de rapport élaboré par le
Secrétaire exécutif.5. Une conférence de toutes les
Parties à la présente Convention sera convoquée par le
Dépositaire dans les meilleurs délais après
l'entrée en vigueur de ladite Convention. La Conférence des Chefs
d'Etat et de Gouvernement des Etats Membres est chargée d'examiner la
mise en oeuvre de la présente Convention et aura des mandats
additionnels selon les décisions entreprises par les Etats Membres.
D'autres conférences des Etats Membres seront tenues en tant que de
besoin ». C'est l'ensemble de ces institutions qui servent et
qui serviront de cadre de réalisation des objectifs CEDEAO en
matière de contrôle des ALPC. Mais quel est le degré de
leur effectivité et de leur efficacité ? Quels sont les
résultats obtenus au regard des objectifs fixés dans les textes
et des moyens d'actions accordés aux institutions ? Ces
interrogations trouveront leur réponse dans la suite du présent
travail qui va faire une évaluation du système CEDEAO.
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