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Le contrôle des armes légères et de petit calibre en afrique de l'ouest

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par Salamane YAMEOGO
Institut de Hautes Etudes Internationales et du Dévelppement (IHEID) - Master en Etudes du Développement 2009
  

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§II : LES LIMITES EXTRA NORMATIVES ET INSTITUTIONNELLES

« La signature, l'adhésion ou la ratification d'un traité par un Etat n'empêche pas ce même Etat d'agir dans la logique inverse du traité qu'il a signé » (Valvarede 2004, 35). Cette citation traduit parfaitement toute les imprévus qui entourent la problématique des ALPC. Le marché des ALPC est entouré d'énormes risques et incertitudes. Selon le Small Arms Servey, il peut « être représenté sous la forme de deux cercles se chevauchant. Les transferts autorisés sont les transferts autorisés par au moins un gouvernement. Les transferts irresponsables, également appelés transferts sur le marché gris, sont des transferts autorisés par un gouvernement, mais qui sont d'une légalité douteuse, du moins du point de vue du droit international (risque important d'utilisation abusive) ou irresponsables à tout autre égard (risque important de détournement vers des destinataires non autorisés). Les transferts illégaux sont synonymes de transferts sur le marché noir. Les deux expressions font référence aux transferts qui ne sont autorisés par aucun gouvernement. Les transferts illicites englobent les transferts irresponsables et les transferts illégaux (marché gris/noir). Les transferts secrets sont les transferts dans lesquels les gouvernements dissimulent leur participation - souvent, mais pas toujours, parce qu'ils sont illicites » (Small Arms Servey 2007, 74).

Rapport 2007: Small Arms Servey 2007, 74

Cette figure est le reflet fidèle du champ des transferts des ALPC. Une géographie des flux des armements donne une vue claire des enjeux hors normes du commerce des armes, des ruses entre les Etats, des secrets, de l'opacité, des duperies et de la matérialisation du principe « gagnant-gagnant » qui gravitent autour du champ commercial hautement protégé et piégé par les complexes militaro-industriels et économico-politiques. Divers obstacles battent en brèche les systèmes normatifs et intentionnels qui sont sensés assurer le contrôle de transferts des ALPC : les complexes militaro-industriels et économico-industriels ; les circuits rampants des marchés légaux aux marchés illicites et gris, les transferts irresponsables, les fabrications locales des armes.

L'exemple de l'entreprise Carlyle met à nu à la fois le lien entre l'industrie et le militaire, mais également le poids, voire même l'instrumentalisation, du politique au profit des logiques commerciales et financières. Carlyle est un des premiers investisseurs privés au monde avec la gestion de dix huit (18) milliards US. Elle est particulièrement implantée dans le secteur de l'armement (ainsi que dans les domaines de la haute technologie, du spatial, les nanotechnologies, la sécurité informatisée, les télécommunications). Cette puissance financière créée en 1987 est par exemple le principal actionnaire de l'United Defense Industries, un des premiers fournisseurs du Pentagone notamment pour les missiles, mais finance également de nombreuses autres entreprises ayant pour clients les gouvernements et administrations. D'ailleurs la société Carlyle le dit elle-même dans une de ces brochures : « Nous investissons dans des opportunités créées dans les industries fortement affectées par des changements de politique gouvernementale » (d'après l'article « L'empire Carlyle » (Le Monde 2004). En d'autres termes, les profits sont étroitement dépendants de la politique. Mais, le cas Carlyle présente une singularité qui montre que la collusion peut aller encore plus en avant. Ainsi, l'ancien président Georges Bush a occupé de 1993 à 2003 un poste de conseiller au sein de la firme ; tandis que son fils, G.W.Bush, avant dernier président des Etats-Unis, avait vu Carlyle lui trouver un poste d'administrateur dans une société en 1990. Un rapprochement entre des hommes de pouvoir politique et l'industrie militaire dans laquelle ils ont des intérêts particuliers qui fait dire à certains observateurs non partisans que Georges Bush père a gagné de l'argent provenant d'entreprises privées travaillant pour le gouvernement que dirige son fils (ce dernier pourrait bien tirer plus tard les bénéfices des investissements de son père et de la politique qu'il a mené). D'autres personnalités majeures de la politique internationales travaillent ou ont travaillé au sein de Carlyle. Parmi eux, Frank Carlucci, ancien directeur de la CIA, conseiller à la sécurité nationale et secrétaire à la défense de Donald Reagan (et ami proche de Donald Rumsfeld), l'ancien premier ministre britannique John Major, l'ancien premier ministre de Corée du Sud Park Tae Joon, l'ancien président philippin Fidel Ramos, le prince saoudien al-Walid, l'actuel secrétaire d'Etat des Etats-Unis Colin Powell, un de ses prédécesseurs, James Baker III, Caspar Weinbarger, ancien secrétaire à la défense, la fille de l'ancienne secrétaire d'Etat Madeleine Albright, des membres de la famille de Ben Laden. (Valvarede 2004, 19-20). Si cet exemple repris à Benjamin Valvared ne permet pas d'affirmer que la sève du favoritisme a circuler entre les leaders militaires, politiques et économiques, il n'est pas déraisonnable de penser les accointances n'ont pas manqué entre eux quoique la présomption d'innocence reste à promouvoir. Les pareils accointances sont de mises dans l'arène de la « France-Afrique » selon les termes de François Xavier Verschave. L'exemple de l'Agolagathe montre aussi les difficiles détachements entre les champs militaires, industriels, politiques et économiques lié au commerce des armes auquel les ALPC n'échappent pas.

Les circuits rampants des ALPC peuvent être considérés comme ceux qui partent des circuits légaux vers les marchés illicites ou gris comme le présente la figure suivante :

Production légale

Privé (Entreprises, particuliers)

Gouvernement

(Forces armées, forces de l'ordre, gardes royales)

Privé

(Entreprises, particuliers)

Gouvernement

(Forces armées, forces de l'ordre, gardes royales)

Paramilitaire

(Milice, groupes d'autodéfense)

Acteur non gouvernementale

(Rebelle)

Crime

(Organisé, non organisé)

Privé

(Entreprises, particuliers)

Gouvernement

(Forces armées, forces de l'ordre, gardes royales)

Crime

(Organisé, non organisé)

Acteur non gouvernementale

(Rebelle)

Paramilitaire

(Milice, groupes d'autodéfense)

Chaîne des possibilités relatives au transfert d'armes : Small Arms Servey 2002, 110

Le circuit légal est la principale source des transferts des ALPC. On estime que 80 à 90% du commerce mondial des ALPC s'effectue légalement. Les principaux acquéreurs sont les Etats et des particuliers en vue des besoins de défense, de sécurité ou de loisir (Small Arms Servey 2002, 109). Un certain nombre d'Etats s'efforcent d'être transparents au fil des années. Par exemple en 2008, les Etats les plus transparents dans les exportations étaient : les Etats-Unis, l'Italie, la Suisse, la France, la République Slovaque et le Royaume-Uni. Par contre, les moins transparents sont l'Iran et la Corée du Nord, qui réalisent tous deux un score de zéro (Small Arm Servey 2008, 114). En 2009 en revanche, c'est la Suisse, suivie par la Grande Bretagne, l'Allemagne, la Norvège, les Pays-Bas, la Serbie, les USA, le Danemark, la Roumanie, la Slovaquie, et la Suède qui sont les onze (11) qui sont les plus transparents sur un total de quarante cinq pays répertoriés (Small Arms Servey 2009, 49-50). On voit que certains grands producteurs comme la France, la Chine, la Russie, l'Iran, le Brésil, le Japon, l'Afrique du Sud sont loin d'être transparents. Un signe encourageant, c'est quelques pays d'Europe sont de plus en plus transparent. Il s'agit entre autres de la Serbie, de la Roumanie, de la Slovaquie (Small Arms Servey 2009, 49), jadis considérés non seulement comme le terroir des grands stocks d'ALPC après la guerre froide, mais aussi les exportateurs d'ALPC vers les acteurs non étatiques en Afrique de l'Ouest (Leger 2007). D'autres pays comme la Bulgarie et l'Ukraine exportant des ALPC vers l'Afrique de l'Ouest (Berman 2001 ; Leger 2007) sont moins transparents (Small Arms Servey 2009, 50).

En tout état de cause, les armes légalement exportées ou importées tombent aux mains de réseaux beaucoup peu désirables. Les armes sont soit détournés librement par les bénéficiaires officiels vers des milices, des groupes rebelles comme le montre la figure ci-dessus. L'affaire Gérard. Desnoe racontée par Laurent Léger dans son ouvrage « Trafics d'armes : Enquête sur les marchands de mort » est une illustration parfaite. En effet, en 1999, Gérard. D. se rend en Roumanie mandaté par C. B., homme d'Etat ouest-africain pour acheter des armes : 100000 cartouches, dix lanceurs de missiles et quelques dizaines d'autres engins de guerre. G. D. dispose d'un certificat de non-réexportation signé du chef d'état-major particulier de C.B. Ces armes vont être livrées par une société basée dans un paradis fiscal Chypre ou Panama dit G. D. qui défend avoir accomplit sa tâche pour le compte d'un Etat. Les armes d'une valeur de trente cinq (35) tonnes ont été livrées au pays en question en mars 1999. Mais, ces armes on été affrétées au Libéria alors sous embargo onusien. Epinglé par les Nations Unies, G.D. se dit victime car en aucun moment, « Jamais je n'ai moi-même acquis les matériels pour les revendre via une quelconque société off-shore » (Leger 2007, 265). Cet auteur mentionne aussi que selon plusieurs rapports onusiens, le Burkina Faso est un pivot dans les livraisons des armes au Libéria et en Sierra Leone. D'autres exemples comme l'affaire Minin, l'affaire Victor Bout témoignent des contournements des règles dans les transferts d'armes. En réalité, ces pays comme le Burkina Faso, la Côte d'Ivoire, la Guinée et autres ne sont que les boucs émissaires de nations beaucoup plus puissantes. Quand l'affaire G. D. a mis sur la table du Conseil de Sécurité de l'ONU et son nom a été mis sur liste noire, un bras de fer est né entre certains Etats. G. D. par ce que Laurent Léger appelle « une curieuse mission de la DGSE ». En octobre 2004, François D., le conseil de G. D. raconte «  Après un rendez-vous avec la délégation française de l'ONU, à New York, je me suis arrêté pour déjeuner rapidement, puis ai pris le chemin de mon hôtel, le Radisson, situé sur Lexington Avenue, à quelques centaines de mètres de là. Soudain, deux types en costumes foncé m'arrêtent et me demandent en anglais si je suis le conseil de G. D. On vous conseille de laisser tomber ce dossier, me disent-ils. Tout ça s'est passé en quelques secondes, sans violence physique. Je n'ai jamais su ce qu'il y avait derrière, mais, personne n'avait été informée de mon rendez-vous ce jour là avec la représente de la délégation française » (Leger 2007, 273). En 2005, G. D. reçoit la visite de deux agents se présentant comme de la DGSE qui lui disent : «  Pas la peine d'approcher les Américains ou les Anglais, seule la France peut vous aider » (Leger 2007, Ibid.). En mars 2005, la Grande Bretagne demande au Conseil de Sécurité de rayer le nom de G.D. de la liste noire. La France en fait autant, mais deux Etats refusent la radiation. En début 2006, puis en juin 2006, G. D. saisit le Conseil de Sécurité, un Etat s'oppose à ce que son nom soit ôté de la liste noire. Contre toute attente, le procureur du Tribunal pour la Sierra Leone, en charge du dossier de Charles Taylor, destitué et arrêté entre temps assure à G.D. « qu'aucune charge relevant de la compétence du Tribunal, crime contre l'humanité ou crime commis sur le territoire de la Sierra Leone depuis 1996, ne lui serait reprochée » (Leger 2007, 274). Avec toute la distance scientifique que l'on peut prendre et avec les règles de présomption d'innocence qu'on peut évoquer, cette affaire montre comment les transferts des armes peuvent tripatouiller ou mépriser la règle juridique, sensé appliquer la sanction pour assouvir les intérêts des nations. L'Afrique de l'Ouest en particulier le Burkina Faso n'est pas le seul Etat à indexer.

Les USA soutiennent ouvertement les livraisons des armes aux groupes rebelles et, ce de façon clandestines au titre du « National Security Act de 1947 ». La section 505 de cette loi impose que la CIA et les autres agences engagées dans de telles activités fassent notification aux Comités du Congrès, chargés de superviser les activités de renseignement, de toute livraison d'armes excédant un million de dollars. Sous ce chapeau des armes ont été livrées en ex-Zaïre, en Angola au Nicaragua (Bagayoko 2003, 592). En avril 2009, selon des informations parvenues à Amnesty International, le Wehr Elbe, un cargo allemand affrété et contrôlé d'un point de vue légal par le commandement du transport maritime militaire des États-Unis est arrivé au port israélien d'Ashdod, à 40 km au nord de Gaza par la route, et a déchargé sa cargaison composée semble-t-il de plus de 300 containeurs. Le Wehr Elbe a quitté les États-Unis à destination d'Israël le 20 décembre 2008, une semaine avant que ne débutent les attaques israéliennes contre Gaza, avec une cargaison de 989 containeurs de munitions, de 6 mètres de long chacun, pour un poids total estimé à 14 000 tonnes. « D'un point de vue légal et moral, le gouvernement de Barack Obama aurait dû mettre fin aux livraisons d'armes américaines, à la lumière des nombreux éléments attestant que les forces israéliennes se sont récemment servies d'équipements militaires et de munitions de ce type pour commettre des crimes de guerre, a affirmé Brian Wood. Fournir des armes dans ces circonstances est contraire aux dispositions du droit américain. » Interrogé au sujet du Wehr Elbe, un porte-parole du Pentagone a confirmé à Amnesty International que « le déchargement de toute la cargaison de munitions américaines s'est achevé avec succès à Ashdod [Israël] le 22 mars ». (Amnesty Internationale 2009). L'approvisionnement gouvernemental à des acteurs non étatiques ont été légion surtout pendant la guerre froide (Small Arms Servey 2002, 129). En réalité, les interconnexions dans les transferts des ALPC sont fortes. C'est ce que Jean de Tonquedec et Jérôme Marchand souligne dans leur ouvrage « Marchand d'armes ». Ce qui reste évident, c'est que le début des circuits est généralement légal. Les détournements, les vols, les opérations d'assistance sont les canaux de transit entre le marché légal et les marchés gris et illicite des armes. Concernant le cas des vols, l'exemple malien convient ici : « Les arsenaux des forces rebelles se composaient pour l'essentiel d'armes subtilisées et prélevées dans les réserves de l'armée malienne. Cette affirmation est étayée par le fait que les armes des groupes étaient principalement d'origine russe et chinoise (...) en provenance des soutiens soviétiques en faveur des autorités maliennes au cours des années 70 et 80 selon Charles Heyman, cité par Nicolas Florquin et Eric G. Berman. En conséquence, des armes telles que le fusil d'assaut belge FN CAL, et son successeur, le FN FNC, que les rebelles avaient achetés en faibles quantités en Mauritanie, ne furent guère utilisées, car elles fonctionnaient avec des munitions de type OTAN (calibre de 5.56 x 45 mm). De telles munitions étaient inhabituelles au Mali - et dès lors, difficiles à trouver. L'armée malienne aurait également fourni des armes aux unités d'autodéfense créées en réponse à la rébellion touareg, embryon du futur MPGK selon Kalifa Keita 1998, 20, cité par Nicolas Florquin et Eric G. Berman. A l'instar de leur pendant touareg, elles comptaient en leurs rangs des soldats déserteurs de l'armée malienne selon Lecocq Baz, 2004, toujours cité par Nicolas Florquin et Eric G. Berman, qui avaient emporté leurs armes (Poulton et Ag Youssouf, 1998, 71; Keita, 1998, 20 et Baqué 1995). De plus, certains soldats ont également vendu leurs armes à des combattants du MPGK au cours de la rébellion » (Florquin et Berman 2006, 50-57). En conséquence, les sources des ALPC sont plusieurs comme le traduit la figure ci-dessous.

Gouvernements frappés d'embargo

Groupes paramilitaires non autorisés

Gouvernement (forces armées, forces de l'ordre, gardes royales)

Acteurs non gouvernementaux

Groupes paramilitaires autorisés

Eléments criminels (Organisés,

non organisés)

Utilisateurs privés autorisés

(Entreprises, particuliers)

Utilisateurs privés non autorisés (Entreprises, particuliers

Transferts possibles du marché légal aux marchés illicites : Small Arms Servey 2002, 129

En outre, il y a les transferts proprement illicites, non autorisés et irresponsables soit à l'endroit d'un Etat généralement sous embargo comme le cas du Libéria et de la Sierra Leone, soit à l'endroit des acteurs non étatiques dont les groupes rebelles. C'est le commerce de fourmi (Small Arms Servey 2002, 135). C'est ce dernier point qui est à démontrer ici. L'exemple de Victor Bout que Laurent Léger surnomme le « Bill Gates » des trafics est assez troublant et plausible. C'est lui qui a entre autres transporté les troupes françaises de Turquoise, vendu des armes aux groupes rebelles de Charles Taylor, en Somalie (Léger 2007, 69-88). Au Nigéria, une des sources des armes qui alimente l'insécurité et la violence armée est illicite. Ainsi, « « un leader de groupe affirme que des armes sont fournies par les navires amarrés au large des côtes de l'Etat de Rivers et peuvent être achetées par quiconque peut se les offrir. Warri, la capitale de l'Etat du Delta, est également connue comme une importante plaque tournante du trafic d'armes. Les contrebandiers de Guinée-Bissau, du Gabon et du Cameroun utiliseraient des hors-bords pour rejoindre les bateaux amarrés au large et acheter des armes qu'ils revendent ensuite à leurs communautés respectives à Warri, où elles sont souvent passées en contrebande ailleurs » selon Obasi Nnamdi K. en 2002, repris par Florquin et Eric G. Berman 2006 (Florquin et Berman 2006, 25). Ces éléments montrent les voies difficilement repérables propres aux flux des armes. Autant les circuits légaux sont nombreux, les circuits illicites ne sont des moindres.

Ces flux illicites sont nourris par la production artisanale des ALPC soit pour des raisons purement économiques soit pour des raisons culturelles.

Un fabricant traditionnel au Mali : Source : Journal, L'Opinion du 6 septembre 2007 www.lefaso.net

Economiquement, ces armes servent de levier économique jalousement gardé par les producteurs des pays pauvres. Au Burkina Faso, ils sont nombreux à tirer leur pitance quotidienne de l'activité commerciale des armes. C'est le cas du vieux Karamoko TRAORE. La soixantaine bien sonnée, « papa » comme l'appellent affectueusement ses proches tire ses revenus de la fabrication, la vente et des réparations des armes « Les armes chez moi, c'est une histoire de famille. Mon père a appris avec son père, j'ai appris avec lui, aujourd'hui mon fils aîné est prêt pour me remplacer. C'est un héritage qui se transmet de père en fils » (L'Opinion 2007). Cependant à cause de la règlementation qui devient de plus en plus stricte sur les conditions d'obtention de permis d'achat d'armes, Karamoko Traoré est amère dans ses propos : « L'Etat est bête quoi. S'il croit que ce montant va nous dissuader, il se trompe. Si c'est trop cher, on va se cacher pour fabriquer. Et je vous dis, même au temps des colons, il y avait deux gardes-cercles en poste devant notre concession familiale pour contrôler mon grand-père puisque la fabrication était interdite. Ça ne l'a pas empêché de faire son travail. A chaque fois que le colon entendait le marteau taper sur l'enclume, il débarquait et constatait que c'était une pédale de vélo qu'on réparait, mais ce qu'il ne savait pas c'est que c'était une arme. J'ai même perdu un oncle dans les geôles du colon mais ça n'a pas arrêté notre travail, bien au contraire » (L'Opinion 2007). Au Ghana par exemple, la fabrication locale des ALPC a pris une envergure inquiétante. Selon Emmanuel Kwesi Aning dans son étude « Les dessous de la fabrication artisanale des armes au Ghana », «  Le Ghana, par sa tradition armurière séculaire et bien ancrée dans la société, est un pays particulièrement préoccupant. Les armes fabriquées au Ghana sont aujourd'hui réputées dans la région pour leurs prix concurrentiels, leur efficacité et leur accessibilité - ce qui fait craindre qu'elles pourraient un jour représenter une source d'armement significative pour les groupes armés. En effet, certains forgerons locaux possèdent aujourd'hui les compétences requises pour reproduire des fusils d'assaut AK-47 importés » (Aming 2006, 79).

Ces armes sont de plus en plus nombreuses et impliquent plusieurs acteurs dans le processus de fabrication comme les forgerons, les serruriers, les menuisiers, les façonneurs, les mécaniciens et les intermédiaires. Le vrai problème est la fabrication locale est souvent faite sous les yeux des forces de l'ordre et de sécurité. Un silence quasi-total règne et les fabricants assouvissent leur besogne sans être grandement inquiétés même si les ALPC sont devenues un problème politique important depuis la prise du pouvoir par le New Patriotic Party (NPP) en 2001. Mais, avec le changement survenu en 2009, rien n'indique que ce problème sera mis au banc de touche par John Atta Mills qui déjà en septembre 1999 avait exigé la création des registres des ALPC. En réalité, les réseaux gravitant autour de cette industrie florissante sont nombreux et les raisons avancées pour motiver cette technique du « laissez-faire » sont aussi pluriels. Les implications familiales (par exemple, les guildes dans la région de la Volta), rituelles (par exemple, les fêtes aboakyir et akwanbo, dans la région du Centre), guerrières (par exemple, les Ashanti et Dagomba dans la région du Nord) et historiques (par exemple, dans les régions d'Ashanti, du Centre et de la Volta) de la production d'armes artisanales décrites précédemment montrent de quelle manière cette activité prohibée a joué un rôle significatif dans la culture ghanéenne depuis l'ère pré-coloniale. Par conséquent, l'industrie armurière est liée à une philosophie culturelle (Aming 2006, 98). Toutefois, une étude plus approfondie serait nécessaire pour comprendre les raisons réelles des soutiens tacites des communautés et de certains pouvoirs publics. En tout état de cause, la production artisanale reste forte. Par exemple, selon Aming « De fin 2000 à mi-2001, les premières estimations évaluent la capacité de production entre 35.000 et 40.000 unités. Ce résultat repose sur les informations disponibles pour seulement cinq des dix régions et a été calculé en fonction de la capacité de production estimée des 500 armuriers actifs dans les 70 villes que l'on sait impliquées dans la production d'armes (...). Les nouvelles informations recueillies au cours de la présente étude tendent à suggérer que la capacité de production pourrait même présenter une envergure nettement plus importante. Il est établi aujourd'hui que plus de 2.500 armuriers sont capables de produire des armes dans les seules régions d'Ashanti et de Brong Ahafo. Ce chiffre ne tient pas compte de leurs apprentis, qui sont également capables de fabriquer des armes sous supervision. Les interviews sur le terrain semblent indiquer que chaque armurier est capable de produire environ 80 armes par an. Sur la base de cette information, on estime à 200.000 le nombre d'armes illicites que le Ghana pourrait potentiellement produire chaque année. En raison des disparités de la production et de la demande, la production réelle reste toutefois inconnue. Au cours des 10 à 15 dernières années, le profit est devenu une source de motivation, même si les armuriers qui l'admettent sont rares. Les interviews tendent à suggérer que l'activité criminelle, les exportations et la protection personnelle incitent à une rentabilité accrue » (Aming 2006, 83). Aujourd'hui, il est estimé à 75.000 le nombre d'ALPC en circulation au Ghana selon Kelli.

En définitive, la production locale semble rivaliser avec les armes perfectionnées comme le montre le digramme ci-après  qui répertorie les deux dimensions en Afrique de l'Ouest :

ALP= Armes Légères Perfectionnées

AFL= Armes de Fabrication Locale

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"Nous devons apprendre à vivre ensemble comme des frères sinon nous allons mourir tous ensemble comme des idiots"   Martin Luther King