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La gestion de l'eau et son impact sur le droit international

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par Moussa Elimane Sall
Université Gaston Berger - DEA 2007
  

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PARAGRAPHE SECOND : LES CONFLITS DE DISTRIBUTIONS

Dans cette catégorie, nous distinguons deux variétés de conflits de distributions : l'une dite de distribution relative, et l'autre dite de distribution absolue.

A--Le Conflit de Distribution Relative

On parle de conflit de distribution relative, lorsque à l'échelle du bassin, on est soumis à un manque relatif de la ressource en eau. Il survient lorsque par exemple un des états du bassin détourne trop d'eau vers ses terres et pour son seul usage, généralement il s'agit d'un état en amont. Il est clair qu'avec une gestion équitable et donc commune de la ressource, ce problème ne se poserait en ces termes. Mais l'abus de l'état en position de force crée un manque pour les autres états du bassin, ce qui pousse les états ainsi lésés, à réagir et la dynamique conflictuelle est toute indiquée pour essayer de rétablir à leur avantage le rapport de force à l'échelle bassinale.A titre d'exemple on peut relever les bassins du Tigre et de l'Euphrate, mais aussi le bassin du Nil. En effet ces cours d'eaux sont caractérisés, par l'importance de leurs cours en amont du bassin, mais cours qui drastiquement réduit à son arrivée dans les pays d'aval, puisque les états d'amont auront fait une utilisation intensive des eaux en question sans prise en compte aucune des intérêts des pays d'aval, qui pourront difficilement satisfaire leurs besoins en eaux de plus en plus importants. Cette situation se manifeste surtout dans des situations où les états d'amont, mettent sur pied d'ambitieux ouvrages hydroélectriques, notamment des barrages. Nous verrons des cas pratiques pour étayer nos postulats théoriques.

B--Les Conflits De Distribution Absolue 

Il s'agit là sans doute de la plus complexe des quatre prototypes de conflit.hydrique.En effet il s'agit de celui dont la résolution est la plus problématique. Ici il est au départ clair pour tous les protagonistes que la ressource disponible, n'est pas à mesure de satisfaire de manière efficace les besoins légitimes et raisonnables des divers états du bassin.Ces conflits sont des plus sévères et prennent des proportions insoupçonnées, car de la maîtrise de la manne céleste dépend la survie des états, ce qui emmène ces derniers à adopter des comportements très extrêmes en ce qui concerne la disposition ou le contrôle de la ressource. Ces conflits deviennent d'autant plus compliqués, que les économies au niveau du bassin se trouvent à des stades de développement fort différenciés.

Le cas qui renvoie le plus à cette définition est sans nul doute, celui du bassin du Jourdain.

En effet les rapports au sein de ce bassin, sont des plus problématiques. Déjà que les rapports entre Israël et ses voisins sont des plus conflictuels, l'eau du Jourdain et son partage vient constituer une autre pomme de discorde entre les éternels frères ennemis. Nous verrons dans les détails la dimension de l'eau, dans l'histoire des relations Israélo arabes.

SECTION DEUXIEME : ETUDES DE CAS POUR CHAQUE TYPE DE CONFLIT 

PARAGRAPHE PREMIER : CAS PRATIQUES DE CONFLITS D'USAGE ET DE CONFLITS DE POLLUTION

A. Le SENEGAL, un Long Fleuve Pas Tranquille

Bayart en parlant de la vallée du Fleuve Sénégal et des conflits qui y surgissent entre les etats riverains du Sénégal et de la Mauritanie, a utilisé une expression qui rend compte à plus d'un égard, des réalités profondes qui sous tendent les diverses frictions qui surgissent entre ces deux états fréres.En effet il a parlé en y faisant référence de Conflit Tectonique.Tectonique ce conflit l'est à plus d'un titre, car ses causes fondamentales remontent parfois à des réalités coloniales, mais aussi il trouve des fondements dans la récente évolution de la vallée du fleuve, fleuve que Céline Vanvermotten qualifie de « Flots de la Discorde »dans son livre paru, récemment aux éditions Harmattan.Avant d'en venir aux conflits à proprement parlé, il nous parait judicieux de poser le décor géographique du fleuve et ses caractéristiques hydrologiques afin de saisir la pertinence de la valeur de l'eau dans ce conflit qui oppose si souvent les etats du bassin ,en l'occurrence le Sénégal et la Mauritanie.

Le Fleuve Sénégal est formé par la réunion de deux cours d'eau, notamment le Bafing et le Bakoye (en langue Manding, Bafing veut dire fleuve noir et Bakoye, fleuve blanc), dont la confluence près de Bafoulabé au Mali se trouve à environ mille quatre vingt trois (1.083) Km de l'Océan Atlantique. Après avoir traversé la partie occidentale du Mali, il constitue, sur le reste de son parcours, la frontière entre les territoires du Sénégal et de la Mauritanie.

Long de 760 Km, le Bafing prend sa source à une altitude de 800 mètres dans le Fouta-Djalon en Guinée et se dirige vers le nord en traversant les plateaux de la région soudanienne avant d'atteindre Bafoulabé. Il amène plus de la moitié du débit total du fleuve Sénégal avec 430 m3/s de débit moyen annuel. Son parcours se caractérise par la présence de chutes et de rapides.

Long de 560 Km, le Bakoye prend source à proximité de la limite méridionale du plateau mandingue en Guinée, à une altitude de 706 mètres. A sa confluence avec le Bafing, le Bakoye a un débit moyen annuel de 170 m3/s. Cette rivière passe également un assez grand nombre de petites chutes et de rapides.

En aval de Bafoulabé, en rive droite, les principaux affluents du fleuve Sénégal sont la Kolombiné, le Karakoro et le Gorgol.

Sur la rive gauche, la Falémé est l'affluent le plus important. Longue de 650 Km, elle prend sa source dans la partie nord du Fouta-Djalon, à une altitude de 800 mètres. Elle se jette dans le fleuve Sénégal à 30 Km en amont de Bakel. Son débit annuel, à son débouché dans le fleuve Sénégal, est de l'ordre de 200 m3/s.Tout autour de ce plus ou moins long fleuve s'étend le bassin du fleuve Sénégal, qui couvre une superficie totale de 289.000 Km2. Il comprend trois régions principales : le Haut Bassin, la Vallée et le Delta. Ces régions se différencient fortement par leurs conditions topographiques et climatologiques.

Le Haut Bassin, qui va du Fouta-Djallon jusqu'à Bakel, fournit la quasi -totalité des apports en eau car il est relativement humide, les précipitations annuelles étant de 700 à 2.000 mm. Les pluies tombent entre avril et octobre dans la partie montagneuse de l'extrême sud du Bassin et provoquent la crue annuelle du fleuve qui a lieu entre juillet et octobre.

La Vallée, qui s'étend de Bakel à Dagana, est une plaine alluviale encadrée par des régions semi -désertiques. Elle constitue une zone d'inondation dont la largeur varie entre 10 et 20 Km, mais peut atteindre 25 Km Ce pays agricole est fertilisé chaque année par la crue du fleuve qui, sous une pente très faible, présente de nombreux méandres, forme tout un système de défluents et remplit en sortant de son lit mineur, large de 200 à 400 m, de nombreuses cuvettes argileuses appelées Walos. Les fonds du lit principal sont coupés par une quarantaine de seuils rocheux ou sableux gênant la navigation en eaux basses.

Le Delta, partie terminale du fleuve, en aval de Dagana, est apparemment un Delta avec de multiple bras, mais il n'y a qu'une seule embouchure. Cette vaste zone est complètement plate et est envahie par les eaux salées de l'océan pendant la saison sèche. Dans cette partie, le fleuve Sénégal est large de 400 à 500 m et est relativement profond. L'influence de la marée s'y fait sentir de façon assez sensible.Les limites du bassin versant du fleuve Sénégal sont assez mal définies au nord du 15e parallèle. En effet, l'aridité du climat et l'uniformité du relief font disparaître progressivement le système hydrographique.

Quant au régime du fleuve il est fort complexe. Le régime d'écoulement du fleuve Sénégal dépend essentiellement des précipitations dans le Haut-Bassin. Il est caractérisé par :

- une saison de hautes eaux, de juillet à octobre,

- une saison de basses eaux à décroissance régulière, de novembre à mai/juin.

La saison des hautes eaux culmine en fin août ou début septembre et s'achève rapidement dans le courant d'octobre. A la fin de la saison sèche, en mai ou juin, il ne subsiste en général qu'un très faible débit d'étiage dans les grands cours d'eau ou dans les plus favorisés de leurs petits affluents.

A Bakel, qui est souvent considéré comme la limite entre le Haut Bassin et la Vallée, et comme la station de référence du fleuve Sénégal parce que située à l'aval du dernier affluent important qu'est la Falémé, le débit moyen annuel du fleuve est d'environ 676 m3/s, correspondant à un apport de l'ordre de 24 milliards de m3. Les débits moyens mensuels évoluent entre les valeurs extrêmes de 3.320 m3/s en septembre et de 9 m3/s en mai.

Une autre caractéristique importante du régime du fleuve Sénégal est son irrégularité inter- annuelle. Pour la période 1903-1904 à 1995-1996, l'écart entre le débit moyen annuel de l'année la plus humide et celui de l'année la plus sèche peut être dans la proportion de 6 à 1, avec:

- Pour l'année 1923/1924, un débit moyen annuel de 1.265 m3/s et un volume annuel de 39.5 milliards de m3.

- Pour l'année 1987/1988, un débit moyen annuel de 216 m3/s et un volume annuel de 6,8 milliards de m3.

Les modules annuels des principaux cours d'eau s'établissent comme suit :

*Bafing : 18 m3/s à Manantali ;

*Bakoye : 149 m3/s à Oualia ;

*Falémé : 134 m3/s à Gourbassi ;

*Sénégal : 676 m3/s à Bakel.

Cette irrégularité inter-annuelle des crues a, pendant longtemps, constitué un des principaux handicaps dans la Vallée, en ce sens qu'elle réduisait les possibilités d'une production agricole garantie dans cette zone étroite, encadrée par deux déserts. En outre, la superficie des zones cultivables après la crue pouvait varier entre 15.000 ha et 150.000 ha suivant l'importance, la durée et la date de la crue.

Les hautes eaux exceptionnelles provoquaient des dégâts importants comme en 1890, 1906 et 1950. Les années de crues extrêmement faibles sont aussi catastrophiques puisqu'elles ne permettent pas d'obtenir une production agricole suffisante dans la vallée. Tout récemment, la sécheresse des années 1972-73 a été particulièrement désastreuse pour les populations et l'économie des États de l'O.M.V.S.

Pendant la période d'étiage, comprise entre novembre et mai juin et au cours de laquelle aucune précipitation importante n'est enregistrée, les débits du fleuve et de ses affluents diminuent progressivement. La faiblesse du débit d'étiage en période sèche se traduisait par une intrusion profonde des eaux salées de l'océan par le lit du fleuve. Au cours des années 1970, la langue salée a dépassé Dagana, et s'est avancée à plus de 200 Km en amont de Saint-Louis, atteignant presque le marigot de Fanaye.

Le fleuve Sénégal, en Afrique de l'Ouest, arrose quatre pays (Guinée, Mali, Mauritanie, Sénégal) et draine un bassin versant de 340 000 km2, il subsiste dans une région où la ressource est plus ou moins rare ce qui fait de ce fleuve, la principale source de ravitaillement en eau, pour les états de son bassin. Depuis l'accès des colonies du Sénégal et de la Mauritanie, à la souveraineté Internationale, les rapports entre ces deux etats sont emmaillés, de discordances et d'incidents sur fond d'hydro politique.

En effet que ce soit aussi bien pour le Sénégal, le Mali, la Mauritanie et la guinée, ce fleuve est source de vie et par delà cet aspect , elle est pourvoyeuse de pouvoir stratégique d'où le constant effort de ces divers états à s'identifier à ce beau fleuve, et notamment le Sénégal et la Mauritanie, qui ont toujours eus des rapports belliqueux quant à la question du partage des eaux du fleuve Sénégal.En effet chacun des deux nations avait des visées réelles sur les eaux de ce fleuve, mais à la faveur de la colonisation, ce fleuve s'est retrouvé dans un seul et unique ensemble qu'on appelait :l'AOF, incluant les colonies de la Mauritanie et du Sénégal. La mésentente entre les deux pays atteint son paroxysme en 1989, lorsque des incidents de frontiéres conduisent les deux états à rompre toute relation diplomatique, suite aux incidents meurtriers d'avril 1989 ;mais aussi cette mésentente ressurgit également en Juin 2000, lorsque le gouvernement vote la loi sur la revitalisation de ses vallées fossiles, ce qui amena le Président Mauritanien , à inviter les ressortissants sénégalais à quitter dans un délai de quinze jours son territoire et demanda à ses nationaux au sénegal , de rentrer au bercail ;menaçant de rompre tout rapport diplomatique avec le sénegal ; Ces deux événements mettent à nues les divergences qui ont toujours existés, entre ces deux pays et que vinrent exacerbés certains facteurs nouveaux.

Les événements d'avril 1989 furent relatés comme un conflit à forte teneur raciste, ce qui à notre avis est assez loin de la réalité, même si à tort ou à raison, on accuse la République Islamique de Mauritanie d'avoir profiter de ce conflit, pour régler sa question nationale. En effet les tenants de cette thèse, justifient leur position par la difficile cohabitation entre négro mauritaniens et Maures-berberes dans l'aire géographique de la Mauritanie, mais aussi et surtout par le fait que lors des événements de 1989, l'état mauritanien a déporté hors de leurs pays environs 80000 négro mauritaniens, qu'on appelle pudiquement, les réfugiés, ou de manière cru les refoulés. Si la thèse d'un conflit à forte connotation raciste est brandie par certains observateurs en vertu de ces deux justifications, il nous parait tout de même spécieux de vouloir ramener cette opposition à une question strictement raciale.

En effet l'analyse de la longue histoire de ces deux pays montre, que ce conflit a toujours existé même si c'est de manière latente, et qu'il était prévisible qu'un jour ou l'autre on en vienne à la situation de 1989.

Le conflit de 1989 résulte de la corrélation de plusieurs raisons, qui ont été tout aussi déterminantes les unes que les autres .Si les faits tragiques mais relativement banals du 9 avril 1989 opposant éleveurs et agriculteurs de la vallée du fleuve sénegal, ont pris une ampleur , c'est parce qu'en réalité tous les ingrédients du dérapage étaient réunis et couvaient depuis longtemps.Des entités s'étaient créées dés 1988 ( notamment le comité du 18juin) pour prévenir le gouvernement Sénégalais, de la situation de plus en plus conflictuelle qui sévissait au sein de la vallée. Les facteurs ayant joué le rôle de détonateurs dans ce conflit sont d'ordres : historique, politique, conjoncturel et surtout géographique, mais également économique.

o Les crises internes des deux pays : Si l'animosité, dont on fait preuve aussi bien les sénégalais que les mauritaniens, est l'élément saillant de cette crise, ses causes sont à chercher plus loin, car en effet les deux pays traversaient des crises internes très délicates et ceci n'est en fait qu'un exutoire pour toues ces populations meurtries par les difficultés et l'incapacité de leur gouvernants à répondre à leurs attentes.

Ainsi le sénegal était miné par une crise économique profonde, s'expliquant par la stagnation voir le recul de sa production agricole, un recul de ses exportations, une baisse de sa production dans le domaine de la pêche, la chute du cours de l'arachide et du phosphate, un taux de chômage très élevé du fait des faillites des sociétés et des banques nationales, qui se trouvent juxtaposés à une croissance exponentielle de sa dette extérieure, et rendaient ainsi insoutenable l'atmosphère économique du pays Sur le plan sociale sévissait une crise sans commune mesure( compression et suppression d'emplois, grèves cycliques), crise accentuée par les politiques austères d'ajustement structurel imposée par les institutions de Brettons Woods, qui limitait les recrutements et les investissements dans la fonction publique et provoquait dés lors un dramatique accroissement du taux de chomage.Le Sénégal était aussi éclaboussé de plein fouet, par une crise politique , au lendemain des élections très contestées de février 1988, outre cela la crise universitaire qui a conduit à l'année blanche de 1988, voilà autant de problèmes auxquels été confrontés l'état sénégalais et pour qui il fallait coûte que coûte trouver un bouc émissaire pour détourner les revendications d'un peuple qui a faim et qui à soif.

Quant à la Mauritanie sa situation n'était guère plus reluisante.En effet au lendemain de l'Indépendance la Mauritanie s'est attelé à la construction d'une économie forte et compétitive.Au début des années 1960 soutenu par une forte production de fer et de ressources halieutiques, le pays `est dotés d'une économie plus ou moins jusqu'à ce que la crise pétrolière, combinées au manque structurel de cadres dans ce pays pour impulser la diversification d'une économie jusqu'ici rentière,mais également la grande sécheresse de 1968-1973,ont fragilisés l'économie de la mauritanie.Ajouté à cela la création de la monnaie Ouguiya, qui marquait ainsi sa volonté de se départir du néo-colonialisme.

Au même moment le pays ployait sous une dette extérieure faramineuse, ce qui rendait les efforts fournis dans le secteur minier et halieutique, sinon nul du moins quasi insensible sur la balance de paiement qui était largement déficitaire.

Sur le plan politique la Mauritanie se caractérise par une instabilité chronique avec une kyrielle de coups d'état militaire entre 1978 et 1986, Cette instabilité ferma la porte de beaucoup de bailleurs qui exigeait un minimum de démocratie, avant tout rééchelonnement des dettes mauritaniennes.

La crise interne mauritanienne se manifeste également par, le problème de la question nationale sur laquelle bute toute tentative d'édification d'un véritable état et partant de politique économique efficiente.En effet la question der la situation des negro-mauritanioens a toujours posés problème dans ce pays Il n'y a pas cette intégration des populations négro mauritaniennes de la vallée, dans les instances de décisions du pays. C'est comme qui dirait un apartheid vis à vis de ces populations, qui pourtant recèlent de cadres, à même de prendre en main les destinées du pays.Le président Ould Daddah décida d'abord de réduire la présence des négro mauritaniens, dans l'administration et la fonction publique, ce qui donna lieu à la publication du « manifeste des dix neufs » qui tirait la sonnette d'alarme sur la tendance à la berberisation de l'administration et des appareils d'etats au profit des Beydanes.Ce manifeste n'eut aucun écho, auprès des autorités qui poursuivirent leur politique, et posent un acte majeur dans l'évolution de la Mauritanie, à savoir l'arabisation presque complète de l'enseignement, ce qui fut perçu par les n »égro-mauritaniens comme une tentative d'isolation de la part de l'état. Avec les putschs successifs cette tendance à la beydannisation, se poursuivit et même s'accrue en instaurant de manière quasi légale l'inégalité des chances entre Maures blancs et négro mauritaniens ; frustrés ces derniers mettent sur pied des cadres de réflexion et d'action, afin de pallier à la tentative de marginalisation dont elles sont victimes de la part des maures blancs qui se sont accaparés de l'appareil d'état, pour la satisfaction de leurs seuls intérêts. Ce qui donna naissance d'abord à l'UDM (Union Démocratique Mauritanienne) puis à l'ODINAM (Organisation de Défense des Intérêts des Négro-africains en Mauritanie) et enfin le MPAM, le plus extrémiste, simpliste, développant des thèses racistes et introduit au sein de l'armée.Ces trois partis fusionnèrent en 1983 pour créer ce qu'on appelle le FLAM (Front de Libération Africain de la Mauritanie).Maouya à son accession s'attela à une extermination de ce mouvement d'activistes , et les poussa à l'exil , ce qui ne fit qu'exacerbés encore plus les négro-africains, qui se révoltèrent et tentèrent à plusieurs reprises de déstabiliser le gouvernement de Maouya.Ce dernier engagea une vraie chasse aux sorcières en procédant à une série d'arrestation de négro mauritaniens envoyés au bagne d'Inal dans le mouquaata de Oualata au hodh el Gharbi,ou alors sommairement exécutés par les soldats de Taya.Cet état de fait prévalait encore à la veille des événements du 09 avril 1989.

o Les évènements sont également liés à un vieux et persistant différend frontalier entre les deux pays, résultant du flou frontalier hérité de la colonisation Depuis la fin du XVIIIe siècle, le développement du trafic de la gomme à destination de Saint Louis et la traite atlantique des esclaves, a provoqué l'émergence et le renforcement des émirats maures du Trarza et du Brakna, qui ont prospérés le long du fleuve et occupés une grande partie de ses berges sur la rive droite du Sénégal et du Walo. A aucun moment ces entités ne se dotèrent de limites précises entre elles ; les lignes de partage pouvant variées, au gré des conquêtes qui ne connaissaient pas de répit dans cette région.Aucun traité, encore moins un accord ne donnait une délimitation précise l'actuelle Mauritanie et le Sénégal d'aujourd'hui.

L'administration mettra tout de même fin à ce vide juridique.En effet les nécessités d'une délimitation sont apparues, dés les premiers années du XXe siècle.Coppolani, alors secrétaire général de l'AOF, avait la ferme volonté de conquérir les terres au nord du fleuve, afin d'en faire une nouvelle colonie.Ainsi une commission spéciale fut créée pour examiner les situations frontalières en Algérie et en AOF ; sur la base de ce rapport un décret donna une délimitation sommaire entre ces deux colonies, c'était en 1903.Du fait de l'imprécision mais aussi de la non-conformité du décret en question avec la réalité, il fut procéder en 1905 à la promulgation d'un autre décret, plus précisément le 25 mars 1905 :

DECRET

Le Président De La République Française

Sur la proposition du Ministre des Colonies ;

Vu le décret du 18octobre 1904, portant réorganisation du

Gouvernement général de l'Afrique occidentale française ;

Vu le décret du même jour, réorganisant le conseil de Gouverne-

nement de l'Afrique occidentale française ;

Vu le décret du 13février 1904 portant modification des traités entre le

Sénégal et la Sénégambie-Niger :

Décrète :

Article premier. --Les limites entre la colonie du Sénégal et le territoire ci-

vil de la Mauritanie sont déterminées, au sud de ce territoire, par la banlieue

de Saint Louis, telle qu'elle est fixée par l'article 2 du décret du 18février

1904, et par le fleuve Sénégal, à partir du marigot de Kassack jusqu'au

marigot Karakoro.

Art 2 -Le Ministre des Colonies est chargé de l'exécution du présent décret,

Qui sera inséré au Journal officiel de la République Française, au Bulletin

Des lois et au Bulletin officiel du Ministre des Colonies.

Fait à Paris, le 25 février 1905

Emile LOUBET

Par le Président de la République ;

Le Ministre des Colonies

CLEMENTEL

Ce décret ne résorbera pas les problèmes pour la France, du fait de sa non clarté manifeste, mais aussi et surtout du fait du caractère vague de sa délimitation, qui se réfère à des marigots dont on a du mal à situer l'emplacement. Pour pallier à cette imprécision le gouverneur général d'alors, Monsieur Fournier constate « qu'aux termes du décret de 1905, et à défaut d'une identification plus précise, les limites devaient suivre la ligne médiane du fleuve....... » Cette position laissait tout même non résolue, la question de savoir, quel était le bras du fleuve à choisir pour en déterminer la ligne médiane ; le même fournier pour régler la question de manière simple et définitive, propose cette fois de ramener la frontière sur la rive droite et d'attribuer toutes les îles à la colonie du Sénégal. Cette proposition est soumise au Ministre des Colonies, qui dans le décret du 08 décembre 1933, publié par le Journal officiel du Sénégal et repris par celui de la Mauritanie en 1967 :

Le Président De La République Française ; 

Sur le rapport du Ministre des Colonies ;

Vu l'article 18 du sénatus consulte du 03mai1854 ;

Vu le décret du 18octobre 1904, portant réorganisation du Gouver-

Le Président De La République Française ; 

Sur le rapport du Ministre des Colonies ;

Vu l'article 18 du sénatus consulte du 03mai1854 ;

Vu le décret du 18octobre 1904, portant réorganisation du Gouver

nement général de l'Afrique occidentale française ;

Vu le décret du 13février 1904, portant modification des limites

entre le Sénégal et la Sénégambie-Niger ;

Vu le décret du 25février 1905, portant délimitation du territoire

Civil de la Mauritanie et du Sénégal ;

Vu le décret du 04 décembre1920, portant transformation en colonie

du territoire civil de la Mauritanie, modifié par les décrets des

02décembre 1924 et 20mars 1925,

DECRETE :

Article premier. --Les limites entre la Colonie du Sénégal et la Colonie

de la Mauritanie sont et demeurent déterminés de la manière suivante :

Par une borne à construire sur la cote de l'Océan Atlantique, prés de

l'immeuble en ruine dit « Maison Gardette »à 1kilometre environ

au sud de la tuyauterie de pompage de l'usine de Salsal.De cette borne

jusqu'au confluent du marigot S-E, du village de Thiong et du marigot

de Tenedas, par la ligne la plus courte laissant l'île de Salsal au Sénégal.

De ce confluent, par une ligne rejoignant le marigot de Mambatio et suivant

la rive droite de ce marigot jusqu'au fleuve Sénégal (feuille Saint Louis à

100.000e).Par la rive droite du bras principal de ce fleuve jusqu'à un point

situé au Nord de l'embouchure de la rivière Falémé, l'Ile aux bois appar

tenant à la Colonie de la Mauritanie (feuille Saint Louis au 1.000.000e et Bakel

au 500.000e)

Art.2--Le Ministre des Colonies est chargé de l'exécution du présent décret.

Fait à Paris, le 8 décembre 1933.

ALBERT LEBRUN--

Par le Président de la République :

Le Ministre des Colonies,

Albert Dalimier

Le décret de 1933 même, s'il n'abroge pas explicitement le décret de 1905, le principe de la Lex Posteriori dérogat, principe de droit interne mais applicable au droit International, peut avoir ici toute sa pertinence. « En fait cette règle s'applique, à chaque fois que le dernier traité fait la loi des Etats parties au premier traité, le dernier traité n'est pas res olios inter acta et il y'a donc abrogation tacite ou expresse du premier traité »Cette règle est consacrée au paragraphe 3 de l'article 30 de la convention de Vienne. C'est dans ce contexte de flou juridique, que les deux pays accèdent à la souveraineté Internationale en 1960.Tout deux membres de L'OUA, et donc souscripteurs aux principes de la Charte fondatrice de l'organisation, et notamment au principe d'intangibilité des frontières héritées de la colonisation, les deux états se gardèrent bien de mettre à jour leurs discordances sur le tracé de la frontière qui les sépare.C'est au nom de ce principe, que le Président Senghor resta sourd aux revendications fédéralistes des originaires de la vallée du fleuve, et s'attacha à reconnaître le Jeune Etat Mauritanien, qui offrait d'autre part une garantie de sécurité pour la république du Sénégal face aux prétentions territoriales du Maroc.Cette entente de façade dura quelques années, et les nuages n'apparurent dans cette relation qu'à partir de 1975.En effet cette année surgit à propos de la souveraineté sur quelques îlots du fleuve Sénégal notamment celui de Todd prés de Rosso.Depuis lors , la question frontalière fut au centre des relations entre ces deux pays.En effet le différend subsistait quant à la référence légale sur laquelle il fallait s'appuyer pour déterminer la frontière entre ces deux pays, et partant pouvoir spécifier auquel des deux etats appartenaient les îlots objets du litige . A travers plusieurs correspondances secrètes, le Président Daddah, contesta la validité juridique du décret de 1933, fixant la limite entre ces deux anciennes colonies au niveau de la rive droite du bras principal du fleuve Sénégal. Pour la partie Mauritanienne l'instrument Juridique de référence, reste et demeure le décret de 1905 qui fixe la frontière sur la ligne médiane du fleuve Sénégal.

La partie Sénégalaise quant à elle tenait mordicus, à l'application du décret de1933 et pour preuve de la validité juridique de ses allégations, il fait référence à la reconnaissance implicite de la Mauritanie dudit décret.En effet la Mauritanie valide ce décret en le publiant dans son journal officiel de juin 1967, et mieux lorsqu'on procéder au bornage de la frontière dans un secteur situé au nord de la ville de saint louis, on s'est appuyé avec l'aval de la Mauritanie sur le dit décret.Ceci montre à l'évidence que la partie Mauritanienne reconnaissait, même si c'est de manière implicite la validité juridique du décret du 08 décembre 1933. La partie sénégalaise fera référence au principe d'intangibilité des frontières coloniales, consacré par l'OUA, invite la partie Mauritanienne à soumettre leur différend à la Cour Internationale de Justice, invitation à laquelle la mauritanien ne donnera pas suite, ce qui d'une certaine manière représente un aveu de la faiblesse de sa position.

Cette situation litigieuse à propos du tracé de la frontière se résorbera, quant le président Senghor déclare en juin 1975 dans un discours fort conciliant : « Les limites frontalières entre les deux états, fixées au temps de la colonisation, étaient floues.Mais il ajouta que le problème était dépassé dans le cadre de L'OMVS qui stipule, l'Internationalisation du Fleuve » Cette internationalisation semblait pouvoir résoudre la question de la frontière , mais c'est sans compter avec les réalités profondes de la vallée, où subsistent des frustrations et discordances entre les populations des deux rives du Fleuve.La prégnance été la persistance des dissensions, entre les populations nomades de la rive droite et celles paysannes sur la rive gauche, aboutit à cet escalade pourtant si anodin au début, mais qui atteint des proportions insoupçonnées, avec notamment ce qu'on appelle les événements d'avril mai 1989.Le 9 avril 1989 un incident à priori anodin, mais qui allait constituer le déclenchement d'un conflit qui fera des émules.En effet des agriculteurs soninké du Sénégal du village de Diawara, se trouvèrent confrontés à des éleveurs peuls de la Mauritanie du village de Sonko notamment, le point de discorde étant une divagations d'animaux mauritaniens sur les aires de cultures des sénégalais.L'incident se déroula sur l'îlot de Doundé Koré, en amont du fleuve prés de Bakel. Cet îlot fait partie du territoire sénégalais, mais est souvent envahis par des troupeaux venant de la Mauritanie. Déjà le 30 et 31 mars de la même année, des altercations du même genre surgirent entre les deux parties, mais des pourparlers entre responsables des deux collectivités avaient permis de calmer le jeu. Le 09 avril, les choses prennent une toute autre tournure ; les populations de Diawara, averties que leurs champs sur l'îlot étaient encore une fois envahis, se rendent sur les lieux pour récupérer le bétail et le mettre en fourrière conformément à l'arrangement convenu une semaine auparavant..Les habitants de Sonko venus à la rescousse de leurs enfants avec des gardes Mauritaniens armés, s'y opposent farouchement. Devant l'acharnement des populations sénégalaises, pour mettre le bétail en fourrière, les discussions s'embrasent et sur le coup un garde mauritanien tire et tue sur le coup un sénégalais et en blesse deux autres (dont l'un sera froidement descendu sur la rive droite), treize autres personnes sont capturés et emmenées et emprisonnées à Sélibaby pendant 72h, c'est-à-dire le 11 avril. Le lendemain 12 avril des boutiques de mauritaniens sont saccagées à bakel, en réaction aux supplices et aux morts de leurs compatriotes lors des incidents du 09 avril ; tout de même il faut noter que les autorités sénégalaises déploient leurs forces armées, pour assurer la protection des biens des mauritaniens à bakel. Des troubles similaires surgissent dans plusieurs localités du pays.Les Ministres de l'Intérieur des deux pays se rencontrent à Nouakchott d'abord et puis à Dakar le 19 avril.Un communiqué conjoint est fait, annonçant la mise sur pied d'une commission mixte pour la date du 22avril, et les deux gouvernements prennent l'engagement solennelle de protéger les ressortissants des uns et des autres. Cependant la déclaration du Ministre de L'intérieur Mauritanien est perçue par la population sénégalaise comme accordant plus d'intérêts au pillage des biens mauritaniens, qu'aux vies sénégalaises.Ce qui choquait évidemment les parents des victimes et par delà eux tout le peuple sénégalais.Aussi des émeutes éclatèrent sur toute l'étendue du territoire sénégalais, et notamment à Dakar.Malgré l'interposition des forces de l'ordre sénégalaises, et malgré l'arrestation des personnes soupçonnées d'avoir participé aux émeutes, des ressortissants sénégalais furent lynchés à Nouakchott et à Nouadhibou du 24 au 25 avril.Ce sont principalement les harratines( anciens esclaves affranchis) qui se sont attelés à cette violente réaction, faisant selon certains entre 200 et 400 morts. Dans ce climat délétère, le gouvernement sénégalais protesta vigoureusement contre les exactions et les violations massives et flagrantes des droits de l'homme commises en Mauritanie, contre les Sénégalais et les Négro mauritaniens, en rappelant que les pillages au Sénégal n'avaient faits aucune victime.Le 28 avril alors que la première vague des rapatriés foulait le sol sénégalais, les événements sanglants prirent naissance au Sénégal, ce vendredi fut qualifié par le livre blanc de La Mauritanie de « Vendredi de l'Horreur » ces événements coûtèrent la vie à une soixantaine de ressortissants mauritaniens, dont la majorité à Dakar.

La communauté internationale, et notamment le Maroc, l'Espagne, la France et l'Algérie, pour éviter d'alourdir les pertes civiles de part et d'autres dressèrent un pont aérien pour évacuer les ressortissants des deux pays. 70000 personnes furent rapatriés au Sénégal an moins de dix jours , ajouté à cela entre 40 et 50000 négro mauritaniens expulsés de leurs pays ; le Haut commissariat des réfugiés dénombre 120000 rapatriés mauritaniens venant du Sénégal. Plusieurs médiateurs intervinrent pour ramener les deux parties, qui ont rompues leurs relations diplomatiques depuis le 21 août, à de meilleurs sentiments.

Ainsi aussi bien Robert Mugabé alors Président du mouvement des non alignés, que Mr Javier Pérez de Cuellar secrétaire général des Nations Unis d'alors, mais également Hosni Moubarak président en exercice de l'OUA.Toutes ces interventions s'avéreront infructueuses ,d'autant plus que les deux parties campent sur leurs positions. Le Sénégal réclame le bornage de la frontière sur la base du décret de 1933, qui situe la totalité du fleuve dans le territoire du Sénégal, mais aussi la déportation des négro mauritaniens sur son territoire.La Mauritanie quant à elle s'en tient au dédommagement des rapatriés Mauritaniens, et le rétablissement de la libre circulation des biens et des personnes entre les deux rives du fleuves. Trois ans durant cette situation perdura, et c'est finalement en 1992, par l'entremise du mali principal médiateur, de la Gambie et de la Guinée, les deux parties se mirent à la table de la négociation et finalement il fallut attendre le 23 avril 1992, pour que les relations diplomatiques entre les deux états soient rétablies, bien que les dossiers les plus délicats, tels le retour des populations négro mauritaniennes, la question du tracé frontalier ou celle de l'indemnisation, soient toujours loin d'être réglés.

Des voix s'étaient élevés, pour attirer l'attention des pays sur les questions essentielles à résoudre : «  La question épineuse reste celle de la délimitation de la frontière, qui pourrait être un abcès de fixation dés l'apparition de la moindre difficulté.Un tel cas surgira forcément, car les transformations engendrées par la construction des barrages déstabilisent une société : les gains ne sont pas assurés et les avis divergent toujours sur les conséquences positives ou négatives de ces grandes constructions.Par ailleurs la volonté de faire du fleuve une frontière figée est elle compatible avec une tradition, qui en fait au contraire un espace de rencontre, de mélange et d'échange, renforcé par le statut de international du Fleuve ?La crise très grave qui a eu lieu n'était pas une bataille de l'eau, mais une bataille pour la terre que l'eau rend enfin plus facilement habitable » ; C'est ce que nous avons appelés les conflits d'usage dans notre typologie sommaire. Bertrand Degoy ne croyait pas si bien dire car ce qu'il craignait se matérialisa avec le conflit qui éclata à nouveau en Juin 2000 à propos cette fois non pas de la question des terres et donc des frontières mais bien un conflit spécifiquement hydrique.

En effet à peine une décennie après les événements macabres de 1989, d'autres turbulences surviennent dans les relations des deux pays.Ainsi en juin 2000, six mois après l'arrivée au pouvoir du légendaire opposant Sénégalais Abdoulaye Wade.En effet l'histoire retient que cette homme, (qui 26 ans durant aura lutter pour accéder à la magistrature suprême de son pays) est celui qui avait tenu à ce que son pays aille en guerre, contre le voisin Mauritanien quant à la question du tracé frontalier entre les deux pays, mais aussi à propos de la disposition des eaux du fleuve Sénégal. Aussi dés son accession à la magistrature suprême, certains observateurs mauritaniens pensèrent à la possibilité de la résurgence du conflit de 1989. Il n'en fut rien, du moins jusqu'en juin 2000, lorsque le parlement sénégalais adopte un projet de loi sur la construction sur le fleuve Sénégal, d'un projet financé par Taiwan.En effet ce projet qui fut conçu sous le magistère de Diouf, mais que Wade s'est mis un point d'honneur à réaliser durant son premier septennat en faisant un projet phare.En effet dans la logique de son concepteur( Diouf) de plus en plus de vallées, du fait de la non alimentation en eau, se sont asséchées.Les terres adjacentes arrosées par ces vieilles vallées, sont désormais condamnés à la stérilité. Ces valeurs étant de vieux lits, donc il suffirait d'y faire revenir de l'eau, pour que ces vallées recouvrent la vitalité qui était la leur et que les terres tout autour deviennent arables.Pour cette mise en eau de ces vallées, le gouvernement sénégalais, compter utiliser les eaux de ruissellement ou celles des crues des fleuves Sénégal, Sine, Saloum et Gambie, dont une grande partie se déversait en mer, et constituait ainsi une manne perdue. Les premiers tests furent entrepris en 1988, le projet pilote « L'eau à Linguére » fut un très convaincants.Par ce procédé le gouvernement était convaincu de la possibilité de la remise en culture des zones sahéliennes du Ferlo et du Baol, et par conséquent cela permettrait à terme de relancer la culture arachidiére.La réussite de ce test fut à l'origine de la mise sur pied de deux autres projets :celui « Du projet sectoriel Eau » et celui « du Canal du Cayor », qui devait servir à l'alimenter Dakar en eau douce. Face à l'onérosité de ces projets jugés irréalistes par les bailleurs de fonds, et dangereux pour l'Environnement par les écologistes, ces projets ne virent jamais le jour.

Quant au projet des vallées fossiles il fut arrêté à cause des inquiétudes de la Mauritanie, qui accusait ainsi le Sénégal de détournait des eaux qui leurs étaient communes.La relance du projet par Wade n'eut guère de meilleur sort. Puisque Nouakchott considérait que tout détournement des eaux du Fleuve, hypothéquait de fait son secteur agricole qui dépendait fondamentalement des eaux de ce fleuve. En effet depuis la réforme foncière en Mauritanie, les problèmes agricoles sont devenus centraux pour la Mauritanie.

Ainsi en 1983 avec la nouvelle loi domaniale et foncière, l'état mauritanien s'est doté de l'instrument juridique nécessaire pour le contrôle des terres de la vallée, jusqu'ici détenu par des particuliers négro mauritaniens en général. Il s'agissait pour cet état de mettre la main sur des terres qui au lendemain de l'érection du monumental barrage de Diama, avec ses capacités de rétention pour permettre le développement de l'agriculture irriguée dans la vallée. Il devenait impératif pour les deux états de mettre la main sur les terres de ce qui semblait devenir La Californie des deux états, tellement les perspectives post-barrage sont prometteurs.Ainsi l'état mauritanien devient le principal détenteur des terres, et par conséquent principal investisseur dans l'agriculture sur la rive droite, d'où tout le sens du refus par la Mauritanie, de laisser le Sénégal utilisait ces eaux communes à des projets exclusivement nationaux.Le gouvernement pour faire prévaloir sa position sur la question, s'appuie la charte fondatrice de l'OMVS.En effet ce dernier stipule que tout projet concernant les eaux du fleuve doit faire l'objet d'une discussion et d'une avalisation par tous les membres de L'OMVS, condition que ne semblait pas remplir le projet sénégalais de revitalisation des vallées fossiles.En sus du manque de concertation du Sénégal avec les autres membres, ce projet de l'avis des experts Mauritaniens allait de manière systématique asséché plusieurs milliers d'hectares sur la rive droite.Ce qui ne semblait être partagé par les techniciens sénégalais de la Mission d'Etude et d'Aménagement des Vallées Fossiles(MEAVF), qui expliquaient  depuis longtemps plusieurs milliards de m3 d'eau ont été perdues dans la mer. Même si depuis l'érection des barrages 60% de ces eaux est maîtrisée, il reste que les 40% sont toujours perdues.Selon le MEAVF entre 1986 et 1994, 6 à 18 milliards de m3 ont été perdue en mer. L'idée consistait à récupérer ces eaux perdues pour les réutiliser dans la revitalisation de ces vallées fossiles.

En plus de cela, le gouvernement sénégalais estime pouvoir utiliser ces eaux de plein droit car selon la charte ils ont droits à l'aménagement de 240000ha sur les 375000 irrigables sur la rive gauche ; or jusqu'ici le Sénégal n'a même pas aménagé le tiers de ces terres.On ne peut donc logiquement pas prétendre que le Sénégal, a épuisé son quota en eau au point de puiser l'eau de ses voisins.

Pourtant ces justifications ne semblèrent pas au goût de Nouakchott, qui à peine la loi sur la relance du projet sur la revitalisation des vallées fossiles votées, pris des mesures spectaculaires pour montrer son désaccord avec la manière sénégalaise d'agir.

D'abord le Haut Commissaire Mauritanien de l'OMVS, Baba ould Sidi Abdallah, qui était jeté en prison pour haute trahison, puis la communauté sénégalaise résidant en Mauritanie qui s'était vu signifier un délai pour quitter le territoire mauritanien, et enfin la concentration d'unités de l'armée à la frontière avec le Sénégal ; Dakar réagit par un communiqué qui informe les Mauritaniens qu'il leur est loisible de rester au Sénégal ; le premier ministre est envoyé  en Mauritanie histoire de calmer le jeu, afin que ce qui s'est passé en 1989 ne se réitère. Les populations paniquées n'attendent pas les fruits de ce chassé croisé, et plient bagages pour rejoindre chacun son pays d'origine.

Les états du Mali et de la France alertés par le Sénégal, jouent leurs partitions afin de calmer la Mauritanie qui commençait à se sentir politiquement isolée.Ainsi le Sénégal fait chuter la tension en annonçant purement et simplement, la mise en veilleuse du projet des vallées fossiles.

La sagesse Sénégalaise permet d'éviter un remake des événements de 1989.Mais cela montre encore une fois combien les relations entre ces deux pays, sont fragiles et forts problématiques surtout en ce qui concerne l'utilisation des eaux de ce fleuve, qui se veut un trait d'union entre ces deux peuples frères, et par delà eux les peuples de la guinée et du Mali. En effet il est temps que le Fleuve Sénégal joue, son rôle d'intégration entre les quatre peuples, comme le lui assigne la charte de création de L'OMVS, dont les récents développements sont forts intéressants et tendent de plus en plus à être pris comme référence dans les politiques de gestions intégrées des ressources en eaux.

B--La Pollution des Eaux du Danube, du Rhin et de la Mer d'Aral : Source de Litiges

de sécurité environnementale, si couramment usitée de nos jours. En effet la pollution des cours d'eaux est devenue monnaie courante dans nos sociétés industrielles et agricoles, alors que les ressources terrestres disponibles se réduisent de manière drastique. Ces pollutions sont l'une des causes fondamentales de la réduction des eaux douces de la planète, rendant une grande quantité de ces eaux impropres à la consommation humaine. La pollution des eaux internes pose des problèmes, mais des problèmes d'une ampleur moindre par rapport aux problèmes, qui peuvent émerger dans le cas d'une pollution d'eaux transfrontières.

En effet ces rapports mettent en conflit des entités souveraines et souvent très dépendante de ces eaux polluées, ce qui peut d'une manière ou d'une autre contribuer rendre conflictuels, les rapports entre ces états. A titre d'exemples nous pouvons zoomer sur les pollutions du Danube, du Rhin et de la mer d'aral. Nous verrons l'impact de la pollution, sur les rapports entre ces divers états.

Parmi les grands fleuves européens, le Danube se situe au deuxième rang, après la Volga, par sa longueur (2.850 Kms), son débit moyen de l'ordre de 6.500 m3/sec au niveau du delta, la surface de son bassin versant (800.000 km2).

Son profil longitudinal est irrégulier, il présente une série de bassins d'effondrement séparés par des défilés. La charge sédimentaire importante que le fleuve et ses affluents transportent à partir des massifs montagneux qui entourent le bassin danubien (Alpes, Carpates, Monts Dinariques..) s'étale dans ces grands bassins et contribue à la formation de larges plaines alluviales dépassant souvent dix kilomètres de largeur. Là, jusqu'au début du vingtième siècle, le fleuve s'y étalait largement, se ramifiait, méandrait, changeait fréquemment de cours en

interagissant avec sa plaine alluviale. Par exemple, à l'aval de Bratislava, là où s'est

implanté l'aménagement de Gabcikovo, se situait le plus grand delta intérieur européen

constitué par les plaines alluviales du Szigetköz hongrois et du Zitny Ostrov slovaque

s'étalant sur plus de 50 Kms de longueur et plus de 10 Kms de largeur. Il s'agit là de

zones humides patrimoniales d'intérêt international. On remarquera en passant que le

Danube présente la particularité de posséder les deux types de deltas (intérieur et

maritime) ayant les plus fortes valeurs patrimoniales au niveau européen.

Au niveau des défilés qui séparent ces grands bassins alluviaux, la largeur du fleuve est au contraire très réduite, parfois considérablement, comme dans la région de Cazane où elle n'est que de 165 m mais où la profondeur atteint par contre 70 m! C'est dans cette région, zone frontalière entre la Yougoslavie et la Roumanie, qu'a été implanté l'aménagement hydroélectrique dit des Portes de Fer, également destiné à améliorer les conditions de navigation. Ces zones de défilés avec des variations importantes de niveau d'eau et des chutes d'eau créent des obstacles à la navigation.

La position géographique et climatique du bassin danubien, continentale et bordée de massifs montagneux, induit une hydrologie contrastée, caractérisée par des étiages d'été très sévères, des crues de printemps et de début d'été très fortes, sans compter les périodes de gel hivernal et de débâcles printanières.

La particularité géographique la plus originale du Danube vient de sa situation au coeur de l'Europe, unissant l'Europe occidentale à l'Europe orientale jusqu'à la Mer Noire. Le Danube est donc un fleuve international, transfrontalier, dont la majeure partie de cours, s'écoulait pendant plus de 40 années, jusqu'au début des années 1990, dans des pays soumis à des régimes politiques centralisés, autocratiques, sous domination soviétique. Il est bien connu que les politiques menées dans ces pays n'avaient pas de sensibilités environ-

nementales marquées et qu'il en est résulté entre autres un niveau de pollution des eaux élevé.

Il s'agit à la fois de pollutions ponctuelles et de pollutions diffuses. Les premières sont dues à l'absence de systèmes d'assainissement et d'épuration efficaces tant pour les rejets des collec-

tivités et agglomérations que de l'industrie, situation qui était générale dans les ex-pays communistes, heureusement atténuée dans le cas du Danube par l'effet dilution des polluants grâce aux débits importants du fleuve. Il en résulte que souvent la qualité des eaux du Danube lui même, malgré une charge polluante plus forte, est meilleure que celle de ses affluents

aux débits évidemment plus modestes. Par contre, sur l'axe danubien lui-même, des "points noirs" existent à l'aval des grandes agglomérations dont les eaux usées ne sont pas ou que partiellement épurées, par exemple à l'aval de Budapest, de Sofia ou de Bucarest. Quant aux pollutions diffuses, elles émanent surtout d'une agriculture productiviste, elle aussi peu soucieuse des problèmes environnementaux. Même si les charges en éléments nutritifs sont conséquentes, les pollutions les plus inquiétantes sont celles dues aux micropolluants, aux métaux lourds, aux pesticides, aux résidus miniers, aux hydrocarbures et aux contaminants microbiologiques. Les mêmes problèmes se retrouvent pour les eaux souterraines des plaines alluviales danubiennes et quel que soit le pays considéré. Actuellement, après les changements politiques intervenus en Europe au cours de la dernière décennie, le bassin danubien est "partagé" par 17 pays: Allemagne, Suisse, Autriche, Italie, Slovénie, Croatie, Bosnie-Herzégovine, République Tchèque, Pologne, Slovaquie, Hongrie, République Fédérale de Yougoslavie, Albanie, Bulgarie, Roumanie, Ukraine, Moldavie. Ce nombre peut

paraître élevé puisque ce sont 12 Etats qui sont essentiellement concernés, les autres

n'apportant qu'une faible contribution hydrologique quantitative au bassin danubien.

Cependant, la récente pollution au cyanure de janvier 2000 (sur laquelle nous

reviendrons plus loin) est là pour nous rappeler qu'il suffit d'un "gros" problème sur un tout "petit" sous affluent, même très éloigné du fleuve lui-même (plus de 1000 kms) pour polluer encore fortement les 1500 kms restant de l'axe fluvial, jusqu'à la Mer Noire! Cette dure réalité est là pour nous rappeler que c'est bien l'ensemble du bassin versant d'un fleuve qu'il faut considérer et gérer, et non pas seulement son cours principal. Il n'est donc pas exagéré de dire que ce sont bien 17 Etats qui doivent (ou devraient.) "partager" ces ressources naturelles aquatiques que représente le bassin danubien, même si la contribution hydrologique essentielle ne provient que de 12 pays, ce qui est déjà considérable...

L'axe danubien lui-même et ses principaux affluents, Inn, Drave, Save, Morava, Tisza, Olt, Siret, Pruth, sont densément peuplés (de l'ordre de 80 millions d'habitants); le Danube traverse 10 villes de plus de 100.000 habitants. Leurs rives sont bordées de complexes industriels tant chimiques que métallurgiques, de raffineries, tandis que l'agriculture dispute l'espace et les richesses naturelles des grands bassins alluviaux successifs (zones humides en particulier) aux autres usages, et ceci jusqu'au delta lui-même, gigantesque réservoir de richesses patrimoniales dont la surface excède 5.500 km2. Sur un cours de 2600 kilomètres, un quart du Danube coule actuellement dans le territoire de l'Union européenne (Allemagne et Autriche), et dans la perspective d'élargissement, le Danube ne peut pas ne pas intéresser l'Europe. Le bassin hydrographique du Danube représentera à terme un tiers du territoire de l'Union européenne. Une raison pour s'intéresser dès à présent à son aménagement et à son environnement. . Plusieurs pays candidats sont en effet riverains de ce fleuve : la République tchèque, la Slovaquie, la Hongrie, la Slovénie, la Roumaine et la Bulgarie. Par la même occasion, la Mer Noire, dans laquelle il se jette, deviendra un jour une mer côtière de l'Union, puisqu'elle borde la Roumanie et la Bulgarie. Les problèmes environnementaux du Danube sont donc appelés à devenir une préoccupation majeure de l'Union européenne.

Majeure n'est pas un faible mot. Le bassin du Danube est en effet le plus international du Monde. Large de deux millions de km², il couvre un tiers du territoire de l'Europe continentale, englobe 17 états et réunit 80 millions de personnes de cultures très diversifiées et de niveaux de vie très différents. Les eaux du Danube et de ses affluents sont utilisées à des fins économiques très variées : fourniture d'eau potable, agriculture, industrie, pêche, tourisme, transport fluvial, électricité. De plus, le Danube et ses zones humides sont le berceau d'une riche biodiversité. Hélas, cette biodiversité est actuellement en danger.

Pour montrer ce danger nous verrons, deux cas de pollutions majeures des eaux du Danube :

D'abord en 2000, un litige explose, puisque on a retrouvé des traces de cyanure dans les eaux du danube. Ainsi le 30 janvier 2000, un autre type de catastrophe écologique s'est produit dans le bassin du Danube. Un barrage retenant des déchets toxiques de la mine d'or de Baia Mare Aurul, au nord-ouest de la Roumanie, a cédé et déversé 378 500 litres d'eaux usées, lourdement contaminées par du cyanure, dans le Lapus et le Somes, affluents de la Tisa, qui est elle-même un affluent du Danube. Cet accident a provoqué ce que l'Agence européenne pour l'environnement a appelé le «pire scénario pour les rivières de la région» et peut-être la pire catastrophe écologique depuis Tchernobyl.

Les informations provenant de cette région indiquent que l'écosystème et la faune du fleuve ont subi des dommages importants. Le ministère hongrois de l'Environnement a déclaré que dans la zone de Tiszafüred et Szolnok, 80 à 100% du stock de poissons a péri. D'autres animaux sauvages ont été touchés, notamment des cygnes tuberculés, des cormorans noirs, des renards et d'autres carnivores. Plus de 400 000 oiseaux migrateurs sont également menacés.

En février, le ministère hongrois de l'Environnement a indiqué que le lac de Tisa, dans le Parc national de Hortobágy, récemment inscrit au Patrimoine mondial, a été touché, de même que certaines zones protégées par la Convention de Ramsar.

Outre les atteintes à l'environnement, la pollution au cyanure de la rivière Tisa est une menace considérable pour la santé humaine, puisque dans le cours supérieur de la rivière, la concentration en cyanure était 100 fois supérieure à la limite admise pour l'eau potable. Dans les régions affectées, plus de 2,5 millions de personnes sont menacées par une contamination de l'eau potable.

Un accident tout à fait semblable s'est produit en Roumanie peu après, le 10 mars 2000, dans la zone minière proche de Baia Mare. L'accident en question a été provoqué par le déversement de boues provenant d'un bassin de décantation appartenant à une mine désaffectée de Baia Borse. Résultat: la rivière Visheu, un autre affluent de la Tisa, a été gravement polluée par des métaux lourds, et en particulier d'importantes concentrations de plomb et de zinc.

Pour l'heure, on ne peut guère prévoir l'impact que ces accidents auront à long terme sur l'environnement. Les écologistes mettent en garde contre une contamination durable des chaînes alimentaires du fait de l'utilisation des eaux souterraines et des eaux de surface pour l'irrigation ; par ailleurs, ils attirent l'attention sur les concentrations dangereuses en métaux qui persistent dans les biotopes.

Etant donné que 80% de la pollution de la mer Noire est due aux eaux du Danube, les deux catastrophes font peser une menace sérieuse sur les écosystèmes marins de la mer Noire, de la mer de Marmara, mais aussi de la Méditerranée.Ce qui éleva des voix, qui réclamèrent une indemnisation des etats responsables, selon le principe du Pollueur payeur.

Au lendemain de leur adhésion au sein de la désormais large famille Européenne, la Roumanie et la Bulgarie se trouvent confrontés à un problème de leurs berges danubiennes.Il fallait trouver une solution pour gérer le désastre écologique qui les frappait : en effet une nappe de pétrole de quelques centaines de tonnes, pollue le Danube, fleuve qui démarque leur frontière commune.

La nappe polluante a été signalée d'abord par les autorités bulgares le 2 octobre 2006. La Bulgarie a lancé un appel aux pays riverains du fleuve pour « identifier la source de cette nappe de pétrole de près de 140 kilomètres de long » qui avançait sur ses eaux. Sous la pression bulgare et roumaine, le Ministère serbe de l'agriculture a reconnu officiellement le 3 octobre « la fuite d'une quantité non déterminée de pétrole dans le Danube » depuis un entrepôt de la Compagnie pétrolière serbe (NIS) situé à Prahovo, dans le sud-est du pays, en précisant qu'il s'agirait d'une fuite « longue de 300 mètres et large de 50 mètres ».

Le Premier ministre roumain, M. Popescu- Tariceanu, a annoncé le 5 octobre la décision de son gouvernement d'accorder à Sofia « une aide en régime d'urgence pour l'intervention visant à stopper la nappe de pollution du Danube dans le secteur bulgare », consistant en matériel absorbant et barrages flottants, d'un montant de 50,000 euros. Cette aide fait suite aux appels bulgares lancés initialement envers la Commission internationale pour la protection du Danube. Le Ministre bulgare de l'Environnement, M. Dzhevdet Sakarov, avait déjà annoncé le 4 octobre devant les journalistes que son gouvernement, en action commune avec la Roumanie, allait demander des « dédommagements financiers à la Serbie responsable de la pollution pétrolière qui frappe le Danube sur ses rives », en soulignant que « [...] la demande est basée sur le principe pollueur payeur ».

Concernant l'implication de la Serbie dans ce désastre écologique, le chef de l'exécutif roumain avait déclaré avoir « [...] demandé à l'ambassadeur de Serbie de faire connaître d'urgence aux autorités serbes de prendre toutes les mesures qui s'imposent dans le cadre d'une relation de bonne coopération. Je lui ai expliqué que, si la Serbie a des objectifs concernant l'adhésion à l'UE, elle doit se conduire comme un Etat européen. Les obligations primaires sont celles d'informer et d'oeuvrer pour la limitation des effets et, si elle a besoin d'aide, nous sommes prêts à lui mettre à disposition tous les moyens dont nous disposons ».

Le 6 octobre, le Ministre serbes des investissements, M. Velimir Ilici, cité par la presse bulgare, dénonçait l'idée des dédommagements, en déclarant que «[...] It is true that the oil slick came to Romania from Serbia, but we will have to identify first the origin of the pollution [...] it is still arguable where the oil spill came from originally». L'ambassadeur bulgare à Belgrade considérait le même jour que « c'est trop tôt pour évoquer la question des dommages ».

Sofia et Bucarest ont mis en place un plan d'urgence, à l'aide des navires, agent dispersant et barrages flottants, destiné à éviter la propagation de la pollution plus en aval et notamment vers le Delta du Danube, grande réserve naturelle, classé patrimoine mondial de l'UNESCO. En effet, les autorités roumaines se déclarent « [...] très préoccupés des effets que cette pollution pourrait avoir, notamment pour ce qui concerne le risque de l'arrivée de ces produits dans le Delta du Danube ».

Cette catastrophe écologique intervient une douzaine de jours après la Conférence paneuropéenne sur le transport par voie navigable, qui s'est tenue à Bucarest à mi-septembre. A cette occasion, le Président roumain, M. Traian Basescu, avait affirmé que « la Roumanie prêtait une attention particulière à l'application de la Directive cadre dans le domaine de l'Eau de l'UE surtout quant à la responsabilité envers le Delta du Danube, qui deviendra le Delta de l'Union européenne dès le 1er janvier 2007 ». Il est important de rappeler que cette directive impose aux Etats membres de parvenir, à l'horizon 2015, au «bon état écologique» des milieux aquatiques (cours d'eau, lacs, eaux souterraines, littoral). La notion de « bon état écologique », dont une définition commune est envisagée pour 2009, est composée de deux volets : l'état biologique, caractérisé par la santé de la flore et de la faune, et l'état chimique, déterminé par le degré de pollution due aux substances chimiques

A coté de la pollution du légendaire Danube, il faut noter les dommages causés par les utilisations des eaux du Rhin.

En effet le Rhin est un exemple patent de la pollution à grande échelle, des cours d'eaux transfrontières. Le Rhin - en allemand Rhein - naît dans les Alpes suisses et se jette dans la mer du Nord, après un cours de 1 325 Km qu'alimente un bassin versant de 160 000 km2 de superficie. Fleuve complexe, le Rhin supérieur naît dans les Alpes des Grisons, de la réunion du Rhin antérieur (Vorderrhein), émissaire du lac Toma (massif du Saint-Gothard) à 2 341 m d'altitude, et du Rhin postérieur (Hinterrhein), qui sort du glacier du Rheinwaldhorn (massif de l'Adula) à 2 216 m d'altitude. Les deux torrents confluent à Reichenau, où la pente du fleuve atteint encore 4 °/°°. Coulant vers le nord, il reçoit l'Ill à droite, et se jette dans le lac de Constance (Bodensee) à 395 m d'altitude, qui lui sert de régulateur et de bassin de décantation. Il en sort à l'ouest et conserve une forte pente jusqu'à Bâle, notamment à Schaffhouse, où il franchit une barre de calcaire jurassique par une brusque chute de 25 m ; il coule alors entre les collines du Mitteland et les chaînons du Jura, au sud, et le rebord méridional de la Forêt Noire, au nord. Son affluent principal est l'Aar, qui draine les Alpes bernoises. A Rheinfelden, en amont de Bâle, le Rhin présente un régime nivo-glaciaire marqué par des basses eaux au mois de février (rétention nivale) et par de haute eaux de printemps et d'été, périodes où la fonte des neiges et des glaciers assure un écoulement abondant ; son débit moyen atteint alors 1 050 m3/s.

A Bâle (277 m d'altitude) le Rhin moyen s'infléchit brusquement vers le nord, puis vers le nord-nord-est et coule alors en plaine, dans le fossé d'effondrement remblayé qui s'allonge entre les Vosges et le massif du Hardt, à l'ouest, et la Forêt Noire et l'Odenwald, à l'est. Il y reçoit l'Ill, sur la rive gauche, et le Neckar et le Main, sur la rive droite. En aval de Mayence (82 m d'altitude), il se détourne vers l'ouest, longe le massif du Taunus, puis, à Bingen, il reçoit la Nahe et prend une direction nord-nord-ouest à travers le Massif schisteux rhénan où il s'est frayé une "Trouée héroïque" ; il y est rejoint par la Lahn, sur la rive droite, et par la Moselle, à Coblence, sur la rive gauche ; il en sort à Bonn (43 m d'altitude) et entre alors dans le bassin de Cologne où il reçoit, à droite, la Sieg, la Wupper, la Ruhr et la Lippe. De Bâle à Cologne, la pente du fleuve diminue mais elle n'est pas exempte, localement, de brusques raidissements. Les pluies d'origine océanique qui s'abattent en saison froide sur cette partie du bassin modifient le régime du Rhin : l'apport pluvial ou nivo-pluvial de ses affluents compense le déficit hivernal du cours supérieur, aussi le régime du fleuve est-il ici abondant et régulier toute l'année ; le débit moyen, très soutenu, est de 1 625 m3/s à Kaub.

En aval de la confluence avec la Lippe, le Rhin inférieur est un fleuve de plaine, dont le débit moyen atteint 2 200 m3/s à Rees ; son régime conserve les mêmes caractéristiques que dans la partie moyenne de son cours, avec une accentuation du maximum d'hiver imputable aux pluies océaniques ; il est donc exactement l'inverse du régime du cours supérieur. Sur le territoire des Pays-Bas, le fleuve s'achève par un vaste delta que parcourent ses trois bras principaux, Wall puis Merwede au sud, Lek au nord, qui se jette dans la Mer du Nord, et Ijssel au nord-est, qui alimente l'Iljsselmeer (ancien Zuiderzee).

Cet étalement géographique sur l'Europe industrielle, permet à ce fleuve de jouer un rôle d'artère économique. Ce rôle accentue la sensibilité de la question des eaux de ce fleuve. Jadis "route des soldats et des moines", qui conquirent et évangélisèrent la Germanie, lien beaucoup plus qu'obstacle, puisque de multiples invasions le franchirent, fleuve dont la puissance et le rôle ont été magnifiés, dès le Moyen Age, par les légendes allemandes de l'Or du Rhin et de la Lorelei, le Rhin est la première voie de circulation de l'Europe occidentale et l'une des plus grandes artères économiques du monde. En effet, sa vallée relie les régions industrielles de la Suisse, du Nord-est de la France, de l'Allemagne et du Benelux à la mer du Nord, et cette dernière à la mer Méditerranée, par la ligne du Saint-Gothard et par le sillon rhodanien, prolongements méridionaux de l'axe rhénan.

Le Rhin ne fut d'abord navigable que sur son cours inférieur, en aval de Coblence, aménagé dès le XVIIIè siècle (digues, épis...). Au milieu du XIXè siècle, il acquit une importance croissante due au transport du charbon. Son aménagement pour la navigation fut entrepris au XIXè siècle : construction de digues, correction de méandres, dragage de zones humides, etc. Le Rhin devint alors voie d'eau internationale, utilisable par des bateaux de 3000 tonnes. Depuis 1986, les grands travaux d'équipement sont terminés sur le fleuve lui-même, mais la baisse du niveau d'eau provoquée par les enlèvements de sables et de graviers et la réduction de la charge solide (sédiments) transportée par le cours d'eau dus aux aménagements provoquent la diminution de la profondeur du chenal. La canalisation du Neckar, du Main, de la Moselle puis de la Sarre (1987), l'achèvement du canal d'Alsace de Bâle à Strasbourg, la construction du canal de la Marne au Rhin et du canal Rhin Lippe, la liaison avec le Rhône par la Trouée de Belfort et la Saône, font du Rhin un véritable bras de mer qui pénètre sur 800 Km à l'intérieur des terres. Le trafic empruntant cette voie d'eau a atteint un record historique en 1978 avec 141,5 milliards de tonnes transportées à la frontière entre l'Allemagne et les Pays-Bas.

Le Rhin est le fleuve le plus intensément utilisé pour la navigation intérieure dans le monde. Enfin, le trafic rhénan entre pour une grande part dans les activités des grands ports de la mer du Nord : Rotterdam (1er port maritime du monde), Anvers (2e port européen) et Amsterdam auxquels le Rhin est relié soit directement, soit par l'intermédiaire de canaux ; ces débouchés maritimes confirment et amplifient son rôle de fleuve européen. Les navires n'ont cessé de s'agrandir ; de Coblence à Rotterdam circulent des convois poussés formés de dix barges déplaçant, ensemble, 12 500 tonnes ! Depuis 1992, le Rhin est relié au Danube par la liaison Rhin Main Danube.

A l'image du Danube, le Rhin est un fleuve qui traverse plusieurs pays européens. Toute nuisance aux eaux, du fleuve est forcément ressentie sur le plan économique, ou purement humain notamment pour un pays en aval comme la Hollande, qui utilise les eaux du Rhin à des fins de breuvages et des besoins agricoles, et ce nonobstant la forte pollution que subit ce fleuve. Pour preuve en 1986, la catastrophe de Sandoz avait été un véritable électrochoc : le Rhin était, sinon mort, du moins dans un coma profond. .........................................................................................................................................................................................................................................................................................................................................................

On voit au travers de cette lecture strictement, que toute mauvaise utilisation des eaux du fleuve par l'un de ces 17 états, est susceptible de menacer la qualité des eaux du fleuve à l'échelle du bassin tout entier, ce qui n'est pas sans conséquences sur les intérêts des autres états. En effet pour l'essentiel, ces états ont besoin de ce fleuve pour des fins industrielles ou agricoles, qui souvent constituent les épines dorsales de leurs économies fragiles, d'autant plus que ces pays, pour la plupart appartiennent plus ou moins au tiers monde. Il est clair dés lors que toute pollution, peut avoir des impacts graves sur l'évolution des rapports entre ces divers états.

A la différence peut être des autres catégories de conflits, où les états vont jusqu'à prendre les armes pour régler leurs différends à propos de la ressource Eau ; les conflits de pollutions ne dépasse guére le stade de tension diplomatique, avec un ton acerbe de revendication allant jusqu'à une rupture des relations diplomatiques. Cette attitude laisse la question de la pollution irrésolue ; conscients du fait qu'ils ont besoin de coopérer, pour résoudre les problèmes de pollutions qui concernent leurs eaux communes ; les états sont donc condamnés à se mettre sur la table des négociations pour trouver une solution à leur mal..

PARAGRAPHE SECOND : CAS PRATIQUES DE CONFLITS DE DISTRIBUTION RELATIVE OU ABSOLUE

A--Le TIGRE, L'EUPHRATE et Le NIL ; Fleuves de Toutes Les Discordes

Parler du Tigre de l'Euphrate et du Nil, nous emmène indubitablement à nous remémorer les brillantes civilisations Pharaoniques et Mésopotamienne, qui se sont développées sur les berges de ces magnifiques cours d'eaux. En effet ces fleuves ont vu naître et grandir des civilisations qui font encore parler d'elles prés de trois millénaires après leurs émergences. C'est dire combien ces civilisations, ont été importantes pour l'histoire de l'humanité.Si ces civilisations ont eu l'aura qui est la leur, cette aura a déteint sur ces longs et beaux Fleuves qui les ont vus naître. Fort malheureusement ces fleuves sont de plus en plus associés, à des situations belliqueuses entre les divers etats qui les bordent, et ceci pour le contrôle de la précieuse ressource dont, sont porteuses ces cours d'eaux à savoir : l'Eau.

En effet aussi bien le Nil, le Tigre que l'Euphrate sont en proie à des convoitises, qui aboutissent souvent à des conflits ouverts entre les états, qui leur sont contiguës ou qu'ils traversent. Cette compétition s'explique par le fait, de la valeur qu'à désormais l'eau sur les aspirations de développement de ces divers états, mais aussi et surtout de la dimension qu'elle acquiert dans ce que les spécialistes appellent : « la Sécurité Environnementale » Aussi parle t'on souvent en ce qui concerne ces cours d'Eaux de Fleuves de toutes les Discordes.

En effet le Nil est un fleuve international au débit contrasté. Il se forme avec la confluence du Nil Blanc qui prend sa source sur les pentes du Mont Moujoumbiro dans la région des Grands Lacs de l'Afrique orientale (Burundi, Rwanda) et du Nil Bleu issu du lac Tana (Ethiopie). Le Nil Bleu fournit 84 % des ressources fluviales.

Le Nil, le fleuve le plus long du monde, parcourt 6671 kilomètres avant de rejoindre la mer Méditerranée. Son immense bassin qui s'étend sur 2850 000 kilomètres carrés est partagé entre dix pays : le Burundi, le Rwanda, la Tanzanie, la république démocratique du Congo (ex-Zaïre), l'Ouganda, le Kenya, le Soudan, l'Ethiopie, l'Erythrée, et enfin l'Egypte.

Le cours du Nil traverse trois zones climatiques : équatoriale, tropicale et désertique qui expliquent entres autres la répartition inégale de son débit « naturel ». A son entrée en Egypte, il n'est plus que de 84 milliards de mètres cube.

On comprend dès lors l'enjeu du problème. Les trois pays situés en aval du Nil, c'est-à-dire ceux qui sont dépendants, du fait de leurs prélèvements des pays riverains localisés en amont, sont également ceux dont la ressource est la plus faible. Or, pour ces pays au climat semi-aride ou aride, ce fleuve allogène constitue l'unique ressource. Au rang de ces pays fortement dépendant du Nil on peut dénombrer qui est la puissance régionale mais qui du fait de sa position géographique se trouve dans une situation de dépendance totale du bon vouloir des etats d'amont.

Et pourtant l'Egypte s'est toujours identifiée au Nil, ou disons le en plus simple le Nil a toujours été associé à l'Egypte, ceci se trouve corroboré par le fait que, pour envisager les problèmes du fleuve il faut partir de ce pays et y revenir, parce qu'il a été le seul utilisateur des eaux du fleuve durant quatre millénaires. Aujourd'hui, s'il en reste le principal usager il n'en a plus le monopole et de plus en plus il en perd le contrôle, alors que ses besoins en eau ne cessent de croître, ce qui n'est pas sans conséquence sur ses rapports avec ses voisins.

Le Nil est un fleuve complexe, ne fut-ce que par sa longueur (6 671 Km) et par la superficie de son bassin versant (2 850 000 km2), deux données qui contrastent avec la médiocrité de son débit mesuré à Khartoum, soit 2 500 m3/s. En fait, l'apport moyen annuel évalué à 84 km3 sur ce même site, peut varier de 34 (1947) à 120 km3 (1878) selon les années de faible ou forte hydraulicité. Et comme l'essentiel des débits s'écoule entre août et novembre avec un maximum marqué correspondant au mois de septembre, ces écarts se traduisent très vite par des étiages et des crues également catastrophiques. Ce régime contrasté dont les débits mensuels moyens mesurés à Khartoum varient entre 520 m3/s en mai et 8 500 m3 en septembre tient au fait que l'essentiel des débits se forme sur les hautes terres éthiopiennes qui, sont soumises à un régime tropical et alimentent le Nil bleu sans subir de déperdition, alors que le Nil blanc issu de la zone équatoriale dissipe l'essentiel de ses eaux par évaporation dans les vastes marais du Bahr el Ghazal, de Kenamuke et de Machar. Du moins, son maigre débit résiduel joue-t-il un rôle essentiel dans le maintien de l'écoulement entre les mois de février et de juin. Dans un bilan établi à l'échelle du bassin, le fait essentiel, celui qui prête à de multiples spéculations, est la déperdition de 53 km3 pour un apport théorique annuel de 137 km3, ce qui ne laisse au final que 84 km3 mesurés à l'entrée du territoire égyptien. Encore faut-il observer que bien avant la zone de confluence, la traversée de la zone désertique se traduit par une constante déperdition de sorte qu'à l'état naturel, on ne mesurerait que 63 km3 à l'apex du delta.

Analysé sous cette angle on voit que, le Nil ne peut pas ne pas être, catalyseur de conflits. En effet la forte nécessité pour ces pays de subvenir à leurs besoins en eaux de plus en plus volumineux, imposée par des impératifs de développement agricole et donc économiques, est un facteur qui ne facilitent pas une répartition raisonnable des eaux du fleuve. Voilà toute la problématique du partage des eaux du nil.

Ce problème que pose la gestion des eaux du Nil défini comme un fleuve international traversant dix États, n'est apparu que récemment et ceci dans la foulée de l'accession à la souveraineté internationale des etats de l'aire. La question centrale étant désormais la position de l'Egypte vis-à-vis de l'eau du Nil et de son partage.

Aussi bien le problème d'ensemble ne peut-il être abordé qu'en fonction de sa composante principale, l'Égypte qui est l'État le plus peuplé, le plus riche - encore que cette richesse soit toute relative - dans une cohorte de pays pauvres, le plus important par sa position stratégique qui lui confère le contrôle du Canal de Suez, celui dont l'armée est la plus puissante, celui qui utilise les eaux du Nil depuis plus de 4 000 ans et dont l'existence dépend totalement du fleuve, celui pourtant qui est non pas l'un des plus pauvres s'agissant de la dotation en eau par habitant, mais celui dont la position est la plus menacée du fait de sa situation en aval du bassin et sans autre ressource que les eaux venues d'amont et donc contrôlées ou du moins contrôlables par d'autres États. D'où l'acuité du problème des relations politiques de l'Egypte avec les autres etats du bassin nilotique.

En fait, dans l'imaginaire des Égyptiens, la représentation du Nil s'arrête aujourd'hui comme autrefois, à la seconde cataracte, celle d'Assouan, comme si ce qui se passe à l'amont, terres et hommes n'existait pas ou n'était que de minime importance. Cette représentation héritée de la tradition pharaonique et longtemps valable est pourtant devenue caduque à la fin du XIXe siècle, lorsque les Anglais ont introduit la culture irriguée du coton au Soudan et prélevé pour le système d'irrigation de la Djézireh une dotation de 2 km3 portée à 4 km3 en 1929 dans le cadre du Nile Water Agreement qui laissait à l'Égypte dans l'état des aménagements réalisés à l'époque, 48 km3.

À partir de 1956, le Soudan devenu un État indépendant a développé une politique de mise en valeur par grandes fermes mécanisées qui couvrent 2 millions d'hectares en 2002. Si l'intérêt économique de ces fermes n'est pas évident, elles n'en demandent pas moins de fortes dotations hydrauliques, d'où un conflit soudano égyptien, résolu provisoirement par les accords de 1959 conclus sur la base d'un partage annuel entre 18,5 km3 pour le Soudan et 55,5 km3 pour l'Égypte. Ces accords conclus entre les deux États d'aval et sans consultation des Etats d'amont ont été immédiatement dénoncés et tenus pour nul par ceux-ci. Par ailleurs, le nouveau partage de l'eau n'a été rendu possible que grâce à la construction d'ouvrages de stockage et de régulation des eaux permettant d'accroître les dotations initiales : Owen Falls (Lac Victoria) et Djebel Aulia sur le Nil blanc, Roseires et Sinnar sur le Nil bleu, Kashm-el-Djirba sur l'Atbara. Ces ouvrages dont certains ont été réalisés dans le cadre de l'administration britannique ce qui facilitait les prises de décision, ont tous été programmés avec l'accord de l'Égypte sous réserve d'un accroissement de sa dotation en eau. Il n'en va pas de même pour le barrage de Hamdab, en cours de réalisation à hauteur de la quatrième cataracte sur initiative soudanaise, sans accord avec l'Égypte et destiné à produire de l'énergie. Les modalités de son exploitation pourraient perturber la gestion du Haut barrage.

Depuis les accords de 1959, l'Égypte constate qu'elle utilise plus que sa dotation, soit près de 57 km3, alors que le Soudan a porté unilatéralement ses prélèvements à 20 km3. Le conflit potentiel résultant de cet état de fait rendu possible par quelques années de bonne hydraulicité, pourrait être réglé par la récupération des eaux perdues par évaporation dans les grands marais tropicaux, soit un total théorique de 45 km3 à prélever sur les bassins du Bahr el Djebel (14 km3), du Bahr el Ghazal (14 km3) et du Sobat-Machar (19 km3). Ces projets et les volumes qu'ils évoquent alimentent en Égypte des fantasmes de grandeur, mais leur mise en oeuvre s'avère illusoire. Sans parler du désastre écologique que représenterait l'assèchement de marais qui constituent les sites d'hivernage de l'avifaune européenne, il faut compter avec les implications politiques de projets comme celui du Jongleï. Il s'agit d'un canal à large section qui drainerait les eaux perdues dans le Sudd et le Bahr el Ghazal et les conduirait vers l'aval en recoupant la boucle du Nil entre Bor et Malakal. Entre autres avantages, cet ouvrage permettrait à des canonnières venues de Khartoum et du Nord islamiste, de gagner les provinces chrétiennes et insurgées du Sud tout en mettant la main sur les gisements pétroliers de ces lointaines régions. C'est pour parer à cette éventualité que les chrétiens du Sud, sans doute aidés par les Éthiopiens, ont saboté le chantier à deux reprises et mis fin à la réalisation du canal.

En tout état de cause, les projets et ouvrages réalisés dans le cadre des relations entre l'Égypte et le Soudan n'ont jamais été avalisés par les États d'amont, notamment l'Éthiopie qui fait valoir non sans raison, que sa population est passée de 17 à 68 millions d'habitants entre 1950 et 1962, qu'elle passera le cap des 100 millions avant 2025, et que l'accroissement de sa production vivrière constitue un enjeu vital pour son avenir immédiat. Or, dans l'état actuel des aménagements, l'Éthiopie qui fournit 86% des débits mesurés à Khartoum, n'utilise en l'an 2000 que 0,3% de cette eau pour arroser moins de 200 000 hectares. Ce constat l'autorise à concevoir de vastes aménagements portant sur 1,5 M°/ha en aval du lac Tana. Simultanément, le Soudan et l'Éthiopie s'accorderaient pour réaliser d'autres aménagements dans le cadre d'une Organisation pour l'aménagement du Nil bleu sans tenir compte des intérêts égyptiens. Ces projets soutenus par la Banque Mondiale et des donateurs parmi lesquels figurent l'Italie et Israël sont considérés comme autant de casus belli par l'Égypte qui, pour affirmer sa position, a organisé à plusieurs reprises des manoeuvres militaires près de la frontière soudanaise. Il ne semble pas pour autant que l'Éthiopie ait renoncé à sa politique de grands équipements qui mobiliseraient à terme de 4 à 8 km3 soustraits au contrôle des États d'aval. Afin de réduire la tension, la Banque Mondiale a proposé en 2001, de surseoir à la réalisation des grands projets et d'aider à l'aménagement, sur les cours supérieurs - donc éthiopiens - du Nil bleu et de l'Atbara, de petits réservoirs desservant des périmètres conçus à l'échelle des villages. Savoir ce que sera la durée de vie de ces petits réservoirs retenant des eaux boueuses ? Savoir également ce que sera la réaction égyptienne face à cette politique de grignotage d'une ressource sur laquelle elle maintient à tort ou à raison ses droits supposés?

L'Éthiopie n'est pas seule en cause, l'augmentation de la population et le désir de développement économique amènent ainsi les pays plus en amont à envisager d'exploiter à une plus grande échelle leurs ressources en eau : la Tanzanie, notamment, considère la possibilité de pomper d'importants volumes dans le lac Victoria pour irriguer 250 000 ha sur ses terres; l'Érythrée qui n'irrigue encore que 28 000 hectares, fait état de projets utilisant les eaux de l'Atbara ; en Ouganda, le gouvernement a fait appel à l'aide Israélienne, comme en Éthiopie, pour mettre en place des projets d'irrigation afin de contrer les effets de sécheresses si récurrentes dans cette aire. Avec le temps, les projets de mise en valeur des ressources du Nil se multiplient chez les pays riverains, au grand désarroi de l'Égypte, qui est certes la puissance dominante du bassin du Nil, mais aussi le pays le plus en aval, donc dépendant des décisions des pays d'amont. Force est de constater, dans les pays des Grands Lacs comme au Soudan et en Éthiopie, la très petite part des surfaces irriguées dans la surface agricole totale. On constate une tendance à l'augmentation des surfaces irriguées dans les pays du sud du bassin du Nil blanc :

Surfaces irriguées, en milliers d'ha au Sud du Nil Blanc

 

Kenya

Tanzanie

Ouganda

Burundi

1980

40

120

6

53

1985

42

127

9

66

1990

54

144

9

70

1995

73

150

9,1

74,4

1997

62

440

-

32

1999

67

157

9,1

74,4

Part dans la surface cultivée en 1999, %

1,8

2,4

0,2

9,3

Variation moyenne annuelle, 1980-1999

2,8%

1,4%

2,2%

1,8%

 
 
 
 
 

Sources : FAO Stats, 2001; pour 1997 : P. Howell et J. Allan (dir.), The Nile, Sharing a scarce resource, Cambridge University Press, Cambridge, 1994, p.132; Council of Ministers of Water Affairs of the Nile Basin States, Nile Basin Initiative, Shared Vision Program : Efficient water efficient water use for use for agricultural production, Entebbe, mars 2001;

L'Égypte voit avec inquiétude ces projets de mise en valeur foisonner depuis quelques années.Au total, ce sont près de 2,9 millions d'ha que les gouvernements des pays d'amont envisagent d'irriguer à moyen terme, près de 4,5 millions d'ici 10 à 15 ans, à partir de surfaces insignifiantes en 1980 et encore peu étendues en 1997. De tels projets, en supposant que des techniques d'irrigation plus efficaces soient introduites, nécessiteraient environ 25 milliards m.La désormais célèbre assertion de l'ancien ministre des Affaires étrangères d'Égypte, Boutros Boutros-Ghali, trouve tout son sens dans un pareil contexte et à le don de résumer clairement la position officielle de l'Egypte : « La sécurité nationale de l'Égypte repose dans les mains des huit autres pays africains du bassin du Nil », aurait-il précisé au Congrès américain en 1989. Le Caire est pourtant, et de loin, le principal utilisateur des eaux du fleuve, alors que cette eau ne provient pas, pour l'essentiel, de son territoire. Au contraire, argumentent les éthiopiens, l'essentiel de l'eau du fleuve provient des hauts plateaux d'Éthiopie qui n'en retire pourtant qu'une faible partie : il ne serait que juste, selon Addis-Abeba, que la part de l'Éthiopie augmente quelque peu.Cette revendication éthiopienne a le don d'exacerber encore d'avantage la relation déjà explosive entre ces deux états; ce qui amena Boutros Boutros ghali à affirmer que : « La prochaine guerre dans notre région sera livrée pour de l'eau » Il faut tout de même noter que si une guerre devait advenir dans cette région, elle opposerait à priori les trois etats qui constituent ce qu'on appelle le bas bassin du Nil, à savoir l'Egypte-le Soudan- et l'Ethiopie. En effet les relations hydriques sont très tendues au sein de ce complexe du bas bassin du Nil. L'Égypte, nous l'avons vu, dépend des eaux du Nil à 97% et utilise déjà presque toute l'eau que lui apporte le plus long fleuve du monde (en provenance du Soudan, où le Nil bleu éthiopien s'unifie au cours du Nil blanc pour ne plus former qu'un seul fleuve). La crainte de voir ses deux voisins d'amont mettre davantage en valeur les eaux du bassin sur leur territoire respectif, et d'ainsi réduire la quantité d'eau traversant les frontières égyptiennes, a incité Le Caire à concevoir de nombreux projets d'intervention militaire contre l'Éthiopie (plan AIDA) ou contre le Soudan (plan Crocodile) et à montrer clairement qu'aucune menace à la sécurité hydrique égyptienne ne serait tolérée.

Ainsi en 1958, l'Égypte a entrepris une brève incursion militaire au Soudan. Vers 1985, des raids aériens auraient été planifiés par Le Caire contre le Soudan du fait de menaces perçues sur les eaux du Nil. En 1994, le Soudan s'est proposé de construire un nouveau barrage sur le cours du Nil. De grandes manoeuvres militaires à la frontière avec le Soudan ont signifié l'irritation égyptienne quant à l'implication de Khartoum dans la tentative d'assassinat du président Moubarak, mais aussi à l'endroit des projets d'aménagement hydrauliques soudanais. Des incidents de frontière ont en outre opposé les deux pays en 1998

L'Éthiopie quant à elle, si elle n'a pas été mise sous pression aussi concrètement et directement que le Soudan, c'est essentiellement parce qu'à ce jour elle n'a guère constituée une menace pour la sécurité hydrique égyptienne : Ceci peut s'expliquer par le fait, que l'Ethiopie depuis des décennies fait face à des guerres et des soubresauts internes, et qui l'ont jusqu'ici mis à genoux. Seulement depuis quelques années , l'Ethiopie semble doucement mais sûrement sortir de la spirale de conflits qui l'empêchait, jusqu'ici de mettre en exergue sa capacité d'impulser une économie forte, basée en premier ressort sur ses ressources naturelles , dont l'eau est l'une des plus importantes. En effet le Nil bleu prenant ses sources dans ce pays, il est clair que les autorités de ce pays mettront tout en oeuvre, pour valoriser cette précieuse ressource, par la mise sur pied de vastes programmes d'aménagements hydro agricoles. Ce qui à coup sur aura des conséquences sur les disponibilités hydriques des pays d'aval, notamment l'Egypte. Les tentatives de mise en valeur et de détournement des eaux du Nil bleu par l'Ethiopie a toujours constitué une pomme de discorde entre l'Egypte et l'Ethiopie.En effet le ton diplomatique entre ces deux pays concernant l'Eau, est extrêmement belliqueux, particulièrement venant de la partie éthiopienne.Dans un interview de mai 1997, le premier ministre éthiopien Méles Zenaoui déclarait que : « Nous nous servirons des eaux du Nil, qui sont sur notre territoire à notre guise et selon nos intérêts et capacités du moment ; nous n'irons en guerre à propos de ces eaux que lorsque des pays d'aval, (notamment l'Egypte) s'avisaient à vouloir conditionner l'utilisation qu'on fait de ces eaux. » Cette position est largement admise par l'opinion en Ethiopie, où l'hebdomadaire privé « Addis Tribune » a encouragé le gouvernement éthiopien, à développer tous les projets basés sur les eaux du Nil Bleu, mais aussi à maintenir en permanence une armée nationale entraînée et efficiente, pour protéger le pays contre une éventuelle agression liée à la question des eaux du Nil bleu. On voit dés lors la tension qui sévit au sein de ce bassin entre les trois états, qui constituent ce qu'on a appelé : « le complexe du bas bassin du Nil. »

Le Nil offre le cas exemplaire des difficultés auxquelles se heurtent les pays pauvres en mal de développement : une ressource limitée dans son potentiel, des problèmes alimentaires urgents et même dramatiques dans des pays en voie d'explosion démographique, des moyens financiers octroyés par des bailleurs de fonds étrangers, une dépendance très forte vis-à-vis des techniques importées depuis les pays riches, le tout induisant des conflits larvés qui pourraient bien devenir des conflits ouverts.

L'Égypte se situe au coeur de ces tensions multiples : ce pays est sans doute le seul parmi les États riverains du Nil, à disposer d'un corps de techniciens de très haut niveau, le seul également dont la paysannerie est théoriquement rompu aux techniques de l'irrigation, le seul enfin à disposer d'une armée qui surclasse celles des autres pays en compétition. Or, qu'en est-il au terme d'une quarantaine d'années durant lesquelles le pays a fourni un effort considérable pour maîtriser le fleuve et conquérir de nouvelles terres ? Les nouveaux rapports entre la terre et les hommes sont difficilement maîtrisés comme en témoignent le gaspillage de l'eau et la salinisation des sols ; l'autonomie alimentaire ne sera jamais acquise ; la dépendance vis-à-vis de l'étranger, institutions internationales, techniciens de tous ordres ou donateurs arabes génère des situations difficiles si ce n'est intolérable. On conçoit de reste la somme des frustrations qui affligent ce pays et l'incitent à revendiquer, sa longue tradition hydraulique aidant, un rôle prépondérant dans la gouvernance des eaux. En dépassant le cadre des données matérielles du problème, il apparaît enfin qu'aucun des autres pays riverains du Nil n'entretient avec le fleuve ce lien fusionnel qui est spécifiquement égyptien. La formule classique aut Nilus aut nihil est toujours valable et il se pourrait que l'Égypte mette en jeu son existence pour défendre ce qu'elle considère comme ses droits imprescriptibles. Aussi alarmistes que puisent paraître les prévisions des spécialistes, pour l'avenir de la ressource dans cette région, il est clair que cette région a conscience du fait, que pour utiliser de manière optimale la ressource commune et permettre à chacun des ayants droits d'avoir accès à la part qui est sienne sur les eaux du Nil, il faudra pour eux s'inscrire dans une dynamique de paix et trouver un terrain d'entente quant à la question des eaux du Nil. Forcément ils devront réussir là où les etats des bassins du Tigre et de L'Euphrate ont jusqu'ici échoué ; ils y sont économiquement et politiquement contraints pour relever les défis du développement qui à eux se posent ; il est impérieux pour les etats du Nil de créer une ambiance bassinale, autre que celle qui sévît dans ceux du Tigre et de l'Euphrate, qui sont des fleuves jumeaux du Nil.

La situation du bassin mésopotamien est différente de celle du bassin nilotique puisque la puissance économique et militaire dominante, le rôle tenu par l'Égypte dans le cas du Nil, est ici la Turquie, c'est-à-dire l'État le plus en amont. Conséquemment, bien qu'ils soient en conflit avec la Turquie, la Syrie et l'Irak ne peuvent sérieusement prétendre menacer militairement la Turquie. L'Euphrate et le Tigre, nés en Turquie dans les montagnes arrosées d'Anatolie orientale et leurs affluents venus de la chaîne du Zagros apportent l'eau et la vie dans les plateaux et plaines steppiques ou désertiques de Syrie et d'Irak. Ils permettent l'extension du "Croissant fertile" dans des zones où règne l'aridité. Dans cette région du Moyen-Orient, en plein accroissement démographique où la quête de l'eau a toujours été une préoccupation majeure, la lutte pour le développement implique un contrôle du débit des grands fleuves dont les apports sont capricieux, tumultueux, irréguliers. L'Euphrate, long de 2 700 Km, naît au nord du lac de Van. En fait, il résulte de la confluence de deux rivières: le Kara Sou (450 Km) qui prend sa source au mont Kargapazari à 3290 m. d'altitude et le Murat Sou (650 Km), qui a pour origine le mont Muratbasi à 3520 m. Après leur confluence, le fleuve dessine une grande courbe de 420 Km parsemée de gorges et de rapides et pénètre en Syrie où il s'encaisse légèrement dans un plateau désertique qu'il parcourt sur 680 km. Il n'y reçoit, en rive gauche, que deux affluents le Balikh et le Khabour. Puis il pénètre en territoire irakien qu'il va parcourir sur 1235 Km et, rapidement, c'est l'entrée dans la plaine mésopotamienne: il n'est plus alors qu'une artère d'évacuation et ne reçoit aucun affluent jusqu'à son embouchure dans le golfe Arabo-persique. En Basse Mésopotamie à partir de Samarra le fleuve se perd dans tout un réseau de marécages.

Le Tigre long de 1899 Km, prend naissance au sud du lac de Van coule en Turquie en franchissant comme l'Euphrate toute une série de gorges. Il ne pénètre pas en Syrie: il est fleuve frontalier sur 44 Km entre la Turquie et la Syrie. Il s'écoule ensuite directement en Irak où il reçoit en rive gauche de très nombreux affluents bien alimentés issus des monts Zagros notamment le Grand et le Petit Zab (392 et 400 Km), l'Adhaïm (230 Km) la Diyala (386 Km). Le Tigre arrose Bagdad qui n'est qu'à 32 mètres d'altitude alors qu'il lui reste 550 Km à parcourir. En Basse Mésopotamie, en aval de Kut, il s'étale en d'immenses marécages avant de rejoindre l'Euphrate à Garmat Ali.

Les eaux mêlées des deux fleuves constituent sur 170 Km environ le Chatt el Arab qui débouche dans le golfe Arabo-persique. Le Chatt el Arab reçoit en rive gauche, les eaux abondantes, tumultueuses et limoneuses du Karun (16 milliards de m3), au parcours entièrement iranien.

Les régimes des deux fleuves sont très comparables: ils sont de type pluvionival, marqués par les pluies méditerranéennes de saison froide et la fonte des neiges des montagnes du Taurus en Turquie orientale et du Zagros. Partout un étiage marque la fin de la saison chaude (juillet, septembre), la montée des eaux se situe en automne et en hiver dès novembre et on enregistre de très hautes eaux de printemps (fin mars ou avril). Ces données hydrographiques sont très différentes de celles du Nil: les hautes eaux sont moins abondantes et surtout ce sont des crues printanières, trop tardives pour les cultures d'hiver, trop précoces pour les cultures d'été. D'une façon générale, il y a déphasage entre les périodes de hautes et basses eaux et les phases de cultures. Les hautes eaux du printemps gênent les moissons des céréales (blé et orge) et les ravagent parfois dans la plaine mésopotamienne. Elles entravent aussi les travaux agricoles des cultures d'été. Par contre la période des basses eaux de juillet à novembre correspond à celle où l'agriculture a le plus grand besoin d'eau.

Les écoulements du Tigre et de l'Euphrate présentent trois grandes caractéristiques :

ü Leur irrégularité est très forte et revêt un double aspect.

L'irrégularité est saisonnière. 53 % des écoulements s'effectuent en trois mois (mars, avril, mai). Les étiages estivaux sont très prononcés: 300 m3/s pour l'Euphrate à l'entrée en Irak alors que le débit moyen est de 830 m3/s et pour le Tigre à Bagdad respectivement 360 m3/s et 1410 m3/s. Inconvénient majeur, ces étiages se placent à la fin de l'été (août et septembre) alors que les besoins en eau pour l'agriculture sont encore élevés. A la différence du Nil, le Tigre et l'Euphrate n'opèrent pas ce miracle d'apporter une eau étrangère dans le désert au moment où il est le plus chaud, le plus desséché. L'irrégularité est aussi interannuelle. Déjà, en amont, en Turquie, le module annuel peut varier dans le rapport de 1 à 4 aussi bien pour le Tigre que pour l'Euphrate. Plus en aval, les écarts sont à peine atténués. Le débit moyen annuel peut varier dans de fortes proportions. A son entrée en Syrie l'écoulement annuel moyen de l'Euphrate est de 28 km3 (certains auteurs turcs avancent le chiffre de 31 km3). Au cours des périodes de sécheresse 1958/1962 et 1970/75, l'écoulement annuel n'a été respectivement que de 15 km3 (49% de l'écoulement moyen) et 16 km3 (62% de l'écoulement moyen!). Par contre, au cours de l'année humide de 1969 le débit annuel s'est élevé à 58 km3. A Hit, en Mésopotamie les deux extrêmes enregistrés sur les rives de l'Euphrate ont été de 12 km3 en 1930 et 35 en 1941.

Des constatations analogues peuvent être enregistrées pour le Tigre à Bagdad avec 16 km3 en 1930 et 52 en 1946. En outre, d'une année à l'autre, hautes eaux et étiages peuvent être décalés. Les hautes eaux peuvent être avancées dès janvier; en fait, elles peuvent se placer durant une période de 5 mois. De même, les étiages peuvent s'étaler jusqu'en décembre.

ü L'ampleur et la brutalité des crues sont spectaculaires.

Alors que le débit moyen du Tigre est de 1410 m3/s à Bagdad, le fleuve a enregistré des crues de 13 000 m3/s. La crue maximale théorique est de 26 000 m3/s après le confluent du Tigre et de la Diyala. Les crues du Tigre sont particulièrement redoutables car il peut y avoir simultanéité entre les hautes eaux du fleuve et celles de ses affluents. Pour l'Euphrate à Hit, ces valeurs sont respectivement de 775 et 5 200 m3/s. La crue maximale théorique est estimée à 8 000 m3/s. Ces crues sont très supérieures aux possibilités d'évacuation des lits qui ne dépassent pas 2 000 m3/s pour l'Euphrate et 8 000 pour le Tigre. La gravité de ces crues est renforcée par le fait qu'elles se produisent dans un véritable delta intérieur où les chenaux des fleuves sont sujets à des variations constantes et où il n'existe aucune vallée au sens topographique du terme. Les fleuves charrient des quantités énormes de matériaux: pour le Tigre l'alluvionnement annuel est estimé à 50 millions de tonnes.

Nous sommes bien loin des conditions égyptiennes où une vallée très nettement encaissée guide, canalise l'écoulement de la crue. Aussi déviations et changements de cours apparaissent-ils comme la norme. L'insécurité est le lot des fellah mésopotamiens: les ravages des fleuves peuvent réduire à néant le travail humain, digues et canaux d'irrigation. On garde le souvenir de la crue de 1831 du Tigre qui en une nuit emporta Bagdad et anéantit 7 000 maisons.

ü Le débit décroît de façon notable d'amont en aval, notamment en Mésopotamie.

A l'entrée en Syrie, le débit annuel moyen de l'Euphrate est, on l'a vu, de 28 km3. Le débit diminue légèrement pendant la traversée syrienne, les apports du Khabour (1,6 milliards de m3/an) et du Balikh (150 millions de m3/an) ne compensent pas l'évaporation durant la traversée, il n'est que 26 km3 à la frontière irakienne. Il s'affaiblit considérablement en aval en raison de l'évaporation et de la difficulté de l'écoulement: il n'est plus que de 14 km3 à Nasiriya.

Le Tigre, lors de son entrée en Irak, a un débit annuel de 18 km3 mais, à l'inverse de l'Euphrate, il s'enrichit considérablement avec les apports des affluents venus du Zagros: Grand Zab: 13,1 km3, petit Zab: 7,2 km3, Adhaïm, Diyala: 5,4 km3 (Figures 1 et 2). Ces apports marquent très fortement le régime du Tigre: cours d'eau montagnards à forte pente, ils transportent une très importante charge alluviale et comptent des crues fréquentes, brutales et violentes. En aval de Bagdad le débit annuel moyen s'élève à 46 km3 mais pour les mêmes raisons que l'Euphrate, il n'est plus que de 7 km3 à Amara en Basse Mésopotamie et 2,5 km3 à Qalat Saleh.

L'examen de ces données hydrologiques de base fait bien apparaître la difficulté à mobiliser les eaux. L'harnachement du Tigre et de l'Euphrate s'impose si l'on veut non seulement se protéger des inondations mais aussi assurer l'alimentation d'une population qui pour les trois pays concernés a plus que triplé en 50 ans passant de 29 millions d'habitants en 1950 à 104 millions d'habitants en 2000. Il est indispensable de mettre en valeur des terres incultes jusqu'alors faute d'eau. Il est nécessaire de maîtriser les écoulements, de régulariser les débits si l'on veut fournir à l'agriculture l'eau nécessaire au moment souhaitable.

Par ailleurs les aménagements hydrauliques ont progressé de l'aval à l'amont ce qui ne simplifie pas les rapports entre pays riverains. Les pays d'aval souhaitent que les aménagements amont les plus récents ne compromettent pas les réalisations antérieures, bref que leurs "droits acquis" soient sauvegardés, et ce d'autant plus les réalisations en question ne sont pas des ouvrages communs aux trois états.

En effet chaque état s'est inscrit dans une dynamique chauvine d'aménagement de ces deux grands fleuves, sans concertation aucune avec les autres états du bassin.Chaque état a mis sur pied des projets gigantesques, pour la maîtrise des eaux de ces capricieux fleuves, projets qui ont pris des décennies pour se matérialiser. Et dans cette course à l'aménagement l'Irak a la primauté, puisque ses efforts d'aménagements sont moins récents, que ceux de la Syrie ou encore de la Turquie.

L'aménagement hydraulique de la Mésopotamie remonte à un passé ancien. Sous l'empire arabe abbasside la maîtrise de l'eau était assurée mais par la suite l'abandon fut la règle. Ce n'est qu'au début du XXième siècle que l'on envisage sérieusement de discipliner définitivement le Tigre et l'Euphrate. La première tentative remonte à la période ottomane quand, en 1911, la Sublime Porte fait appel à un expert britannique William Willcocks qui avait acquis une solide expérience aux Indes et en Égypte. Sous le Mandat britannique, un département de l'irrigation est créé; les premiers travaux inspirés des plans de Willcocks sont entrepris. En 1950 le Bureau de l'équipement qui bénéficie des premiers financements d'origine pétrolière impulse une réelle dynamique à l'entreprise. L'Irak moderne tout au long de la deuxième partie du siècle écoulé n'a cessé de poursuivre et d'amplifier l'oeuvre ainsi initiée. On peut distinguer trois périodes dans ce chantier de longue haleine.

Dans un premier temps, entre les deux guerres, des barrages de dérivation sont édifiés: ils orientent les eaux vers des canaux d'irrigation. Le barrage d'Hindiya sur l'Euphrate est construit de 1911 à 1913 et modernisé en 1927. Sur le Tigre on réalise le barrage de Kut de 1937 à 1939 et celui de Muqdadiya sur la Diyala (Figure 2). De ces barrages partent toute une série de canaux qui permettent l'extension de l'irrigation. Les progrès de l'occupation du sol sont rapides: on passe de 1 700 000 hectares irrigués à 3 000 000. Dans cette phase de l'expansion une place capitale est tenue par les procédés d'irrigation individuels: machines élévatoires (norias) et surtout les pompes à moteur qui en 1950 ont en grande partie supplanté les engins traditionnels.

Au lendemain de la seconde guerre mondiale, le dispositif se complète: on veut protéger la plaine des inondations. À partir du barrage de Ramadi (achevé en 1956), les crues de l'Euphrate sont détournées vers les dépressions naturelles d'Habbaniyya et d'Abu Dibis dont les capacités de stockage s'élèvent à 6,7 milliards de m3 (Figure 1) Les eaux du Tigre sont orientées vers l'immense dépression endoréiques de l'oued Tharthar (85 milliards de m3) grâce au barrage de Samara (1956) (Figure 1). Le contrôle des eaux du Tigre et de l'Euphrate est désormais assuré. La dernière crue destructrice date de 1954.

Dans une nouvelle phase, on cherche à lutter contre l'irrégularité interannuelle en construisant des barrages de retenue en dehors de la plaine mésopotamienne soit sur le plateau de la Djézireh irakien, soit dans les régions montagneuses parcourues par les affluents de rive gauche du Tigre. Un stockage de 40 milliards de m3 est prévu grâce à 6 barrages qui sont aussi producteurs d'électricité. Tel est le cas du barrage d'Haditha sur l'Euphrate, achevé en 1985. Sur le Tigre avait été construit antérieurement le barrage d'Eski en amont de Mossoul. Dans les montagnes du Zagros, le long des affluents du Tigre, 5 sites ont été retenus : 2 sur la Diyala (Muqdadiya, Hamrin, Darbadikhan), un sur le Grand Zab (Bakhma), un sur le petit Zab (Dukan) Il est bien difficile de faire le point. Il semble que seuls quatre de ces barrages soient actuellement achevés. Dans la même perspective, le canal Tharthar-Euphrate permet depuis 1976 de réutiliser les eaux accumulées dans le lac Tharthar et de pallier dans une certaine mesure la faible alimentation de l'Euphrate après les travaux entrepris en amont en Syrie et en Turquie. L'aménagement des deux grands fleuves du Moyen-Orient, dans leur partie irakienne, est donc en passe de s'achever. Près de 90 % des eaux mobilisées sont destinées à l'agriculture dont les besoins n'ont cessé de croître au rythme de l'accroissement démographique d'un pays : 4,5 millions d'habitants en 1947, 10 en 1972, 24 actuellement ! 19 milliards de m3 ont été prélevés en moyenne annuelle pour la période 1940-49, 28 entre 1950 et 1959, 49 actuellement !

Ces deux dernières décennies la Syrie d'abord et la Turquie ensuite ont entrepris la construction d'importants barrages en amont sur l'Euphrate qui entraînent des incertitudes sur les disponibilités en eau dont pourra disposer l'Irak. Le barrage de Tabqa sur l'Euphrate et l'équipement du Khabour. Opération symbole à laquelle s'identifie le régime alaouite, la construction du barrage de Tabqa en Syrie a été conduite de 1968 à 1976 avec l'assistance soviétique. Ce barrage-poids crée une retenue, le lac Assad, qui couvre 640 km2 et emmagasine 12 milliards de m3. La puissance installée permet de produire 5,6 TWh, mais l'intérêt principal du barrage est d'augmenter les superficies irriguées en Djézireh. Le barrage régulateur al Bath complète le dispositif tandis que, plus en amont, le barrage de Tichrin (1991) a une finalité purement énergétique.

L'irrigation en Syrie

Le projet, dont la mise en oeuvre souffre de nombreux retards, prévoyait l'irrigation de 640 000 ha nouveaux répartis en six grandes zones, le long de l'Euphrate jusqu'à la frontière irakienne et le long des deux affluents de rive gauche, le Balikh et le Khabour. On vise à irriguer 450 000 hectares de terres sèches sur la steppe et à bonifier le long des rives de l'Euphrate 160 000 hectares de terres déjà irriguées. Ainsi, les superficies irriguées syriennes pourraient être doublées. Le système agricole de la vallée de l'Euphrate pourrait être intensifié. Les rendements des cultures traditionnelles (blé, orge et coton) devraient être améliorés, de nouvelles cultures introduites : plantes fourragères, légumes, riz et surtout betterave à sucre (AYEB 1998).

Après quinze années d'efforts, le bilan des réalisations n'est pas à la hauteur des espérances initiales. L'intensification des systèmes de culture est lente à venir. La mise sous irrigation se heurte à de très sérieux problèmes techniques: salinisation des terres due au surpompage, trop forte concentration de gypse dans le sol, affaissement des canaux d'irrigation, pertes d'eau d'irrigation en réseau de l'ordre de 50%! 240 000 hectares sont, en principe, bonifiés mais l'irrigation effective concerne seulement 100 000 hectares actuellement. L'objectif fixé ne sera certainement pas réalisé. Les nouveaux colons, qui sont astreints à un système contraignant de coopératives, se recrutent avec difficulté: une nouvelle paysannerie a du mal à s'enraciner.

L'aménagement de la haute vallée du Khabour doit compléter le dispositif mis en place dans la vallée de l'Euphrate. Le plan vise à l'irrigation à terme de 360 000 hectares (moins de 100 000 le sont actuellement). Il repose sur deux types d'intervention. D'une part une dizaine de petits barrages et de prises d'eau ont été réalisés le long des petits affluents de la section amont du Khabour. La retenue globale pour cet ensemble est de 100 millions de m3. Par ailleurs, l'aménagement de la haute et de la moyenne vallée du fleuve se poursuit actuellement à une autre échelle. Trois ouvrages de moyenne capacité sont achevés: le barrage d'Hassaké-ouest a une capacité de retenue de 91 millions de m3, celui d'Hassaké-est 232 millions de m3 et celui du Khabour en moyenne vallée a une retenue beaucoup plus importante: 665 millions de m3. Au total c'est plus du milliard de m3 qui sont ou vont être mobilisés dans cette vallée du Khabour.

Enfin le long du cours frontalier du Tigre, les Syriens envisagent l'aménagement de stations de pompage pour la fourniture d'eau potable des villes de la région.

Au total, les infrastructures réalisées au cours de ces deux dernières décennies par la Syrie le long de l'Euphrate et de ses affluents autorisent une mobilisation d'au moins 13 milliards de m3. Tout ne sera pas utilisé pour l'irrigation mais plusieurs milliards de m3 viendront en déduction du débit actuel de l'Euphrate à son entrée en Irak. En même temps, symétriquement les Turcs, plus en amont, procèdent à la mobilisation d'énormes volumes d'eau ce qui ne sera pas sans effet sur le débit de l'Euphrate à son entrée en Syrie et par voie de conséquence en Irak. En effet la Turquie a compris que désormais la valeur acquise par l'eau, dans les rapports internationaux est fondamentale, et que sa position géographique dans le bassin du Tigre et de l'Euphrate était pour elle une clef pour ses velléités hégémoniques dans cette partie du Moyen-orient, aussi à l'instar de l'Irak et de la Syrie, la Turquie met sur pied un projet ambitieux d'aménagement et de contrôle des eaux du Tigre et de l'Euphrate ;ce projet surnommé le GAP (Güneydogu Anadolu Projesi) L'Euphrate représente, à lui seul, environ 45% du potentiel hydroélectrique de la Turquie. A partir d'un aménagement hydraulique du Tigre et de l'Euphrate, le Programme Régional de Développement de l'Anatolie du Sud-est vise à un développement intégré d'une vaste zone de 75 000 km2 incluant 6 départements d'Anatolie orientale peuplés de 6 millions d'habitants. La phase de réalisation est déjà largement entamée (MEHMETCIK 1997-OLCAY ÜNVER 1997-NAFF & HANNA 2002). Ce projet colossal est illustré à la figure ci suite :

Le Güneydogu Anadolu Projesi (GAP)

Sur l'Euphrate, le barrage de Keban -le plus en amont- dont la retenue est de 30 milliards de m3 est terminé depuis 1974; il fournit exclusivement de l'électricité (1,2 TWh). Le projet global, en aval de Keban, est beaucoup plus ambitieux. Une gigantesque opération hydraulique se décompose en treize sous projets: sept sur l'Euphrate et ses affluents et six dans le bassin du Tigre. Une dizaine de centrales hydro-électriques produiront 26 TWh, dont 8,1 pour Atatürk et 7,3 pour Karakaya.

Le barrage Atatürk, la pièce essentielle, (48 milliards de m3, soit deux fois le module moyen annuel du fleuve) est entré en service en 1992 et, depuis, ont été achevés d'autres barrages notamment Karakaya.et Birecik sur l'Euphrate, Ilisu sur le Tigre.

L'eau ainsi mobilisée doit allier la production d'énergie et l'irrigation. Sur une superficie cultivée de 3 000 000 hectares, 1 700 000 seront irrigués et consommeront 22 milliards de m3 d'eau/an. A partir de la retenue Atatürk, le tunnel hydraulique le plus long du Monde permettra l'écoulement de 328 m3/s (le tiers du débit de l'Euphrate) et l'irrigation de la plaine d'Urfa-Harran. Des canaux assureront, en outre, un transfert sur plusieurs dizaines de kilomètres de l'eau nécessaire à l'irrigation des régions limitrophes de la Syrie et notamment la plaine de Mardin-Ceylanpinar. Des pompages à partir de retenues le long du Tigre permettront la conquête de nouvelles superficies irriguées plus à l'est. Actuellement, la production électrique atteint 16 TWh et 120 000 hectares sont effectivement irrigués et 200 000 prêts à l'être. Quand tous les projets (22 barrages capables de stocker 110 milliards de m3: 101 sur l'Euphrate, 9 sur le Tigre et 19 centrales) qui intéressent aussi bien la vallée de l'Euphrate que celle du Tigre viendront à terme, on estime qu'entre 17 et 34% du débit sera absorbé. Si tout se passe comme prévu le débit de l'Euphrate en Syrie devrait être réduit de 11 milliards de m3 et celui du Tigre de 6. En outre, les risques de pollution en aval sont prévisibles (NAFF & HANNA 2002). Les eaux usées du GAP vont se déverser dans la zone où se forme la source du Khabour, l'affluent syrien de l'Euphrate. On peut deviner la vigueur des réactions syrienne et irakienne.

La politique gouvernementale en faveur de l'Est s'est concentrée sur ce projet gigantesque, érigé en véritable mythe du développement national. Le GAP est pour les autorités turques conçu comme une solution au sous développement de la partie kurde du pays et une réponse économique aux demandes d'autodétermination de ses habitants. Les effets d'impact sont assez spectaculaires. Le projet, qui inclut le transfert de la population de plusieurs centaines de villages et de la petite ville de Samsat, l'antique Samosate, et plusieurs dizaines de chantiers de fouilles archéologiques de sauvetage, est considérable. Le coût total est estimé à 32 milliards de $ US, soit le 1/5 du PNB annuel du pays. On souhaite donc rentabiliser au mieux ces investissements, en substituant à la céréaliculture extensive une agriculture irriguée intensive tournée vers les cultures industrielles, en premier lieu le coton. L'irrigation permettra aussi l'augmentation du rendement des céréales et des vergers et l'introduction de nouvelles cultures: soja, maïs, arachide, riz. L'électricité des barrages doit alimenter de nouvelles usines sur place au lieu d'être expédiée vers l'Ouest industrialisé. L'amélioration de l'habitat rural et le développement d'activités touristiques sont également programmés. Le but de ce plan ambitieux est d'arrêter le flux d'émigration en fixant la population avec des activités économiquement efficaces. Son achèvement est prévu pour 2013.

On devine aisément que tous ces aménagements viennent perturber le partage traditionnel des eaux entre les trois pays, déjà ceci préfigure un partage très difficile des eaux des deux fleuves.En effet Avec la poursuite des aménagements hydrauliques dans les cours syrien et turc du Tigre et surtout de l'Euphrate, les relations entre Etats, déjà fort délicates dans cette partie du Moyen Orient, se compliquent dangereusement. La question du partage de l'eau se greffe sur les autres questions en suspens (question kurde, non reconnaissance de certains tracés frontaliers) et contribue sérieusement à aggraver le contexte géopolitique. Les deux pays arabes d'aval: la Syrie et l'Irak se trouvent placés dans une inconfortable position de dépendance à l'égard de la Turquie (tableau 1). L'Euphrate, le Tigre et ses affluents coulent bien en Irak mais ils sont alimentés par des précipitations extérieures: 70% de l'alimentation est turque, 7% iranienne et 23% seulement irakienne. Cette situation ne posait pas de problème jusqu'alors dans la mesure où l'Irak était, de fait, le seul utilisateur. Il n'en est pas de même aujourd'hui avec les réalisations syriennes et turques.

 

Répartition de la superficie des bassins et du volume des débits (en %) entre les pays riverains du Tigre et de l'Euphrate (Beschomer 1992)

Cette situation n'est pas sans conséquences ; ainsi on dénombre pas mal de frictions entre non seulement la Turquie et les deux etats d'aval, à savoir la Syrie et l'Irak, mais également entre ces deux etats qui se disputent les eaux de l'Euphrate.Ainsi les crises interétatiques sont légion.

Elles ont été fort nombreuses depuis une trentaine d'années. Elles opposent évidemment la Turquie aux deux autres pays arabes. Mais les frères arabes ennemis (Syrie et Irak) s'opposent aussi violemment entre eux. Les premières discussions entre États riverains remontent à la décennie 1960. Une réunion tripartite de 1965 aboutit à un échec.

La construction du barrage de Tabqa a provoqué une vive réaction de la part de l'Irak d'autant plus, qu'au même moment, la Turquie mettait en eau le barrage hydroélectrique de Keban. L'Euphrate fournit en effet 37% des eaux d'irrigation de l'Irak. Le remplissage du lac Assad priva temporairement l'Irak d'une partie des eaux de l'Euphrate mais les évaluations des deux pays diffèrent. L'Irak prétendait n'avoir disposé en 1975 que de 9,4 milliards de m3 (moins du 1/3 du débit habituel) alors que la Syrie avançait le chiffre de 12,8 milliards de m3 l'équivalent de la consommation annuelle de l'Irak à l'époque. Devant la détérioration des relations entre les deux pays une médiation saoudienne fut tentée mais le projet saoudien de répartition proportionnelle des eaux n'eut jamais de suite. Il fallut l'intervention soviétique pour que la Syrie accepte de laisser s'écouler une quantité d'eau supplémentaire. Pendant la période de sécheresse des années 1980, l'Irak accusa plusieurs fois la Syrie de retenir les eaux de l'Euphrate. Les tensions entre la Turquie et ses voisins arabes sont récurrentes. Avec la Syrie, elles sont les plus fortes. La Turquie établit un lien avec le problème de l'Oronte. Entre la Turquie et la Syrie il existe, en effet, un contentieux de fond lié à l'annexion du Sandjak d'Alexandrette devenu le Hatay turc. En 1939, la France, puissance mandataire en Syrie, céda le Hatay à la Turquie pour s'assurer sa neutralité dans le conflit à venir avec l'Allemagne. La Syrie n'a jamais reconnu cette annexion du Sandjak d'Alexandrette parcouru par la partie aval de l'Oronte. L'eau de l'Oronte est actuellement, dans la partie amont du fleuve, mobilisée par la Syrie à plus de 90%. Depuis 1964, la Turquie propose à la Syrie un accord sur tous les cours d'eau communs aux deux États, en particulier sur l'Oronte, ce qui reviendrait à une reconnaissance syrienne indirecte de la souveraineté turque sur Alexandrette. Damas qui persiste dans sa revendication du Sandjak d'Alexandrette n'obtient pas de règlement satisfaisant à propos de l'Euphrate.

Plus récemment la décision unilatérale de la Turquie d'entreprendre le GAP a été perçue par ses voisins d'aval comme agressive et indélicate. La construction du barrage de Keban suscite, en 1972, des protestations officielles de la Syrie non pas à cause d'une baisse effective du débit (le barrage produit de l'électricité et doit régulariser le fleuve) mais parce que la Turquie démontrait qu'elle était capable de contrôler l'Euphrate en amont. L'affrontement le plus sérieux qui opposa la Turquie et ses deux voisins eut lieu lors du remplissage du lac de retenue du barrage Atatürk au début de 1990. La Turquie est accusée non sans raison de ne pas avoir honoré les engagements antérieurs (celui de 1987). Il y a eu effectivement rupture de l'alimentation en eau de l'Euphrate durant le mois de janvier 1990. En Irak, l'interruption de l'écoulement a conduit à une perte de 15% des récoltes. Récemment le désaccord a été manifesté à propos de la construction du barrage de Birecik (figure 4)

L' " arrangement " de 1987

Il n'existe aucun traité tripartite sur l'exploitation et la répartition des eaux entre les États riverains du bassin du Tigre et de l'Euphrate. Le traité de Lausanne de 1923 contenait une clause stipulant que la Turquie devait consulter l'Irak avant d'entreprendre des travaux hydrauliques. En 1962, la Syrie et l'Irak créèrent une commission mixte mais son rôle resta limité du fait de l'absence de travaux hydrauliques importants. Vers 1972/73 les deux mêmes pays firent des tentatives infructueuses pour négocier un accord sur l'Euphrate. L'imprécision du droit international en ce domaine ne facilite pas les choses.

Le seul arrangement consenti par la Turquie, en 1987, est un accord bilatéral avec la Syrie portant sur les quotas, la Syrie reçoit 500 m3/s (soit 15,75 milliards de m3-an) alors que le débit naturel de l'Euphrate à l'entrée en Turquie est de 28 milliards de m3-an. Un autre accord bilatéral syro irakien (avril 1990) prévoit une répartition proportionnelle des eaux de l'Euphrate entre les deux pays (42% pour la Syrie, 58% pour l'Irak) quel que soit le débit du fleuve soit en année "normale" 6,6 milliards de m3 pour la Syrie et 9 pour l'Irak.

Toutefois les crises ont été nombreuses entre les trois pays concernés que ce soit avant ou après la signature de ces accords.

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"Un démenti, si pauvre qu'il soit, rassure les sots et déroute les incrédules"   Talleyrand