Source : Dramane Bouko 2006 : La circulation
des armes légères et de petit calibre en Afrique de l'ouest:
contribution à une étude au programme de désarmement.
Sommes toutes, ces circonstances qui contournent les normes et
les institutions sont des obstacles sérieux au contrôle des
transferts des ALPC en Afrique de l'Ouest en particulier et dans le monde en
général. Il paraît impossible de contrôler les
transferts des ALPC. Cependant, cette conception ne devrait pas
prévaloir, car comme le rappelle un colonel des services secrets
français : « Si on veut, en dix huit mois, on peut
balayer toutes les filières » (Léger 2007,32).
Mais, ne disposant pas des moyens de cet homme, il convient de proposer
d'autres voies qui puissent contenir les flux et les reflux des ALPC. C'est ce
à quoi les prochaines réflexions vont s'atteler.
SECTION II : LES STRATEGIES POUR UN MEILLEUR
CONTRÔLE DES ALPC
Diverses stratégies pour le contrôle des ALPC
ont été proposées : le traçage, le marquage,
la non-réexportation, le courtage, le baromètre de transparence.
En dehors de ces cas, les développements précédents
permettent d'énoncer d'autres suggestions telles que le renforcement des
capacités, la formation des acteurs impliqués dans la lutte
contre la prolifération des ALPC, le renforcement et l'application des
sanctions, la nécessité d'harmoniser les législations, pas
seulement au niveau ouest africain mais sur un plan international. Cette liste
n'est pas exhaustive.
Mais, ce qui paraît quelque peu surprenant, c'est qu'il
n'existe pas de canaux d'information au profit de l'opinion publique, il y a
aussi une certaine carence du volet éducation en matière de
micro-désarmement. Ici, une autre proposition sans doute nouvelle est de
créer un mécanisme d'évaluation entre les pairs au niveau
ouest-africain, peut-être au niveau mondial. Ceux deux suggestions
tiennent à diverses raisons. Pour le volet information et
éducation, il est très important que l'information permettra
à l'opinion publique d'avoir une idée claire du domaine du
commerce des ALPC qui en général reste peu connu.
L'éducation permettra aux populations de s'imprégner des
conséquences des ALPC aussi bien dans leur propre environnement que dans
le monde en général. Ce qui pourrait déclencher une
certaine prise de conscience et susciter un intérêt de la part de
la majorité de la population.
Quant à l'adoption du mécanisme, c'est
l'idée qu'un tel système puisse accompagner la Convention dans sa
mise en oeuvre. Son existence permettrait peut-être de limiter les
faiblesses de la Convention comme dans le cas du Moratoire. Ainsi, il sera
successivement analysé le contrôle des ALPC par l'information et
l'éducation (§I) et la création d'un
mécanisme ouest-africain d'évaluation entre les pairs en
matière de contrôle des ALPC (§II).
§I : LE CONTRÔLE DES ALPC PAR L'INFORMATION
ET L'EDUCACTION
« Le projet de désarmer
semble utopique, le but impossible à atteindre ! Cependant
même si cela est vrai, l'important, je crois, est la circulation de
l'information dans ce domaine. Informer est une nécessité pour
tenir au courant et faire prendre conscience à un large
public » (Lepetit 1985, 23). Cette affirmation est une des
stratégies incontournables pour contenir le commerce des ALPC sur tous
les plans. L'information est une des clefs de la lutte contre la
prolifération des ALPC sans aucun conteste. Aujourd'hui,
la maîtrise des flux de l'information, entrants et
sortants, immatériels et éphémères, est un pilier
de toute politique à explorer et à mettre au profit des acteurs
sur le terrain. Méconnaître cet aspect fondamental du management
public équivaut à vouer toute politique publique et toute action
à l'échec. Le rôle des Nouvelles Technologies de
l'Information et de la Communication devrait être
considéré. Il n'est pas forcement besoin d'attendre des
véhicules tout terrain pour passer l'information. Les chaînes de
télévision nationale et les chaines privées sont
nombreuses dans les pays. Il suffit de faire passer une publicité avant
ou après le journal télévisé, entre les
séries télé, les matchs de football et de toute autre
circonstance sportive. Cette publicité devra montrer les impacts de la
prolifération des ALPC sur leur vie. Des débats
télévisés sont aussi à promouvoir sur les questions
des ALPC. D'autres canaux d'information comme les chaînes de radios sont
multiples, et existant presque partout dans les grandes villes des Etats. Il
suffit de faire passer des publicités dans les langues locales. Les
cybers café sont aussi des moyens de communication par exemple en
mettant sur les pages de garde les informations qui puissent interpeler
l'internaute. On pourrait aussi impliquer les artistes musiciens dans leurs
oeuvres musicales et les artisans dans la création d'objet d'art qui
montrent les méfaits des armes. Tout ceci devrait être soutenu par
les acteurs du développement, les Etats, les Organisation de la
Société Civile. Il n'est pas exclu de mettre en place des
numéros verts et gratuits pour que les populations informent les forces
de l'ordre et de sécurité des violences liées aux armes.
Pour la vulgarisation de l'information, un contrôle stricte sur les
photos les publicités à diffuser est nécessaire afin
d'éviter les instrumentalisations. Le citoyen le plus reculé dans
sa campagne devrait être impliqué. Ces informations et ces
interpellations vont faire naître une certaine confiance car le domaine
des armes est peu connu et la plupart des populations ne veulent pas s'y
mêler de peur des représailles et de l'insécurité.
Par la confiance et l'union, de véritables fronts publics anti-armement
apparaîtront. Les pouvoirs publics seraient dans ces conditions de jouer
le jeu de la transparence pour éviter de se faire épingler par
leurs citoyens.
En outre, l'éducation reste toute aussi importante que
l'information. Selon les Nations Unies, « Au XXe siècle,
la science et la technologie ont transformé le monde. Elles ont
entraîné une amélioration de la qualité de la vie,
mais ont rendu les guerres plus meurtrières. Des armes de destruction
massive - biologiques, chimiques et nucléaires - et leurs vecteurs ont
vu le jour, cependant que des armements conventionnels toujours plus
sophistiqués étaient produits et que leur utilisation se
généralisait. Les conflits armés demeurent sources
d'horreur et de destruction. C'est pourquoi l'éducation et la formation
en matière de désarmement et de non-prolifération n'ont
jamais été aussi nécessaires. En vérité, les
concepts de sécurité et de menace ont évolué, tout
comme la perception qu'en a le grand public, aussi est-il urgent d'entamer une
réflexion nouvelle, axée sur les objectifs du désarmement
et de la non prolifération » (Nations Unies A/57/124
2002). Les Nations Unies ont aussi adopté d'autres résolutions
pour promouvoir l'éducation de la culture de la paix. Il en va ainsi
des résolutions A/RES/53/243 (1999) et A/RES/57/6 (2002) de
l'Assemblée générale des Nations Unies sur une culture de
la paix.
Ainsi, l'éducation est l'un des piliers fondamentaux
pour lutter contre la prolifération des ALPC. Autant, les populations
sont aujourd'hui impliquées dans la lutte contre le changement
climatique à travers des cours dispensés dans les écoles,
les grandes écoles et les universités, autant des programmes de
désarmement devraient être intégrés dans les
disciplines à enseigner. La CEDEAO a pensé à cette
technique, mais jusqu'à ce jour aucun programme complet en
matière de désarmement n'a été incorporé
dans les enseignements des établissements ouest-africains.
L'étude onusienne reprise par Marín-Bosch est riche
d'enseignement et devrait être mis en oeuvre sans tarder. L'étude
évoque pour commencer l'adaptation de l'éducation et de la
formation en matière de désarmement et de
non-prolifération aux réalités contemporaines. Ensuite,
elle évalue les acquis d'expérience dans ce domaine et explique
l'importance de l'éducation et de la formation à tous les niveaux
- les familles, les écoles, les universités, les médias,
les communautés, les ONG, les gouvernements, les parlements et les
organisations internationales. La même étude indique ensuite des
moyens d'utiliser les nouvelles méthodes pédagogiques, en
particulier la révolution dans le domaine des technologies de
l'information et de la communication, puis décrit l'utilisation de
l'éducation et de la formation en matière de désarmement
et de non-prolifération à l'appui de la consolidation de la paix
en situation d'après conflit. Elle souligne enfin l'importance de la
coordination entre l'ONU et les organisations internationales dotées de
compétences particulières en matière de
désarmement, de non-prolifération ou d'éducation
(Marín-Bosch 2004, 53). Un cours de tronc commun et obligatoire sur les
questions de la prolifération des ALPC et de toutes leurs implications
dans les communautés à travers la sous région et dans les
autres parties du monde serait fortement intéressant pour les
étudiants. Le plus souvent, la carence en la matière reste la
règle. Les débats sont tournés autour de
considérations subjectives sans fondements théoriques et
pratiques. Les étudiants surtout en relations internationales et
stratégiques, études du développement, en science
politique, en diplomatie, en matière de défense devraient
être familiers avec de telles questions au plan africain et au plan
ouest-africain. En définitive, la promotion de ces outils est
indispensable pour un meilleur contrôle des armes. Les questions de
prolifération des ALPC sont assez importantes pour être seulement
traitées par les politiques. L'opinion publique devrait s'y
intéresser et apporter sa contribution. Mais cela sera possible si
l'information et l'éducation sont au menu des actions effectuées
actuellement.
En tout état de cause, il est évident que les
Etats doivent renforcer leur rôle sécurité au profit des
citoyens. Il est peu probable que dans une situation d'Etat fragile et en
faillite, on demande aux populations d'abandonner leurs armes car dans cette
catégorie d'Etat, le pouvoir central n'est à mesure de garantir
la sécurité des populations sur l'ensemble de son territoire. Et,
ce qui se passe dans certains pays ouest-africain en proie aux crises sociales,
militaires ou en situation post conflit dans laquelle la sécurité
peine à reprendre son envol. C'est exemple la Guinée Bissau, le
Libéria et la Côte d'Ivoire (Châtaigner et Magro 2007 ;
Muggah 2009). Une des limites de l'éducation et de l'information reste
la question des Etats fragiles et en faillite dans l'espace CEDEAO. Il faut
pour se faire mettre les citoyens en confiance. L'Etat devant par ailleurs
jouer son rôle de garantie de la sécurité de ses
populations faute de quoi, les armes seront toujours au menu des citoyens.
Aussi, en dehors de l'information et de l'éducation, il serait
souhaitable que la CEDEAO adopte en accompagnement de la Convention un
Mécanisme d'Evaluation entre les pairs en matière de
contrôle des ALPC.
|