§II : LA CREATION D'UN MECANISME OUEST-AFRICAIN
D'EVALUATION
ENTRE LES PAIRS EN MATIERE DE CONTRÔLE DES
ALPC
Tout comme la CEDEAO a adopté le
protocole sur la bonne gouvernance additionnel, au mécanisme de
prévention, de gestion, de règlement des conflits et sur la
sécurité, ainsi que le Code de Conduite en renforcement de la
Déclaration du Moratoire sur les armes légères, il ne
serait pas déraisonnable que les Etats membres mettent en place un
Mécanisme Ouest-Africain d'Evaluation entre les Pairs en matière
de contrôle des ALPC (MOAEPCA). Ce qui serait intéressant, c'est
qu'une fois un tel mécanisme serait créé, son exemple
pourrait être emprunté au niveau des Commissions nationales
(NatCom) ou ComNat) dans leurs stratégies de lutte contre la
prolifération des ALPC. Cet exemple pourrait s'étendre à
d'autres régions du monde et aux Organisations de la
Société Civile. Un tel mécanisme peut s'inspirer du MAEP
au niveau Africain déjà existant. Mais, quels seront
l'architecture, le fonctionnement, les buts, les principes et les processus
d'évaluation ? Pour les réponses à toutes ces
questions, il convient de rédiger une mouture de protocole en quelques
articles en s'inspirant du MAEP, mais en proposant des pistes parfois
nouvelles.
LE MECANISME OUEST-AFRICAIN D'EVALUATION ENTRE
PAIRS
EN MATIERE DE CONTRÔLE DES ALPC
(MOAEPCA)
1. La nature du MOAEPCA
Le Mécanisme Ouest-Africain d'Evaluation entre Pairs en
matière de contrôle des ALPC est un instrument, juridiquement non
contraignant, auquel adhérent volontairement les Etats membres de la
CEDEAO en tant que mécanisme Ouest-Africain d'auto-évaluation. Le
MOAEPCA est un instrument mutuellement accepté pour leur
auto-évaluation.
2. Mandat du MOAEPCA
Le mandat du Mécanisme Ouest-Africain d'Evaluation
entre Pairs en matière de Contrôle des ALPC consiste à
s'assurer que les politiques et pratiques des Etats parties sont conformes non
seulement à la gouvernance du secteur de la sécurité mais
aussi au domaine de contrôle des ALPC en particulier.
3. Objectif du MOAEPCA
L'objectif principal du MOAEPCA est d'encourager l'adoption de
politiques, normes et pratiques en vue de promouvoir le contrôle des
ALPC, informer les couches sociales à tous les niveaux des
conséquences des ALPC et ce grâce au partage des
expériences et au renforcement des meilleures pratiques et des acquis, y
compris l'identification des lacunes et l'évaluation des besoins dans le
domaine du renforcement des capacités.
4. Principes du MOAEPCA
Toute évaluation entreprise dans le cadre du
Mécanisme doit se faire sur la base des compétences techniques et
doit être crédible et libre de toute manipulation politique. Tels
doivent être les principes directeurs du Mécanisme.
5. Financement du Mécanisme d'évaluation
entre pairs
Le Mécanisme sera financé par des contributions
des Etats membres parties.
6. Participation au processus
MOAEPCA
Tous les Etats membres de la CEDEAO peuvent participer au
processus après une notification au Secrétariat de la CEDEAO. Par
cette notification, les Etats membres concernés s'engagent à se
soumettre à des évaluations périodiques entre pairs,
à faciliter ces évaluations et à être guidés
à cet égard par les paramètres convenus pour le
contrôle des ALPC.
7. Structure en matière de leadership et de
gestion du MOAEPCA
Il est proposé que les activités du MOAEPCA
soient dirigées et gérées par un Groupe de sept (7)
éminentes personnalités spécialistes des questions des
armements. Au moins deux membres doivent être des membres des
Organisations de la Société Civile oeuvrant dans les domaines de
la promotion de la paix, de la sécurité, du
micro-désarmement. Au moins deux femmes doivent être faire partie
des membres. Les membres du Groupe doivent jouir d'une grande
intégrité morale et n'avoir pas fait l'objet de poursuites
judiciaires et/ou pénales aussi bien dans son pays d'origine qu'au plan
international.
8. La désignation des Membres du Groupe
MOAEPCA
Les membres du Groupe seront proposés par les Etats
parties, puis présélectionnés par un comité
ministériel. Leur désignation sera faite par les Chefs d'Etat et
de gouvernement des Etats parties. Outre les critères cités
ci-dessus, les Chefs d'Etat et de gouvernement veilleront à ce que le
Groupe dispose des compétences techniques appropriées dans les
domaines des armements. La composition du Groupe reflétera
également l'équilibre régional, l'égalité
entre les hommes et les femmes, et la diversité culturelle.
9. Le mandat des membres du Groupe
MOAEPCA
Le mandat des membres du Groupe sera d'une durée de
quatre ans au maximum renouvelable une seule fois. Leur remplacement se fera
sur la base de la rotation et en année pair.
10. La désignation du président du
Groupe du MOAEPCA
Un des membres du Groupe sera voté comme
président par les autres membres sans injonctions des Chefs d'Etat et de
gouvernement des Etats parties. Le mandat du président sera de deux (2)
ans non renouvelables. Les critères de nomination au poste de
président seront les mêmes que ceux des membres du Groupe. Une
fois désignés, les membres sont inamovibles et ne rendent compte
qu'à la CEDEAO et non à son Etat d'origine.
11. Les missions et les attributions du Groupe
du MOAEPCA
Le Groupe assurera la supervision du processus
d'évaluation et veillera particulièrement à
l'intégrité du processus. Ses missions et ses attributions seront
définies dans un règlement intérieur mis en place par ses
membres après le quitus du Secrétariat. La Charte garantira
l'indépendance, l'objectivité et l'intégrité du
Groupe.
12. La coopération entre le Groupe MOAEPCA et
le Secrétariat Exécutif CEDEAOA.
Le Groupe collabore avec le Secrétariat Exécutif
et la Commission politique et de sécurité de la CEDEAO.
Lesquelles instances lui apportent les capacités techniques
appropriées pour accomplir le travail analytique nécessaire pour
le processus d'évaluation entre pairs et se conformer aux principes du
MOAEPCA. Le Secrétariat sera chargé de : mettre en place une base
de données sur la situation sécuritaire, politique et
économique dans tous les Etats parties ; élaborer les documents
de base pour les équipes d'évaluation entre pairs ; proposer les
indicateurs de performance et suivre la performance de chaque pays.
13. Périodicité et types
d'évaluation entre pairs
Lors de l'adhésion formelle au processus
d'évaluation entre pairs, chaque Etat doit élaborer clairement un
programme d'action assorti d'un calendrier précis pour la mise en oeuvre
de la Convention sur les ALPC y compris les évaluations
périodiques.
14. Les types d'évaluation
Il y aura quatre types d'évaluation :
La première évaluation effectuée dans un
pays est l'évaluation de base qui se fait dans les dix-huit mois suivant
d'adhésion d'un pays au processus du MOAEPCA ;
Il y a ensuite des évaluations périodiques qui
se font tous les deux ou quatre ans. En outre, un pays membre peut, pour des
raisons personnelles, demander une évaluation n'entrant pas dans le
cadre des évaluations périodiques normalement prévues. Des
signes précoces d'une crise sociale, politico-militaire et
économique persistante dans un Etat membre sont aussi un motif suffisant
pour entreprendre une évaluation. Les Chefs d'Etat et de gouvernement
des Etats parties pourraient demander une telle évaluation dans le souci
d'aider le gouvernement concerné.
15. Le processus du MAEP
Le processus est axé sur l'évaluation
périodique des politiques et pratiques des Etats parties pour s'assurer
des progrès enregistrés dans la réalisation des objectifs
convenus dans la Convention sur les ALPC.
16. Phases du processus d'évaluation entre
pairs
Phase 1 : Une étude sur le
contrôle des ALPC doit être effectuée sur la base des
documents actualisés préparés par le MOAEPCA et des autres
documents fournis par les institutions nationales, sous-régionales et
internationales et, y compris les documents d'au moins trois OSC en
activité dans le pays en question et deux ONG hors du territoire.
Phase 2 : L'équipe d'évaluation
se rend dans le pays concerné où elle mène ses
activités par ordre de priorité en commençant par des
consultations approfondies avec le gouvernement, les hauts responsables, les
partis politiques, les parlementaires et les représentants des
organisations de la société civile (y compris les médias,
les intellectuels, les syndicats, les entreprises, les associations
professionnelles).
Phase 3 : Elaboration du rapport de
l'équipe. Ce rapport est élaboré sur la base des
éléments d'information préparés par le MOAEPCA et
des informations recueillies sur place auprès de sources officielles et
non officielles au cours des consultations approfondies et de l'interaction
avec toutes les parties prenantes. Le rapport est élaboré en
tenant compte des engagements pris dans le domaine de la gouvernance
sécuritaire et au terme du programme d'action.
17. La coopération avec le pays concerné
avant la finalisation du rapport
Le projet de rapport de l'équipe est tout d'abord
discuté avec le gouvernement concerné. Ces discussions
permettront de vérifier la fiabilité des informations et de
donner au gouvernement l'occasion de réagir aux enquêtes de
l'équipe et d'exprimer ses propres vues sur la manière dont les
lacunes identifiées devraient être comblées. Les
commentaires et observations du gouvernement seront annexés au rapport
de l'équipe.
18. La clarification des problèmes
identifiés
Le rapport de l'équipe devra clarifier un certain
nombre d'aspects concernant les problèmes identifiés. Le
gouvernement a-t-il fait preuve d'une réelle volonté politique
de prendre les décisions et les mesures qui s'imposent pour
résoudre ces problèmes ? Quelles ressources faut-il mobiliser
pour prendre des mesures correctives ? Quel est le pourcentage des ressources
à fournir par le gouvernement et quel est le pourcentage à
fournir par des sources extérieures ? Au regard des ressources requises,
combien de temps durera le processus de rectification ?
19. L'adoption finale du rapport
L'examen et l'adoption du rapport final se fait par les Chefs
d'Etat et de gouvernement des Etats parties.
20. L'assistance au pays
évalué
Si le gouvernement du pays concerné fait montre d'une
volonté tangible de combler les lacunes identifiées, il incombera
alors aux Etats parties de fournir l'assistance requise, dans la limite de
leurs moyens, et d'inviter les gouvernements et les institutions donateurs
à fournir également une assistance au pays concerné.
Cependant, si le gouvernement concerné ne fait pas preuve d'une
volonté politique notable, les Etats parties devraient tout d'abord
s'efforcer d'engager un dialogue constructif, en offrant une assistance
technique et toute autre assistance appropriée. Si le dialogue n'aboutit
pas à un résultat satisfaisant, les Chefs d'Etat et de
gouvernement des Etats parties peuvent alors informer le gouvernement
concerné de leur intention collective de prendre des mesures
appropriées, à l'expiration d'un délai
déterminé. Ce délai doit permettre au gouvernement
d'identifier les lacunes dans le cadre d'un dialogue constructif. Tout compte
fait, de telles mesures ne doivent être utilisées qu'en dernier
recours.
21. La publication du rapport
Après son examen par les Chefs d'Etat et de
gouvernement des Etats parties, le rapport devrait être
présenté officiellement et publiquement aux structures
sous-régionales, telle la Commission CEDEAO et aux OSC afin de leur
permettre de suivre les actions du gouvernement en question.
22. Durée de l'évaluation entre
pairs
Le processus d'évaluation dans un pays ne devrait pas
durer plus de 6 mois, à compter de la date du début de la phase 1
jusqu'à la date à laquelle le rapport est soumis aux Chefs d'Etat
et de gouvernement, pour examen.
23. La redynamisation du MOAEPCA
Pour redynamiser le MOAEPCA, la Conférence des Etats
parties procédera à sa révision une fois tous les cinq
ans.
Cette esquisse, en grande partie reprise du Mécanisme
Africain d'Evaluation par les Pairs (MAEP) au niveau africain pourrait
permettre d'avoir un regard sur les actions internes des Etats. Le seul
problème reste son acceptation par les Etats si d'aventure une telle
idée est proposée. Par ailleurs, il est clair qu'un tel
mécanisme a ses avantages et mais également a des limites.
D'abord, le MAOEPCA sera un cadre d'auto-évaluation, d'auto-critique,
d'échange, de partage de compétences, de capacités
organisationnelle et dynamique entre tous les acteurs, surtout grâce au
quota en faveur du genre (au moins deux femmes), de la diversité des
membres (au moins trois membres venant des OSC). C'est ensuite un cadre
d'information pour les Etats, les instances sous régionales et
organisations nationales. De part la diffusion de l'information, les citoyens
vont peut-être s'intéresser à la problématique des
ALPC. Enfin, vue son caractère inclusif et participatif, chaque acteur
pourra se regarder dans le miroir des ses actions et faire une auto-critique
permanente afin de figurer parmi les meilleurs élèves. Les
limites sont entre autres la pénurie de ressources humaines,
financières et infrastructurelles, la stagnation des populations locales
dans la misère, l'insécurité physique et intellectuelle
souvent en cours dans les Etats peu démocratiques, les incessantes
implications des armées africaines dans les sphères politiques,
la molle séparation des pouvoirs dans bon de pays où la justice
demeure sous la coupole du pouvoir politique, le pouvoir législatif
s'apparentant parfois à une assemblée de personnes sans
ressources intellectuelles (assez d'analphabètes) et souvent
traversée par les maux de corruption et de clientélisme. En tout
état de cause, la volonté politique reste la voie cruciale pour
un contrôle efficace, effectif et efficient des transferts des ALPC. Les
acteurs de la société civile devraient également conjuguer
leurs énergies entre elles et les joindre aux actions des institutions
publiques pour endiguer ce fléau.
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